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JBDelroen
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Chapitre 13.1

Les ténèbres formaient un vide rassurant. Dans ce néant, rien ne pouvait m’arriver, car rien n’existait. Et tout était calme. Il n’y avait plus de danger. Je n’étais plus là, même Noah ne me harcelait plus. Peut-être valait-il mieux que je rejoigne ce trou noir pour toujours ? Était-ce ainsi que les Solitaires trouvaient le repos ? Était-ce pour cela qu’il fallait les exécuter, afin que leur âme malade puisse enfin connaître une paix bienfaitrice ?

Peut-être devais-je accepter mon destin et abandonner ma lutte ? Avait-elle encore un sens de toute façon puisque je me coupais de tout ce qui faisait mon être ? Est-ce que ça valait la peine de survivre au lieu de vivre ? Était-ce suffisant ?

Mais il y avait cet écho là-bas, comme un murmure au fond de mon cerveau. Il n’était pas puissant, mais il me dérangeait, car il n'arrêtait d’interrompre le doux désert qu’était ma psyché. Comme si on souhaitait y mettre une lumière. Et mon attention n’avait de cesse de revenir vers ce son plutôt que de me laisser engloutir par cette paisible torpeur. Cette nuit sans étoile semblait s’éclaircir. Je ne voulais pas, avec l’aube venait tous les problèmes. Je voulais continuer à rester seule dans ma tête. Ne plus être folle. Juste… être moi. Mais les chuchotis prenaient de l’ampleur et des battements commençaient à concasser mes oreilles, faisant vrombir mes tympans. Je ne pouvais plus les ignorer. Alors j’ouvris les yeux.

Un air tiède emplit mes poumons. Il sentait le charbon brûlé. J’entendais les craquements des branches qui se laissaient consumer. Je n’étais plus dehors, en témoignaient les poutres en bois massif au-dessus de moi. Mon corps était au chaud, ayant retrouvé ses vêtements et une veste le recouvrait. Une autre se trouvait sous ma tête, faisant office d’oreiller. Des bruits de pas tranquilles parvenaient à mon ouïe. Une puissante céphalée me vrillait les tempes et j’essayai de me redresser avec précaution afin d’ignorer la douleur. Cela attira l’attention de mon compagnon, qui s’approcha et m’aida doucement à m’asseoir.

— Bienvenue dans le monde des vivants, Lockwood, me salua-t-il, tout en m’offrant un verre d’eau.

Je le reniflai, l’odeur m’étant peu familière.

— Rien qu’un peu de paracétamol. Tu as une mine à faire peur, murmura-t-il.

— Merci.

Encore confuse, j’acceptai, rêvant à la cessation des coups de marteau sur ma caboche. Puis, me revint en mémoire mon échec, et je me renfrognai. Il n’y avait plus rien à espérer. Je n’arriverai jamais à répondre aux exigences de la Matriarche. Je n’étais qu’une Ebède défectueuse, une demi-chose qui ne devrait pas exister. Je ne voyais pas de porte de sortie.

Je sentis le corps d’Ishmail s’asseoir à côté de moi, remettant d’une main la veste sur mes jambes. Il me scrutait, m’observait. Puis, sa voix grave s’éleva, touchant mon cortex animal :

— Je ne peux pas t’aider plus sans savoir ce qu’il se passe, Micaiah. J’ai besoin que tu me parles.

Je baissai ma tête, mon front contre mes genoux. Mes cheveux en désordre faisaient un rempart tout autour de moi, comme un rideau chaotique qui me cachait de l’extérieur.

— À quoi ça servirait ? murmurai-je d’une voix étouffée. Il n’y a plus d’espoir. Je ne suis qu’un monstre en formation.

— Ce n’est pas acté, et ça ne le sera pas jusqu’à la Pleine Lune, me répondit-il en posant une main sur ma nuque, s’enfonçant dans mes vagues chocolat.

Sa paume se resserra et je sentis les ondes rassurantes qu’il émettait se répandre dans ma colonne vertébrale. Mes paupières fermées, je me laissai couler, suivant le rythme qu’il proposait. J’étais trop fatiguée pour aller contre, et peut-être n’avais-je plus envie de combattre. Il fallait que j’accepte la vérité, que je lui fasse face.

« Tu veux me vendre, Miha ? Tu veux lui montrer à quel point tu es perdue ? »

À quoi bon sauver les apparences à présent ? Le jugement sera bientôt prononcé et Ishmail sera l’ultime témoin de la fin de notre vie. Il sera un peu notre testament. Il devrait connaître l’histoire toute entière.

« Comme tu le souhaites », grommela la voix de ma sœur, « Si ça te permet de penser que tu auras un meilleur repos éternel, pourquoi pas ? Mais songe à ce que tu risques ! ».

Il n’y a plus de risque à courir quand le destin est déjà décidé.

Ma résolution prise, je redressai la tête. Mon mal de crâne se calma, et une certaine sérénité m’envahit, comme si mon subconscient approuvait ce choix. En poussant un soupir, je plantai mes yeux dans le regard rouge de celui qui essayait de me sauver en vain. Il soutint le mien et poursuivit lentement :

— Tes parents racontent que tu prépares un doctorat à l’autre bout de la planète. Je te retrouve à vivre en pleine ville et en te cachant de tous les Ebeds des environs. Tu n’arrives plus à prendre ta forme Lunaire. Tu as constamment le regard dans le vague à reproduire le parfum des roses. Et pas une seule fois tu n’as mentionné Noah. Je ne t’ai même pas vue ni entendue lui parler au téléphone à aucun moment. Qu’est-ce qui se passe, Micaiah ?

— Ça en fait des questions, effectivement, murmurai-je, troublée qu’il ait pris tant de temps à m’observer et noter toutes ces petites choses qui déraillaient. Et par l’utilisation de mon prénom.

Les mains autour de mes genoux, je me balançai un petit peu d’avant en arrière, pour me rassurer, quittant son regard pour le plafond, cherchant comment aborder le sujet. Je n’avais pas fait attention, mais Ishmail nous avait menés dans un refuge de montagne. Il y avait plusieurs emplacements pour dormir, et un endroit pour cuisiner et faire du feu. Il servait autant comme étape lors d’une grande randonnée que pour se mettre à l’abri en cas de tempête ou de fortes pluies. Le chalet n’était pas immense, mais solide. J’allai devoir cracher le morceau.

J’inspirai profondément, ma gorge se nouant déjà, le sujet étant tabou et douloureux. Il n’y avait pas trente-six façons de l’annoncer.

— Noah est morte, chuchotai-je.

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