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Chiara
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Chapitre 24

—   Comment cela a-t-il pu se produire ? Où étaient les gardes en charge de la surveillance du domaine ? Pourquoi ma fille était-elle sans escortes dans les jardins ? À quoi je vous paye ? s’exclame Léonard en s’énervant après ses chefs de la garde royale.

Les deux hommes qui se tiennent devant lui se font petits. Tête baissée, regards rivés sur le sol, ils savent qu’ils sont en tort. L’attaque de la reine la veille au soir au sein même du palais n’aurait jamais dû se produire. Il y a eu une faille dans le système de surveillance. Soit leurs hommes ont manqué de vigilance, soit un traitre se trouve parmi eux…

Aliona entre à ce moment précis dans le bureau. Ses cheveux sont ramenés en un chignon strict. Elle porte une robe d’un rouge si foncé qu’elle parait noire. Son regard est dur. Elle renvoie l’image d’une Reine prête à se rendre sur un champ de bataille. Les récents évènements l’ont perturbée, mais elle est plus déterminée que jamais à avoir des explications sur cette attaque. Qui sont ces hommes ? Pourquoi veulent-ils mettre fin à la monarchie ? Et surtout, qu’est-ce que les nouveaux dévots ?

—   Tu ne devrais pas te reposer ? s’inquiète son père d’un ton qui tranche étrangement avec la dureté dont il faisait preuve quelques secondes plus tôt envers les chefs de la garde.

—   Je vais bien. Je veux des réponses.

Malheureusement, les pauvres gardes ne trouvent aucune explication. Aliona finit par s’agacer de leur discours alors qu’ils implorent pour une énième fois son pardon.

—   Où sont les hommes qui nous ont agressé mon frère et moi hier soir ? demande-t-elle.

Les hommes hésitent à lui répondre. Ils se regardent du coin de l’œil avant de se tourner vers le Roi ce qui ajoute à l’énervement d’Aliona.

—   C’est moi qui ai posé la question, leur rappelle-t-elle afin qu’ils se tournent dans sa direction. Répondez !

—   Deux d’entre eux sont dans les prisons du palais, répond l’un des gardes.

—   Ils étaient trois. Qu’est-il advenu du troisième ?

Encore une fois, les gardes hésitent. C’est Léonard qui répond donc à la jeune reine.

—   Il est décédé des suites de ses blessures, déclare-t-il gravement.

Ses mots font l’effet d’un poignard qui déchire les chairs d’Aliona. Son visage se fige sous le choc. Elle a tué un homme…

Toute chaleur semble avoir quitté son corps. Elle ne sent plus ses doigts. La jeune femme est comme figée sur place. Les mots montent doucement dans sa tête. Petit à petit, elle réalise qu’elle a pris une vie.

Son père s’approche d’elle et tente de poser une main réconfortante sur son épaule. Elle le repousse brusquement et part de la pièce sans dire un mot.

Son cerveau tourne à toute allure, mais elle ne réfléchit pas vraiment. Elle suit le plan initial en occultant le fait qu’elle soit à l’origine du décès d’une personne. Aliona se rend donc dans les prisons qui se trouvent aux sous-sols de l’aile ouest du palais. Elle descend les escaliers éclairés par des flambeaux et trouve les deux hommes de la veille dans une cellule. Il s’agit de ceux qui retenaient Ayden.

C’est donc celui qui la touchait qui a péri…

En entendant les bruits de pas sur la pierre, les deux agresseurs se lèvent et se rendent à proximité des barreaux de leur geôle pour voir leur visiteur.

Ils sifflent devant la jeune femme qui se tient face à eux.

—   T’es un beau p’tit morceau t’sais, dit le plus petit des deux avec un air graveleux.

Aliona ignore son commentaire et commence son interrogatoire.

Elle n’a pas menti l’autre jour quand elle a affirmé à Kieran avoir lu les livres sur les différentes méthodes de faire parler un prisonnier et les tortures. Il va peut-être être temps de mettre ces enseignements en pratique.

—   Quel était votre but hier soir ?

—   C’était pas assez clair pour toi ? On voulait t’saigner à blanc, répond celui avec la cicatrice sous l’œil.

—   Pourquoi ?

—   Mettre fin à la monarchie.

—   Ça, vous l’avez déjà dit. Quel est votre but après tout ça ? Si je meurs, la royauté ne mourra pas avec moi, mais vous le savez déjà.

