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Chiara
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Chapitre 22

Le Feu s’élève du palais. La fumée rend l’air irrespirable. Sa chemise est humide de la rosée qui a imprégné l’herbe dans la nuit. L’herbe est fraiche au contact de sa peau. L’écho des cris des quelques malheureux encore en vie qui périssent dans les flammes lui parvient. La danse des flammes l’hypnotise. Elle ne peut quitter des yeux ce fascinant spectacle. Elle devrait paniquer, être triste, avoir peur, mais c’est tout l’inverse. Nul doute que le Feu ne lui fera rien. Il la rassérène. Sa chaleur la réconforte. Elle le sait, il est son passé, son présent et son avenir. La destruction et la renaissance. La lumière qui chasse les Ténèbres de la nuit.

Aliona se réveille encore perturbée par son rêve. Son cœur bat normalement. Sa peau est fraiche. Aucun signe des sueurs nocturnes des nuits précédentes. Ce n’était pas un cauchemar habituel. C’était presque apaisant.

Le soleil est encore bas dans le ciel. On ne viendra pas la réveiller avant un moment. La jeune femme décide alors de s’entrainer à maitriser ses pouvoirs. Elle repousse ses draps avant de se lever. Un frisson la parcourt quand ses pieds rencontrent la fraicheur du parquet. Il craque légèrement alors qu’elle attrape un chandelier afin d’y disposer des bougies. Elle le pose au sol et s’assoit devant. Doucement, elle apaise sa respiration et ferme les yeux. Elle se concentre sur les sensations qui parcourent son corps et tente de visualiser les mèches des bougies s’allumer. Elle sent un léger picotement sur sa peau. Une fine pellicule de sueur recouvre sa peau. Elle maintient sa concentration. Elle essaye de trouver le juste équilibre pour ne pas se faire dépasser. Laisser cette chaleur l’envahir est tentant, mais elle ne doit pas succomber à l’attrait des Flammes. Quand elle réouvre les yeux, les bougies sont toutes allumées.

Aliona n’en croit pas ses yeux. Elle a réussi ! Elle a su allumer les bougies en utilisant ses pouvoirs. Voulant s’assurer que ce n’était pas un coup de chance, elle souffle les chandelles et recommence. Elle s’entraine ainsi un long moment et finit par s’assoupir à même le sol après tant d’efforts pour se maitriser.

Les femmes de chambre entrent à huit heures et découvrent leur jeune reine en chemise de nuit, cheveux défaits, parterre, assoupie devant un chandelier aux cinq bougies allumées, dont la cire coule lentement.

Délicatement, elles réveillent la jeune femme et l’aident à se préparer pour sa journée.

Aliona n’est pas encore totalement réveillée lorsqu’elle se rend à la salle du petit déjeuner. Ses entrainements nocturnes l’ont vidée de toutes ses forces. Dès que ses yeux se posent sur le buffet son ventre émet un grognement. Elle est affamée.

Ayden et Lucie sont déjà à table et chuchotent entre eux. Pour rien au monde, elle ne voudrait savoir ce que son frère glisse à l’oreille de sa meilleure amie et la fait rougir. Le Roi Léonard est aussi présent. Le nez plongé dans un dossier, il n’entend pas Aliona entrer. Cette dernière se sert donc une copieuse assiette et va manger en silence. Ils ne font pas attention à elle et cela lui convient très bien.

—   Ce matin, il y a le Conseil des Ministres et cet après-midi tu dois retrouver le Roi Kieran dans la bibliothèque, annonce le Roi sans même relever la tête de son dossier à l’attention d’Aliona.

La reine avale son thé de travers quand son père lui annonce qu’aujourd’hui elle doit rencontrer le Roi d’Hydrae. Elle aspirait à une journée calme pour une fois. Force est de constater que ce ne sera pas pour aujourd’hui. Même si elle n’est pas très enthousiaste à l’idée de passer du temps en tête à tête avec Kieran, Aliona ne peut s’empêcher de ressentir une pointe de curiosité à l’idée d’en apprendre un peu plus sur lui. Elle aimerait bien découvrir le frère protecteur que Juliette lui a décrit la veille…

Le clocher du palais sonne trois heures quand Aliona entre dans la bibliothèque vide. Elle profite de l’absence de Kieran pour flâner dans les rayons à la recherche d’ouvrages qu’elle n’aurait pas encore lus. Il faut dire que depuis qu’elle est en âge de lire, Aliona a passé beaucoup de temps aux côtés de Léna à dévorer les livres de la bibliothèque. Elle pourrait trouver n’importe quel volume dans ce dédale de rayons qui débordent tant la collection d’Arietis est riche. Certains livres sont uniques.

Arietis possède la plus précieuse et complète collection d’ouvrages des cinq royaumes. Nombreux sont les érudits qui se rendent au palais dans l’espoir d’obtenir l’autorisation de les consulter. C’est un privilège que de pouvoir circuler en ce lieu librement. Certains livres contiennent des informations rares qu’il est impératif de préserver.

