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Chiara
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Chapitre 4

Elle court. La fumée lui fait monter les larmes aux yeux. Elle voit flou.  Les gens crient alors que les flammes les rattrapent. Elle ne s’arrête pas. Il ne faut pas regarder en arrière. Avancer, coute que coute. Le feu semble s’écarter à son approche. Il ne lui fera aucun mal, elle le sait. Cela ne l’empêchera pas de réduire en cendre tout le reste.

Sa respiration devient laborieuse. Elle tousse à cause de la fumée. Sa gorge la brûle. Elle tente de se protéger en couvrant son visage avec son bras. Les larmes qui perlaient à ses yeux finissent par couler. Son cœur raisonne dans sa poitrine. Boum, boum, boum. Le son des battements finit par couvrir les hurlements des personnes qui agonisent dans son dos.

La porte de sortie n’est plus qu’à quelques pas. Encore un dernier effort. Elle y est presque. Une explosion retentit, des murs s’écroulent, les cris derrière elle redoublent en intensité. Elle court à toute vitesse. Elle doit sortir avant que le bâtiment ne s’écroule.

Alors qu’elle pousse la porte, l’air froid entre en collision avec l’air chaud. Une violente déflagration la pousse dehors…

Aliona se réveille en sursaut. Elle est en nage après ce rêve bien trop réaliste. Son cœur bat tant qu’il pourrait sortir de sa poitrine. Ses yeux sont humides et son oreiller est trempé des larmes qu’elle a versées en dormant.

Encore ce cauchemar… Cela fait des années qu’elle est hantée par des images de l’incendie d’Ignis. Celui dans lequel sa mère a perdu la vie. Parfois, elle n’y songe pas alors qu’à d’autres instants elle ne peut passer une nuit sans revivre, encore et encore, cet atroce souvenir.

Depuis quelque temps, c’est pire. La fréquence de ces rêves horribles ne fait qu’augmenter. Elle redoute même l’heure du coucher et veille jusque tard pour espérer passer une nuit sans rêve. En vain. Tous les matins, la sensation d’asphyxie met du temps à la quitter. Les cernes profonds qui marquent son visage témoignent de son manque évident de sommeil.

Elle sait pourquoi ces cauchemars reviennent la hanter ces dernières semaines. Aujourd’hui est le jour de son vingtième anniversaire. Cela fait quinze ans que l’incendie a eu lieu. Quinze années, que sa mère ne fait plus partit de ce monde. Aujourd’hui, Arietis saura enfin qui sera sa nouvelle reine. Elle, ou Léna ?

Faites que ce soit Léna, implore-t-elle mentalement comme chaque matin sans prier un dieu en particulier.

Le soleil est encore bas dans le ciel. Ne tenant pas à rester dans sa chambre dans l’attente que ce soit l’heure de se préparer pour la journée, Aliona repousse ses draps trempés de sueurs et de larmes et se lève. Elle enfile une robe de chambre en satin par-dessus sa chemise avant de se faufiler dans les couloirs du palais.

En dépit de l’heure matinale, les couloirs sont en pleine ébullition. Des hommes font le ménage, on accroche des guirlandes sur les montants des portes, des bouquets de fleurs fraichement coupées ornent les tables. Tout doit être prêt pour ce soir et la révélation de l’identité de la nouvelle reine. Cette agitation fait battre le cœur d’Aliona encore plus vite, si tant est que cela soit possible.

Rapidement, la princesse rejoint les jardins et enfin elle se détend. Le parfum des fleurs la soulage. La sensation d’étouffement après avoir inhalé la fumée dans son rêve s’évapore peu à peu. L’air frais caresse son visage et elle se détend peu à peu.

C’est le printemps, les jardins sont splendides. Il est rare de voir autant de plantes à Arietis. Les jardins du palais d’Ignis sont uniques en leur genre. Un véritable écrin de verdure entouré par des kilomètres de désert. Une prouesse unique dans l’ensemble du royaume. Le travail des jardiniers est remarquable compte tenu du peu de moyens à leur disposition.

