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Chiara
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Chapitre 26

Jonas ne s’était jamais rendu dans les prisons du palais jusqu’à aujourd’hui. La descente des marches qui mènent aux cellules lui parait lugubre. Les murs de pierre sont complètement nus, ils s’effritent par endroit. Plus il descend, plus le passage lui semble étroit. Il se sentirait presque claustrophobe. L’odeur de transpiration et d’excréments lui pique déjà le nez alors qu’il n’a pas encore atteint les quartiers des prisonniers.

Au fur et à mesure de sa descente, plus son cœur s’emballe. Ses mains sont moites et sa respiration se fait difficile. Ces hommes savent quelque chose sur son passé. Ils connaissent son père… Même s’il appréhende les révélations qui pourraient lui être faites, il sait au fond de lui qu’il a besoin d’entendre ce que ces hommes ont à lui dire.

Jonas a toujours su qu’il avait été adopté. Il ne s’était jamais vraiment posé de questions sur ses parents biologiques avant d’apprendre qu’il était l’héritier légitime d’Aquilae. Depuis, un tas de questions tourbillonnent sans cesse dans son esprit. Qu’est-il arrivé à ses parents ? Sont-ils encore en vie ? Pourquoi a-t-il été séparé d’eux ? Comment est-il arrivé à Arietis ? Pour quelles raisons lui avoir caché sa véritable identité pendant tout ce temps ?

Autant de questions qui pourraient enfin obtenir une réponse.

Alors qu’il atteint la dernière marche, un lézard passe devant lui, pourchassé par un rat du désert. Un frisson de dégoût parcourt son corps. Prenant une grande inspiration, il poursuit son chemin à travers les cachots.

Des gardes sont postés à l’entrée qui mène aux cellules. Évidemment, les hommes détenus là-bas sont sous haute surveillance, mais Jonas n’avait pas anticipé cela. Il décide alors d’ignorer les hommes et d’agir comme s’il était parfaitement normal qu’il se trouve ici.

—   Halte-là ! l’intercepte l’un des gardes.

La tentative de Jonas de passer le poste de sécurité comme si de rien n’était s’est soldée par un échec.

—   Que faites-vous ici ? l’interroge le second garde.

Rapidement, Jonas doit inventer un mensonge assez crédible pour justifier sa présence dans les prisons. Une idée lui vient à l’esprit. Plus qu’à implorer les dieux que les deux hommes chargés de la sécurité le croient sur parole.

—   Le Roi Léonard m’envoie pour interroger les deux prisonniers, déclare Jonas d’un ton qui, il l’espère, démontre de l’assurance.

Les gardes semblent dubitatifs. Ils observent le jeune homme de haut en bas. Jonas porte une tenue de Cour, assez riche pour démontrer sa nouvelle position élevée au sein de la noblesse. Les gardes l’ont certainement déjà croisé au détour d’un couloir en compagnie d’un des membres de la famille royale. En tout cas, le jeune homme compte là-dessus pour s’assurer de pouvoir entrer. Le fait qu’il soit envoyé par le Roi est assez probable. De plus, tous au palais et à Arietis savent que leur nouvelle reine est très proche d’un jeune homme aux cheveux gris.

—   Le roi les a déjà interrogés et la reine est passée plus tôt dans la matinée, rétorque l’un des gardes.

Nerveux, Jonas sent une goutte de sueur descendre le long de son dos. Il doit trouver quoi répondre et vite. Son cœur bat si fort qu’il arrive à peine à se concentrer sur ses pensées. Masquant son trouble tant bien que mal, il rétorque :

—   Ils ont de nouvelles questions à leur poser. C’est le Roi qui m’envoie et vous ne voudriez pas l’énerver en me faisant perdre mon temps ? Vous savez mieux que moi pourquoi ils ont été arrêtés. M’empêcher de les voir serait contre venir aux ordres directs du Roi.

Bon sang, mais tais-toi, se sermonne Jonas. Il sait que plus il parle moins il semble sûr de lui. Mieux vaut en dire peu, mais donner l’illusion qu’il contrôle parfaitement la situation.

Les gardes se consultent l’un l’autre en silence. Non, ils ne souhaitent pas affronter la colère de leur souverain. Ils savent que ces hommes s’en sont pris à la Reine et cela n’est pas très surprenant qu’ils fassent l’objet de multiples interrogatoires.

Finalement, ils décident de le laisser passer.

