Alcide et moi dormions, nos souffles synchronisés, nos membres entremêlés dans le lit que nous partagions. La nuit était chaude en ce début d’automne. À travers la fenêtre, ouverte pour laisser passer l’air, filtrait la lumière argentée de la lune.
Déjà un an que nous étions mariés…
Nos nuits étaient souvent agitées. Oui. Non. Enfin ce n’est pas seulement ce que vous pensez !
Alcide avait tendance à faire des cauchemars. Presque toutes les nuits. Cela était épuisant pour lui, et pour moi aussi accessoirement.
Cette nuit-là fut l’une des pires. Alcide se mit à s’agiter. Il prononçait des paroles incohérentes. Son corps devint bouillant. Tellement qu’inconsciemment, toujours prisonnière des bras de Morphée, je m’écartais de lui pour chercher la fraicheur des draps.
Je fus réveillée quelques instants après, en sursaut, quand je sentis les mains de mon mari autour de mon cou. Je soulevais brusquement mes paupières pour m’apercevoir que celui que j’avais épousé se trouvait à califourchon sur moi, les mains serrées autour de ma gorge, les yeux ouverts, mais vides de toute expression.
J’étais paralysée par la peur. Tétanisée. Comme si moi même je me réveillais d’un cauchemar. Sauf que là, j’étais en train de le vivre. L’air se fit plus difficile à saisir. Je suffoquais lentement. Mon coeur battait à tout rompre dans ma poitrine. Tout dans mon corps hurlait danger. Ma Quand j’eus enfin conscience de se qui se passait, je fus de nouveau capable de bouger mes bras. L’instinct de survie reprenait le dessus. Je tentais par tous les moyens de ramener Alcide à la lucidité. Je le frappais, le griffais… Ma force était pourtant nulle comparée à la sienne.
Je ne sais comment ni pourquoi, mon homme revint à lui. Je le vis dans son regard. Les émotions étaient réapparues. Je pouvais y lire de la terreur quand il réalisa ce qu’il était en train de faire. Immédiatement il relâcha son emprise. Il s’empressa de sortir du lit et de se poster devant la fenêtre. C’était devenu une habitude chez lui. Chaque fois que ça n’allait pas, il prenait son poste à la fenêtre. Appuyé contre le cadre, il respirait comme s’il avait manqué de se noyer. Ma respiration à moi n’était pas mieux, mais pour une tout autre raison, vous vous en doutez bien.
C’était la première fois que les cauchemars d’Alcide se matérialisaient ainsi. Souvent, la nuit se limitait à de l’agitation et des cris. Ça, je pouvais gérer. Quand il était calmé, s’il en avait la force, il m’expliquait ce qui s’était passé. Mon mari avait l’âme torturée. Sa plus grande crainte était de se laisser emporter par la folie qui le martyrisait la nuit. Chaque fois, le même rêve. Il rêvait qu’il avait devant lui Erginos qui venait de faire tuer son père. C’est lui qui hantait ses nuits, encore et encore.
Après m’être remise de mes propres émotions, je décidais de me lever pour rejoindre mon époux resté appuyé sur le bord de la fenêtre à contempler la nuit. Sa respiration n’était plus erratique comme quelques minutes auparavant. Ne sachant trop quoi lui dire je fis ce qui me sembla le plus juste. Doucement, j’enroulais mes bras autour de sa taille et me plaquait contre son dos. Tout son corps était tendu. J’en fis abstraction et tentais de respirer le plus posément possible pour l’apaiser.
La respiration de l’homme dans mes bras se cala sur la mienne. Ses muscles se relâchèrent peu à peu. Quand je fus certaine qu’il était calmé, je me détachais de son corps massif, sans rompre totalement le contact. Il se tourna vers moi et plongea son regard dans le mien. Je pouvais y lire toutes les excuses du monde,
— Al… murmurais-je en posant ma main sur sa poitrine. Ça va mieux ?
Un rire sans joie parcourra son corps.
— C’est plutôt à moi de te poser la question. Je… Még, je ne … Ce n’était pas mon but de …, balbutia-t-il.
— Je sais. Je sais tout ça Al… Tu veux en parler ?
— Tu es bien trop bonne pour moi. Tu le sais ça ?
Je ne répondis pas, attendant qu’il parle. C’était le même cirque presque tous les soirs, sauf que là on était passé un cran au-dessus. J’avais peur. Je ne voulais pas avoir peur de mon époux, mais c’est comme ça. Alors, je fis abstraction de mes propres émotions, sachant pertinemment qu’il souffrirait s’il découvrait à quel point cette nuit-là m’avait terrorisée.
