Loading...
Link copied
Loading...
Loading...
Mark all as read
You have no notification
Original
Fanfiction
Trending tags

Log In

or
@
Carmina-Xu
Share the book

12

Tout un groupe d’hommes escorta Alan à travers le siège de la HDC jusqu’à un des parkings souterrains. C’était vraiment étrange, il avait l’impression de devenir une personnalité publique d’un coup. Certains Passeurs étaient accompagnés de gardes du corps, mais pas par toute une équipe. Il découvrit six voitures banalisées et identiques. Ils poussaient le vice en créant des leurres pour le protéger ? Est-ce que la menace de Nightmare les mettait à ce point sur la défensive ? L’inspecteur lui ouvrit la portière arrière de l’une d’entre elles en lui faisant signe de monter. Il s’installa avant que monsieur Bernam ne vienne à ses côtés.

Doucement, les différents véhicules s’organisèrent avant de prendre la direction de la sortie de service pour davantage renforcer leur discrétion. Il devait reconnaitre que c’était assez impressionnant d’être au milieu d’une telle sécurité. Par réflexe, il engagea la conversation sur un ton formel. Le trajet ne s’annonçait pas long, mais le contexte le rendait nerveux. Heureusement que la clinique se situait à quinze minutes du siège… En parlant du dossier, Alan finit par confesser l’une de ses craintes :

— J’espère que je ne vais pas avoir un réveil mouvementé aujourd’hui.

— C’est-à-dire ? Je trouve la faculté des Passeurs de rêves surréaliste. Je ne raconte pas la variance de Madame Bathily.

— J’admets qu’elle est complexe, j’ai moi-même du mal à comprendre sa théorie, si les lois ne nous le permettaient, j’aimerais l’observer en direct. Mon insensibilité aux défenses de type entité ne paie pas de mine à côté d’elle. Mon précédent dossier m’a secoué plus que prévu, ajouta-t-il après une hésitation.

— Ah je vois, un patient compliqué ? Je pensais que les Passeurs pouvaient mener des interventions communes… Vous semblez d’ailleurs bien connaitre Madame Bathily, releva-t-il en levant les yeux sur lui.

— Vous avez tout à fait raison, La HDC positionne parfois deux Passeurs sur un même dossier pour accomplir des immersions communes. Cependant, ce n’est réalisable que dans le cadre professionnel. Concernant Ayana… L’information n’est pas publique étant donné que nous ne sommes pas mariés, mais je suis son conjoint. Les lois éthiques nous interdisent de toucher aux songes de notre entourage direct.

— Ah je vois… Je reconnais que les législations qui concernent les rêves sont… imbouffable. Je ne trouve pas d’autres mots. Cependant, elles sont nécessaires. C’est ce qui vous différencie des Visiteurs.

Les Visiteurs… Voilà un non-dit que l’inspecteur soulevait. Peu détectable, s’ils se protégeaient bien, et dont les activités se révélaient bien moins louables que celles des Passeurs. En tout cas, Marius ne semblait pas vouloir creuser davantage le sujet. Tant mieux. Il devint hésitant, une interrogation le parasitait depuis leur rencontre au siège. Il ignorait si l’inspecteur allait accepter de lui répondre. Il se lança tout de même, qui ne tentait rien n’avait rien :

— Puis-je vous poser une question qui sort du cadre du dossier ?

— Vous pouvez toujours essayer, indiqua-t-il après une légère réflexion.

— Vous m’avez placé sous surveillance quand je suis arrivé en Allemagne en 2028 ?

— Oui, admit-il après un petit silence. Cependant, ça n’a duré que deux ans, Monsieur Polen nous a expressément demandé l’arrêt et s’est porté garant de vos agissements. On connait tous ses valeurs pour le moins… Intransigeante. Votre potentiel a clairement pesé dans l’affaire. Vous semblez bien comprendre pourquoi nous sommes méfiants à votre égard, souffla-t-il d’un air suspicieux.

