Comme convenu, il retrouva Monsieur Polen qui avait dégagé du temps pour lui faire passer les tests personnellement. L’homme d’une soixantaine d’années aux cheveux courts à l’épaisse barbe blanche se tenait à son bureau, plongé dans ses réflexions… Sur un vieil ordinateur portable ? Ce genre de modèle devait bien avoir quinze ans ou plus. Il se souvenait que c’était déjà le matériel qu’il utilisait quand il avait ses premiers tests. Dans l’espace aménagé en salon, une grosse valise noire était posée sur la table basse. Il fronça des sourcils, ça aussi c’était de l’ancien équipement. Pourtant, la société en avait développé des versions plus récentes et précises. Simon était un chercheur de talent, mais pourquoi se servait-il de ces vieilleries alors qu’il s’efforçait à optimiser le plus possible le matériel qu’il créait ? Il resta debout en mettant sa canne devant lui et se tint à deux mains sur le pommeau. Il ne voulait pas offrir le moindre signe de faiblesse en s’asseyant. Il le salua sommairement :
— Bonjour Monsieur Polen. Ce n’était pas nécessaire que vous dégagiez du temps pour effectuer des tests. J’aurais pu passer par les services dédiés.
— Bonjour Alan, répondit-il en reportant son regard sur lui. Comment te sens-tu ?
— Comme un charme, ironisa-t-il sans réussir à se retenir. J’espère au moins entendre que je peux me débarrasser du dispositif pour annuler la phase paradoxale. Je ne vous cache pas que c’est particulièrement désagréable.
— Cette technologie n’est pas encore optimisée, admit-il. Il fonctionne très bien, mais le confort est à améliorer… Je te trouve bien pessimiste.
— Ça n’a rien de nouveau Monsieur Polen. C’était aussi le cas la première fois que nous nous sommes rencontrés à Paris. Selon les neurologues, l’Amplificateur a endommagé ma capacité à inhiber certains traits de ma personnalité.
— Je sais. Je travaille encore sur les sécurités de la machine, indiqua Simon à titre d’excuse. Je ne t’avais pas perçu ainsi lorsque je t’ai testé. Tu étais plutôt résigné.
Alan serra des dents, c’était si évident que ça à cette époque ? Il ne connaissait pourtant pas la vérité, cette promesse qu’il s’était faite pour ses dix-huit ans… Ce vœu qu’il avait brisé pour suivre le chemin que cet homme lui avait offert. De l’amertume naquit. Il devait tant à Simon… mais pourquoi ces paroles neutres sonnaient fausses à ses oreilles ? Il se reprit :
— Je dirais plutôt réaliste. C’est un fait que j’ai très vite appris autrefois. J’ai moins de filtres et j’ose même penser que ce n’est pas une mauvaise chose. Essayer de se montrer gentil lorsqu’on s’appelle Ribes n’apporte rien de bon, échappa-t-il.
— Pourtant ton nom ne hante plus ici en Allemagne, remarqua Simon en replongeant son regard sur son écran.
— Pour combien de temps ?
Monsieur Polen resta silencieux quelques instants, une ride se dessina sur son front. Alan ne sut dire si c’était sa réplique ou ce qu’il observait qui le faisait sérieusement réfléchir. En tout cas, c’était l’opposé de Mateus, ce qu’il dégageait se révélait plus calme et supportable. Au moins, il ne ressentait pas un profond malaise avec lui. L’homme se leva en prenant son ordinateur et l’invita à s’installer sur un fauteuil. Il lui expliqua :
— Je vais faire les mêmes tests qu’à Paris pour pouvoir comparer les résultats. Cela permettra de vérifier si ton accident a causé des dommages à ce niveau et si ta phase paradoxale peut assurer une immersion sans risque. Tu peux retirer le dispositif. Ah, éteins ton téléphone aussi et ta prothèse. Ce modèle est sensible aux ondes.
Alan ne se fit pas prier pour enlever l’adhésif et le petit boitier qui le gênait autant que de ne pas pouvoir rêver. Il passa son téléphone en mode avion avant de le déposer sur la table basse. Puis, il coupa aussi son appareil auditif qui générait aussi de faibles émissions. Simon ouvrit la valise et tira les différents câbles qui étaient reliés au système qu’elle contenait. Alan le regarda en déboutonnant sa chemise, ce truc ressemblait à un ordinateur en soi, l’écran en moins. Tandis que Simon posait les capteurs sur son cœur, sa tempe et son poignet, il avait la drôle de sensation de revenir plusieurs années en arrière. Simon effectua quelques réglages sur l’appareil de test avant de la relier à son P.C. portable. Lorsqu’il termina, il lui demanda :
— Installe-toi convenablement et passe en sommeil paradoxal. Tu n’as pas besoin de bâtir un rêve, maintiens-toi juste au premier niveau sans forcer.