Alcide soupira et me prit dans ses bras.
— Il n’y a rien à dire. C’était comme d’habitude, mais plus réel encore. J’étais totalement ailleurs Még, dit-il alors que sa voix s’étranglait pour retenir un sanglot.
— Je sais, répétais-je en lui effleurant le biceps.
Je savais pertinemment qu’aucun mot ne suffirait à l’apaiser. Nous étions touts deux impuissants face à ce qu’il venait de se passer. Comme deux bêtes apeurées qui avaient peur de se blesser l’une l’autre si elles bougeaient trop vite.
Alcide m’enlaça, me serrant fort auprès de lui comme pour se raccrocher à la réalité. Nous restâmes un moment ainsi. J’étais sur le point de me rendormir dans ses bras, paradoxalement l’endroit que je considérais comme étant le plus sûr au monde, quand il reprit la parole.
— J’ai l’impression que ces cauchemars ne sont pas seulement dus à la perte de mon père. J’ai le sentiment que les dieux sont derrière tout ça. Je ne sais pas ce que j’ai fait pour les offenser, mais j’ai l’impression qu’ils veulent me punir, déblatéra-t-il tout en me portant jusqu’au lit.
— Que comptes-tu faire ?, l’interrogeais-je alors à moitié rendormie.
— Allez à Delphes.
L’idée de retourner là-bas après toutes ces années ne m’enchantait guère. La dernière fois qu’un de mes proches avait consulté la Pythie, mon oncle s’était crevé les yeux, ma tante s’était suicidée et mes cousins avaient été maudits par leur père. Un frisson d’appréhension me parcourra l’échine, mais Alcide vint se coucher à mes côtés et me repris dans ses bras, chassant ainsi tout autre sentiment que le bien être que je ressentais en sa présence. Le sommeil m’emporta rapidement et aucun autre incident ne vint perturber le reste de la nuit.
Le lendemain matin je fus étonnée de constater que le lit était vide à côté de moi. Ce n’était pas la première fois que cela arrivait, mais ce n’était pas non plus chose courante. La peur saisit mes entrailles. Je redoutais qu’Alcide soit parti à Delphes sans moi. Il était hors de question qu’il aille consulter l’Oracle en me laissant à Thèbes.
Je m’assis donc sur le lit, encore embrouillée par le sommeil.
— Bonjour, raisonna la voix d’Alcide dans la pièce. Bien dormi ?
La montagne de muscle qui me servait de mari était assise sur l’un des fauteuils de la chambre qu’il avait orienté face au lit. À sa tête j’aurais pu parier qu’il ne s’était pas recouché hier soir.
— Mieux que toi apparemment ! Tu as trouvé de quoi t’occuper pendant que moi je dormais ?
— Te regarder dormir est le plus beau des spectacles, dit-il en se levant et s’approchant du lit comme un chat pour m’embrasser.
J’aimais les matins où il était de bonne humeur. Cependant, à cet instant précis, je sentais qu’il n’était pas tout à fait là. J’interrompis donc le baiser pour le questionner un peu.
— Quoi de prévu aujourd’hui ?
Alcide releva un sourcil. Il semblait se demander pourquoi là, maintenant, je lui posais des questions alors que visiblement ses pensées étaient dédiées à quelque chose de bien moins sage.
— Et bien, j’aurais bien passé ma journée avec toi, enfermée, ici…, reprit-il déterminé à aller au bout de ses intentions.
— Je ne parle pas de ça, dis-je en me dégageant. Hier soir, tu as parlé de te rendre à Delphes.
— Tu ne dormais pas ?
— Pas suffisamment apparemment. Quand comptes-tu partir ?
— Je voulais partir ce matin et profiter de la fraicheur, mais je voulais te voir éveillée avant donc je partirais en fin d’après-midi et ferais le trajet de nuit.
Tout en parlant, Alcide était sorti du lit et avait rejoint sa place près de la fenêtre comme hier soir. Sa tête était tournée vers l’extérieur et moi je ne voyais que son dos.
— Et quand comptais-tu m’en parler ?, insistais-je en me levant à mon tour.
Pas de réponse. Le silence commençait à être pesant dans la pièce.
— Alcide ! Tu comptais m’en parler avant, n’est-ce pas ? Et tu ne t’imaginais pas que j’allais te laisser partir seul !
