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Carmina-Xu
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22

Alan déposa son ordinateur à côté de lui en le fermant et il soupira. La journée était passée bien plus vite qu’il ne l’avait imaginé. Ayana l’avait déconcentré en lui envoyant un message pour lui indiquer qu’elle rentrait dans une heure environ. Il souffla une nouvelle fois avec dépit face au constat de ses longues heures de recherches : rien n’existait au sujet d’un projet Dreams. Pas même de possibles études scientifiques ou universitaires. Cela ne menait à rien de continuer de creuser la question. La présence du premier mot renvoyait des millions de résultats et le second rien de probant, juste beaucoup d’informations liées à la HDC. Les deux jumelés ne faisaient rien ressortir dignes d’intérêt. En plus, certains sujets étaient censurés en Allemagne depuis quelques années, peut-être que ça en faisait partit. Il devait passer par d’autres moyen s’il voulait accéder à plus de données.

Il se redressa doucement pour s’assoir et resta immobile quelques minutes avant de se lever pour aller fumer. En vérité, il connaissait seulement cette dénomination. Il n’avait aucune idée à quoi elle faisait référence. Il pouvait toujours fouiller la documentation au sein de la société, mais il avait peu d’espoir de trouver quelque chose. Il souffla en regardant les nuages qui filaient sous la lueur du crépuscule. Des moyens parallèles existaient pour obtenir des informations, il savait qu’Hugo fonctionnait ainsi de temps à autre. Cependant, en tant que Passeur, c’était bien trop risqué vu la vision des Dreamers… Et c’était très couteux aussi. Enfin, ce point ne constituait pas un problème. Rien ne l’empêchait d’investir dans ce qu’il désirait, à l’abri des regards, notamment dans la cryptomonnaie.

Alan resta en suspens dans son mouvement. Ce genre de raisonnement ne lui ressemblait pas. Envisager d’emprunter des chemins détournés ou de soudoyer pour obtenir ce qu’il voulait ? Il s’accordait pourtant avec Monsieur Polen à penser que ça ne devrait pas exister. Ça lui rappelait bien trop son passé. Combien de fois certains avaient tenté de le faire miroiter en échange de son nom… Il se frotta les yeux, outre cet enfer, il avait aussi trop souvent vu ça à travers ses immersions. À tous les niveaux sociaux, il avait rencontré cette perversion qui traversait les temps. Encore une fois, il s’agaça. Il n’arrivait pas à sortir cette chose qui ressemblait à une chimère de son esprit. Il continuait de rester persuadé de son importance. Vivement qu’Ayana rentre, elle saura détourner son attention.

Il se gratta brièvement la nuque. Même s’il portait plus le dispositif, ça le démangeait encore. En revanche, il se réjouissait à l’idée qu’il allait enfin pouvoir rêver à partir de ce soir. Quel enfer ça aurait été s’il avait eu ça quand il était plus jeune. Il serait probablement tombé dans les Méandres étant donné les excès qu’il… Une vive douleur le prit, plus prononcé que d’habitude. « Les Méandres ». Un étrange sentiment le comprima en le mettant mal à l’aise. Il lança rageusement son mégot par-dessus le balcon. Encore ses foutues impressions de déjà-vu qui venait de nulle part après une pensée, une parole ou un bien geste ! pesta-t-il en retournant au chaud. Il en avait marre, il se fatiguait lui-même à force.

Il entendit une notification sur téléphone et il alla le récupérer pour jeter un œil. C’était la sonnerie générique, donc, ni Ayana ni Hugo ou même la HDC. Il ouvrit le message avec empressement lorsqu’il découvrit que le numéro de l’émetteur était français. En même temps qu’il attrapa de quoi grignoter dans la cuisine, il lut dans sa langue natale :

— Salut Niño, c’est Pablo ! j’ai pied à terre pour les deux prochains mois et j’ai ce numéro cette fois. Passe-moi un coup de fil quand tu seras dispo.

Alan lança l’appel sans attendre. Pablo ! Il n’avait pas eu de nouvelles de son oncle depuis six mois ! Il entendit à peine deux tonalités que ce dernier répondit aussitôt avec son accent espagnol toujours autant marqué :

— Niño ! Tu as rappelé vite, je ne te dérange pas au moins ?

— Non, c’est bon Pablo, je suis chez moi. Comment tu vas ? Ça fait longtemps que tu es rentré à Brest ?

— Tout juste deux jours, je viens d’ouvrir une ligne temporaire. Ça me fait plaisir de t’entendre gamin ! Qu’est-ce que tu racontes depuis tout ce temps ?

— Franchement, c’est merdique, râla-t-il en soupirant.

— C’est bien la première fois que je t’entends dire ça depuis que tu es en Allemagne.