Il s’exécuta en se laissant doucement glisser dans l’assise du fauteuil et surtout, il posa enfin sa tête. Ça allait l’aider à réduire ses vertiges et mieux les supporter, même s’il faisait mine de rien. Il n’allait pas construire un songe, il se sentait déjà heureux avant de commencer. Cet état lui avait tant manqué pendant trois longs mois. Monsieur Polen ajouta :
— Je vais faire toute la série de tests. Ça évitera de trop stimuler tes fonctions cérébrales en générant plusieurs fois de suite une phase paradoxale.
Alan l’entendit à peine car il se laissait déjà glisser dans ce sommeil ambigu. Il devait l’avouer, les rêves lui manquaient beaucoup trop… Le lui en priver, c’était comme couper l’imagination d’un artiste. Doucement, il perdit la notion du temps. Il errait juste dans une noirceur insondable qu’il pouvait pourtant modeler à sa guise. Il tâcha de rester un tant soit peu attentif pour qu’un souvenir ne naisse pas par inadvertance. Ça lui rappelait ses premiers rêves conscients durant son adolescence. Il se sentait bien, loin de tout… Une pulsion lui traversa le poignet. Il soupira, déjà ? Il s’efforça de s’extirper de cette bulle confortable en ouvrant les yeux.
Il eut un très léger retour de force, à peine quelques secondes. Plus long serait anormal pour ce cas-là. Lorsqu’il revint à lui, il activa aussitôt son appareil pour entendre correctement. Par réflexe, il jeta un œil à sa montre… Une heure dix s’était écoulée sans qu’il s’en rende compte ? Il ne se souvenait pas d’avoir ressenti un si grand écart temporel. Sa tête le lança. Apparemment si, c’était déjà arrivé. Cependant, la question qu’il se posait dans l’immédiat, c’était : combien de tests Monsieur Polen avait réalisé ? Généralement, cela ne durait que cinq minutes tout au plus. Après réflexion, si Simon avait refait l’intégralité des examens qu’il avait menés par le passé, le cumul devait se valoir. Il remarqua que l’homme restait songeur devant son écran, les sourcils froncés et une ride qui lui barraient à nouveau le front, comme si quelque chose n’allait pas. Alan ne supporta pas ce silence pesant. Avec autant de détachement dont il pouvait faire preuve, il demanda en pensant déjà connaitre la réponse :
— Soyez direct si je ne peux plus être Passeur s’il vous plait.
— C’est fascinant, échappa-t-il soudainement.
Alan resta muet devant cette réaction. Il ne s’était clairement pas attendu à ça. C’était si spontané qu’il avait entendu le scientifique en lui et non le PDG. Il confirma sa pensée alors qu’il ne décrochait pas le regard de son écran :
— Alan, tu es vraiment une personne fascinante !
— Je ne vois pas en quoi, remarqua-t-il d’un air crédule après que sa surprise fut passée. Je suis un Passeur comme un autre… Enfin, avec un peu de matière grise en moins, ironisa-t-il.
— Tu ne devrais pas te sous-estimer ainsi. À l’égale d’Ayana et de sa variance qui permet d’héberger plusieurs rêves au sein du sien, tu possèdes un talent hors norme. Tous les Dreamers s’accordent sur ce point.
— Un Passeur aux États-Unis qui a aussi une insensibilité aux défenses, mais de type environnemental. Je ne vois pas la différence avec moi, rétorqua Alan.
— Depuis que la HDC existe, tu es le seul à avoir fait saturer les tests, informa Simon pour stopper ses arguments. Le système de mesure ne t’est pas adapté. À ce jour, il n’y a que ton dossier de détection qui est arrivé jusqu’à moi.
— Comment ça ? Pourquoi ne m’avez-vous pas averti de ce détail ?