L’odeur de l’encre et du papier a toujours plu à Aliona. Ici, elle a passé des heures à s’évader de sa prison dorée en découvrant la géographie, la philosophie ou encore la biologie. Certes, ces sujets sont habituellement réservés aux hommes, mais elle était trop curieuse enfant. Son père n’a jamais réussi à lui faire accepter de recevoir une éducation différente de celle de son frère. Pourquoi Ayden aurait le droit d’apprendre toutes ses choses et elle aurait dû se contenter de la danse et de la musique. Totalement absurde !

C’est malgré lui que Léonard a permis à sa benjamine de découvrir les sciences et autres sujets intellectuels qui font qu’elle est la femme à l’esprit vif et atypique que l’on connait aujourd’hui. Aliona s’est prise de passion pour l’apprentissage et très vite elle a surpassé son frère dans bien des domaines. Ayden lui se contentait du minimum, préférant les relations humaines à l’ennui des livres poussiéreux et austères que sa sœur s’est toujours plu à dévorer sans aucune pitié.

Aliona saisit un livre de son auteur préféré sur l’étagère face à elle. Il s’agit d’un ouvrage historique sur les grandes reines d’Arietis, avant et après le traité d’Enkainia. Une petite brique de mille-cinq-cents pages qu’elle a lue en à peine trois jours alors qu’elle n’avait pas quinze ans. Elle sourit en repensant à la réaction de ses amis quand ils l’ont enfin vu sortir de ses appartements après avoir complètement disparu de la circulation pour lire. Il faut dire qu’elle en aurait presque oublié de manger à l’époque.

—   Je ne peux qu’admirer votre choix de lecture, la surprend une voix.

Aliona se retourne vivement et se retrouve face à Kieran. Habillé tout en noir comme à son habitude, seuls ses yeux bleus apportent une touche de couleur à son allure austère.

Décidément, cet homme a un don pour me surprendre ! s’agace-t-elle.

—   La ponctualité n’est pas votre fort, répond Aliona d’une voix tranchante masquant son trouble naissant.

Sa froideur ne rebute en rien l’homme qui se tient devant elle. Au contraire, avec son léger sourire en coin, il semble même apprécier cela.

—   Veuillez m’excuser, j’ai été retenu par certaines obligations. Bien que vous soyez reine depuis peu, je pense que vous comprenez.

Non. Aliona ne comprend pas. Son emploi du temps est réglé comme du papier à musique. Son père gère encore beaucoup de choses à Arietis. Elle n’a pas encore pris seule les rênes de son royaume. Cela la rassure, car elle ne se sent pas encore prête à gouverner pleinement. Mais d’un autre côté, elle a l’impression que son père ne lui fait pas assez confiance pour la laisser diriger. C’est à la fois apaisant et frustrant. Un peu comme la présence de Kieran auprès d’elle.

—   Ma mère avait pour habitude de dire « Dis-moi ce que tu lis et je te dirais qui tu es ». J’ai toujours apprécié cette mentalité et je la trouve très vraie, reprend Kieran. Je suis rassuré de voir que votre premier choix ne se porte pas sur l’histoire de la torture.

Aliona ne peut s’empêcher de sourire. Elle ne peut résister à saisir la perche qu’il lui tend.

—   Je l’ai lu la semaine dernière, et j’ai déjà fini celui sur les mise à mort les plus douloureuses, j’ai dû me rabattre sur autre chose, enchérit-elle un sourire dans la voix.

Le roi du Royaume de l’Aether se mord la lèvre inférieure pour réprimer un rire.

—   À titre personnel j’aime beaucoup ce livre sur les techniques d’interrogatoires.

—   Celui qui traite de la noyade ou bien celui qui a un chapitre consacré à l’écartèlement ?

Cette fois Kieran laisse échapper un rire étouffé. Il ne semblait pas s’attendre à ce qu’Aliona ose répondre.

—   Vous avez de la répartie ! s’exclame-t-il dans un mélange de surprise et d’admiration.

—   Cela vous étonne ? Vous n’êtes donc pas au fait des horribles rumeurs qui courent sur ma personne ?

—   Je ne prête pas attention aux rumeurs. Je préfère me faire mon propre avis sur les gens.

Aliona ne sait que penser de cet homme qui la trouble plus qu’elle ne voudrait l’admettre. Ils déambulent ensemble entre les étagères chargées de livre qui semblent menacer de céder sous leur poids à tout moment.

—   Votre frère m’a dit que vous aimiez l’Histoire. Est-ce vrai ? demande Kieran.

—   Cyrus vous a parlé de moi ? s’étonne Aliona.

—   Bien sûr, oui. Cela vous surprend ?

—   Il faut dire que mon frère et moi n’entretenons pas les meilleurs rapports qui soient. Je dois bien admettre que oui, cela me surprend que vous ayez ce genre de conversation avec lui. Je rajouterais même que je suis encore plus surprise que mon frère sache que je me passionne pour l’Histoire.