— Monsieur Bernam… Je suis français et qui plus est natif de Marseille. Je sais que trop bien à qui l’on me relie à chaque fois que je prononce mon nom. Je vous laisse imaginer pourquoi j’ai quitté le pays quand l’occasion s’est présentée. J’ai souvent terminé au poste de police sans motifs quand je donnais mon identité. Par chance, comme j’étais mineur et qu’ils n’avaient rien à reprocher, mon casier est resté vierge.

— Je trouve que la France a un sérieux problème de tolérance qui ne s’arrange pas depuis ces dernières années…

— La montée de l’extrême droite, j’imagine… Les services publics ont déserté la zone où j’habitais. Trop dangereuse. Je ne pourrais pas dire le contraire. En plus de mon nom, je suis un métis. Je ne compte plus le nombre de fois que l’on m’a dit que j’avais une « tête d’arabe » alors que j’ai des origines espagnoles.

— Ils ont une case en moins… Avec tout mon respect, se reprit-il aussitôt.

— Vous pouvez bien penser ce que vous voulez. Je n’ai pas remis les pieds en France depuis 2028 et je n’envisage même pas d’y retourner un jour. Comme on m’a déjà dit une fois, « je ne suis plus vraiment français ».

— C’est quand même triste comme réflexion, surtout pour votre famille.

— Famille ? répéta-t-il en se retenant d’échapper son insupportable rire. La seule personne que je considère comme telle passe huit mois sur douze en haute mer. Même si je l’ai rarement vu, il essayait de m’aider.

— C’est vrai que vous aviez une situation assez complexe…

— Le mot est bien faible. Je suis bien mieux ici.

Marius n’ajouta rien de plus. Peut-être que son ton désabusé avait favorisé ce silence. Comment pouvait-il le contenir après dix-huit ans de cauchemar ? S’il pouvait sciemment oublier une partie de sa vie, ça serait sans l’ombre d’une hésitation celle-ci. Néanmoins, il recentra ses réflexions. Ils étaient presque arrivés, la clinique devenait visible dans le paysage urbain. Il connaissait assez bien cette structure de la HDC, il y avait déjà mené plusieurs immersions.

Toujours strictement encadrés par les autorités qui l’accompagnaient, ils furent accueillis par le directeur en personne. Encore une fois, cet homme lui porta bien plus d’attention qu’à l’inspecteur à ses côtés. Qu’est-ce qu’il détestait ce type de manœuvre... Malheureusement, il devait le supporter. Bien s’entendre avec un Passeur était plus intéressant que les autorités, surtout dans le milieu médical. Alan écourta la discussion. Depuis hier, il sentait qu’il n’avait pas la patience nécessaire pour ce genre de situation. Il demanda directement ce qu’il voulait : qu’on le conduise à son patient. 

Durant une bonne dizaine de minutes, ils traversèrent la structure sans qu’il écoute vraiment la conversation du directeur et de monsieur Bernam. Il réalisa soudainement qu’ils venaient de rentrer dans une partie de la clinique qu’il ne connaissait pas : la section des soins intensifs. Ça n’avait rien de surprenant d’après ses données. En revanche, ce qui l’était, c’était les trois agents poster devant une porte plus loin. Putain, il n’avait jamais vu une si haute surveillance ! Aussi bien pour son patient que pour lui !

Alan découvrit la chambre. Elle ressemblait aux autres en soi, mais celle-ci possédait en plus un espace annexe qu’une baie vitrée délimitait : une salle de contrôle. Du personnel allait se relayer pour suivre son immersion via les constantes. Que ce soit celle de monsieur Prévost ou bien les siennes.

Il retira sa veste et défit sa cravate pour pouvoir être branché. Il ouvrit le col de sa chemise puis roula ses manches tout en posant son regard pour la première fois sur l’homme inerte dans son lit. Robert Prévost. Il avait plus l’impression qu’on le maintenait en vie qu’autre chose. Un accident de voiture ? Quand il voyait son état, il se disait que sa survie relevait du miracle. Les membres plâtrés, minerve, d’énormes contusion et coupure, probablement des broches dans tout le corps… Mais ce qui le déstabilisait, c’était le sifflement de son assistance respiratoire. Ce son le perturbait. Il se frotta le visage. Stop, ce n’était pas le moment.