— Car j’estimais que ce n’était pas nécessaire. Les testeurs ne parvenaient pas à définir pourquoi les résultats plafonnaient alors que la défaillance était écartée. Les personnes contrôlées avant et après toi possédaient tous des données correctes. J’ai passé de longues heures en visio avec John, mon homologue américain, pour comprendre étant donné qu’il a créé l’évaluation. On a multiplié les valeurs par dix et j’ai demandé à te rencontrer pour les renouveler. Tu les as tous fait saturer encore une fois. Je ne te cache pas que j’étais surpris des résultats pour ton âge. Généralement, la capacité à rêver consciemment est à son apogée vers les vingt, vingt-cinq ans.
— Un futur Passeur détecté à dix-sept ans, ce n’est pas courant en effet, rappela Alan. Et donc, c’est quoi le fin mot de cette histoire ? Je ne comprends pas…
— Je ne t’apprends rien en disant que les variances sont une mutation du gène D.
— Effectivement, et je ne vois toujours pas où est le rapport. La mienne est rare, oui, mais pas unique comme Ayana, remarqua-t-il en tentant de retenir son agacement.
— Ce n’est pas une mutation qui s’est développée chez toi, révéla-t-il. Voilà pourquoi les tests saturent. Nous n’arrivons pas à expliquer la cause de cette particularité. Nous la considérons plutôt comme une anomalie du gène. À travers les données brutes de l’Amplificateur, j’ai essayé de percer le mystère à ma manière. J’ai découvert une singularité, mais impossible de la nommer. À ce jour, nous n’avons toujours pas trouvé la réponse. Même pour Emma et Xin qui sont d’excellentes biologistes, elles n’arrivent pas décrypter cette évolution.
Alan resta silencieux devant ces informations inédite et inconnue jusqu’à maintenant. Il disait ça douze ans après être devenu Passeur ? Il était quoi au juste ? Un cobaye pour les Dreamers à cause de cette particularité dont il ignorait tout ? Une nouvelle douleur lui perça la tête. Pourquoi « cobaye » était la première image qui lui était venue à l’esprit ? Une impression de déjà-vu le dérangeait. Cependant, sa réflexion n’alla pas plus loin, Simon continua :
— Généralement, les mesures de base ne varient pas significativement au fil du temps, mais avec ton accident, je m’attendais que les valeurs soient revues à la baisse…
— Quelque chose me dit que ce n’est pas le cas.
— En effet… Elles ont augmenté… Drastiquement même. J’ai refait le premier test quatre fois avant de trouver les bons seuils. Encore une fois, tu remets en question ce que je sais dans le domaine des rêves, que les limites ne sont pas celle qu’on avait définie. En vérité, je suis incapable de connaitre l’impact sur une immersion, je n’ai aucun point de comparaison. Cependant, vu les données, je suppose que l’évolution n’en sera que surprenante.
Alan pinça les lèvres. Ce discours sonnait faux, du moins, en partie. Pourquoi avait-il encore ce genre de ressenti sans aucun fondement ? C’était insupportable. De plus, il ne pouvait se permettre de le remettre en cause. C’était un expert dans son domaine et de surcroit, il lui devait sa nouvelle vie. Il n’était peut-être qu’un gamin à l’époque, mais il aurait aimé savoir tout ça lorsqu’il avait rejoint la HDC. Cela dit, ses derniers mots l’intriguaient. Il pourrait devenir plus efficace qu’avant ? C’était surréaliste comme déduction. Néanmoins, sans obtenir la réponse, il comprenait aussi qu’il pouvait reprendre les activités. Il lui demanda clairement la confirmation :
— Est-ce que je suis toujours officiellement un Passeur ?
— Oui, sans aucune réserve, affirma Simon. À vrai dire, je suis soulagé de pouvoir continuer de compter sur toi. Tu es un élément à qui je peux me fier.
Cette dernière remarque lui laissa encore un affreux sentiment de mensonge alors que le ton semblait sincère. Il n’avait plus aucune foi en la HDC depuis son accident. C’était insupportable d’ignorer pourquoi et de devoir rester silencieux… Mais pour quelle raison devrait-il l’être ? Il se frotta les yeux. Il en avait juste marre de plus savoir où il en était et qui croire. Il essaya de détourner son attention de ses pensées en demandant :
— Je reprends quand mes activités ?
— Pas dans l’immédiat. Si tu es d’accord, je souhaite te faire passer une immersion test pour tenter de trouver des différences par rapport à avant ton accident. J’aimerais vraiment percer le mystère que tu es. Cela demandera aussi un peu de temps afin que je déniche le patient idéal pour toi. Ensuite, nous te réattribuons des dossiers progressivement.
— Je n’ai plus besoin de porter le dispositif ?
— Ce n’est plus nécessaire, mais ne force pas, prévint-il.
