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JBDelroen
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Chapitre 16.2

Ishmail n’avait pu que confirmer ce que j’avais senti, et bientôt, la cavalerie arriva. Duchesne et Richardson firent leur entrée sans se donner la peine de se faire discrets et cela avait fait pas mal de remue-ménage au Centre-même. Pour plus de tranquillité, que ce soit pour les représentants de la loi ou les visiteurs du Parc, Ishmail avait fermé la salle des expositions au moment où la voiture des adjoints au shérif déboula avec sa sirène tonitruante. Les Rangers de l’accueil faisaient des pieds et des mains pour rassurer avec un sourire apaisant les quelques touristes et les redirigeaient vers d’autres parties du Centre toutes aussi intéressantes. Les employés, quant à eux, avaient été fermement recadrés pour reprendre leur tâche, quelle qu’elle soit.

Dans la salle, face au lion des montagnes, il n’y avait plus que moi, Duchesne, Richardson et Ishmail. J’expliquai quel était l’objet suspect, refusant d’y toucher bien évidemment. Elijah s’accroupit, observant la fameuse racine et sa base cassée. Je vis au palpitement de ses narines que l’odeur ténue du sang venait d’effleurer ses sinus, bien qu’aucune trace ne soit visible. Griffin Richardson, quant à lui, ne daigna pas faire l’effort de se baisser, gardant ses mains dans les poches tout autant que son air nonchalant. Qui devait bien agacer mon compatriote au vu de ses bras croisés sur son torse. Je pouvais presque deviner une petite veine palpitante sur sa gorge alors qu’il retenait son grondement. Tiens donc ? Ishmail Nasrim pouvait être énervé par quelqu’un d’autre que moi ? C’en était mignon.

— Alors, demanda l’adjoint paresseux à sa collègue. Fausse piste ? Ça m’a tout l’air d’être un morceau de décor que personne n’a réparé. Un peu de colle et ça devrait le faire de nouveau, non ?

Je levai les yeux au ciel devant sa diatribe. À croire qu’ils étaient appelés chaque fois pour rien ! Je me demandai comment Duchesne pouvait le supporter. Peut-être était-elle irascible à cause de lui ? Si je devais côtoyer un tir-au-flanc chaque jour de ma vie et l’entendre se plaindre, peut-être que son poison envahirait lui aussi mon âme ?

« Pas besoin, je suis déjà avec toi pour toujours, sœurette ! » me souffla mon fantôme personnel. « Mais il est plutôt mignon. Il suffit juste de le faire taire pour mieux profiter de sa compagnie. »

Je ravalai mon grognement. J’étais sûre qu’elle me faisait sciemment part de ses pensées, pendant que moi, j’étais contrainte de cacher mes grommellements. Résultat, j’entendis un gloussement dans ma tête, confirmant mes doutes, quand j’émis un petit cri : Ishmail venait de me donner un coup de coude, alors que Duchesne me jetait un regard suspicieux, me fusillant presque de ses yeux verts. Quelle plaie ce changement d’odeur ! Je frottai ma côte douloureuse, tandis qu’Elijah enfila consciencieusement des gants.

— Ça a l’air suffisamment suspect pour l'examiner d'un peu plus près, Griffin. Il vaut mieux s’assurer que tout soit en ordre avant de réparer quoi que ce soit, ne penses-tu pas ?

Son collègue décida de répondre par un bruit peu amène. Il était loin d’être convaincu. Mais qu’est-ce qui amènerait ce type à faire son job ? Le corps de Sara avait été retrouvé et il ne semblait toujours pas investi pour autant. Fouillant dans la sacoche à côté d’elle, Duchesne en retira une puissante lampe torche.

— Ce n’est pas comme si vérifier allait nous nécessiter beaucoup de temps, non ? Qu’avais-tu prévu de ta journée ? Te goinfrer de beignets ? Je te signale que la pâtissière est ici-même. C’est maintenant qu’il faut lui faire du gringue si tu veux espérer avoir une remise la prochaine fois.

Son ton était pince-sans-rire et Griffin, même s’il ne se montrait pas le moins du monde coupable, changea imperceptiblement de position, un brin sur la défensive. Il se sentait en danger vis-à-vis d’Elijah, mais je ne savais pas pourquoi. Si les choses n’étaient pas réellement au beau fixe entre Duchesne et moi, elle remontait dans mon estime. Elle suivait le dossier de Sara et faisait ce qu’elle pouvait, probablement ralentie par la mauvaise humeur constante de son coéquipier. Peut-être qu’il ressentait qu’elle était bien plus compétente que lui et en retirait une jalousie mal placée. Et plutôt que de mettre les bouchées doubles pour être à sa hauteur, il ne faisait que lui placer des bâtons dans les roues au boulot.

Sans attendre de l’aide de la part de son collègue, Duchesne alluma la lampe et éclaira la racine. La lumière était tellement puissante que la couleur terne du décor en devint plus claire. Elle la darda à l’endroit d’où émanait l’odeur de sang la plus forte et on put distinguer une zone d’un rouge marron sombre sur le bout tordu et cylindrique de la racine. L’adjointe émit un grognement satisfait.

— Voilà ce que nous cherchons, souffla-t-elle.

Laissant sa lampe à côté, elle sortit un flacon d’eau oxygénée avec une pipette. Elle déposa une goutte sur la tâche qui se mit à mousser. Duchesne eut un sourire narquois pour son collègue.

— Tu vois Griffin, nous ne sommes pas venus pour rien : nous avons du sang et potentiellement l’arme d’un crime. Peut-être le nôtre. Tu ne serais pas ravi d’avoir un nouveau succès à épingler sur ton tableau d’honneur ?

Combien de succès épinglés sur son tableau d’honneur étaient le fait du travail de sa coéquipière ? Je me le demandais. L’agent Duchesne se redressa, prit un grand sac plastique hermétique, ramassa la fausse branche et la mit dedans. Elle se tenait bien droite, campée sur ses jambes et dans son élément.

— Bien. On va envoyer ce machin au labo pour que le sang soit analysé et relever les empreintes. Nasrim, on va boucler par précaution le hall d’exposition pour le passer au luminol. S’il y a de l'hémoglobine sur cette branche, il est possible qu’on en repère ailleurs. Griffin, tu peux appeler les autres membres de l'équipe ? La salle est un peu trop grande pour nous deux. Est-ce qu’il y a des caméras de surveillance ici ?

Ishmail répondit par la négative. Ça aurait été trop beau n’est-ce pas ?

Puis, elle nous engloba du regard :

— Et vous deux, vous restez dans le coin, j’aurai probablement besoin de vous joindre à un moment donné.

— Tu connais notre adresse, Elijah, opina Ishmail, son corps n’étant plus aussi tendu qu’auparavant.

Ses bras s’étaient décroisés et on sentait une certaine dynamique entre les deux Ebeds. Ils savaient qu’ils pouvaient compter l’un sur l’autre, pour la protection de leur Collectif, pour rendre justice à un innocent, ou que sais-je encore. J’eus un pincement au cœur. Ils n’étaient pas forcément les meilleurs amis du monde et la plupart du temps, ils ne faisaient que s’ignorer, mais ils savaient qu’ils étaient du même côté en cet instant, sans l’ombre d’un doute. J’avais eu ça avant. Avant qu’on ne piétine la naïve confiance que je plaçais dans mon Cercle. Pourrais-je un jour retrouver ce sentiment ?

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