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Carmina-Xu
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16

Alan bascula la tête et une vive douleur le traversa, atroce, comme des aiguilles. Il avait complètement saturé, il ne voyait pas d’autre explications. Il se sentait si loin, même ses réflexions lui semblaient bien plus au ralenti que d’habitude. Des formes grossières s’animaient devant lui, des sons résonnaient sans qu’il arrive à les comprendre. Le retour de force… Il était violent cette fois. Le temps s’écoulait, mais il en avait perdu la perception. Peut-être qu’il rêvait encore…

Une nouvelle fois, une onde irradia son crâne en bougeant. Non, il était bel et bien revenu à lui et une putain de migraine allait le coucher quelques jours. Au fur et à mesure que sa vision redevint nette, il comprit que la masse floue devant lui était un médecin. Où se trouvait-il déjà ? L’immersion… Ses pensées repartirent à cent à l’heure en même temps qu’il prit conscience de son cœur qui battait à une vitesse folle. Une terrible tension secouait ses muscles et tout son corps, son souffle était saccadé et rapide, comme s’il manquait d’air…

Le flux soudain d’informations lui fit l’effet d’une claque. Un putain de cauchemar. Ça ne pouvait pas être vrai… Son regard parvint enfin à se focaliser à nouveau et il le baissa sur ses mains. Il tremblait comme jamais. Le rôle qui l’avait sorti de la misère n’était qu’une vaste farce ! Tout n’était que mensonge !

Il commença à porter attention à ceux qui l’entouraient et ses yeux s’arrêtèrent sur Simon et Mateus qui se trouvait dans le bureau annexe. Le premier se montrait grave et soucieux, le nez plongé sur les écrans devant lui. Cependant, il se figea en croisant le regard de son garde… Nigthmare ! Visiblement, il devinait toutes ses découvertes vu le sourire glaçant qu’il lui adressait et qui contrastait affreusement avec son air sévère. Il lui mima du doigt le silence pour lui signifier que sa menace était réelle. Mais quelle enflure ! Ils l’ont piégé ! Il n’avait pas le droit de dire un mot sur cet enfer ! Marius le distrait en s’installant à côté de lui et il reporta sa concentration sur lui. À sa grande surprise, il paraissait inquiet. L’inspecteur lui demanda :

— Est-ce que vous allez bien Monsieur Ribes ?

— Comme quelqu’un qui a fait de tonneaux après avoir percuté une glissière de sécurité à pas moins de deux-cent-dix kilomètres par heure, commenta-t-il sans réfléchir. J’ai un de ces mal de chien… Je suis saturé, ajouta-t-il en posant une main sur son front.

— Que pouvez-vous me dire à chaud ?

— Nightmare a bien provoqué l’accident, confirma-t-il après un silence pour choisir ses mots. Il a tiré sur le conducteur et c’est un coup de volant qui nous a envoyé dans la rambarde vue la vitesse. Je… Je n’ai rien pu extraire de probant sur ce souvenir.

— À quel niveau du rêve avez-vous eu cette trace ?

— Au deuxième.

— Mais jusqu’où êtes-vous allé ? Vous avez plusieurs fois manqué de peu d’enclencher la procédure d’urgence et vous avez dépassé toutes vos limites de stress d’un coup ! Vous avez même eu un pic de deux-cents battements par minute. Plus important… Votre immersion a duré presque sept heures !

Alan glissa sa main et se frotta nerveusement les yeux en serrant des dents. Deux-cents ? Une chance qu’il soit un sportif, sinon son cœur n’aurait vraiment pas apprécié. La notion du temps restait encore confuse, sept heures ? Même aller jusqu’aux émotions n’était pas si long sans compter le fait que ça lui avait juste paru une petite heure… Il jeta aussitôt un œil à sa montre pour se remettre en phase avec la réalité et surtout le croire : seize heures cinquante-six. Merde… Il admit :

— J’étais en train de chuter dans le cinquième niveau quand le réveil de force a été enclenché. Je parie qu’ils ont poussé à fond le stimulus, commenta-t-il en constatant que ses mains tremblaient toujours.