Il ferma les yeux. En dépit du léger brouhaha qui régnait autour de lui, il s’efforça de se concentrer sur son souffle et ses exercices. Il devait se vider l’esprit et surtout se préparer à faire de longues secondes de tonneaux. Il devait vivre le souvenir du crash pour tenter de démasquer Nightmare. Vu l’état de la voiture qu’il avait aperçu durant la réunion, dire que ça allait secouer était un euphémisme. Il en avait surtout besoin pour chasser ses propres pensées. Pourquoi tant de choses s’étaient réveillées chez lui ? C’était de loin l’affaire la plus importante de sa carrière. Il devait se reprendre. Il entendit un médecin lui demander :

— Pouvez-vous prendre place afin que je puisse vous équiper ?

— Bien sûr, accepta-t-il en ouvrant les yeux.

Il s’installa sur le fauteuil qui venait d’être déplacé à côté du lit et termina de détacher suffisamment sa chemise pour que l’homme puisse poser des capteurs. Le professionnel activa les machines qui allaient suivre son état au fur et à mesure. Il le questionna en même temps qu’il lui passa un tensiomètre au bras :

— Connaissez-vous vos seuils d’alerte pour un réveil d’urgence ?

— Oui, j’ai été réévalué lundi. Si pendant cinq minutes je dépasse un bpm de cent-quatre-vingts et une tension de dix-huit, vous pouvez lancer la procédure. Si à ceci s’ajoute une fréquence respiratoire supérieure à cinquante, n’attendez pas le délai.

— Bien. Je n’ai plus qu’à finir de configurer le matériel avant que vous puissiez débuter.

Le médecin s’affaira sur l’une des machines tandis que l’inspecteur revint le voir en se renseignant :

— Combien de temps pensez-vous que cela va vous prendre ?

— Si Monsieur Prévost répond encore aux standards, atteindre le niveau trois devrait durer quatre heures tout au plus. Cependant, vu la situation, ça peut devenir plus long comme l’inverse.

— Je vois. Vous pouvez m’indiquer vos conditions d’immersion ?

Alan reporta son regard de son patient à l’inspecteur avec un air quelque peu sceptique. Pour quelqu’un qui avait du mal à concevoir ce qu’accomplissaient les Passeurs, il savait poser les bonnes questions. Il avait l’habitude de travailler avec la HDC… Et probablement avec Ayana, les siennes s’avéraient particulières. Il précisa :

— Même si l’on me réveille difficilement une fois immergé, je souhaite que l’on ne me touche pas. Ça peut me faire perdre en stabilité. Je demande également que la salle reste silencieuse jusqu’à ce que je pénètre le rêve. Les paroles risquent de me déconcentrer. Vous pourrez reprendre dès que le médecin vous confirmera mon immersion.

— Bien. Passons dans le bureau de suivi, indiqua l’inspecteur à quelques personnes. Vous pouvez débuter dès que possible, précisa-t-il à Alan.

— Docteur, pouvez-vous déplacer le bras de monsieur Prévost ? J’ai besoin de lui tenir au moins les doigts pour créer un lien.

L’homme s’exécuta et Alan se laissa un peu glisser sur l’assise du fauteuil pour trouver une position confortable. Avec précaution, il enroula ses doigts autour de ceux de son patient qui semblait cassé. Il l’observa une dernière fois en silence. Son affreux pressentiment à cause de Nigthmare ne le quittait pas. Robert Prévost… Quel secret cachait-il pour devenir l’une de ses victimes ? C’était son métier de découvrir ce genre de chose. Il jeta un œil à l’heure au mur pour obtenir une référence de temps. Il était dix heures huit. Il ferma les yeux et se concentra. Ses longues respirations le firent glisser dans l’état de semi-conscience, attiré par les étranges vibrations qu’émanait le rêve de son hôte.

Comment this paragraph

Comment

No comment yet