La porte de la chambre grince. Le parquet craque. On dirait que des gens entrent dans la chambre d’Aliona. Les chuchotements confirment l’hypothèse de la jeune femme.
Allongée sur le ventre, la tête tournée vers la fenêtre, elle entrouvre un œil. Le soleil s’est levé.
Pensant que les nouveaux venus dans ses appartements ne sont que ses femmes de chambre, Aliona referme ses yeux et entreprend de grappiller quelques minutes de sommeil supplémentaires. C’était sans compter sur la main qui la secoue doucement pour la forcer à se réveiller.
— Votre Majesté, il est l’heure, lui murmure la voix de sa femme de chambre.
Aliona bougonne. Elle se retourne sur le dos, bâille et s’étire. Elle s’assoit dans son lit et se frotte les yeux. Ce n’est qu’à ce moment-là qu’elle se rend compte que ce ne sont pas seulement ses femmes de chambre qui sont présentes dans ses appartements.
Des dizaines de courtisans se pressent dans la chambre pour assister à son réveil. Une femme tient un miroir, une autre, une robe de chambre en soie, une troisième, un verre d’eau et une dernière, une brosse à cheveux.
— Qu’est-ce que c’est que cette mise en scène ! s’énerve la jeune Reine.
— C’est le Grand levé, votre Majesté, lui explique une courtisane en effectuant une révérence.
Le Grand levé est une tradition arietaine. Elle s’inscrit dans un ensemble de représentation de la vie quotidienne du monarque. Autrement dit, chaque instant de la journée est rendu public. Du levé, au coucher. En résumé, une invention totalement inutile qui met en scène la monarchie en faisant une totale abstraction du concept d’intimité. Tout e qu’Aliona adore.
En tant que princesse, elle a pu éviter ce type d’évènement. Son père avait tout de même insisté, mais elle n’a jamais cédé. Elle se revoit encore lui dire du haut de ses quinze ans :
— Je ne suis pas reine ! Qui voudrait suivre tous mes faits et gestes ? Hors de question que je me plie à cette mascarade !
Bien évidemment, Léonard n’avait rien eu le temps de répondre, car la jeune femme, alors adolescente, était partie en claquant la porte derrière elle. Jamais plus la question n’avait été abordée.
Aliona aurait dû se douter que son père remettrait cette question sur le tapis. Ce qui l’étonne en revanche c’est qu’il n’ait même pas jugé pertinent de l’informer de la situation. Comme s’il avait voulu l’empêcher de protester.
Par chance, seules des femmes sont présentes à cette cérémonie matinale. Encore un peu, et c’est l’un de leurs nobles maris qui l’aurait aidée à se laver et s’habiller.
Franchement, quel concept absurde ! Des femmes nobles qui effectuent le travail des femmes de chambre sous prétexte que je porte une couronne ! On aura tout vu, s’irrite-t-elle mentalement.
Maintenant que toutes ces personnes sont présentes, elle n’a pas le choix. Cependant, elle n’a pas dit son dernier mot. Son père risque de regretter de l’avoir prise au dépourvu ainsi.
Elle repousse ses draps et s’assoit au bord de son lit. Une femme vêtue d’une horrible robe fuchsia se précipite alors pour lui mettre ses pantoufles. Aliona lève les yeux au ciel, mais se laisse faire.
Elle enfile la robe de chambre qu’on lui tend et bois le verre d’eau. Elle se retient de justesse de le jeter à la figure de la pauvre femme qui lui tend tout en affichant un air imbu d’elle-même. En même temps, c’est un tel honneur de servir la reine !
Au lieu d’être prête en vingt minutes, il faut deux heures pour laver, habiller, coiffer et maquiller la jeune femme. Évidemment, elle n’a pas son mot à dire sur la tenue qui est des plus formelle. Robe jaune, lourde et imposante, avec un corset, évidemment.
Une des femmes présentes, coiffée comme un caniche, lui lit alors le programme de la journée.
— Hum, hum, se gratte-t-elle la gorge. Sa Majesté est attendue ce matin dans la Grande Verrière pour le Grand déjeuner.
Encore un moment de vie rendue public, comme si le petit déjeuner était un spectacle à part entière !