— « Chuter » ? répéta Marius d’un air sceptique. Vous êtes allé bien plus loin que vos autorisations.

— Je sais. Le rêve s’est avéré bien plus instable que prévu et la déstructuration avancée. Juste après l’accident, ça s’est gâté. J’ai encaissé des phénomènes de résonance et des distorsions étranges. Je me trouvais par moment à traverser les niveaux comme si je chutais. Je crois bien que c’est la pire immersion de ma carrière…

— Pourquoi n’avez-vous pas forcé votre réveil ?

— Je n’y arrivais pas, mentit-il sans hésiter. C’est une première pour moi.

— En tout cas, j’imagine que vous avez dû beaucoup observer. J’espère que certaines données seront exploitables pour l’enquête.

Alan retint une grimace, il en avait vu bien trop à son gout. Il avait déjà menti pour ne pas avouer qu’il avait refusé de se réveiller pour en apprendre plus. Quand il l’avait souhaité, c’était trop tard, il ne pouvait plus. Il reposa sa tête dans ses mains, elle lui faisait affreusement mal. Tout se mélangeait et pourtant, il se souvenait très bien de l’horreur qu’il avait découvert. Des renseignements, ils allaient en avoir ! Et pas que sur Nightmare !

Il se redressa pour chercher Mateus des yeux, mais il avait disparu avec Simon. Qu’ils se cachent, cette fois son silence n’allait pas jouer en leur faveur ! Peu importe ce qu’il avait accompli jusqu’à maintenant, le projet Dreams ne pouvait rester dans l’ombre. Cependant, il sentait aussi le poids du regard de l’inspecteur sur lui. Il lui servit pour obtenir un tant soit peu la paix :

— Je pense que vous aurez peut-être plus que nécessaire. Je n’arrive pas à organiser mes souvenirs, tout se mélange. La saturation est signe que j’ai accumulé beaucoup d’informations. L’Amplificateur récupéra ma mémoire sans problème.

— Je ne m’en fais pas. Ayana est bien la seule Passeuse que je connaisse à ne pas être éprouvée par les immersions dans le domaine judiciaire. Quand comptez-vous utiliser la machine ?

— Je souhaite m’y rendre le plus tôt possible. La décharge m’aidera à soulager ma mémoire. J’aimerais juste prendre un temps pour bien retrouver mes esprits avant de partir.

— Bien. Nous allons vous escorter jusqu’à la HDC comme convenu. Actuellement, votre tête constitue une précieuse source d’informations.

Précieuse ? Oh que non. À ses yeux, c’était plutôt une boite de Pandore. Quand elle allait être ouverte, les conséquences s’annonçaient terribles. Que se passera-t-il lorsque toutes les données qu’il avait accumulées seront révélées au grand jour ? Il allait perdre son boulot, ça, c’était sûr. Au-delà, c’était aussi toute une économie, une société qui allait s’effondrer. Pour la première fois, il jugeait qu’il en savait bien trop. Des secrets, il en connaissait tant, mais là, c’était tout simplement impossible de vivre avec.

Avec difficulté, il se leva et quitta la salle en indiquant qu’il allait dégourdir ses jambes et se rafraichir. L’inspecteur ne s’inquiéta pas qu’il parte seul, c’était une clinique de la HDC après tout. De plus, le niveau de sécurité était aussi élevé que le siège. Il trouva rapidement les sanitaires bien qu’il ne connaissait pas vraiment cette section.

En entrant dans la pièce, il se dirigea aussitôt au lavabo en face de lui et s’arrosa abondamment le visage. Peut-être qu’il allait réussir à mettre un tant soit peu d’ordre dans ses pensées. Il s’appuya sur la vasque et laissa tomber sa tête en jurant à cause de la situation. Il en avait vu des trucs pas clairs durant des immersions, mais là ça avait atteint un tout autre niveau. Réfléchir et chercher dans ses souvenirs n’arrangeait pas sa migraine.

