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Chiara
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4. Défaite contre Erginos

La paix n’a jamais été le point fort de Thèbes. En fait, pour être franche, ça n’a jamais été le point fort de la Grèce ! Il faut toujours que les hommes se tapent dessus. La guerre de Troie n’avait pas encore eu lieu à l’époque, mais les conflits étaient tout de même monnaie courante.

Il faut savoir, avant que je commence à vous raconter les évènements qui vont suivre, que les Minyens d’Orchomène et les Thébains ne s’entendaient pas vraiment. Bon, d’accord, il ne s’entendait pas du tout. Depuis la mort du roi Clyménos (roi des Minyens), les relations entre les deux cités étaient plus que tendues. En même temps, on peut facilement le comprendre quand on sait que ce dernier a été tué par un Thébain. Pour ce que j’en sais, cette mort était totalement accidentelle. Cela n’est cependant pas une excuse, un homme a perdu la vie ce jour-là. Évidemment, juste avant de rendre son dernier souffle, Clyménos fit promettre à son fils, Erginos, de venger sa mort. Et c’est ainsi que l’on se retrouve face un roi qui fait tout pour déclencher un conflit entre Thèbes et les Minyens.

Voilà le contexte est posé. Maintenant, revenons à nos moutons. J’avais 14 ans. Mon père assurait encore la régence, mais plus pour longtemps comme Étéocle allait bientôt atteindre sa majorité.

Comme chaque année, des jeux étaient organisés en l’honneur du dieu Poséidon. Cette année-là, ils se déroulaient à Onchestos, le « magnifique bois de Poséidon » comme on l’appelait à l’époque.

J’adorais les fêtes en l’honneur du dieu de la mer et des océans. J’ai toujours eu de l’affinité pour cet élément, je ne sais pas pourquoi. Quand on avait de la chance, la terre revêtait son manteau blanc, ce qui rendait le tout magique. C’était aussi l’occasion de tous se réunir. Maintenant que la maladie ne menaçait plus Thèbes, nous en profitions encore plus.

Comme à chaque fête qui se respecte, des jeux étaient organisés. Épreuves d’athlétisme et courses de chars étaient les grands incontournables. Chaque cité choisissait des champions qui concourraient les uns contre les autres. C’était très distrayant et parfois un brin violent.

Les Thébains étaient très bons aux jeux. Toutefois, ils étaient aussi très mauvais perdants. Heureusement, la plupart du temps, nous gagnions. Et je ne dis pas ça pour défendre mon peuple. Nous étions très objectivement l’une des meilleures cités !

Mes frères et moi étions assis dans les gradins afin d’observer la course de chars. Ménécée adorait ce genre de courses et rêvait d’y participer un jour.

Comme d’habitude, le champion Thébain devait affronter le champion des Minyens. Et oui, nous aurions pu éviter le conflit mais non, on l’encourageait évidemment !

Les cris des supporters résonnaient dans l’arène. La tension était à son comble, même si le Thébain était largement en tête. Cependant, au dernier moment, le Minyen remonta dans la course. Il se trouvait à présent juste derrière notre champion, à quelques secondes de la ligne d’arrivée.

Un bruit sourd résonna. On ne comprit pas ce qu’il s’était passé. En un quart de seconde, le char Thébain était renversé et le Minyen remportait la course.

Les cris des supporters laissèrent place à des cris d’indignation. Certains parlaient de triche. Côté Minyen, leur champion eu le droit à une ovation de la foule.

Mes yeux étaient fixés sur le Thébain qui se relevait tant bien que mal. Apparemment il tenait debout donc plus de peur que de mal. Cet accident aurait pu lui être fatal.  Les morts étaient courante lors de ces jeux. L’homme claudiqua en direction du vainqueur et s’en prit verbalement à lui. Enfin c’est ce que j’en déduisis, car je me trouvais trop loin pour entendre ce qu’il se passait.