— Ensuite, reprend la femme à la coiffure de caniche, elle devra se rendre dans son bureau ou le Roi Léonard la rejoindra pour évoquer les dossiers en cours. Cette entrevue sera suivie par l’inspection de la garde…
Aliona n’écoute plus. Cette journée s’annonce horrible. Tout ce qu’elle retient c’est que le moindre de ses faits et gestes sera épié par ces harpies de la Cour qui n’attendront qu’une seule erreur de sa part pour la critiquer, la moquer ou pire…
Sans demander son reste, Aliona quitte sa chambre et se rend au Grand déjeuner. Un nom bien pompeux pour une collation matinale.
La Grande Verrière est souvent utilisée pour les pique-niques ou les réceptions qui ont lieu en journée. C’est un de lieux les plus somptueux du palais. Surtout quand le soleil matinal vient réchauffer de sa lumière la pièce. La porte s’ouvre à l’arrivée d’Aliona et un héraut l’annonce, comme à chaque fois qu’elle entre dans une pièce depuis le soir de son anniversaire.
La salle est pleine de représentants politiques. Les prétendants sont là, Léna et Dylan également, mais aussi une armée d’ambassadeurs et de diplomates. Ayden et Lucie se tiennent en retrait. Le prince ne semble pas ravi de se trouver là.
— Ah ! Ma fille ! s’exclame Léonard en s’approchant d’Aliona. Viens donc manger un bout. Une tasse de thé ? lui propose-t-il.
Aliona accepte. Il est encore trop tôt pour le vin, le thé fera donc l’affaire. Un regard vers Ayden lui montre que son frère n’a pas autant de considération qu’elle pour la bienséance. Il est en train de boire dans une flasque sous le regard désapprobateur de Lucie.
Décidément, il ne changera jamais ! songe la jeune reine.
Aliona pique quelques framboises dans une coupelle et boit une gorgée de thé avant de se tourner vers son père qui est resté à ses côtés.
— Pourquoi ne pas m’avoir prévenu pour tout ça ? dit-elle en désignant l’assemblée devant elle.
— Tu l’aurais accepté si je te l’avais proposé ? lui demande Léonard.
La jeune femme secoue la tête en signe de négation.
— Voilà justement pourquoi je ne te l’ai pas dit. Tu aurais tout fait pour esquiver tes responsabilités et je t’aurais retrouver en train de vadrouiller dans les jardins au lever du soleil ou les cheveux plein de paille à fricoter dans la vieille grange avec ton ami.
Aliona qui était en train de boire une gorgée de thé manque s’étouffer après cette dernière remarque.
— Il faut que j’aille régler deux ou trois choses, on se retrouve dans ton bureau dans une heure, l’informe le Roi.
— Mon bureau ? Depuis quand ai-je un bureau pour moi ? demande la jeune femme intriguée.
— Les gardes t’escorteront, se contente de répondre son père avant de l’abandonner au milieu de la foule.
Aliona ne peut pas déjeuner en paix. Des ambassadeurs viennent le voir dès qu’elle est seule. L’un lui présente ses félicitations pour son accession au trône. Comme si j’avais eu le choix, s’exaspère-t-elle intérieurement. Un autre vient lui faire part de son impatience de collaborer avec elle sur des questions commerciales dont elle n’est absolument pas au courant.
Étrangement, Adrien et Hyacinth ne viennent pas l’importuner. Le premier est en grande conversation avec Léna et Dylan tandis que le second semble occuper à discuter avec l’une des courtisanes qui se trouvaient dans les appartements d’Aliona plus tôt. Celle avec l’horrible robe fuchsia.
Alors qu’elle se sert une nouvelle tasse de thé, elle sent quelqu’un s’approcher d’elle. Une présence masculine à n’en pas douter. En même temps, les hommes représentent les trois-quarts de cette assemblée.
— Si c’est encore pour me présenter vos hommages ou discuter de je ne sais quelle opération économique, merci de bien vouloir demander une audience ultérieurement, s’agace la jeune femme sans prendre la peine de se tourner vers le nouveau venu.
— Je suis ravi de vous revoir également, lui répond une voix grave.
Aliona se tourne pour faire face à son interlocuteur et ses yeux plongent dans deux yeux saphir.
Kieran.