Alan haussa simplement les épaules à la remarque en grimaçant un peu. C’était si évident qu’il n’allait pas se priver de rêver à la première occasion ? Simon ajouta :
— Après l’immersion test, tu pourras récupérer ta tablette et tu seras réintroduit dans les activités de la HDC.
— Je ne vois aucun inconvénient à cela. Tout ce qui compte en vérité, c’est de pouvoir continuer ma fonction de Passeur… J’ai déjà assez perdu à cause l’accident, murmura-t-il pour lui-même dans sa langue natale.
Monsieur Polen ne releva pas son petit commentaire, bien trop affairé à ranger le matériel qu’il avait utilisé. Il lui indiqua qu’il pouvait partir, qu’ils avaient terminé et qu’il le recontacterait pour la prochaine étape, sans décrocher son regard de son écran. Avant qu’il n’atteigne le capteur de la porte, Alan se retourna légèrement vers Simon. Une chose venait de lui revenir à l’esprit et par acquit de conscience, il devait lui demander :
— Monsieur Polen, juste comme ça, avez-vous la connaissance d’un projet qui se nomme « Dreams » ? Je me suis dit que vous pourriez peut-être me répondre.
Alan se sentit subitement oppressé par le regard de Simon qui leva sur lui, comme si une violente fureur venait de monter à la surface. Le ressenti qu’il générait était devenu égalable à celui de Mateus après sa question. C’était d’autant plus angoissant puisque ça ne lui ressemblait pas. Cependant, ce dernier resta de marbre, même si l’intensité de ses yeux traduisait tout le contraire. Il lui répondit d’un ton calme et maitrisé :
— Non, ça ne me dit rien. Où as-tu entendu parler de ça ?
— Nulle part, avoua Alan sincèrement. Depuis mon accident, j’ai parfois d’étranges impressions. Je suppose des résidus de la mémoire que j’ai perdus. Je ne sais pas du tout à quoi ça correspond, mais ces mots me restent en tête. J’ai la conviction que c’est important… Enfin, j’imagine que je débloque, ce n’est pas la première fois depuis ma sortie de coma. Il y a beaucoup de choses dont je ne suis plus sûr ces derniers temps.
Il le salua à nouveau avant de quitter le bureau. Cette réaction… Évidemment qu’il savait de quoi il s’agissait. Simon, tout comme Mateus, possédait un sang-froid à toute épreuve, mais cette impression qu’ils dégageaient les trahissait. Monsieur Polen n’était pas quelqu’un qui se laissait submerger. Ça ne faisait que renforcer son sentiment que les Dreamers cachaient de sombres secrets… Est-ce que son accident en était réellement un ? Il s’arrêta suite à cette pensée après avoir passé la porte. Non, impossible. Ils luttaient tous contre toutes formes de corruption, pourquoi s’en prendrait-il à lui ? Cela n’avait aucun sens. Arriver à de telles suppositions sans fondement ou preuves l’agaçait. Dans tous les cas, cela n’arrangeait pas son sentiment de méfiance à leur égard. Il reprit son chemin en s’abstenant de secouer la tête pour chasser ses réflexions. Quand il passa devant le bureau d’Abigaïl, sans lever le nez de son écran, elle lui souhaita d’une voix dénuée d’attention :
— Bonne journée Monsieur Ribes.
— C’est ça, cause toujours, marmonna-t-il sans s’arrêter.
Vu le ton qu’elle avait utilisé, c’était évident qu’elle n’avait pas pensé le moindre mot qu’elle venait de prononcer. Elle aurait pu tout simplement se taire, ça aurait été mieux. Il entendit Mateus, qui était resté dans le salon, éclater de rire après son commentaire. Il comprenait le français ? Il l’ignorait ça. Bref. Il ne s’en préoccupa pas davantage et se rendit aux ascenseurs en repassant son téléphone en ligne. Il envoya une rapide notification à son chauffeur et lut aussitôt le message d’Ayana qu’il reçut :
— Je n’ai pas de nouvelles, j’ai eu le temps de faire mon immersion, ça m’inquiète.
— Je viens de quitter le bureau de Monsieur Polen, informa-t-il immédiatement. Il m’a fait passer tous les tests. Je vais rentrer, je viens de prévenir mon chauffeur. Ah ! Je suis toujours un Passeur aussi ! ajouta-t-il aussitôt dans un autre message pour la prévenir.