Les deux hommes hésitent. Ils sont au bas de la chaine de commandement, c’est certain. Ils ne doivent même pas connaitre les véritables raisons de leur action.

—   Chez les nouveaux dévots, on veut restaurer la grandeur passée.

Les nouveaux dévots, ils en ont déjà parlé la veille. Aliona est intriguée par ce qui semble être le nom de leur organisation.

—   À quoi fait référence ce nom ? C’est quoi les nouveaux dévots ?

Les deux hommes éclatent de rire. Visiblement l’ignorance de la jeune femme est la cause de leur hilarité.

—   T’rends compte, elle sait même pas qui on est ! C’est pas croyable, dit l’homme à la cicatrice à son ami manchot.

—   Répondez ! s’irrite Aliona.

Le ton froid et tranchant de la Reine ramène les deux hommes à la réalité.

—   Sinon quoi ? On est déjà en prison d’façon.

—   Il peut toujours vous arriver la même chose qu’à votre ami, les presse Aliona en faisant jaillir une flamme du bout de son index.

La peur traverse le visage des deux hommes. Visiblement, ils n’ont pas envie de connaitre le même sort.

Aliona est elle-même surprise par la menace qu’elle vient de proférer. Elle ne s’en serait jamais pensée capable. Toutefois, elle ne doit rien laisser paraitre de son trouble et elle maintient une expression froide et autoritaire sur son visage, du moins l’espère-t-elle.

—   On dit qu’vous z’êtes une érudite d’histoire. Vous devriez mieux savoir que nous.

Aliona se creuse la tête et tente de se remémorer ce qu’elle a pu lire dans les livres. Il n’y a aucune mention de quelconques dévots dans les récits qui datent de l’Âge Noir et du Traité d’Enkainia. Ce doit être encore plus vieux que ça…

—   Le Roi Aeolus savait lui. Il nous comprenait, crache l’homme au crochet.

La mention du Roi d’Aquilae intrigue encore plus Aliona.

—   Le Roi Aeolus a disparu depuis longtemps. Qu’a-t-il à voir là-dedans ?

—   Nous devons retrouver son fils pour qu’il accomplisse sa destinée, se contente de répondre le grand à la cicatrice.

Quelque chose échappe à Aliona. Ces hommes seraient envoyés par le Prince perdu d’Aquilae ? Non, ça n’a aucun sens. Ils viennent de dire qu’ils doivent le retrouver. Mais qui les missionnes ? Et pourquoi ?

—   Que vous ai-je fait ? Pourquoi vouloir ma mort ?

—   Vous z’êtes une meurtrière. Femme sanguinaire à la tête d’un royaume hypocrite. Vous z’êtes bien installée dans vot’ palais d’or et d’verre pendant qu’ vot’ peuple crève dans l’reste du Royaume.

—   Je n’avais tué personne avant votre ami, et ce n’était même pas volontaire, s’insurge Aliona désemparée.

—   Vraiment ?

Aliona réfléchit. Les mots de la veille lui reviennent en mémoire : Tu gardes des trophées d’tes victimes ? Ça tombe bien, moi aussi…

Elle porte soudain la main à son collier, celui qui appartenait à sa mère et qui ne la quitte jamais.

—   T’es lente à comprendre, mais t’finis par piger ma douce. Et oui, t’es la meurtrière de la Reine Ember. Alors ? Ta vie vaut-elle plus qu’la nôtre ?

Aliona refuse d’entendre ce que ces hommes lui racontent. Elle se détourne et part. Des larmes silencieuses coulent le long de ses joues.

—   On r’trouveras le Roi d’Aquilae et il nous aidera à restaurer la grandeur des dévots ! Vive Omnis ! hurle l’un des hommes alors qu’elle se trouve au milieu des escaliers.

Aliona s’arrête brusquement. Omnis, des dévots… Ils font référence à une histoire qui date d’avant le début des temps, avant le Pacte divisum qui a séparé leur société en cinq royaumes. Une légende sur des fanatiques que l’on racontait aux enfants pour empêcher les mariages mixtes.

Tout cela n’a aucun sens. C’est à n’y rien comprendre.

C’est entièrement déboussolée qu’Aliona émerge enfin des sous-terrains. Elle étouffe dans le palais, son cœur bat à mille à l’heure, sa vision est totalement brouillée. Elle décide de se rendre dans les jardins sans quoi elle risquerait de faire un malaise. Il lui faut absolument de l’air frais. Sans y penser à deux fois, elle laisse ses pas la guider inconsciemment. Elle finit par arriver au bord du lac artificiel, en plein milieu des jardins. Là seulement, elle recommence à respirer.