Alcide soupira avant de se retourner vers moi. Je vis dans ses yeux que non, il ne comptait pas m’informer de son départ et que par conséquent il ne souhaitait pas que je l’accompagne. Il dut lire la déception dans mon regard, car il fit un pas dans ma direction avant de reprendre la parole.
— Még, il faut que j’y aille seul. Ça ne regarde que moi.
— Bien. Si ça ne regarde que toi, ce sera Mégara à présent. Apparemment, le fait d’être ta femme et de subir autant que toi, tes terreurs nocturnes ne compte pas !, m’énervais-je.
— Még…, dit-il la voix chargée de remords.
— Non. C’est très bien. Pars, je dormirais plus tranquille sans toi. Au moins je n’aurais pas peur de mourir étranglée dans mon sommeil.
Aïe. J’au un mouvement de recul en entendant l’atrocité de mes paroles. J’avais peut-être poussé le bouchon un poil trop loin avec ma dernière phrase. J’étais furieuse qu’il pense que toute cette histoire ne me concernait pas. Elle me concernait, voyons ! J’étais là quand son père est mort. J’étais là quand il a tué Erginos. J’étais là quand le chagrin s’était emparé de lui. Et j’étais là hier soir aussi !
La colère guidait mes gestes. Je me mis à remplir mes malles de mes vêtements.
— Qu’est-ce que tu fais ?, me demanda Alcide. J’ai dit que tu ne viendrais pas, et quand bien même je céderais, le voyage dur moins d’une semaine allée retour, tu n’as pas besoin de tout ça.
— Non, en effet. Mais comme je ne compte pas rester ici quoi qu’il arrive, je plie bagage. Je vais retourner dans ma chambre, où je pourrais être tranquille, loin de tes problèmes.
— Bon sang Mégara…
Le regard que je lui lançais lui coupa immédiatement la parole.
— Sois raisonnable princesse, reprit-il dans une maladroite tentative de m’amadouer.
— Je suis raisonnable. C’est toi qui ne l’es pas ! Nous sommes mariés Alcide. Pour le meilleur et pour le pire, tu te souviens ? Tes problèmes sont par extension les miens. Si tu pars à Delphes, je pars aussi. Ne cherche pas à me mettre à l’écart alors qu’il n’y a aucun danger. Tu sais très bien que j’ai déjà accompagné mon père là-bas. Je connais la route, je sais à quoi m’attendre. Nous ne sommes pas en guerre, la maladie ne ravage plus la cité. Alors, laisse-moi t’accompagner.
— Tu ne vois pas que le danger, c’est moi, souffla-t-il.
Ses paroles me laissèrent sans voix à mon tour. Qu’est-ce que je pouvais bien répondre à ça ? J’étais énervée, certes, mais je ne souhaitais pas l’accabler non plus. J’avais conscience qu’il était rongé de remords.
— Je n’ai pas pu me rendormir cette nuit, reprit-il, car j’étais terrifié à l’idée de refaire un cauchemar et de te faire du mal. Si tu viens avec moi, alors que je ne sais pas à quoi sont dus ces moments de violence nocturne, je ne serais pas tranquille.
— Est-ce que j’ai l’air d’avoir peur de toi, là, maintenant ?, lui répondis-je en m’approchant lentement de lui.
Il soupira. Je sentais bien qu’il allait céder. Le silence nous entoura encore quelques secondes avant que je m’approche encore un peu de lui. Suffisamment pour pouvoir chuchoter mes prochaines paroles.
— Tes problèmes sont mes problèmes. Tu pars. S’il n’y a aucun danger pour moi, je viens avec toi. Et tu n’es pas un danger pour moi.
— Très bien…, céda-t-il enfin.
Nous partîmes directement après le repas. Je connaissais la route pour nous rendre à Delphes. Des souvenirs que je tentais vainement de chasser de mon esprit vinrent me tourmenter pendant le voyage. Alcide ne dormais pas près de moi. Ses nuits étaient agités et les miennes aussi. Je revoyais des images de mas tante, mon oncle, les ciseaux, le départ de la cité avec Antigone… Nous nous reposions peu et les journées étaient intenses. Alcide souhaitait atteindre Delphes au plus vite.
Après moins de deux jours de marche, nous arrivâmes à Delphes. Le site était comme dans mes souvenirs. Immense. Divin. Hors du temps. Sans attendre, Alcide se dirigea à grandes enjambées vers le temple d’Apollon pour aller consulter l’Oracle.