Les faits dataient de 2025 et le projet Dreams paraissait déjà assez avancé. Depuis quand ce programme existait ? Quant au spécimen zéro… Il ne savait pas quoi en déduire. Son traitement semblait tout bonnement inhumain, mais il avait l’air de l’être vraiment. Il supposait que c’était lui qui les avait tous emportés. « Je suis le Feu et je serais votre enfer ». Cette phrase ne cessait pas de lui revenir à l’esprit, une affirmation du début à la fin. Comment devait-il gérer un tel secret ? Même le Chancelier était impliqué ! Il renforça sa prise sur la vasque et serra des dents. Dans quelle merde il se trouvait maintenant…

 Alan redressa la tête en entendant la porte claquer dans son dos et regarda à travers le miroir pour vérifier. Mateus… Une grimace mauvaise déforma son visage tandis que l’agent s’appuya sur l’accès et croisa les bras dans un calme olympien. Il lui coupait toute fuite et bloquait le passage à tous ceux qui voudraient entrer. Visiblement, c’était justifier qu’il insupportait cette personne ! Il était prétentieux et ne semblait rien prendre au sérieux alors qu’en vérité, c’était un calculateur. Cependant, ce n’était pas son habituel sourire narquois qu’il voyait, mais l’officier qu’il avait croisé dans ce cauchemar. Fermé et menaçant.

L’air devint lourd, sa simple présence l’oppressait. Comment pouvait-il dégager un tel ressenti ? Inévitablement, son rire nerveux qui se rapprochait d’un ricanement mauvais aux sonorités changeantes lui échappa. Ses nerfs lâchaient, il ne parvenait plus à retenir ce tic qu’il détestait. Néanmoins, il prit l’initiative, non sans masquer son ironie :

— Mateus Müller, que me vaut cette visite aux sanitaires ?

— Tu dois bien t’en douter Alan… Ta variance s’est finalement retournée contre nous.

— Je ne vois pas ce que mon insensibilité aux défenses vient foutre dans cette histoire, rétorqua-t-il sèchement, à cran.

— Tu n’as toujours pas compris pourquoi Simon s’est donné autant de mal pour te faire devenir Passeur ? Je te pensais plus intelligent que ça même si tu sais garder le silence… Dire que tu m’impressionnais presque pour un sale gamin sorti de la misère. Maintenant, la question c’est plutôt : qu’est-ce qu’on va faire de toi ? Juste ta réaction en nous regardant à ton réveil nous a permis de comprendre que tu en as trop vu.

— Je ne peux pas dire le contraire « colonel Müller de l’armée européenne unifiée », approuva-t-il toujours sur un ton égal au sien. J’aurais aimé ne jamais apprendre l’existence de ce projet… C’est particulièrement gênant pour la HDC que je connaisse tout ça en plus de ton autre identité ! Interpol en sera ravi, ricana-t-il encore une fois malgré lui.

— Ne me titre pas, prévint-il sévèrement. Comment as-tu deviné ? Même si Prévost savait pour Nightmare, j’ai toujours pris soin de me camoufler.

— Je t’ai vu pour la première fois dans le rêve de monsieur Wang. Ensuite durant la réunion quand l’inspecteur présentait les données. Puis avec Prévost… Le lien ? Le sourire oni avec lequel t’as caché ta colère lorsque le réveil du spécimen zéro a été décrété… Et ton visage n’est pas le seul détail que je sais sur Nightmare.

— Vraiment ? rétorqua-t-il avec prétention, mais irrité.

— Vous êtes dix-sept. Tu l’as si bien dit, « tu n’es pas le seul cauchemar caché dans l’ombre d’un rêveur ».

— Vous êtes chiants les Passeurs, siffla-t-il en perdant sa légèreté. Vous analysez tout. Surtout toi d’ailleurs.

— Vous avez voulu un bon élément et je me suis efforcé à l’être… À qui la faute ? se moqua-t-il sans retenu. En attendant, c’est clair que vous êtes bien emmerdé.

— Tiens donc ? Et pourquoi ? Éclaire-moi Alan. Je pourrais m’occuper de toi sans le moindre problème.

— Tu ferais disparaitre le meilleur Passeur d’Europe de manière totalement inexpliquée ? Ne pense pas te rabattre sur Ayana, sa variance est bien trop précieuse pour la HDC, anticipa-t-il.

— C’est vrai, tu as raison, admit Mateus en ricanant à son tour. En revanche, on se poserait nettement moins de questions pour un certain Hugo Stein s’il avait un accident malencontreux.

Alan perdit sa langue malgré que sa nervosité la déliait. Non, pas Hugo… Son ami avait toujours gardé ses distances avec la HDC pour ne pas créer un quelconque conflit entre la société et les médias. Au même titre qu’Ayana, il était une personne qu’il considérait comme sa famille. Cette menace lui fit l’effet d’une douche froide. Il avait une migraine horrible et Mateus le mettait en alerte. Il continuait de serrer la vasque pour ne pas montrer son désarroi, mais juste son amertume. Mateus lui posa une question qui le rendit encore plus nerveux :

— Que sais-tu du spécimen zéro ?

— Peu de chose, admit-il après un temps de réflexion chaotique. Je n’ai que des suppositions. Comment avez-vous pu manipuler un homme ainsi alors que ses capacités se révèlent hors norme ? Il vous a tous emportés dans ses Méandres ?

— N’imagine pas qu’il soit humain… C’était tout à fait approprié comme traitement pour un monstre de son genre.

— « Je suis le Feu et je serais votre enfer »Il vous a tous happés n’est-ce pas ? insista Alan.

Il voulait entendre cette réponse, savoir s’ils avaient réellement réussi à sortir de l’Âme de cet homme. Cependant, la réaction qu’il obtint ne fut pas celle attendue. Mateus tressaillit dès ses premiers mots en resserrant ses mains sur ses bras. Sa mâchoire se contracta et ce qui traversa son regard… Il ne parvint pas à le définir, mais il venait de déstabiliser cette armoire à glace. Ça lui permettait d’apercevoir la profondeur du traumatisme qu’il avait subi. Mateus ne montrait jamais un semblant de faiblesse. Finalement, avait-il vraiment envie de savoir ce qui s’était passé dans ce rêve ? En contradiction, il voulait en apprendre plus sur ce fiasco. Il remarqua alors que Mateus restait silencieux :

— Il va falloir que tu songes à me laisser partir avant que Monsieur Bernam se demande pourquoi je prends autant de temps.

— Oh, mais je n’ai pas l’intention de retenir plus longtemps. Tu n’as pas terminé ton intervention malgré tout, lança Mateus avec un air énigmatique.

— Je veux savoir une chose avant.

— Quoi donc ? N’espère pas avoir des réponses…

— Montre-moi ta cicatrice, lança-t-il sans faillir en le coupant.

Mateus parut surpris, puis pensif avec un regard de juge. Avec un soupire de résignation, il tira son col. Encore une fois, la forme de sa brûlure frappa Alan. Il l’avait trouvée étrange la première fois quand il l’avait partiellement vu. Maintenant qu’il l’observait plus en détail, il avait l’impression qu’elle ressemblait à l’empreinte d’une grande main qui lui aurait serré la gorge… Xin ! La sienne possédait un aspect similaire s’il les comparait ! Sa question fusa avant même qu’il puisse se retenir :

— Qui vous a fait ça ?

— « Je suis le Feu et je serais votre enfer », répéta-t-il en se redressant pour libérer la porte. N’oublie pas que tout ce qui se trouve dans ta tête est la propriété de la HDC, rappela-t-il avant de quitter les sanitaires.

Alan relâcha le lavabo en sentant le poids de la présence de Mateus disparaitre. Il déglutit difficilement et se passa à nouveau de l’eau sur le visage. Il partait, sans rien dire ou faire de plus, alors qu’il en avait trop découvert ? Il savait très bien que sa mémoire appartenait à la société, mais qu’il le rappelle ainsi sonnait comme une menace. Que pouvait faire la HDC contre lui exactement ? Le BKA allait avoir accès à toutes les données que l’Amplificateur allait récupérer. Cette machine était dangereuse… Pourtant, aucun incident n’avait été recensé jusqu’à maintenant. Il prit quelques minutes pour retrouver une contenance correcte. L’inspecteur ne devait en aucun cas remarquer à quel point il se trouvait dans la tourmente.

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