Rapidement, les deux hommes en vinrent aux mains. Un coup de poing en entraina un autre.

— Ils feraient mieux de se calmer, murmura Ménécée. S’ils continuent, on va frôler l’incident diplomatique. Erginos n’attend que ça pour avoir une raison de marcher sur Thèbes depuis la mort de son père.

— Il faut que quelqu’un les sépare, lui répondit Hémon. On court tout droit vers la catastrophe.

Heureusement, les autres participants accoururent pour séparer les deux champions qui étaient en train de se battre au milieu de l’assemblée.

La journée se poursuivit sans autre incident majeur. Un homme s’était déboité l’épaule lors de l’épreuve de pugilat, un autre s’était tordu la cheville lors du saut en hauteur. Mis à part ça, la fête suivit son cours jusqu’au soir.

La nuit tombée, tous se réunirent au coin du feu pour entamer des danses et des chants en l’honneur de Poséidon. Je dansais avec Ismène quand des cris vinrent interrompre la musique.

— Tu as triché ! C’est moi qui étais en tête tout du long, j’aurais dû remporter cette course !

— La preuve que non. C’est moi qui ai gagné !

— Tu as failli me tuer espèce de …

C’était les deux conducteurs de chars du matin qui réglaient leurs comptes. Comme précédemment, ils ne se contentèrent pas uniquement de mots. Ils commencèrent à se pousser l’un l’autre et le Minyen finit par tomber dans les flammes du feu de joie. D’autres hommes étaient venus pour tenter de les séparer, mais trop tard. Le mal était fait. Tant bien que mal, et je ne sais comment, le Minyen sortit indemne du feu. À peine un peu brûlé. Mais d’un coup de colère, le Thébain saisit une pierre et la lança en plein sur la tête de son adversaire. Il avait décidé d’éliminer son adversaire coute que coute à en croire ses réactions. S’il ne voulait plus être conducteur de chars, il pouvait se reconvertir en lanceur de disque, je pense que cet homme aurait eu toutes ses chances !

La pierre percuta violemment la tête de la cible, qui s’écroula et rendit son dernier souffle dans la seconde où le corps toucha le sol.

Rapidement, la nouvelle se répandit qu’un Thébain avait tué un Minyen. Furieux, le roi Erginos fit son apparition au milieu de la foule qui s’était amassée pour assister au combat entre les deux hommes.

— CRÉON !, hurla-t-il alors.

Mon père, qui était occupé à boire du vin tout en profitant du banquet en compagnie de ma mère, n’avait aucune idée du drame qui venait de se dérouler.

Erginos l’appela plusieurs fois avant qu’il n’apparaisse enfin.

— Que se passe-t-il ? Qui m’appelle ?, demanda mon père en arrivant sur les lieux du drame.

— Ton champion vient de tuer le mien. Encore une fois, le sang de mes hommes est versé par l’un des tiens, Créon. Cet acte est intolérable.

Et c’est comme ça que la guerre fit son grand retour.

Nous ne finîmes même pas les fêtes. Erginos menaçait d’envahir Thèbes et nous devions à tout pris rentrer à la cité.

Pendant des semaines, mon père prépara la ville à affronter un siège, se doutant bien qu’Erginos n’en resterait pas qu’aux menaces. Le jeune roi attendait une occasion de venger son père depuis bien trop longtemps et elle venait de lui être servie sur un plateau d’argent. Ce n’était qu’une question de temps avant que les Minyens se trouvent à nos portes.

Évidemment, au bout de deux mois, le jour fatidique finit par arriver. Erginos se présenta, accompagné d’une armée gigantesque, aux portes de Thèbes. Ils étaient en supériorité numérique et le peuple de Thèbes se remettait à peine du fléau qui l’avait persécuté pendant plus de dix ans.

Je surpris alors une conversation des plus intéressantes entre mon père et Étéocle.

— Mon oncle, que comptez-vous faire ?, lui demanda mon cousin.