Il n’eut pas le temps de poser de questions que la Pythie se mit en action. Comme la première fois que j’étais venue avec mon père, je trouvais cela impressionnant. Ses yeux se révulsèrent, elle fut prise de convulsions. Des paroles inintelligibles sortirent de sa bouche et cette fois, j’en étais certaine, elle lévitait légèrement.
Les prêtres se réunirent immédiatement pour se mettre d’accord sur la traduction. Alcide et moi étions immobiles, subjugués, en attendant qu’ils eussent fini.
— Alcide, fils d’Alcmène et de Zeus !, commença le prêtre chargé de nous délivrer la prophétie de la Pythie. L’oracle de Delphes attendait votre arrivée, à toi et à ta femme, Mégara, fille de Créon et d’Eurydice. Une dette de sang a jadis été contractée, poursuivit-il. Il te faut à présent la rembourser au nom de celui qui t’a élevé.
Une dette de sang contractée par Amphitryon ? Qu’est-ce que cela pouvait bien signifier ?, songeais-je alors.
— Va voir ton cousin, le roi Eurysthée à Tirynthe. Il te donnera dix travaux à effectuer pour rembourser la dette. Ainsi tu vivras en paix avec ta femme et votre fils, acheva le prêtre.
Alcide se tourna vers moi. Lui non plus ne semblait pas tout comprendre. Notre fils ? Cela faisait un an que nous étions mariés et toujours pas d’enfant à l’horizon. Je commençais d’ailleurs à perdre espoir.
C’est alors que je fus prise d’une violente nausée et que je dus sortir du temple en courant. Alcide me suivit de près et me tint les cheveux.
Un tas de pensées me traversèrent l’esprit. Je ne savais pas si j’étais plus intriguée par la dette de sang que par cette grossesse surprise qui avait bien choisi son moment pour se manifester. Coïncidence ? Je n’y croyais plus depuis longtemps. Nous étions des pions sur le grand échiquier des Dieux.
— Bien, dit mon mari en souriant une fois que je me sentis mieux. Je crois que les félicitations sont de rigueur.
Il semblait très bien accepter la nouvelle. Moi un peu moins je dois l’admettre. Je ne m’y attendais absolument pas. Sachant qu’Alcide devrait partir à Tirynthe voir son cousin, cette grossesse, pourtant désirée au fond, tombait au plus mal. Il refuserait certainement que je l’accompagne, même si je n’avais pas encore dit mon dernier mot à ce sujet. Cela ne nous empêcha pas de nous mettre à rire de l’incongruité de la situation. Nous venions pour poser des questions que nous n’avons pas pu poser. Nous avons néanmoins eu des réponses, nullement satisfaisantes à mon goût, et nous étions partis pensant être deux alors que nous étions en réalité trois. Enfin, deux et demi…
— Tu sais, reprit-il. Ça explique pas mal de choses cette grossesse sur ton comportement ces derniers temps.
— Comme quoi ?, lui demandais-je.
— Le cirque que tu m’as fait pour venir par exemple…
— Ne te fais pas d’illusions, M. Muscles, j’ai un sale caractère et ça n’a rien à voir avec ton fils. Mais bon tu le savais déjà et tu tentes juste vainement de te rassurer.
Nous recommençâmes à rire comme si tout allait bien et que tout était normal alors que non, ce n’était pas le cas. Envoyer Alcide chez son cousin qui le détestait c’était suicidaire. Ces dix travaux ne me disaient rien de bon.
— À quoi est due cette dette ?, le questionnais-je en reprenant mon sérieux.
— Je pense qu’il s’agit de la mort de mon grand-père.
L’histoire me revint alors subitement en mémoire. Si Alcmène et Amphitryon avaient emménagé à Thèbes il y a des années de cela, c’est parce que ce dernier était à l’origine de la mort de son beau-père. Cela avait créé d’importantes tensions au sein de la famille, notamment entre Alcide et son cousin, Eurysthée, qui a alors hérité, à la place de mon mari, du trône de Tirynthe qui lui revenait pourtant de droit.
— Mais pourquoi serait-ce à toi de payer ? Il s’agit d’une dette de sang. Amphitryon t’a élevé, mais ce n’est pas ton père. Pourquoi c’est toi qui en paie les conséquences et pas Iphiclès ?