Petit à petit elle réalise la portée des découvertes qu’elle a faites. Elle fait les cent pas en les résumant à voix haute pour y voir plus clair.

—   Premièrement, un groupe de fanatiques veut me tuer et mettre fin à la monarchie. Deuxièmement, cela est lié à la disparition des souverains du Royaume de l’Air d’une manière ou d’une autre. Enfin, Cyrus avait raison… J’ai tué ma mère.

Prononcer ces mots à voix haute finit de l’achever. La jeune femme tombe à genoux et hurle tout en pleurant. Ces rêves n’étaient pas des rêves, mais des souvenirs. Les sensations d’apaisement aussi ? Est-elle vraiment une meurtrière sans pitié ?

Les images qui hantent ses nuits depuis des années l’assaillent. Le palais, la fumée qui l’étouffe, les flammes qui l’éblouissent. Les cris des personnes qui tentent de fuir cette fournaise. Elle, seule en train de contempler son œuvre macabre…

La reine mettant au monde des jumeaux réveillera les flammes d’Arietis et signera sa fin, fait échos la prophétie de Sybil que Cassandre lui a révélé lors de leur première rencontre.

Tout était donc écrit ? Mais quelle place pour le libre arbitre dans tout cela ?

Aveuglée par la douleur de cette ultime révélation, Aliona n’a pas entendu qu’on s’approchait d’elle. Une légère brise semble caresser sa peau, comme si l’air cherchait à éloigner sa douleur.

Quelqu’un tombe à genoux devant elle et la prend dans ses bras. Une odeur familière envahit les narines de la jeune Reine.

—   Là, tout va bien, tente de la réconforter Jonas.

Les pleurs d’Aliona redoublent d’intensité. Elle repense à Jonas avec cette fille dans les couloirs. Son cœur saigne et elle ne sait comment endiguer l’hémorragie. Elle ne sait plus ni qui elle est, ni en qui elle peut avoir confiance. Elle ne sait plus rien. Elle ne veut plus rien savoir au fond.

Ils restent là un long moment. Jonas murmurant des paroles apaisantes à l’oreille d’Aliona. Lui caressant les cheveux pour la réconforter.

Petit à petit, les larmes de la jeune femme se sont taries. Combien de temps exactement sont-ils restés ainsi ? Aucun d’eux ne le sait.

Quand enfin Aliona finit par reprendre ses esprits, elle repousse doucement le jeune homme, renifle et se lève en époussetant ses vêtements.

—   Tu veux en parler ? lui demande Jonas en se relevant à son tour.

Le regard d’Aliona se durcit au son de sa voix.

—   Pourquoi ? rétorque-t-elle froidement.

—   Je ne sais pas moi. Pour évacuer, partager un peu ce qui te pèse… Ce genre de choses quoi.

—   Tu ne comprends pas la question. Pourquoi étais-tu avec cette fille l’autre jour ?

Jonas ne s’attendait visiblement pas à une confrontation si rapidement après la tempête d’émotions qui vient de se dérouler sous ses yeux. Il savait pourtant que ce jour arriverait tôt ou tard. Malheureusement, il sait parfois se montrer aussi obstiné que la jeune femme qui lui fait face.

—   Je ne sais pas. Pourquoi as-tu embrassé le prince de Ceti ?

Sa question fait mouche. Aliona a la bouche grande ouverte tel un poisson que l’on vient de sortir de l’eau.

—   C…c…comment ?

—   Comment suis-je au courant ? Parce que j’avais peur pour toi donc je te surveillais de loin. Mais visiblement, tu étais entre de bonnes mains. Ça va, il embrasse bien le beau prince ?

—   Tu ne sais rien. Je l’ai embrassé pour de bonnes raisons.

—   J’attends, dis-moi tout.

—   Ne retourne pas la situation, s’énerve Aliona. Je n’ai couché avec personne quand tu avais le dos tourné.

Les larmes ont laissé la place aux flammes. Jonas reconnait volontiers qu’il la préfère ainsi.

—   Oh, mais je ne l’ai pas fait dans ton dos. Je voulais que tu nous voies, rétorque-t-il d’un ton cassant.

—   Je te jure que je vais t’arracher les yeux ! enrage la reine.

—   Vas-y j’attends que ça ! Au moins je ne te verrais plus dans les bras d’un autre. Tu as testé les lèvres de Kieran aussi ou t’en a pas eu besoin cette fois-ci ?