Soulagé, Jonas se détend légèrement. Il se dirige hésitant vers les cellules. Bien qu’il sache que les deux hommes qu’il cherche sont détenus ensemble, il ne saurait les reconnaitre. Aliona ne les lui a pas décrits.

—   Troisième cellule sur la gauche, petit, lui indique l’un des gardes voyant la confusion manifestée par Jonas.

Sachant enfin où se rendre, Jonas compte les cellules sur sa gauche. Une. Deux. Trois. L’odeur est insupportable, mais son désir de réponse est plus fort que tout.

Deux hommes sont assis dans le fond. Le premier a une balafre sous l’œil gauche. Il est grand et fin, mais ne semble pas moins dangereux. Il a quelque chose dans le regard qui ferait fuir n’importe quel être sain d’esprit. Le second, plus petit et trapu que son camarade, à un moignon au bout de son bras droit. Il semble qu’il devait avoir un crochet en guise de main, mais il lui a été retiré. Raisons de sécurité, certainement.

Après s’être assuré que les deux gardes de l’entrée avaient fermé la porte et ne l’écoutaient pas, Jonas se présente enfin aux deux prisonniers.

—   Il parait que vous me cherchiez, dit-il.

Les deux hommes ne bougent pas d’un poil. Ils se contentent de lancer un rapide coup d’œil vers leur visiteur. Voyant que Jonas ne bouge pas, le manchot décide de se lever.

—   J’sais pas qui vous envoie, mais on a rien à vous dire. On sait même pas qui vous z’êtes, souligne-t-il les mains posé sur les hanches.

—   C’est vrai, pardonnez-moi, s’excuse Jonas.

Le jeune homme s’incline comme il l’aurait fait à la Cour.

—   Je suis Jonas, mais vous devez me connaitre sous la dénomination du prince perdu d’Aquilae.

Il n’en faut pas plus pour que le second prisonnier se redresse d’un coup. Les deux hommes plongent alors dans une profonde révérence. Jonas est quelque peu gêné par autant de déférence de la part d’inconnus, des hommes qui ont essayé de s’en prendre à Aliona qui plus est.

—   Relevez-vous, les presse-t-il de se redresser, embarrassé de les voir ainsi prosternés. On m’a informé que vous me cherchiez. Pourquoi ?

—   Pour reprendre le projet d’vot’ père voyons ! Les nouveaux dévots, c’est lui qui nous a créés, explique le petit homme trapu.

Jonas n’avait jamais entendu parler de cette organisation avant ce matin. Il ne comprend pas ce que son père peut avoir à faire là-dedans. Lui-même était roi, pourquoi vouloir anéantir la monarchie ? Il lui manque des pièces du puzzle pour prendre la mesure de tout cela.

— Pourquoi mon père a-t-il créé cette organisation ? demande-t-il sèchement.

—   Le Roi Aeolus veut rétablir la grandeur passée. Mettre fin aux p’tites monarchies pour restaurer un ordre plus grand, explique le plus grand comme si cela était une évidence.

Jonas est dubitatif.

—   Il voulait revenir à l’Âge Noir ? Celui de l’oppression des peuples ?

—   Non, il veut remonter encore plus loin qu’ça. Remonter à un temps dont les livres d’Histoire parlent pas.

Jonas a beau fouiller dans sa mémoire, il ne se souvient pas de cours d’Histoire qui remontaient à une période antérieure à l’âge Noir. Il n’a pas souvenir d’avoir jamais vu un livre plus vieux que cette période.

D’un coup, quelque chose interpelle Jonas dans les propos des hommes face à lui. Ne souhaitant pas se faire de faux espoirs, il agrippe les barreaux qui le séparent des prisonniers pour se rattacher à la réalité.

—   Pourquoi parlez-vous de mon père au présent ? Tout le monde les dit morts, lui et ma mère.

Un rire sans joie échappe à l’homme à la balafre sous l’œil. Il s’approche dangereusement du visage de Jonas avant de lui souffler :

—   Mensonges ! Tous des menteurs ! Ils font partie du complot pour nous réduire au silence. Le roi d’Aquilae est bien vivant, et désolé de vous l’apprendre mon seigneur, mais c’est pas vous.

Jonas a un mouvement de recul. Sa vision se brouille un instant alors qu’il réalise ce que cela signifie. Son cœur loupe un battement alors que son esprit tourne à toute allure. Son père est en vie. Pourquoi lui a-t-on caché cela ? Où peut-il bien se trouver ? Quel intérêt de maintenir cette information secrète ?