Le Roi d’Hydrae face à elle. Il est si proche que les jupons de la robe de la jeune femme effleurent son interlocuteur. Sa tenue intégralement noire est en totale opposition avec la robe jaune que porte Aliona. Le cœur de la jeune femme bat un peu plus vite qu’à l’accoutumée. La présence du roi d’Hydrae la met mal à l’aise.
Kieran affiche un sourire suffisant. Alors que les yeux d’Aliona ont du mal à quitter ses iris bleus qui contrastent avec ses cheveux sombres et sa peau claire, le regard du Roi est rivé vers sa poitrine.
— Auriez-vous la décence de regarder mon visage quand vous vous adressez à moi, s’agace la jeune femme après s’être calmée.
Comme tiré de ses pensées, Kieran se reprend rapidement.
— Veuillez m’excuser. Je regardais seulement votre collier, se défend l’homme face à elle.
— Bien sûr, trouvez-vous une excuse !
— Sérieusement. Je ne cherche en rien à me trouver des excuses. Je me disais simplement qu’un tel bijou contrastait avec votre rang. Les reines n’ont pas coutume de porter de si simples parures.
— Il appartenait à ma mère, je continuerais à le porter qu’il convienne ou non à votre conception de ce qu’une femme de mon rang doit porter !
Sur ses mots, Aliona s’éloigne de Kieran et sort de la Verrière. Elle part si précipitamment que le Roi d’Hydrae n’a même pas le temps d’esquisser un geste pour la retenir et s’excuser pour la méprise.
Un garde l’attend et sans qu’elle n’ait le temps de protester, il la conduit vers une partie du palais où elle ne se rend jamais.
Il s’arrête devant une porte en bois magnifiquement ouvragée. Curieuse, mais réticente à la fois, Aliona pousse doucement la porte. Se dévoile alors à la jeune reine une pièce sublime dans les tons verts et bleus. Un bureau en bois clair trône devant une grande fenêtre habillée de rideaux de velours bleu. Des bibliothèques fournies habillent les murs. L’odeur des livres embaume la pièce. Subtil mélange des arômes du papier et de l’encre. Il y a même un espace salon avec deux canapés et une table basse.
Aliona entre doucement dans la pièce comme si elle craignait de déranger la personne qui occupe les lieux. Elle laisse courir son doigt contre le bois du bureau où une pile de dossiers semble attendre d’être traitée. Elle se tourne ensuite vers la bibliothèque et elle entreprend de lire les titres des ouvrages qui sont rassemblés dans les rayons. Elle penche légèrement la tête sur la gauche pour lire les titres qui se trouvent devant elle.
— Ça te plait ? demande la voix de son père qui a dû arriver alors qu’elle était accaparée par son examen méticuleux des titres rassemblés dans la pièce. Je l’ai fait aménager exprès pour toi, lui explique-t-il.
La jeune femme se tourne vers lui, les yeux embués par l’émotion.
— C’est magnifique, lui répond-elle la voix légèrement enrouée.
— C’était le bureau de ta mère. Je l’ai fait rénover, mais j’ai gardé les couleurs qu’elle avait choisies.
Émue par l’attention que son père a accordée à l’aménagement de son bureau, Aliona se trouve sans voix. Elle se détourne pour cacher les larmes qui menacent de s’écouler et contemple les jardins par la fenêtre.
Conscient du trouble de sa fille, Léonard se gratte la gorge avant de s’avancer dans la pièce et de prendre le premier dossier qui se trouve sur la piste.
— Les accords commerciaux avec Ceti relatif à l’import d’eau potable dans les terres, énonce-t-il.
Ainsi, le père et la fille passent trois heures à étudier chaque dossier. Léonard l’informe des procédures et négociations en cours. Au début, Aliona est submergée par la quantité d’informations à retenir puis, petit à petit, elle se prend au jeu et commence à apprécier découvrir comment fonctionne son pays.
Une heure avant le repas de midi, un intendant frappe à la porte pour signifier à la jeune reine qu’il est temps pour elle de se changer.
— Le changement de tenue est obligatoire, soupire Aliona.
Léonard ne répond pas et, résignée, la jeune femme quitte son bureau pour aller se changer afin d’assister au pique-nique.
Vêtue d’une élégante robe rouge, les cheveux attachés, Aliona se rend dans les jardins ou un pique-nique a été organisé. Des tables recouvertes de nappes blanches brodées de petites flammes ont pris place entre les fleurs en tous genres qu’abrite le domaine d’Ignis.