—   Et que savez-vous des cinq royaumes ? l’interroge Kieran.

Aliona se retourne vers lui et plante son regard de feu dans les yeux de son interlocuteur.

—   Vous comptez me faire passer un examen d’Histoire ?

—   Loin de moi cette idée. Voyez-vous, je m’intéresse aussi à cette discipline et je suis curieux de partager mes connaissances avec les vôtres.

Aliona ne sait que penser des intentions de Kieran. Pourquoi diable voudrait-il parler d’Histoire en cet instant ?

Même si elle reste sur ses gardes, la jeune femme décide de répondre au Roi d’Hydrae.

—   Pendant un demi-millénaire, les royaumes d’Elementum se sont retrouvés gouvernés par la terreur du Royaume de l’Aether. Cette période est appelée l’Âge Noir. La société était hiérarchisée en différentes castes sociales qui ne pouvaient se mélanger entre elles. Le peuple de la Terre s’est retrouvé esclave des autres. Condamnés à cultiver les champs pour alimenter le reste de la population. Celui de l’Eau était à peine considéré pour ses dons de guérisons tandis que le peuple de l’Air ne gagnait son pain qu’en jouant de la musique pour le peuple du Feu et celui de l’Aether. Mais je pense que vous connaissez ce pan de l’Histoire mieux que moi.

—   En effet, mon peuple souffre toujours de cette stigmatisation bien des années plus tard.

—   Le Traité d’Ekainia a été signé en l’an 900 après la montée en puissance des rebelles de l’Apostate. Les différentes cellules d’apeithes ont permis d’unir les forces des différents peuples et de faire tomber le gouvernement tyrannique du Roi Kieran.

Kieran acquiesce et l’invite à poursuivre d’un geste.

—   Le Traité a été signé par le roi Gavin d’Aquilae, Gaïa de Leporis, Dylan de Ceti, Kieran d’Hydrae et…

Aliona s’interrompt en se rendant compte d’un détail auquel elle n’avait jamais prêté attention.

—   Aliona d’Arietis, achève Kieran en un souffle.

Aliona savait qu’elle avait été baptisée en l’honneur de la première reine du Royaume du Feu après le Traité d’Enkainia. Elle n’avait cependant pas relevé que la moitié des souverains actuels portaient le nom de ces monarques historiques.

—   Connaissez-vous la légende ? demande le Roi d’Hydrae en un souffle.

La jeune reine ne s’était pas rendu compte qu’elle était si proche de Kieran. C’est comme si leurs corps étaient attirés l’un par l’autre. Comme si les ombres qui entourent le jeune homme invitaient la lumière d’Aliona à lever le voile sur les mystères qu’il cache.

—   Les mythes de la création et des pouvoirs originels des cinq peuples ? Oui je les connais.

Aliona est perturbée par tant de proximité. Elle se gratte la gorge et se détourne.

—   Ce ne sont que des histoires pour les enfants, conclut-elle, craignant d’aborder la question des pouvoirs magiques.

Sans vraiment savoir pourquoi, elle sent au fond d’elle qu’elle doit préserver le secret du retour de ses pouvoirs.

Elle regarde les étalages de livre devant elle, faisant mine de chercher un ouvrage en particulier. Son attention est attirée par le rubis à son cou qui semble scintiller. Les poils de son corps se hérissent en sentant la chaleur de celui de Kieran qui s’est rapproché.

—   Vous ne croyez pas en la magie ? chuchote-t-il.

Toujours dos à lui, Aliona secoue la tête en signe de négation.

—   Connaissez-vous les rapports qu’entretenaient nos aïeux ? Certains auteurs émettent l’hypothèse selon laquelle …

La porte de la bibliothèque s’ouvre sur un homme en livrée noire. Kieran se recule d’un pas. Aliona souffle en réalisant qu’elle avait retenu sa respiration jusqu’à présent. Cette interruption est la bienvenue.

—   Majesté, navré de vous interrompre, mais Votre sœur Juliette vous fait appeler. C’est urgent, conclut-il d’un air grave.

Sans un mot, Kieran sort en trombe, sans un mot, laissant Aliona seule dans la bibliothèque.

La jeune femme est perturbée par cette étrange entrevue. C’est comme si Kieran savait pour ses pouvoirs et l’invitait à se confier à ce sujet.

Alors qu’elle se reconcentre sur le moment présent, Aliona lit le titre du livre face à elle : La conclusion de l’Âge Noir et le Traité d’Enkainia. Drôle de coïncidence.

Elle saisit l’ouvrage et part dans ses appartements. Alors qu’elle s’apprête à entamer sa lecture, son regard se pose sur la lettre qui lui a envoyé le Roi d’Aquilae. Elle ne comptait pas y faire suite au départ, mais après réflexion…

Aliona se lève pour saisir de quoi écrire et répondre à son mystérieux correspondant.

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