— Bah en fait… J’ai eu un accident il y a trois mois. J’ai tout juste appris ce matin que je pouvais rependre le travail.

— Quoi ? s’emballa Pablo. Mais pourquoi tu ne m’as pas contacté avant ! Tu sais bien pourtant que ma société peut joindre les bateaux pour faire passer les messages urgents !

— Ça n’aurait rien changé, rétorqua Alan pour l’arrêter. Tu serais quand même resté coincé à te faire du mauvais sang ! Surtout que tu ne peux pas venir l’Allemagne dans l’urgence. Ayana se trouvait aux États-Unis, elle a forcé pour revenir plus vite quand elle l’a appris.

— Qu’est-ce qui t’est arrivé Niño ? Rien de trop grave j’espère ?

— À vrai dire… T’es sûr de vouloir savoir en détail ?

— Crache le morceau !

— Ok, ok… La machine que j’utilise à la HDC a déconné et m’a grillé un coup la tête, assez méchamment en vérité. On m’a mis quelques jours dans un coma artificiel, ça m’a flingué une oreille et un bout de mémoire. L’Amplificateur a été arrêté avant le pire. Depuis, j’ai un sonotone comme tu dirais et une canne. J’en ai besoin pour rester debout quand je marche, j’ai trop de vertiges et mon équilibre est à chier à cause de l’oreille interne.

— Putain Alan, t’es pas sérieux ! Tu aurais dû me contacter ! J’aimerais vraiment venir te voir, mais les frontières sont définitivement bloquées à cause de la militarisation. Tu as dû bien changer depuis la dernière fois que je suis allé à Marseille.

— Bah, j’ai quinze ans de plus ! s’amusa-t-il. Tu n’es plus loin de ta retraite, non ?

— Encore deux ans à tirer ! J’en vois enfin la fin ! En plus, ça devient franchement chaud en mer avec les Anglais depuis quelque temps.

— Ça devient énervé partout de toute façon.

— Ah ! Tu es là ! Je me suis inquiétée de ne pas te trouver sur le canapé !

Il se retourna de surprise, Ayana était de retour et bien sûr, elle ne se privait pas de se moquer de lui. Le pire, c’était qu’elle disait la vérité. Après qu’elle ait déposé son sac et qu’elle retirait sa veste, il lui rétorqua avec ironie :

— Tu devrais faire gaffe, je vais peut-être finir par fusionner avec. Désolé, Aya’ vient d’arriver, reprit-il avec Pablo.

— C’est Pablo ?

Il affirma d’un signe de main pour ne pas confirmer avec la tête. Alors qu’elle se dirigea vers le dressing, elle lui demanda de le saluer de sa part. Il se servit à nouveau dans le paquet devant lui et le fit :

— Ayana te passe le bonjour !

— J’aimerais bien la rencontrer ce bout de femme qui t’a secoué ! rit-il.

— Arrête, elle serait capable de me victimiser si elle le voulait ! ajouta-t-il sur le même ton.

— Ah, si seulement je pouvais vous rejoindre tous les deux…

— Je peux toujours essayer de faire jouer le rapprochement familial, tu sais. Je peux aussi voir avec la HDC pour obtenir de l’aide là-dessus.

— Je veux me débrouiller par mes propres moyens, je l’ai déjà fait une fois, je peux bien recommencer. Je ne peux pas vivre à tes dépens même si je sais que ce n’est pas un problème pour toi.

— T’es têtu… Garde-le en tête. Tu comptes beaucoup pour moi, même si l’on ne s’est pas souvent vu.

— Je m’en doute bien… Dis, j’ai une question.

— J’ai une question, répéta-t-il avec un rire.

— Ne commence pas avec ça ! En fait, ça va pas te plaire, mais par acquit de conscience je dois le faire.

— Quoi ? demanda Alan en perdant son sourire et en pensant savoir ce qui allait suivre.

— Est-ce que tu aurais eu de quelconques nouvelles de ta mère ? J’ai voulu la joindre, mais sa ligne existe plus.

Marika ? Il n’était pas sérieux là ? Il ne prit même pas la peine de retenir son ricanement qui le caractérisait tant à son plus grand désarroi. Pourtant, Pablo le savait… Il répondit en toute franchise, sans dissimuler son ironie acerbe :

— Tu me demandes si la personne qui m’a fait vivre un enfer pendant dix-huit ans et qui n’a pas signalé ma disparition m’a donné des nouvelles ? Mais quelle blague Pablo ! Même si elle venait à apparaitre sur le seuil de mon appartement, je la laisserai dehors et j’appellerai les flics. Tu sais aussi bien que moi de ce qu’elle est capable lorsqu’elle se met quelque chose en tête ! J’en suis une preuve vivante !