— Je suis heureuse de l’apprendre ! répondit très rapidement Ayana. On en reparle ce soir, je vais commencer un débrief. Je suis contente pour toi ! On fêtera ça ! Par contre, je suis vraiment étonné pour le temps que ça a pris, normalement c’est pas aussi long.
— Je t’expliquerai. J’ai une immersion test à faire aussi.
En entrant dans l’ascenseur vide, il ouvrit aussitôt la conversation avec Hugo pour le prévenir avec la finesse qu’il lui réservait en toute circonstance :
— J’ai peut-être quelques neurones et une oreille en moins, mais je peux continuer de me promener dans la tête des gens… C’est quand que je passe dans la tienne ? J’ai des tarifs onéreux, tu sais…
— MEC ! répondit Hugo dans les secondes qui suivirent. Tu m’as tué, j’ai failli éclater de rire en pleine réunion avec ton message. Tu sais que tu seras considéré comme un Visiteur si tu fais ça ? ajouta-t-il dans un deuxième message. Sérieusement, je suis content de l’apprendre mais t’es sûr de vouloir visiter mes rêves ? précisa-t-il dans un troisième. Tu risques de pas t’en remettre.
Alan échappa un petit rire, qu’est-ce qu’il adorait balancer des piques comme ça, sans la moindre once de sérieux. Son ami se montrait tout aussi mordant que lui. C’était bien d’ailleurs grâce à lui qu’il avait développé sa communication lorsqu’il était arrivé en Allemagne. Il lui répondit aussitôt :
— Si tu as peur que je découvre que tu en pinces pour moi, tu penses pas que c’est un peu tard ? J’ai pas oublié le soir où on a fêté nos diplômes !
— Trou du cul ! J’étais saoul à plus savoir où j’habitais ! se défendit-il aussitôt. Toi aussi d’ailleurs ! On a mis deux heures et demie à rentrer !
— En même temps vu comment tu t’es ramassé en chemin ! rappela-t-il. Je voulais te trainer aux urgences ! Puis change pas de sujet ! recentra Alan par malice. Tu savais très bien ce que tu faisais !
— Tu n’as pas refusé non plus ! BREF ! tenta de couper Hugo. Je vais vraiment finir par te trainer dans un club libertin.
— Prévois tout de suite un rendez-vous chez le dentiste au cas où, prévint-il après avoir laissé un premier message avec des point de suspension. J’ai bien peur que quelques dents tentent de retrouver leurs libertés.
— On devrait sérieusement considérer et classer les cannes de soutiens comme des armes de catégorie D, nota très sérieusement Hugo. Surtout la tienne, s’amusa-t-il à ajouter aussitôt. Bon, pas que ça me déplait d’échanger des mots d’amours avec toi, mais je dois reprendre le fil de la réunion pour ne pas être largué, informa-t-il après avoir mis plus de temps pour répondre. Il faut bien que je brille de temps en temps ! Je passe te voir quand je reviens sur Berlin.
— Brille pas trop hein… Tu risques de te faire du mal.
— Ravi de constater que tu es toujours aussi charmant… Repose toi bien !
Les portes de l’ascenseur s’ouvrirent en même temps qu’il rangea son téléphone. Quel timing ! Lorsqu’il atteignit la place devant le siège, son chauffeur l’attendait déjà. Il rejoignit la voiture et indiqua à Warren qu’il pouvait le ramener chez lui. Il l’informa brièvement le résultat de ses tests. Cependant, durant tout le trajet, il resta pensif. Il essayait de ne pas trop forcer sur sa mémoire qui lui donnait encore quelques migraines, mais les paroles de Simon au sujet de sa variance le laissaient perplexe.
Il maitrisait le concept des rêves et tout ce qui gravitait autour, aussi bien pour ses connaissances personnelles que professionnelles. Cependant, il n’avait jamais entendu parler d’une anomalie dans le gène D. Il réalisa qu’il ne s’en était jamais vraiment préoccupé jusqu’à maintenant, mais il souhaitait consulter son dossier de suivi à la HDC. Tout était censé être retranscrit. Définitivement, ce projet Dreams ne lui sortait pas de la tête. La réaction de Monsieur Polen ne faisait que renforcer son sentiment d’avoir mis le doigt sur quelque chose de sensible. Il allait mener des recherches dans la journée. Peut-être qu’il trouvera une piste. De toute façon, ce n’était pas comme s’il avait mieux à faire. Puis, ça le changera de rester devant des séries vu qu’il évitait de trop bouger à cause de ses vertiges.