—   Où…où se trouve-t-il ? bégaie-t-il.

—   Derrière le mur, évidemment.

Le mur ? Quel mur ? s’interroge Jonas qui ne voit pas à quoi fait illusion l’homme à la balafre.

Voyant l’incompréhension du jeune homme et exaspéré par cette dernière, le prisonnier décide de l’éclairer.

— Le mur des Ombres ! s’exclame-t-il en roulant des yeux. C’est bien beau d’avoir des vêtements brodés d’argent, mais il s’agirait de faire fonctionner ce qui vous sert de cervelle. Vous z’êtes un peu long à la détente.

Prenant l’ampleur de ses révélations, Jonas ne relève même pas le manque de respect évident dont fait preuve l’homme face à lui.

Le mur des Ombres, celui qui sépare Hydrae des autres royaumes, se rappelle-t-il.

Son père est vivant. Il se trouve à Hydrae. Kieran… Inconsciemment, Jonas serre les poings. Il n’a jamais apprécié le souverain du Royaume de l’Aether. Principalement pour son comportement envers Aliona, mais il y avait quelque chose d’autre. Bien plus que de la simple rivalité masculine. Il comprend désormais pourquoi il ressentait autant d’animosité envers cet homme.

—   Est-il libre ? Est-il retenu au Royaume de l’Aether contre son gré ? s’empresse de demander Jonas.

—   Lui et la reine Alizée sont retenus sous le palais.

Cette fois, Jonas est complètement chamboulé. Sa mère aussi est vivante ! Ses deux parents sont en vie depuis toutes ces années, retenus prisonniers à Hydrae. Quinze ans d’emprisonnement dans ce royaume hostile.

Les yeux de Jonas commencent à lui piquer. Sa gorge se serre. Il sait que s’il reste plus longtemps, il perdra toute contenance. C’en est trop pour lui. Pour ne pas perdre la face, il décide de partir.

Alors qu’il n’est pas encore arrivé au niveau des portes derrière lesquelles se trouvent les deux gardes, le prisonnier manchot lui crie :

— Ne faites confiance à personne et ne croyez rien de ce qu’on vous dit !

La rage tempête en Jonas. On lui a menti toute sa vie. Qui était donc au courant de la vérité ? Ses parents adoptifs savent-ils ? Et Aliona ? Non, Aliona ne sait rien. Jamais elle n’aurait pu lui cacher la vérité. Elle ne sait même pas qui il est vraiment. Ayden ne savait pas non plus avant qu’il lui dise. En revanche, le Roi Léonard lui…

Brusquement, il ouvre les portes. Il ne se souvient même pas les avoir poussées. Ces dernières claquent contre le mur et les gardes le regardent, abasourdis, remonter les escaliers quatre par quatre.

Jonas ne sait pas ce qui l’énerve le plus. Le mensonge dans lequel il a vécu depuis tout ce temps ou la triste vérité qu’il vient d’apprendre si brutalement.

Tout ce qu’il sait, c’est qu’il ne peut pas laisser Aliona se rapprocher de Kieran. Cet homme retient ses parents, il est dangereux. Il faut qu’il avertisse la jeune femme, elle doit savoir. Tant pis pour son secret. Il ne voulait pas qu’elle le choisisse pour son titre, mais il n’a plus le choix : il doit tout lui révéler et espérer qu’elle l’aime assez pour lui pardonner et se battre pour rétablir la vérité à ses côtés.

Alors qu’il tente de faire le vide dans sa tête, d’élaborer un plan cohérent pour révéler la vérité à Aliona sans que cela se retourne contre lui, Jonas sent une brise lui caresser la nuque. Il n’est pas censé y avoir d’air à Arietis. Le temps y est chaud et sec. C’est ce qu’il a appris quand il était enfant. Chaque royaume à son propre climat et celui d’Arietis est pour le moins qu’on puisse dire, étouffant.

Pourtant, ce n’est pas la première fois qu’il ressent ce souffle qui n’a rien à faire ici. Bien que cela ne soit pas normal, il lui parait malgré tout si familier. C’est alors qu’il se rend compte que cela, les petites brises qui viennent l’aider à respirer et à s’apaiser, se produit généralement quand il ressent de vives émotions, un peu comme en cet instant.

Jonas s’arrête net. Une réalité le frappe soudain : Si Aliona, en tant que reine d’Arietis, peut maitriser le Feu, alors peut-être que lui pourrait maitriser l’Air…

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