— Simple acquis de conscience Alan, répéta-t-il après un petit silence. J’ai l’impression que tu parles comme quand tu étais ado… Bref, c’est pas le problème. J’aimerai au moins savoir si ma sœur est vivante… Je vais tenter avec Fatima du coup.

— Ah ! Tu lui passeras le bonjour ! s’égaya Alan.

— Je n’y manquerai pas, elle sera sûrement contente d’avoir quelques nouvelles de toi. Allez, je te laisse, bonne soirée Niño, on se rappellera avant que je reprenne la mer !

— Pas de problème ! Bonne soirée aussi le vieux !

— Sale gosse, pesta son oncle avec humour avant qu’il ne raccroche.

Alan s’amusa en verrouillant son téléphone pour le mettre dans sa poche. Fatima… Il faudrait qu’il lui envoie un cadeau un jour, mais ça ne sera pas simple comme affaire. Elle avait tant fait pour lui par pure bonté, sans qu’il ne demande rien. Tous ces repas et parfois même des nuits qu’il avait passé chez elle alors qu’elle s’occupait déjà seule d’une fratrie de six garçons. Une femme admirable qui refuserait sûrement qu’il le lui offre quoique ce soit en retour. Il esquissa un petit sourire nostalgique. Elle lui apportait un semblant de réconfort. Il vit Ayana revenir en tenue large et décontracter. Il s’amusa en se moquant à son tour :

— En jogging, tu es un peu moins sexy, mais je…

— Avise-toi de finir ta phrase mon beau Français. Je sais très bien comment elle va se terminer !

— C’est ce qui fait mon charme non ?

— Pas tout à fait ! Je t’ai entendu rire tout à l’heure, il y a un problème ?

— Pas vraiment, Pablo a juste eu la bonne idée de me demander si j’avais des nouvelles de Marika. 

Ayana ne posa pas plus de questions et vint à lui en se mettant sur la pointe des pieds pour l’embrasser. Il passa les bras autour de sa taille pour l’empêcher de partir. Elle restait discrète et respectueuse vis-à-vis de sa « situation familiale » et de ce qu’il avait vécu en France. Cependant, il n’oubliait pas qu’il lui avait promis de lui en parler un jour. Elle posa sa tête contre son torse en lui remarquant d’un ton espiègle :

— Alors comme ça tu as proposé à Hugo de te promener dans sa tête ?

— Quel cafteur, s’amusa-t-il.

— Je suis contente pour toi que tu puisses reprendre tes fonctions, avoua-t-elle en se blottissant contre lui.

— Je dois encore mener une immersion test avant, mais les résultats étaient… très bons, je suppose. Je sors une bouteille pour fêter ça ? tenta-t-il pour corriger l’indécision qu’il venait d’avoir.

— Bonne idée ça ! se réjouit-elle en se redressant dans ses bras. J’imagine que tu as beaucoup à dire étant donné que tu as hésité !

— Et dire que j’ai osé espérer que tu ne le remarquerais pas !

Il la relâcha avant de se retourner et de s’accroupir devant sa cave à vin qui se trouvait derrière ses jambes. Il prit soin de bien rester accroché au plan de travail pour ne pas perdre son équilibre. Il vérifia sa réserve et demanda à sa femme :

— Tu veux un blanc ou un rosé ?

— Il y a bien que les Français qui se pose cette question ! s’amusa-t-elle. Hormis leur couleur, je ne vois pas vraiment la différence !

— Tu me blesses, tu sais ? ironisa-t-il. J’admets que c’est tout un art, mais quand même ! Je vais prendre celle-là, indiqua-t-il en choisissant une bouteille qu’elle allait adorer. Tu sors des verres ?

Elle s’exécuta non sans rire de sa répartie, ils aimaient se taquiner sur leurs nationalités respectives. Une Sud-Africaine et un Français aux origines espagnol et « autre » qui vivait à Berlin tout en communiquant en anglais… Il y avait de quoi plaisanter. Il servit deux verres qu’elle emporta aussitôt avec elle après l’avoir humé. Elle se rendit au salon en l’invitant :

— Je sens que tu as beaucoup de choses à me dire, on sera mieux dans le canapé que planté dans la cuisine !

Il soupira en prenant sa canne pour la suivre, mais il devait admettre qu’elle n’avait pas tort. Outre toutes les informations inédites que lui avait données Monsieur Polen, il possédait aussi un certain nombre d’interrogations qu’il pouvait partager avec elle. Ayana le laissa s’installer à son rythme et confortablement sur la banquette avant de lui tendre son verre et venir se blottir contre lui. Ils trinquèrent et il passa les doigts dans ses tresses quand elle rentra dans le vif du sujet :

— Dis-moi tout !

— Moi tout !

— Ah non ! Ne commence pas !