Cette fois s’en est trop. Aliona ne supporte pas de rester face à Jonas. La tension est insupportable. Elle va pour se détourner, mais le jeune homme l’attrape par le bras l’empêchant de s’éloigner.

—   Adrien aime les hommes ! s’exclame Aliona qui n’y tient plus. C’était le moins pire de tous, mais je ne peux pas le choisir, car nous ne pourrions pas perpétuer nos lignées respectives. Voilà, t’es content ? Lâche-moi maintenant.

Un d’un mouvement sec Aliona échappe à la poigne de Jonas. Ce dernier est sans voix. Il ne s’attendait pas à cela. S’il avait pris ne serait-ce que trente secondes pour réfléchir avant de se jeter sur la première venue, jamais lui et Aliona ne se seraient éloignés. Tout est de sa faute et de son impulsivité.

Alors qu’Aliona se détourne pour de bon et commence à s’éloigner, Jonas murmure :

—   Excuse-moi.

—   Pardon ? s’étonne Aliona en se retournant vers lui.

—   Je suis désolé, je te prie de m’excuser. Je ne savais pas, j’étais jaloux et aveuglé par la colère. J’aurais dû me douter que jamais tu ne te serais jetée dans les bras du premier venu.

Aliona demeure immobile, ne sachant quoi répondre. La rage qui faisait bouillonner son sang redescend. Elle ne sait pas si elle peut pardonner à Jonas ce qu’il a fait, mais elle le comprend.

Alors que la colère diminue, il ne reste plus que la tristesse. Des larmes silencieuses dévalent les joues de la jeune femme. Jonas s’en aperçoit et se précipite vers elle pour les sécher à l’aide de son pouce.

—   Je t’en supplie, pardonne-moi, l’implore-t-il en embrassant les larmes qui continent de couler.

Aliona cède aux attentions de Jonas. Elle est totalement perdue sans lui. Il est son meilleur ami, son pilier, son étoile dans la nuit. Elle a besoin de lui à ses côtés, de sentir sa peau contre la sienne, de le savoir là auprès d’elle.

—   Je te pardonne, souffle-t-elle.

Il n’en faut pas plus pour que le jeune homme s’empare de ses lèvres et lui délivre un baiser passionné. Mélange de colère, d’urgence, de joie et d’espoir. L’espoir qu’un jour les choses se rétabliraient entre eux, qu’ils retrouveraient la confiance aveugle qu’ils avaient l’un dans l’autre.

—   Que s’est-il passé pour que tu te retrouves seule ici ? demande Jonas après avoir rompu leur baiser.

La jeune femme hésite à lui répondre. Oui, elle peut faire confiance à Jonas, elle en est persuadée au plus profond de son être. La seule chose, c’est qu’elle ne sait pas par où commencer.

— Ayden et moi avons été agressés hier soir, dans les jardins.

La surprise dans les yeux de Jonas et les nuages qui viennent obscurcir ses yeux lui révèle que ce dernier ignorait tout de l’attaque de la veille. Tant mieux, songe-t-elle, cela veut dire que la nouvelle ne s’est pas propagée.

—   Combien étaient-ils ?

—   Trois. Deux sont dans les cachots et le troisième est décédé des suites de ses blessures. Celles que je lui ai infligées.

—   Oh Ali ! s’exclame Jonas en resserrant son étreinte. Je suis certain que tu ne voulais pas cela, que tu n’as fait que te défendre.

—   C’est vrai. Je suis allée voir les deux prisonniers et leurs révélations ont été troublantes.

—   Qu’ont-ils dit ?

—   Ils font partie d’une sorte de groupuscule, Les nouveaux dévots d’Omnis, apparemment. Je ne sais pourquoi, mais ils veulent mettre fin à la monarchie. Ils ont aussi dit que le Roi Aeolus les soutenait et qu’ils souhaitaient retrouver le nouveau roi d’Aquilae pour qu’il rejoigne leur cause.

—   Ils veulent mettre fin à la monarchie, mais souhaitent enrôler le souverain d’Aquilae avec eux ? Cela n’a aucun sens !

—   Je suis bien d’accord avec toi…

Jonas resserre son étreinte et réconforte Aliona.

—   Tu trembles, remarque-t-il. Tu as froid ?

—   Ce doit être les nerfs. Je ferais mieux de retourner au palais.

—   Je t’accompagne ?

—   D’accord.

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