Les entraînements avaient commencé tels que prévus le 28 juillet 3918 AD. Tous les membres de la Septième Brigade se rendirent à la salle sportive après s’être préparés pour les prochaines heures. Flint brilla par son absence et décida de prendre le portail pour se rendre sur Acrylos, où il partit cueillir d’autres légumes frais pour son équipe. Le vaisseau ne partirait pas avant que le réacteur ne soit rechargé, alors il profitait de cette occasion pour explorer un peu, la planète volcanique.
— Cette planète est chaude, je n’en reviens pas !
Flint venait de monter une colline à un kilomètre de la zone à laquelle il était arrivé. Les scientifiques dans la salle des machines lui avaient ordonné de revenir avant midi, il avait donc ajusté sa montre en conséquence. Il n’avait avec lui que sa bague, dont il se servait pour stocker les légumes. Maintenant que Luna leur avait dit qu’ils ne causeraient aucun tort à cet accessoire, il se ferait une joie de remplir son inventaire, rien que pour faire plaisir aux cuisiniers de son groupe.
Le capitaine jeta un coup d’œil sur la bague en question. À part les végétaux qu’il comptait ramasser plus tard, il possédait déjà une collection d’objets en tous genres : des armes, des morceaux d’armures, quelques jouets sexuels et même quelques friandises que Scottie lui avaient préparées. Il se dit qu’il devrait, tôt ou tard, y faire le ménage. Pour le moment, il avait pour simple mission de récolter les aliments de cette planète.
— Espérons que j’y trouverai les mêmes tomates qu’hier… miam !
Il avait l’habitude de se parler tout seul lorsque personne ne l’observait. Parler dans le vide lui permettait de garder son calme, une habitude qu’il avait adoptée de son époux. Habituellement, Gabriel le suivait comme un chien de poche. Se retrouver sans la présence de son bien-aimé, pour quelques heures, allait lui faire un peu de bien. Il avait besoin de tranquillité et de se rendre utile, puisqu’il refusait catégoriquement de voir sa mère. Il éprouvait toujours de la difficulté à lui pardonner.
— Tiens bon, mon Flint. Plus qu’une dizaine de minutes et t’aura atteint les bois…
Et il disait vrai, car cela lui prit une dizaine de minutes avant de trouver une série d’arbres, au nord des plaines qu’il venait de traverser. Ce secteur approchait les trente-sept degrés Celsius, ce jour-là. L’humidité étant pire que la veille, il ôta son chandail et le stocka dans sa bague magique, il préférait se promener en tee-shirt.
Il croisa le même genre de fauve qu’ils avaient rencontré durant la veille. Il l’aveugla avec un jet de lumière bien placé et fit fuir ce denier après lui avoir brûlé les moustaches. La bête le laissa tranquille par la suite. Il n’avait guère envie de se battre. Il avait simplement besoin de se promener un peu.
— C’est dommage qu’il n’y ait pas de formes de vies intelligentes, ici. J’aurais bien aimé rencontrer quelqu’un. Luna deviendrait folle d’en apprendre plus sur leur culture, si c’était le cas. Je l’imagine déjà qui sortirait son calepin afin de prendre des notes…
Il gloussa tandis qu’il grimpa une autre colline, où il trouva des branches de persil qui avaient muté avec l’environnement de ce monde.
À vrai dire, Acrylos avait déjà été visité par les anges, d’après les dieux qui se trouvaient à bord du vaisseau. Ce monde avait été transformé grâce au pouvoir d’un puissant noyau de création – le même outil dont ils se servaient pour faire flotter leur vaisseau dans l’espace et fabriquer certaines choses. Pour cette raison, ces terres étaient fertiles. Cependant, cela faisait plusieurs millénaires qu’on avait abandonnés ces lieux. Athéna craignait que certaines plantes ne soient plus comestibles ou bien toxiques à cause de l’atmosphère ardente. Il y avait des cendres qui volaient depuis plusieurs directions.
Le monde entier était un gigantesque volcan en éruption. Flint n’avait pas peur de mourir de la lave, puisqu’il se trouvait sur une surface très élevée. Les nombreuses transformations de ce monde avaient fait en sorte que le sol soit plus fertile que jamais. Il n’y avait presque pas de lacs et de rivières, cependant il existait de nombreuses cavernes souterraines, d’où la plupart des plantes tiraient toute cette eau. Parfois, les anges voyageurs passaient ici pour refaire le plein de leurs vaisseaux.
Alors qu’il marchait le long d’un ruisseau de lave, un peu plus tôt, le capitaine vit un poisson étrange bondir à la surface. Les espèces aquatiques de cette planète avaient tellement évolué qu’elles étaient devenues résistantes à la chaleur. Il serait donc impossible pour les passagers du vaisseau de consommer leur viande, car rien ne pouvait les faire cuire. Semblerait-il qu’ils pourraient en faire d’excellents sushis.
— La magie des dieux est trop bizarre, mais bon, je m’en fous. Au moins on va manger !
D’après Hypnos, il n’y avait aucun danger que les représentants du Saint Royaume puissent localiser l’emplacement exact du Célestia, puisque qu’ils n’envoyaient plus personne dans ce secteur volontairement. L’équipage du vaisseau pouvait donc y revenir quand ils avaient besoin d’y récoler des ingrédients. La veille, le Dieu du Sommeil s’était assurée de scanner Acrylos avec les machines de leur gigantesque véhicule. Ils n’avaient trouvé aucun signe de vie intelligente, ni de satellites à proximité. Si des appareils avaient autrefois existé ici-bas, la lave avait tout détruit.
Flint trouva enfin ce qu’il cherchait. Il se pencha près d’une énorme pierre, où poussaient du persil en abondance. Leurs feuilles avaient une couleur légèrement violacée, ce qu’il ne comprenait pas. Cependant, ç'avait la même odeur et la même saveur que ce qu’ils avaient jadis dégusté sur Aeglys.
— Flint Markios ? fit une voix.
Le capitaine leva sa bague magique en l’air et vit qu’elle brillait. Il appuya sur la gemme et un hologramme miniature apparut devant lui. Il s’agissait de l’un des techniciens, situés à bord du Célestia. Flint cligna des yeux.
— Monsieur, je suis désolé de vous déranger, mais votre père souhaiterait vous parler et vous avez bloqué votre messagerie instantanée, continua la voix. Nous avons été obligés d’utiliser le serveur d’urgence pour vous contacter.
L’épéiste se mordilla la lèvre inférieure et soupira. Il savait exactement à quoi s’attendre, si son père souhaitait lui parler. L’image de l’hologramme changea rapidement pour laisser place au patriarche de la famille Markios.
— Veux-tu me dire à quoi tu joues ? soupira Artael. Depuis quand désobéis-tu aux ordres de tes supérieurs ? Ta mère est dans tous ses états à cause de toi… Elle n’arrive pas à se concentrer sur son cours et Luna a offert de l’aider.
— Tu me déranges pour ça ? Franchement, tu pourrais me laisser respirer un peu.
— Je t’interdis de me parler sur ce ton, répliqua son père calmement. Maintenant, explique-moi ce qui ne va pas. Je veux savoir ta version des faits.
Flint passa une main dans ses cheveux et lui expliqua mot pour mot la raison de sa frustration avec la déesse. Quand il eut terminé son monologue, Artael se prit le menton et réfléchit pendant un instant.
— Je comprends, dit-il. C’est exactement ce que ta mère m’a expliqué, hier soir. Elle n’a pratiquement pas fermé l’œil de la nuit.
— Bah, tant mieux pour elle. Ça lui servira de leçon de nous trahir ainsi.
Artael plissa des yeux. Les paroles de son fils commençaient à sérieusement l’agacer. Il se dit qu’il valait mieux ne pas le provoquer, alors il opta pour adopter une approche différente avec celui-ci.
— Peu importe, dit-il. En tant que ton supérieur direct, je te recommande de prendre cet entraînement à cœur. Je t’ai déjà négocié une place avec le groupe d’Hypnos. Il a dit oui.
— T’es sourd ou quoi ? Ce mec est responsable de ce que j’ai fait à Wyatt !
— Est-ce vraiment la raison pour laquelle tu en veux à ta mère ?
— Bah ouais ! À cause de vos récentes décisions, vous avez poussé un mec que j’adore à bouts et vous m’avez forcé à me défendre. Comment suis-je supposé lui pardonné après ça ? Gabriel et moi, on commençait à peine à développer quelque chose de sentimental pour Scottie et lui. Vous nous avez causé beaucoup de stress avec vos manigances… Vous auriez dû nous faire plus confiance et nous dire dès le départ que nous devions apprendre à maîtriser cette capacité. Ça nous aurait évité un massacre !
— Pourtant, il n’y a personne de mort à cause de ces illusions—
— Je m’en bats les couilles ! Comment suis-je censé regarder Wyatt dans les yeux ? Lui qui nous a avoué qu’il est aussi amoureux de Gabriel et de moi ? Tu ne peux pas comprendre ce que c’est que de vivre dans nos peaux. Non seulement nous sommes queers, mais nous étions en train de construire une relation de confiance entre nous quatre. Un polycule.
— Je ne sais même pas ce que veut dire polycule, mais ça ne change pas le fait que tu dois apprendre à maîtriser tes pouvoirs. Ils sont très impor—
— Je rêve, tu te fous complètement de ma gueule… Fais chier !
Le père de Flint était sidéré par le langage vulgaire de son fils, qui l’avait appris de la bouche de Kylie. La langue des rues, telle qu’on l’appelait, n’avait rien de charmant. Les anciens citoyens de Baldt s’en servaient pour insulter les autres ou bien pour exprimer leur frustration. Au palais présidentiel, normalement, on se faisait sévèrement gronder pour employer des termes aussi grossiers.
— T’as quel âge, maintenant ? Trente-et-un ? Tu te comportes toujours comme un adolescent.
— Ouais et toi, tu couches avec une félonne, alors nous sommes deux à être déçus.
— Mes affaires de cœurs ne te concernent pas. Je suis assez grand pour prendre mes propres décisions. À t’entendre, tu as l’air à t’opposer au retour d’Athéna dans ma vie. Sais-tu que j’ai longuement pleuré sa mort ?
— Fais ce que tu veux. De toute manière, je suis assez vieux pour me débrouiller sans mes parents. J’ai passé l’âge à me cacher derrière vous.
— Dis l’homme qui passe son temps à employer Gabriel comme un bouclier humain.
— Ça n’a rien à voir ! Gabriel et moi, nous sommes comme ça ! On se protège, quoi.
— Ce n’est pas du tout où je voulais en venir et tu le sais. Tu as tendance à toujours remettre tes problèmes à ton époux et celui-ci, qui a un cœur d’ange dans tous les sens du terme, ferait tout pour t’aider. Cependant, même les anges et les dieux ne vivent pas éternellement, alors je te le dis en tant que père : l’un de ces jours, tout ceci te sautera au visage et tu le regretteras.
Flint en avait plus qu’assez que son père lui fasse la morale sur son mariage et sa manière de gérer certaines situations. Il se frotta la bouche, puis réfléchit.
— Mais bon, nous savons tous les deux à quel point Gabriel est follement amoureux de toi, poursuivit son père. J’aimerais néanmoins que tu réalises ceci : parfois, je trouve que tu abuses de sa gentillesse. Il était autrefois un ami de la famille et maintenant, il en fait partie. N’oublie pas tous les sacrifices qu’Athéna et lui ont faits pour nous. Nous leur devons Aeglys, après tout, et notre libre-arbitre dans cette guerre spirituelle.
— D’accord, je veux bien reconnaître que maman est une tacticienne hors pair. Cependant, elle n’y connaît rien aux humains et nous prend souvent pour des cons. Elle devrait nous impliquer plus fréquemment dans les décisions de votre nouveau Conseil. Baldt était une nation démocratique, nous n’avons jamais le droit d’assister à vos réunions et…
Artael pouffa de rire si fort que cela fit sursauter le capitaine. Celui-ci cligna des yeux et pencha sa tête d’un côté. Il n’aimait guère cette sensation.
— Te moques-tu de moi, papa ? questionna-t-il.
— Non, répondit son père. Seulement, c'est la première fois que je t’entends parler de politique de manière si passionnée. Je pensais que tu t’en fichais, pour être honnête avec toi. Se pourrait-il que tu souhaites devenir conseiller ?
— Je ne vois pas le problème.
Le mage recouvrit sa bouche et étouffa un gloussement. Cela embêta Flint.
— Mon fils, poursuivit l’ex-président. Nous avons de la difficulté à te faire remplir des rapports de missions et de nous les remettre à temps. Crois-tu réellement que nous pourrions te donner un passe-droit, sous prétexte que tu es de notre famille ? Je te laisserais bien une chance, mais tu manques d’assiduité.
— Bah, ça se travaille…
Le capitaine se passa une main derrière la nuque et regarda dans une direction que son père ne pouvait voir, depuis sa position.
— Ça fait des années que nous essayons de t’apprendre à ranger ta chambre ou à être à l’heure dans nos nombreux rendez-vous. Désolé Flint, mais je ne crois pas que l’on puisse te faire confiance pour le nouveau Conseil. En toute sincérité, tu es un excellent guerrier et capitaine de brigade, mais tu n’as pas l’étoffe d’un politicien.
Le concerné grogna et secoua la tête.
— Par contre, ta mère m’a mentionné ce matin qu’elle aimerait que vous puissiez assister à nos réunions en tant que témoins, de temps à autre. Nous serions prêts à te prendre à partir de la semaine prochaine.
L’épéiste ne répondit rien. Cela inquiéta son père.
— Allons, Flint. Tu me boudes ?
Flint retourna son regard vers Artael.
— Ce n’est pas à toi de me dire ce que je peux être et ce que je ne peux pas être ! bouda-t-il. Tu n’as aucun respect pour les rêveurs tel que moi ! Sans rêves, nous n’aurions pas d’inventeurs ! Sans inventeurs, nous n’aurions pas des gens comme Athéna qui se tuent à créer de nouvelles choses, dans l’unique espoir de nous faciliter la vie !
Quand il termina cette phrase, le capitaine réalisa un détail important.
— Oh… tu as fait exprès de me provoquer, c’est malin.
Artael esquissa un sourire.
— Je te connais mieux que quiconque, mon fils, répliqua-t-il. C’était pour moi la seule façon de te faire réaliser à quel point ta mère travaille très dur pour nous. Et veux-tu savoir pourquoi j’ai décidé de te parler ainsi, ce matin ?
Flint haussa les épaules.
— Parce que vous êtes pareils.
Flint n’appréciait pas de se faire comparer à la femme qui l’avait mis au monde.
— Bordel de bites molles, lâcha le capitaine. Gabriel m’a dit la même chose hier.
— Vous êtes tous les deux des êtres révolutionnaires, compléta l’ex-président. Partout où vous passez, la perception des gens évolue. Vous ne laissez personne indifférents par vos actions et vos décisions. Ton côté à te mettre le nez partout où il ne faut pas… ça vient de moi. Tu as hérité, tout comme tes frères et ta sœur, de la curiosité maladive d’Athéna. Le plus marrant, toutefois, c’est que vous avez tous développé mon entêtement légendaire, ainsi que le sens du devoir de votre oncle Nash.
— Grosso modo, vous avez fait de nous des individus parfaits pour cette cause.
— Exactement. Ce n’est pas pour rien que nous vous avons élevé de manière si peu conventionnelle. Je reconnais que j’ai mes torts en tant que parent, puisque je travaillais beaucoup pour notre nation… Par contre, afin d’honorer la promesse que j’ai faite à ta mère, avant de mourir, je devais m’assurer que vous deviendriez des héros.
Flint haussa des sourcils.
— Des héros ? répéta-t-il..
— Mon souhait le plus cher a toujours été de vous pousser vers la voie de la justice et de vous former à devenir des gens qui combattraient pour le bien-être de tous. Voilà pourquoi j’ai tant insisté pour que tu sois entouré des brigadiers, dès ton plus jeune âge. Tu as fini par vouloir en devenir un… et regarde-toi aujourd’hui. Tu es le chef de ta propre brigade.
Dérouté, Flint recula la tête et grimaça de dégoût.
— Alors, toi aussi tu nous as manipulés ? bouda-t-il Et depuis notre jeunesse en plus ? Décidément, je ne peux plus faire confiance à personne.
— N’est-ce pas ce que tu fais à tous les jours avec Gabriel et la plupart de tes camarades ? Un peu de manipulation dans le but de faire un peu de bien, n’est pas un crime. Nous devons tous nous protéger parfois et il arrive que nous manipulions nos proches sans le vouloir ou sans même nous en rendre compte. C’est un mécanisme de défense très commun. Plus tôt, tu accepteras cette facette de ta personnalité, plus vite, tu comprendras qu’il y a de bonnes, comme de mauvaises raisons de manipuler les gens.
— Tu… Tu n’as pas tort en fait. Je n’ai jamais pris la peine de réfléchir à tout ça… Même si je trouve ton raisonnement tiré par les cheveux. En tout cas, il y a un peu de vérité dans tout ça. Je comprends mieux pourquoi tu as fait tout ça pour nous…
— Très bien. Dans ce cas, pourrais-tu revenir au vaisseau, qu’on en discute un peu, autour d’une tasse de thé ? Gabriel nous a préparé des petits-déjeuners avec ta mère et tu es le seul qui n’ait pas touché à son repas.
Le capitaine hésita, puis hocha la tête.
— Dans ce cas, je t’attends. Active le portail pour retourner à bord du vaisseau.
— Compris. Laisse-moi encore quelques minutes et je rentre.
Artael mit fin à la communication.
Flint pressa alors sur la gemme de sa bague et activa le menu holographique qui se dressa sous ses yeux. Il remarqua que sa boîte de réception avait quelques nouveaux courriels. Y compris Gabriel qui était en première position dans cette liste. Il put lire :
— Flint, Scottie et Wyatt me tournent autour comme un gros morceau de viande et j’ai très envie de faire joujou avec eux dans la baignoire à remous… Est-ce que tu me permets de passer du bon temps avec eux, même si tu n’es pas là ?
Le capitaine pouffa de rire.
— Depuis le temps qu’il en rêvait celui-là, pensa-t-il.
Il lui envoya comme réponse :
— Amusez-vous bien, gros pervers. Je vous aime.
Gabriel, qui était en ligne, lui envoya une réaction en émoji sur cette réponse. C’était un cœur rouge. Plusieurs années plus tôt, Flint aurait été jaloux que son homme soit intéressé par d’autres hommes, ou même qu’on le courtise. Seulement, en ce moment, son mari et lui vivaient une toute nouvelle expérience au-delà de la monogamie. Il ne ressentait aucune jalousie. Juste de l’amour et du respect pour son époux, ainsi que leurs très bons amis.
Flint imaginait déjà Gabriel en train de prendre son pied avec Scottie et Wyatt et commença à les envier. S’il avait été au centre d’entraînement, comme eux, peut-être qu’il aurait fait partie de ce qui s’en venait dans la baignoire à remous…
— Ce sera pour une autre fois, j’imagine… se dit-il.
Il lut alors les autres courriels qu’il avait reçus. Luna lui racontait en détails en quoi consistait le cours de sa mère afin de lui donner quelques astuces pour son entraînement. Cassandra s’inquiétait pour son état de santé mentale et lui demandait des nouvelles. Shayne le grondait parce qu’il était déçu d’avoir désobéi à ses supérieurs. Scottie lui avait simplement envoyé un mème de chiot tout rigolo qui le fit sourire. Flint remarqua que son dernier courriel avec Wyatt remontait à trois semaines plus tôt. Il ressentit un pincement au cœur, car il s’en voulait toujours d’avoir causé la perte de l’appendice au mage des eaux. Il s’en était fallu de peu pour qu’il y passe sur la table d’opération du Célestia. Bien sûr, ils auraient pu ramener Wyatt d’entre les morts avec le réacteur du vaisseau, mais le mage aurait quand même connu une mort atroce…
Flint se souvenait encore de sa première mort, dans le néant qui avait englouti l’enfer d’Aeglys. Il lui arrivait de faire des cauchemars dans lesquels il revoyait Gabriel se fait engloutir par la matière noire et se réveillait souvent en sueur. Cette peur de mourir, encore une fois de cette magie puissante, ne le quitterait pas de sitôt.
Il était temps pour lui de rentrer au Célestia. Il activa donc le bouton de portail d’urgence, qui le ramènerait au Célestia.
Un instant plus tard, une voix robotisée se fit entendre à travers le menu :
— DEMANDE DE SAUVETAGE ACTIVÉE. VEUILLEZ PATIENTER.
— Toujours aussi bruyant, ce robot de merde…
Rapidement, le corps de Flint se désintégra à travers une sphère lumineuse, qui l’entoura. Quelques secondes plus tard, il se matérialisa à bord du véhicule.
¤*¤*¤
Quelques heures après l’entraînement intensif de la Septième Brigade, tous les représentants présents dans la salle sportive s’étaient séparés afin de se rendre aux vestiaires. Seul Lucas avait décidé de se diriger à sa chambre, en compagnie de Misaki.
Non seulement on les avait entraînés à repousser des ondes psychiques avec leurs facultés mentales, mais Shayne avait décidé de tous leur faire reprendre leurs exercices physiques. Le pauvre Gabriel avait grogné faiblement, durant plusieurs activités, mais s’était décidé de tricher et avait modifié son apparence afin de ressembler à un athlète musclé. Shayne l’avait grondé et forcé à reprendre ses rondeurs. Même qu’il l’avait forcé à ajouter dix kilos pour le punir davantage. Cette idée aurait d’abord plu au colosse, puisqu’il adorait le fétichisme du gaining, mais ces dix kilos supplémentaires l’avaient poussé à redoubler d’efforts dans ses exercices. Il n’était même pas parvenu à faire deux redressements assis, avant de s’essouffler. Il s’était écrasé au sol, épuisé.
— Pathétique… avait grondé Shayne.
Suite à l’entraînement, les hommes s’étaient rendu à leurs vestiaires, comme prévu. Ils devaient se doucher afin d’éliminer les sueurs qu’ils avaient accumulées. Ensuite, ils auraient le privilège d’aller se reposer dans la baignoire à remous, comme récompense. Les femmes se trouvaient du côté opposé de la grande salle sportive, avec leurs propres douches. Pendant ce temps, les hommes discutaient durant qu’ils se lavaient.
— Mince alors… mes muscles me font mal… brailla le colosse, tandis qu'il se passa une savonnette sur l’un de ses bras.
Celui-ci avait retrouvé son poids habituel. Au moins, il avait reçu un courriel rapide de Flint, un peu plus tôt, qui lui donnait son accord pour s’amuser avec Scottie et Wyatt… Cela lui remontait déjà le moral.
— Ça t’apprendra à ne pas les entretenir comme il faut, déclara son voisin de gauche.
Gabriel tourna son regard, vers Shayne qui venait de lui adresser la parole. Ce dernier était plus petit que lui, mais arrivait toujours à lui faire peur. Gabriel déglutit et rougit timidement. À sa droite, Scottie et Wyatt s’amusaient à se lancer des bulles de savon.
— Hé ho, vous deux, nous ne sommes pas dans une cour de récré, fit le général.
— Ça va, on s’ennuie tellement à bord du Célestia, fit Gabriel. Laisse-les jouer un peu. Comptes-tu te joindre à nous dans la baignoire à remous ?
Shayne fit non de la tête.
— J’ai déjà promis à Cassandra que j’irais l’aider à l’infirmerie. Elle aimerait me montrer… un nouvel ensemble… Mmm… