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Chiara
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Chapitre 5

Trois coups secs cognent à la porte de la chambre tandis qu’Aliona finit d’attacher ses cheveux.

—   Un instant, dit-elle à l’intention du visiteur.

La jeune femme replace le rubis qui sert de pendentif à son collier avant d’aller ouvrir.

—   Dépêche-toi on va encore être en retard, râle Ayden dès que le battant s’ouvre.

Lucie se tient à ses côtes tout sourire. Elle pose une main sur le bras de son tout nouvel époux pour lui faire signe de se calmer. Elle sait à quel point ce dernier peut se montrer pressant, surtout lorsqu’il est stressé. Les yeux d’Aliona se posent immédiatement sur la bague sertie s’une magnifique émeraude à l’annulaire gauche de son amie. Ce bijou correspond parfaitement à son amie.

—   On a deux secondes, tu sais ! Pas la peine d’esquiver les salutations, le réprimande doucement Lucie. Salut Ali ! Comment te sens-tu ?

Aliona croise ses bras sur sa poitrine.

—   Tu ferais mieux d’écouter ta femme, frangin… Joyeux anniversaire à toi aussi, Ayden, lance-t-elle sarcastique. Je vais très bien Lucie, merci, dit-elle à l’intention de son amie.

Lucie scrute Aliona de ses yeux verts. Elles se connaissent trop bien. Son regard se fait plus dur quand elle constate les traits tirés de la princesse et les cernes qui soulignent ses yeux.

—   Encore tes cauchemars ? s’inquiète la jolie rousse.

Aliona acquiesce en silence d’un simple hochement de tête. Des images des flammes s’emparent de son esprit subitement. Elle les chasse d’un mouvement de tête. Cela ne sert à rien de s’attarder sur ses mauvais rêves. Ils pourrissent déjà ses nuits, il ne manquerait plus qu’ils hantent ses journées. Elle fait donc le choix de changer de sujet et de ne pas s’épancher sur son manque manifeste de sommeil.

—   Nous allons être en retard, allons-y avant qu’Ayden ne fasse une syncope, se contente de répondre Aliona en prenant Lucie par le bras.

Les deux jeunes femmes ouvrent la marche, bras dessus, bras dessous. La robe verte en tissu léger de Lucie contraste avec sa tignasse rousse. Aliona, elle, porte une robe simple. Le tissu rouge, couleur d’Arietis et de la famille royale, correspond au tempérament de feu de la jeune femme. Ayden les suit en silence alors qu’Aliona interroge Lucie sur leur brève lune de miel. Le jeune couple a décidé d’écourter cette dernière pour fêter l’anniversaire d’Ayden et Ali au palais. Ils ne pouvaient pas manquer la révélation du nom de la reine alors que toute la noblesse des cinq royaumes serait présente.

Alors que Lucie raconte, presque, tous les détails de ces quelques jours passés dans la résidence de campagne de la famille royale, Ayden sourit en observant sa sœur et sa femme plus complices que jamais. Aliona se détend l’espace d’un instant et se délecte du récit de son amie. La jolie rousse lui raconte la splendeur du palais de campagne, les paysages désertiques, les tableaux qu’elle a peints et n’oublie aucun détail de cette brève escapade hors des murs du palais d’Ignis. Évidemment, quand Lucie rentre dans les détails de la nuit de noces, la princesse esquisse une grimace de dégoût et lui fait changer de sujet. Ayden, lui, se remémore le soir de son mariage où il a enfin pu passer du temps seul avec sa sublime épouse.

Alors que le petit groupe approche du bureau du Roi Léonard, Aliona interrompt son avancée et se tourne vers son frère. Les traits de son visage se sont figés, ses épaules se sont crispées. Ayden ressent pleinement l’anxiété de sa jumelle.

—   Tu penses qu’il sera là ? l’interroge-t-elle.

—   Je me passerai bien de sa présence, mais il serait étrange qu’il ne vienne pas. Père tolère beaucoup de choses, mais il n’aurait pas toléré l’absence de son fils ainé.

Cyrus, leur frère ainé, apparait rarement à la Cour. Du plus loin qu’Aliona se souvienne, il n’a jamais supporté de se trouver dans la même pièce qu’elle. Il avait sept ans quand elle et Ayden sont nés. Ils n’ont jamais été très proches et tout espoir de construire une relation entre eux a disparu lorsque la Reine Ember est décédée. La plupart du temps, Cyrus se contente d’ignorer sa sœur. Dans ses mauvais jours en revanche, il l’accable de reproches qu’elle ne comprend pas. À croire que la jeune femme est à l’origine de tous les malheurs du monde.

Alors qu’elle n’avait que dix ans, Cyrus a poussé Aliona dans l’un des bassins du parc. Il a ensuite maintenu sa tête sous l’eau en lui hurlant qu’elle était une meurtrière et qu’elle devait payer pour ses crimes. Aliona n’a jamais compris ces accusations. Elle a fini par supposer que son frère lui en voulait, car elle était la seule survivante de l’incendie.

C’est avec l’appréhension de tomber nez à nez avec Cyrus qu’Aliona toque à la porte du bureau du Roi.

—   Entrez, raisonne la voix de Léonard depuis l’intérieur de la pièce.

Aliona déglutit, se tourne vers son frère qui lui fait signe d’ouvrir, et abaisse la poignée avant de pousser le lourd battant et de pénétrer dans le bureau.

Le bureau du Roi Léonard est sombre. Les murs sont recouverts de tentures vert sapin. Le bureau en noyer richement ouvrager trône au milieu de la pièce. Derrière le fauteuil du roi se trouvent d’imposantes fenêtres qui laissent entrer la lumière matinale. Sur la droite, d’immenses bibliothèques, remplies d’ouvrages en langues anciennes et d’autres romans plus récents. Sur la gauche, une cheminée en marbre noire, purement décorative compte tenu de la chaleur qui règne à Arietis. Devant le foyer se trouvent deux canapés, assortis aux tentures, et une petite table basse en noyer. Dans un coin de la pièce se trouve un chariot chargé de bouteilles remplies des alcools préférés du Roi.

Léna est assise sur l’une des chaises face au bureau derrière lequel se tient Léonard. Dylan, son mari, se trouve devant la cheminée. Il tourne le dos aux nouveaux venus tandis qu’il contemple l’un des rares portraits de la Reine Ember et de ses quatre enfants. Enfin, assis sur l’un des canapés se trouve Cyrus, un verre de cognac à la main en dépit de l’heure matinale de cet entretien.

—   Ah, les enfants, vous voilà enfin ! les accueils Léonard en se levant. Joyeux anniversaire !

Ayden et Aliona embrassent leur père. Dylan les saluts, mais reste en retrait. Cyrus semble plongé dans la contemplation de son verre et ne daigne même pas tourner la tête vers les nouveaux arrivants. Léna prend son frère et sa sœur chacun leur tour dans ses bras.

Le Roi fait signe à Aliona de prendre place sur la seconde chaise face à son bureau, à côté de sa sœur. Ayden et Lucie s’asseyent sur le canapé libre et Dylan finit par prendre place aux côtés de Cyrus.

Léonard prend place derrière son bureau et sort de l’un des tiroirs un grand dossier. Il en sort une grande enveloppe scellée, marquée par le sceau de la couronne. De là où elle se trouve, Aliona aperçoit une fine écriture cursive, celle de sa mère. Le roi se gratte une dernière fois la gorge avant de prendre la parole.

—   Comme vous le savez, votre mère, la Reine, a laissé des instructions strictes concernant la succession au trône. Nous devions attendre qu’Ayden et Aliona aient vingt ans et soient donc majeurs au regard du droit arietain pour enfin ouvrir cette enveloppe qui contient le nom de la nouvelle reine.

Un silence de plomb s’est abattu sur la pièce. Même Cyrus a cessé d’observer son verre et a levé les yeux vers Léonard pour l’écouter attentivement. Tous sont pendus aux lèvres du souverain. Ces prochains mots pourraient changer le cours de l’Histoire des cinq royaumes.

Lentement, le Roi brise le sceau. Enfin, après près de quinze ans d’attente, Arietis va connaitre l’identité de sa souveraine.

Un milliard de pensées fusent dans l’esprit d’Aliona.

Si Léna est couronnée, comme elle l’espère, cela bouleversera l’équilibre des cinq royaumes. Ceti et Arietis, l’Eau et le Feu, seront définitivement liés. Les ennemis d’antan formeraient une alliance immuable. L’eau ne serait plus jamais un problème pour Arietis. D’autres jardins similaires à ceux du palais pourraient voir le jour partout dans le royaume. Ceti bénéficierait des ressources d’Arietis, le commerce fleurirait et les terres de l’Ouest verraient leur richesse s’accroitre de manière exponentielle. Les deux peuples seraient liés. Les deux royaumes pourraient même être unifiés. Elle-même serait libérée de toutes les contraintes liées à son rang. Elle épouserait Jonas. Elle pourrait voyager, découvrir le monde.

Au contraire, si c’est elle qui est nommée à la place de Léna, Aliona peut dire adieu à ses rêves. Une vie de servitude au bénéfice de la couronne l’attendrait. Tout espoir de liberté serait à jamais perdu.

—   Je vais vous lire la lettre d’Ember, annonce le Roi alors qu’il sort un feuillet de l’enveloppe fraichement décachetée.

Mes chers enfants,

Si vous lisez ces mots, c’est que je ne suis malheureusement plus de ce monde. Je n’aurais pas pu vous voir grandir comme je l’aurais souhaité.

Cyrus, mon garçon, je ne peux qu’imaginer la douleur que tu as dû ressentir quand un matin tu t’es levé et que je n’étais plus là. Je regrette de ne pas avoir pu voir grandir mon petit garçon. Tu es à présent un homme et j’espère que tu respectes les valeurs d’honneur et de loyauté que je t’ai inculquées pendant ton enfance. La famille est notre bien le plus sacré mon fils. On ne sait combien de temps les dieux nous accordent avec ceux qu’on aime alors chéris chaque instant que tu peux passer auprès des tiens.

Léna, ma chérie. Tu dois désormais être une ravissante jeune femme. Enfant, tu étais si discrète et sage, toujours prête à donner main forte. J’ose croire que tu auras su conserver cette générosité une fois adulte. Je te revois encore dans la bibliothèque du palais en train de dévorer tous les livres qui te passaient dans les mains. Tu aspirais à un monde idyllique, rempli d’aventure. Je te souhaite ma fille de vivre tout cela dans ta vie de femme, pas seulement au travers la plume des auteurs que tu aimes tant, mais au travers de ta propre expérience. La vue est loin d’être un long fleuve tranquille, mais tu le découvriras bien assez tôt.

Ayden, mon petit. J’ai du mal à imaginer que le petit garçon turbulent qui court sans cesse entre mes jupons est devenu un homme. Tu as toujours été un enfant joyeux et souriant et j’espère que malgré les épreuves que tu as certainement affrontées très jeune du a su conserver cette joie et cet optimisme. Voir le verre à moitié plein est le meilleur moyen de contempler les merveilles de la vie, et croit moi, elle est pleine de surprises. Joyeux anniversaire, mon fils.

Enfin, Aliona, ma petite princesse. À l’heure où j’écris ces mots, tu es assise à mes pieds alors que tu joues avec ton frère. Je n’aurais jamais cru avoir de deuxième fille. Tu me ressembles tellement. En te regardant, je me revois au même âge. Tu montres déjà une grande curiosité et tu détestes te plier aux règles. Les choses ne seront pas toujours faciles pour toi, il te faudra te montrer patiente et indulgente envers toi-même. Mais n’ait crainte, je serais toujours auprès de toi. À tes vingt ans.

Je sais que votre père a fait de son mieux pour vous élever en mon absence. Je sais aussi qu’il a fait un travail formidable avec vous quatre. Merci, mon amour, d’avoir pris soin de nos enfants et de mon royaume.

Il est temps à présent de lever le voile sur le mystère de la succession. Je sais que garder le secret pendant tant d’années a pu vous paraître superflu, mais je tenais à ce que vous soyez tous en âge d’accepter et de comprendre ma décision. Les raisons de mon choix vous sembleront peut-être obscures, mais je vous assure que j’ai murement réfléchi avant de me prononcer sur la question.

Léna, je suis intimement convaincue que tu feras une grande reine. Sage, calme, réfléchie et juste. Cependant, Arietis est un royaume fougueux. Mon sang coule dans tes veines, mais je ne ressens pas la passion du Feu en toi. Une autre destinée t’attend et qui sait, une autre couronne plus en adéquation avec ta nature.

Vous l’aurez compris, c’est Aliona qui me succèdera sur le trône d’Arietis. Je sais que cela te fait peur ma chérie, mais je sais au fond de moi que la couronne t’appelle de toutes ses forces. J’ai bien conscience que tu ne verras pas ça comme une chance, mais comme un fardeau. Toutefois, de grandes choses t’attendent et je sais que tu marqueras l’Histoire.

Avec tout mon amour,

Maman.

Alors qu’il achève la lecture de la lettre avec les larmes aux yeux, la voix de Léonard se met à trembler. Un silence de stupéfaction a envahi la pièce. Chacun semble plongé dans ses pensées. Dylan a rejoint Léna et a posé sa main sur son épaule, soutient silencieux à sa femme. Cyrus a les coudes posés sur ses genoux, la tête baissée. Il semble se refermer sur lui-même. Lucie et Ayden se donnent la main alors que des larmes silencieuses coulent lentement sur les joues du jeune homme.

Aliona met du temps à comprendre ce qu’il vient de se passer. Elle est reine. C’est elle que sa mère a choisie alors qu’elle n’avait que cinq anas tout au plus à l’époque. C’est à elle que revient la lourde charge de gouverner Arietis. La respiration de la jeune femme s’accélère. Son souffle se fait court. Elle a l’impression que sa poitrine va exploser. Ses poumons sont comprimés. La pièce semble trop petite. La princesse se lève et commence à faire les cent pas. C’est impossible, songe-t-elle. Il fait chaud dans la pièce. Pas la chaleur familière et réconfortante du palais. Une chaleur étouffante, suffocante. Tout le monde la regarde dans l’attente d’une réaction de sa part. Elle ne sait pas quoi dire. Elle voudrait hurler, pleurer. Il doit bien y avoir une erreur. Ses yeux lui piquent. Des larmes coulent sur ses joues. Ce ne peut être vrai, ne cesse-t-elle de se répéter. Sa tête commence à lui tourner. Son sang bouillonne. Sa peau la pique. Elle voit trouble. Elle ne peut plus distinguer les visages des personnes présentes. Des voix semblent faire écho au loin, mais elle ne peut les distinguer. Tout semble lointain. Elle a besoin d’air. Elle lève les yeux vers la cheminée et il lui semble que des flammes en jaillissent. Un cri meurt dans sa gorge alors qu’elle perd connaissance au milieu de la pièce.

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