— Je crois bien avoir ma petite idée. Mais dit moi, que ferais-tu, toi, si tu te trouvais à ma place ?

Mon cousin prit quelques minutes pour réfléchir à la question.

— Ils sont bien plus nombreux. Et même si nos hommes sont bien entrainés, ils souffrent encore des séquelles de la maladie qui les a rongés pendant tant d’années.

— Exactement.

— Alors quoi ? On les laisse marcher sur la ville ? On se rend ?

— Non, prends le temps de réfléchir cinq minutes, insista mon père.

Silence. Le plus discrètement possible j’entrais dans la salle. Je ne voulais pas interrompre leur discussion, mais il me semblait avoir compris où mon père voulait en venir.

— Je ne vois vraiment pas où ce que vous avez à l’esprit mon oncle, déclara Étéocle désemparé face à la situation.

Je m’avançais encore d’un pas avant de prendre la parole.

— Un traité, dis-je timidement.

Les deux hommes se tournèrent face à moi.

— Qu’entends-tu par là ? Peux-tu préciser ta pensée ?, m’encouragea mon père le regard pétillant d’une fierté toute paternelle.

— Et bien, ils sont plus nombreux, nous sommes certes entrainés, mais trop faibles. Une bataille nous conduirait tout droit à la défaite et à une humiliation. De plus, je ne pense pas que les Thébains accepteraient de prendre part au conflit. Ils ont trop à perdre.

— C’est exact, poursuis ton raisonnement, m’incita à poursuivre mon père.

— Si le conflit armé est impossible, il reste toujours la voie diplomatique.

— Mais Erginos veut voir le sang couler ! Jamais il n’acceptera !, s’exclama Étéocle.

— Pas sûr ! Il veut faire payer Thèbes pour la mort de son père. Il faut donc lui proposer une transaction qui le satisfera, argumentais-je.

— Ça pourrait marcher, vous pensez ?, demanda mon cousin en se tournant vers mon père.

— Je pense que Még à un grand sens de la politique. Étéocle, fais envoyer un messager au-delà des remparts afin d’inviter Erginos à la table des négociations.

Mon cousin ne se fit pas prier et partit sur le champ envoyer un homme par delà les murs de la ville.

J’allais moi-même quitter la pièce quand mon père m’apostropha.

— Még !, m’appela-t-il. Je suis fière de toi.

— Je n’ai rien fait. Vous comptiez déjà passer par la voie diplomatique avant que j’intervienne. Vous attendiez juste qu’Étéocle comprenne lui aussi que c’était la seule option.

— Tu as raison. Mais tu as été plus vive que ton cousin pour le coup. Et tu as aussi fait la démonstration d’une grande sagesse pour ton âge.

— Euh, merci ? Enfin, je crois, hésitais-je.

— Fais attention à toi Még. Tous les hommes n’apprécient pas qu’une femme se montre plus intelligente qu’eux. Cela pourrait t’attirer des ennuis un jour.

Inconsciemment, les paroles de mon père s’ancrèrent en moi. Je savais qu’il avait raison, les hommes n’aimaient pas qu’on leur dise quoi faire. J’aurais l’occasion de m’en rendre compte par moi-même des années plus tard. Je venais alors d’apprendre une grande leçon de vie.

Erginos accepta de conclure un traité avec Thèbes. Les termes étaient excessifs, mais nous n’avions pas d’autre choix. Notre capacité de négociation demeurait faible. C’était ça ou le massacre du peuple.

L’accord final stipulait que tous les ans, et ce pendant vingt années, la ville de Thèbes devrait fournir aux Minyens une centaine de bêtes. Chaque année, le roi Erginos enverrait des hérauts récupérer leur dû aux portes de la cité. Certes, le prix était élevé et le peuple allait en souffrir, mais une centaine de bêtes par an ce n’est rien comparé aux centaines de vies sauvées ce jour-là.

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