De nombreux dignitaires des différents royaumes sont présents, encore une fois. Léonard a été clair un peu plus tôt alors qu’ils se trouvaient dans son bureau :
— Le travail d’un monarque passe aussi par la diplomatie lors de rencontres informelles. Il est crucial de faire bonne impression, récolter des informations et ainsi pouvoir anticiper les prochains dossiers qui arriveront sur ton bureau dans les jours ou semaines à venir.
Aliona réalise en étant confrontée pour la deuxième fois de la journée à un repas public à quel point le rôle de représentation permanent qui accompagne le port de la couronne lui pèse.
Elle s’avance vers l’une des tables pour prendre un verre d’eau. Il est une heure de l’après-midi et la chaleur d’Arietis est à peine supportable, même pour elle qui y est pourtant habituée.
— Comment se passe ta journée ? demande une voix familière dans le dos de la jeune Reine.
Aliona se retourne, le sourire aux lèvres en ayant reconnu la voix de son interlocuteur. Jonas se tient face à elle. Trop heureuse de pouvoir échanger quelques instants avec lui, Aliona ne se demande même pas comment il a réussi à se frayer un chemin jusqu’à elle. Son père se montrerait-il plus tolérant à l’égard de son ami en l’autorisant à participer à certains évènements mondains ? C’est ce qu’il semblerait.
— Cette journée me semble interminable ! s’exclame la jeune femme. Après le pique-nique je dois assister à des audiences de conciliation dans la salle du trône avant de rencontrer, officiellement cette fois, certains ambassadeurs présents à la Cour. Je suis prête à parier que mon père a prévu que le diner se déroule en public. Ma seule consolation est qu’aucun bal n’a été organisé pour ce soir.
— Attention, l’avertit Jonas taquin, si tu y tiens je suis persuadé que Léonard peut en organiser un seulement pour le plaisir de t’embêter !
— Quelle horreur, ne lui souffle pas l’idée, rit Aliona.
La jeune reine a à peine le temps de se détendre avec son ami qu’on vient la chercher pour qu’elle se rende à la salle du trône pour assister aux audiences de conciliation. C’est avec regret qu’elle quitte Jonas. Elle profite, en passant près de lui, de l’occasion pour lui glisser quelques mots.
— Viens me retrouver après la cérémonie du coucher, murmure-t-elle à l’attention du jeune homme.
La journée se poursuit comme prévu. Aliona prend un grand plaisir pendant les audiences de conciliation. Elle voit vraiment le rôle qu’elle peut jouer en tant que reine en aidant directement ses sujets à trouver des solutions pour résoudre leurs différends. Chacun à sa propre histoire et Aliona se sent véritablement utile pendant l’heure que dure les audiences.
La rencontre avec les ambassadeurs lui plait nettement moins. Le faux semblant règne en maitre dans chaque interaction qu’elle peut avoir avec ces hommes. Elle se sent comme une brebis entourée par une meute de loups affamés. Quand bien même elle tente de donner le change en se montrant sûre d’elle, au fond d’elle, la jeune femme est profondément intimidée par ces diplomates.
Elle achève l’après-midi à son bureau. Son père lui a expliqué qu’elle devait ratifier les lois que le parlement a voté les jours précédents. Aliona prend le temps de lire chaque document pour comprendre ce qu’il se passe dans son royaume. Elle est méticuleuse et consciencieuse dans sa tâche. Léonard l’a laissée seule pendant cette activité. Il avait lui-même des affaires à régler.
Lorsque l’horloge sonne dix-huit heures, quelqu’un toque à la porte du bureau.
— Entrez, ordonne Aliona en reposant le document qu’elle tentait de déchiffrer en vain.
Ayden passe sa tête à travers la porte.
— Je te dérange ? lui demande le jeune homme.
— Absolument pas !
Aliona invite son frère à entrer. Cette interruption est la bienvenue d’autant plus que ses tentatives pour déchiffrer le jargon juridique lui ont donné un sacré mal de crâne.
— Alors, la vie de Reine, ça donne quoi ? l’interroge Ayden en s’installant nonchalamment sur l’un des fauteuils du bureau.
— J’ai l’impression d’être constamment épiée, se plait Aliona. Encore plus que lorsque j’étais seulement princesse.