— Pablo m’a fait la même remarque tout à l’heure, s’amusa-t-il.

— Les tests ont été plus longs que prévu, remarqua-t-elle pour le ramener à la question.

— Oui… Monsieur Polen a insisté pour que je les repasse tous, ceux que j’avais faits avant d’être recruté en tant que Passeur.

— Tu en as fait combien ? J’en ai moi-même réalisé une quinzaine pour définir ma variance et quelles étaient les possibilités qu’elle offrait.

— Je ne sais pas en fait… Monsieur Polen les a faits d’un coup pour éviter les réveils. Il a même recommencé le premier plusieurs fois. Il disait que c’était pour ne pas trop stimuler mes fonctions cérébrales pour rien.

— Je vois, c’est logique… Mais il y a deux choses que je ne comprends pas. Pourquoi c’est lui qui s’en occupe ? Tu pouvais pourtant passer par un testeur. Et surtout pourquoi il a dû s’y reprendre ? On ne peut pas dire que c’est le genre de personne qui gère mal ce qu’il fait.

— Et bien justement, hésita-t-il. Je l’ai appris ce matin, mais c’est parce que les contrôles de base ne me sont pas adaptés… Voilà pourquoi il s’en occupe lui-même. Je crois que j’en ai fait une quarantaine sur six ans, indiqua-t-il après avoir réfléchi.

— Autant ? La plupart des Passeurs font trois ou quatre tests, j’en ai fait bien plus parce que ma variance paraissait étrange…

— Je ne comprends pas plus que toi… À vrai dire, les premiers mots que m’a sortis Monsieur Polen après m’être réveillé ont été : « c’est fascinant ». Il m’a expliqué que ma variance ne fonctionnait pas comme celle du Passeur Américain. Avec les autres dirigeants de la HDC, ils pensent que ce n’est pas une mutation, mais une anomalie du gène… De plus, les mesures ont augmenté malgré l’accident alors qu’elles étaient déjà élevées à la base.

— Mais comment c’est possible ça ? Je n’ai jamais entendu parler qu’un truc comme ça existait. Les moyennes n’évoluent presque pas normalement !

— Franchement, je n’en sais pas plus que toi. J’ignorais que je faisais saturer les tests…

— Quoi ? Enfin, non, tu n’as probablement pas la réponse. Est-ce que tu as déjà regardé ton dossier interne à la HDC ? Ils retranscrivent tout.

— Jusqu’à maintenant, je m’en étais pas préoccupé, mais j’y ai pensé ce matin. J’envisage de le récupérer pour jeter un œil et comprendre tout ce bazar qui me tombe dessus sans prévenir. J’aimerais rester discret aussi. Je me demande pourquoi Monsieur Polen ne m’en a pas parlé, même s’il jugeait que ce n’était pas nécessaire.

— Sérieusement ? « Pas nécessaire » ? releva Ayana. Alors que tu es potentiellement unique comme ma variance ? Un truc cloche.

Alan devint pensif, elle avait raison et il avait abouti à un constat identique. En revanche, il ne voulait pas rentrer en conflit avec la HDC, même indirectement parce qu’il cherchait à en savoir plus. Ayana proposa après un bref instant de réflexion :

— Je vais m’occuper de récupérer ton dossier, c’est probable que je retourne au siège avant toi. Je connais du monde, et pas que parmi les Passeurs et les autorités, rappela-t-elle. Souvent les « petites mains » de la HDC sont source d’informations. En prétextant le motif médical aux bonnes personnes, ça passera.

— Tu ne peux pas faire ça, protesta-t-il. On n’est même pas marié !

— Mais pour la HDC, c’est comme si nous l’étions déjà, renvoya-t-elle. Alan, je ne sais pas pourquoi tu t’en prives, mais n’oublie pas que nous sommes des Passeurs. Nous avons bien plus de droits que tu ne l’imagines.

— Je sais… C’est juste que je n’aime pas ça. Cependant, je ne t’en empêcherai pas. Même si je le voulais, tu ne m’écouterais pas.

— Tu me connais bien, s’amusa-t-elle. Alan, j’ignore ce que tu as vécu pour que le tabou fasse partie de tes principes… Mais il y a une différence entre être réduit au silence et choisir de l’être. Nous occupons les deux camps, mais j’estime que ça ne t’apportera rien de bon de rester contraint.

Alan se contenta de boire pour masquer un tant soit peu son absence de réponse. Il le savait, elle avait raison, mais il refusait de l’admettre. Il ne voulait pas lui avouer son passé de gamin maltraité et solitaire alors qu’elle venait d’une famille aisée. Cependant, s’il y avait bien une personne sur qui il pouvait compter avec Hugo, c’était elle. Il posa sa tête contre la sienne. Qu’est-ce qu’il ferait sans elle ?

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