Aliona adore se promener dans les jardins. Là, elle a l’impression de pouvoir être elle-même. Loin des regards des courtisans. Elle est libre de rire, courir, chanter, s’assoir par terre, parler fort… Personne ne la regardera de travers, car personne ne vient jamais se perdre dans ce joyau de verdure. Il faut dire que les journées sont chaudes. Passé dix heures, il est presque insupportable de rester dehors. Les nobles qui ne connaissent pas les propriétés rafraichissantes de la flore sont donc réticents à l’idée de s’aventurer dans les jardins, pour le plus grand bonheur de la princesse.

Un grand arbre se dresse devant la jeune femme qui décide de s’assoir en dessous. Elle se laisse alors bercer par les sons de la nature. Comme elle aimerait voyager à travers les royaumes pour découvrir autre chose qu’Arietis. Se baigner dans les eaux turquoise de Ceti, se perdre dans les forêts verdoyantes de Leporis ou encore sentir le souffle du vent dans ses cheveux au sommet des montagnes d’Aquilae. Puis, qu’est-ce qu’elle donnerait pour traverser le mur d’Ombres et découvrir les secrets que cache Hydrae... Cela fait deux siècles que personne n’a jamais mis les pieds dans le royaume de l’Aether. Le mur d’Ombres a été érigé à la fin de l’Âge noir et depuis personne ne sait ce qu’il s’y trame. Peut-être que les dirigeants de ce royaume mettent au point une stratégie pour restaurer leur pouvoir d’antan ? Souhaitent-ils dominer le monde à nouveau ? Qui sait ?

—   Joyeux anniversaire, princesse, chuchote une voix, ce qui fait sursauter Aliona.

Jonas est sorti de nulle part. Tout sourire, ses yeux gris pétillant de joie. Le jeune homme à un bouquet de coquelicots à la main.

—   C’est pour toi, dit-il en lui tendant le bouquet. Je sais, ce n’est pas grand-chose, mais comme nous n’en avons pas souvent je me suis dit que ces fleurs te feraient plaisir.

Aliona sent les fleurs et des larmes lui montent aux yeux.

—   Merci Jo, tu ne peux pas savoir comme ça me fait plaisir. Mais comment as-tu su où me trouver ?

Jonas esquisse un sourire énigmatique avant de se joindre à la princesse en s’asseyant au pied de l’arbre.

—   J’ai mes sources … Tu n’es pas aussi discrète que tu le penses, répond-il en la bousculant amicalement.

Aliona profite d’être seule avec Jonas pour reposer sa tête sur son épaule. L’avantage de faire partie des seules personnes à profiter des jardins c’est que le risque de se faire surprendre dans ces rares moments d’intimité est moindre. Elle prend une grande inspiration pour profiter de son odeur. Son parfum est un mélange de savon froid, de rosée du matin et de ciel orageux. Vivement ce soir qu’elle puisse révéler leur relation à Ayden et enfin vivre son amour librement. Il suffit que Léna soit nommée reine…

—   À quoi penses-tu ? demande Jonas tout en lui caressant la tête.

—   À la tête que fera Ayden ce soir quand je lui dirai pour nous deux.

Jonas interrompt son mouvement et cesse de passer ses doigts entre les cheveux de la princesse.

—   Tu vas le lui dire ? Vraiment ? l’interroge Jonas en se redressant.

—   Si tout se passe comme prévu, que Léna devient officiellement reine d’Arietis, il n’y a plus aucune raison de nous cacher.

Jonas passe une main hésitante dans ses cheveux. Les traits de son visage sont tirés et il n’ose pas regarder Aliona dans les yeux.

—   Et si … C’est toi ? s’inquiète le jeune homme.

Les yeux d’Aliona, pourtant déjà noirs, semblent foncer davantage quand l’inquiétude passe sur son visage. Elle déglutit difficilement avant de secouer la tête comme pour éloigner cette idée.

—   Impossible. Pourquoi ma mère aurait-elle désigné une enfant de cinq ans pour lui succéder ?