— Tu n’as jamais aimé être le centre de l’attention, se moque Ayden.
Aliona lui lance un stylo à la figure.
— Ne te moque pas ! En plus, père s’est assuré de me gâcher la journée avec ces incessantes cérémonies publiques.
— Il doit bien y avoir une utilité à tout cela, tente de la raisonner Ayden.
— Travailler les dossiers dans mon bureau, oui c’est utile. Participer aux audiences de conciliation l’est tout autant si ce n’est plus et j’ai apprécié cela. Par contre, les entretiens avec les ambassadeurs, les repas publics et la cérémonie du levé ne sont que d’absurdes pratiques qui ne servent qu’à gaspiller du temps et de l’argent.
— Ces cérémonies ne sont pas inutiles dans la mesure où elles mettent en avant la puissance du royaume et de leur souveraine, rétorque Ayden.
— Si c’est si important que ça t’a qu’à prendre ma place !
— Sans façon !
Ayden repousse cette proposition et se lève pour quitter la pièce.
— Oh, et il faut que tu te changes pour le Grand diner de ce soir, c’est pour ça que je suis venue initialement.
Le jeune homme referme la porte derrière lui et Aliona soupire exaspérée d’avance d’avoir encore à se changer pour une coutume dont elle n’a que faire.
Tout cela doit être une mise à l’épreuve. Si je joue le jeu aujourd’hui je serais tranquille demain, tente de se réconforter la jeune femme.
Avec réticence, elle quitte son bureau et part se changer. Sa robe pour le diner est d’un rouge si profond qu’elle semble noire. Aliona opte pour un maquillage plus affirmé que d’habitude. Ses cheveux retombent en boucles lâches sur son épaule gauche. Elle a réussi à négocier avec ses femmes de chambre et ne porte pas de couronne.
Le diner a lieu dans une salle de réception formelle. Une grande table se trouve au centre de la pièce. Seuls la famille royale et les invités de marque peuvent y diner. Quand Aliona arrive, tout le monde est déjà attablé. Léna et Dylan sont assis face à Ayden et Lucie. Le Roi Léonard est en bout de table. Sont également présents les membres des familles royales des autres royaumes. Hyacinth et sa sœur Rose, Adrien et Alara de Ceti ainsi que Kieran qui chuchote à l’oreille de sa sœur Juliette. Cyrus est également là. Seuls deux sièges sont vides. Une place est vraisemblablement réservée pour le Roi d’Aquilae et la chaise qui se trouve à l’autre bout de la table pour elle.
Aliona prend place. Tous les regards sont rivés sur elle, ce qui la fait presque rougir. Cyrus est à sa droite et Kieran, qui ne la quitte pas des yeux, se trouve à sa gauche. Son père lui fait face et lève son verre pour porter lui souhaité la bienvenue.
Des courtisans se tiennent dans la pièce et les observent manger. Aliona a véritablement le sentiment d’être une bête de foire. Elle vide son verre de vin d’une traite. Ayden lui adresse un regard de désapprobation depuis son siège. La jeune reine lève un sourcil en signe de provocation.
— Remise des émotions de ton anniversaire ? lui demande Cyrus tout en se servant de la salade.
— Parfaitement, se contente de répondre Aliona qui ne tient pas à entretenir la conversation avec son ainé, surtout après leur dernier échange.
Cyrus ne se formalise pas de la sécheresse de la réponse de sa sœur. Il se contente de se tourner vers Kieran et de discuter avec lui d’un traité sur la chimie auquel la jeune femme n’entend rien.
Les plats défilent un à un. En entrée : salade et feuilletés. Le premier plat est du gibier avec des légumes de saison. Le second plat est du poisson avec des pommes de terre. Vient ensuite le fromage, les desserts et enfin les fruits.
Aliona est repue bien avant l’arrivée du second plat. Elle s’efforce néanmoins de gouter à tout ne serait-ce que par respect pour les cuisiniers qui ont tant œuvré à l’élaboration de ce repas.
Dire que des gens meurent de faim et que nous gaspillons de la nourriture chaque jour pour le simple plaisir de la Cour !
Le repas est sur le point de s’achever, mais Léna et Dylan font teinter leurs cuillères sur leurs verres.
— Nous avons une annonce à vous faire, déclare le Roi de Ceti qui s’est levé. Léna, si tu veux bien ?
Léna se lève à son tour.
— Je vais faire bref, débute la jeune femme. Mon époux et moi-même avons l’honneur de vous annoncer que très prochainement nous donnerons naissance à un héritier pour le royaume de l’Eau.
Des applaudissements retentissent dans la pièce. Dylan n’a d’yeux que pour son épouse et l’embrasse tendrement, lui d’habitude si pudique et distant en public. Léonard se lève à son tour pour féliciter le couple royal. Les félicitations vont bon train.
Aliona se lève et va serrer sa sœur dans ses bras.
— Tu seras une mère formidable, dit-elle à Léna en l’étreignant. Cet enfant aura de la chance de t’avoir pour mère.
— Merci, Ali, lui répond la reine de Ceti les larmes aux yeux. Il sera tout aussi chanceux de t’avoir pour marraine, lui confie-t-elle.
Aliona s’écarte brusquement de sa sœur.
— Sérieusement ? Vous voulez que je sois la marraine de votre enfant Dylan et toi ?
— Bien sûr ! Adrien sera son parrain. Il est normal que je puisse choisir un membre de ma famille en tant que marraine !
De loin, Adrien adresse un sourire charmant à Aliona. Lui aussi est ravi à l’idée que leur famille s’agrandisse.
La soirée s’achève de manière bien plus joyeuse que lorsqu’elle a débuté. Cependant, Aliona est vite rattrapée par ses devoirs lorsqu’elle décide d’aller se coucher après cette longue journée.
La cérémonie du coucher est presque encore plus gênante que celle du lever. Une duchesse ou comtesse, elle ne sait plus, est chargée de l’aider à se déshabiller. Doucement, elle défait les lacets de son corset. Aliona ferme les yeux de plaisir d’être enfin libre de respirer à sa guise. La femme à la coiffure de caniche lui tend sa chemise de nuit tandis qu’une autre lui apporte une robe de chambre.
Une jeune fille l’aide à se démaquiller alors que la baronne d’une terre aride du royaume lui démêle soigneusement les cheveux.
Il faut une heure pour la préparer à se coucher !
Alors qu’Aliona est dans son lit en train de lire, on toque discrètement à sa porte. La jeune femme s’empresse de repousser ses draps et de se lever pour aller ouvrir.
Jonas se trouve dans l’embrasure. Elle l’invite rapidement à entrer et referme la porte derrière lui en veillant à ce que personne ne l’ait vu en passant dans le couloir.
Elle ne lui laisse pas le temps de parler avant de l’embrasser. D’abord surpris, le jeune homme finit par la saisir par la taille et lui rend son baiser.
— On s’est vu ce matin, tu sais ? dit-il tout essoufflé après cet accueil.
— Mais nous n’étions pas seuls lui rappel Aliona.
La jeune femme prend le temps d’observer son ami. Il semble fatigué, mais heureux de pouvoir passer un peu de temps avec elle.
— Comment s’est passée ta journée ? s’enquiert Jonas.
— Exténuante. Et toi ?
— Pareil. Mais raconte-moi tout, en détail, insiste-t-il.
Les deux amoureux s’installent dans le lit d’Aliona. Serrés l’un contre l’autre, ils trouvent du réconfort dans la chaleur qui émane de leurs corps.
Aliona raconte alors dans le détail chaque instant de sa journée. Ce qu’elle a aimé, ce qu’elle n’a pas apprécié. Ses quelques échanges avec les prétendants, surtout avec Kieran. Elle n’oublie évidemment pas de s’épancher sur son horreur du protocole et son envie de tout réformer pour se consacrer à ce qui compte vraiment.
— Tu te rends compte des sommes gaspillées en soirée et nourriture ! C’est hallucinant !
— Je me doute bien, répond Jonas tout en caressant les longues mèches brunes de la jeune femme.
— Parle-moi de ta journée, lui demande Aliona en se calant dans ses bras.
Jonas n’a pas le temps de lui parler de l’entretien matinal du jardin que la jeune femme s’est assoupie contre lui. La journée a été intense et chargée en émotion. Alors, le jeune homme profite de cet instant et reste ainsi à regarder dormir Aliona, un léger sourire illuminant son visage.