À la mention de son frère, Alcide me jeta un regard noir. Ma remarque était pourtant logique. Je compris toutefois que j’étais allée trop loin, encore une fois, et que j’avais parlé sans réfléchir aux conséquences de mes propos.
— Non pas que je lui souhaite d’avoir à le faire, me rattrapais-je immédiatement. Je trouve seulement cela injuste.
Tout en s’asseyant à l’ombre d’un olivier qui se trouvait non loin, Alcide soupira et se passa une main sur le visage. C’était un tic nerveux qui trahissait souvent le fait qu’il était totalement dépassé par les évènements.
— Je n’en sais rien Még. C’est sûrement un tour de la femme de mon père. Tu n’es pas sans savoir qu’Héra ne m’apprécie pas beaucoup.
C’était le plus gros euphémisme de l’histoire ! La femme de Zeus, jalouse des aventures de son mari, avait tendance à s’en prendre à sa descendance, et plus particulièrement à l’homme assis face à moi. À cet instant la seule pensée qui me vint à l’esprit c’est que les dieux devaient sacrément s’ennuyer du haut du mont Olympe pour tourmenter des personnes qui avaient pour seul et unique tort d’avoir vu le jour.
— Bien, dit Alcide en se relevant. Mettons-nous en route et ne trainons pas !
— Où allons-nous ?, demandais-je en le suivant.
— Je te raccompagne à Thèbes puis après je me rendrais à Tirynthe trouver mon cousin et commencer ces travaux.
Il n’eut pas à dire un mot de plus que je m’arrêtais déjà.
— Hors de question, m’exclamais-je.
— Még !, rugit-il.
— Ah non ! On ne va pas recommencer comme il y a deux jours. Où tu vas, j’irais, point.
— C’est un long voyage Még. Thèbes est sur la route et je t’y laisse. On ne sait pas comment je serais accueilli là-bas, et je ne veux pas te mettre en danger. Je ne veux pas vous mettre en danger…
Je fus contrainte de reconnaitre que ses arguments tenaient la route. La raison me fit céder. Pour cette fois du moins…
Deux jours plus tard, je me trouvais dans notre chambre, seule, à Thèbes, alors qu’Alcide avait déjà repris la route direction Tirynthe.
— Dès que je pourrais, je viendrais te voir, m’avait-il promis juste avant de partir. Je serais là pour la naissance de notre fils, je te le jure.
Je me raccrochais donc à ses promesses les mois qui suivirent en attendant son retour. Je n’étais pas réellement seule. Ma mère et Antigone étaient aux petits soins pour moi. Mes frères passaient souvent pour me distraire alors que j’étais confinée au sein du palais. Mon père, qui m’avait pris en pitié, me donna quelques travaux à effectuer afin de contribuer à la bonne administration de la cité. En somme, je fus bien occupée et je ne vis presque pas le temps passer.
Comme promis, après avoir effectué son premier travail, Alcide revint pile à temps pour la naissance de notre fils : Créontiadès.
Il me raconta tout, de son arrivée à Tirynthe à l’accomplissement de sa première épreuve, en passant par l’accueil que son cousin lui avait réservé.
Le premier de ses dix travaux consistait à tuer le Lion de Némée et à ramener sa dépouille auprès de son cousin. Alcide m’expliqua alors que la tâche n’était pas si évidente qu’il n’y parait. Il avait déjà tué un lion auparavant, mais cette fois si, l’animal avait la particularité d’avoir une peau impénétrable. Impossible pour lui d’utiliser une flèche pour l’abattre à distance, ou même son épée. Il n’eut d’autre choix que d’engager un combat au corps à corps avec la bête et de l’étrangler à mains nues. Littéralement.
Je dois admettre que cette première épreuve me permit de réellement me rendre compte de la force de l’homme que j’avais épousé. Je ne sais pas si vous visualisez la force nécessaire pour étrangler un lion, mais je vous assure que ce n’est pas donné au commun des mortels que nous sommes. Heureusement pour lui, Alcide n’était pas complètement mortel.
Malheureusement, il ne resta pas longtemps auprès de nous. Alcide devait repartir au plus vite effectuer son deuxième travail : tuer l’Hydre de Lerne. Son jeune neveu, Iolaos, qui était à présent âgé de treize ans insista pour l’accompagner. Alcide accepta, estimant qu’une paire de mains en plus ne serait pas de refus. Après qu’Iphiclès, le père de l’enfant, eut donné son accord, l’oncle et le neveu partirent ensemble direction la région de Lerne.