—   Pourquoi a-t-il fallu attendre qu’Ayden et toi ayez vingt ans dans ce cas ?  rétorque Jonas.

Aliona a déjà pensé à cela avant. C’est vrai, pourquoi attendre la majorité de tous les enfants pour annoncer le nom de la nouvelle reine. Évidemment, comme beaucoup avant elle, la jeune femme a pensé que c’était parce qu’elle serait reine et qu’il fallait attendre qu’elle soit majeure pour gouverner. Puis pour se rassurer, Aliona a ensuite pensé que c’était seulement une idée perverse pour maintenir le suspens. Arietis n’était pas en danger, même avec un trône vacant. Le Roi Léonard assure la régence d’une main de maître depuis quinze ans. Sa mère avait confiance en lui. Cette longue attente ne signifie pas nécessairement qu’Aliona sera reine ce soir. Du moins l’espère-t-elle…

Une idée traverse l’esprit de la jeune femme. Jonas le remarqua, car ses yeux ont cette petite étincelle, comme si des flammes y dansaient pour éclairer les ténèbres.

—   Même si je suis reine, ce qui n’arrivera pas, nous le dirons à Ayden. Ce n’est pas comme si mon père allait m’imposer de me marier tout de suite ! Je n’ai déjà pas bonne réputation à cause des gardes qui ne tiennent pas leur langue. Autant leur donner du grain à moudre.

Une force invisible semble quitter les épaules de Jonas. Les traits de son visage se détendent et le jeune homme esquisse alors une moue moqueuse.

—   Tu n’as pas bonne réputation, car on ne se cache pas vraiment, rit Jonas. Ton frère pense seulement que tu t’amuses avec quelques garçons issus de la basse noblesse. Il ne peut pas t’imaginer dans mes bras. Jamais ça ne lui viendrait à l’esprit !

Les deux jeunes gens rient et commencent à refaire le monde, ici, à l’abri des regards, protégés par l’ombre d’un arbre. Leurs épaules se touchent. Leurs souffles se mêlent. Ils observent les nuages qui passent au-dessus de leur tête. Aliona ne peut s’empêcher de jouer avec le pendentif de son collier alors qu’ils profitent en silence du monde qui se réveille doucement autour d’eux.

Neuf heures sonnent au clocher du temple. Aliona se lève vivement.

—   Mince, c’est déjà l’heure. Je vais être en retard ! s’exclame-t-elle. Mes femmes de chambre vont avoir ma peau !

En effet, ses cheveux sont tous emmêlés après que Jonas a passé sa main dedans un nombre incalculable de fois. Ses pieds nus sont noirs de terre et ses ongles incrustés de saletés. Sans parler du bas de sa chemise humide à cause de la rosée matinale et maculée de terre.

Jonas ne peut s’empêcher de sourire face à l’image de la princesse débraillée qu’affiche Aliona. Elle n’est décidément pas faite pour devenir reine, pense-t-il alors.

Aliona quitte les jardins en laissant Jonas derrière elle, non sans avoir pris un temps qu’elle n’a pas pour l’embrasser. Le temps file et la jeune femme doit traverser le domaine pour rejoindre le palais. Les imposantes portes tout juste passées, elle se précipite vers ses appartements pour se préparer. Ses femmes de chambre l’attendent déjà de pied ferme. Les remontrances habituelles se font vite entendre. Aliona ne prend pas le temps de leur répondre, elle s’immerge dans l’eau brulante du bain et ferme les yeux quelques secondes.

—   Il serait inconcevable que la petite hérite de la couronne. Elle n’est pas faite pour la vie de Cour, chuchote l’une des femmes au service de la princesse.

—   Le royaume serait en de bien meilleure main si Léna héritait de la couronne, Aliona aspire à plus de liberté et ne supporterait pas les chaines du pouvoir, lui répond une autre.

Entendre les femmes de chambre espérer voir Léna couronner rassure Aliona. Elle n’est pas la seule à penser qu’elle ferait une très mauvaise reine. C’est un peu plus détendu que la jeune femme profite de son bain, un léger sourire au coin des lèvres.

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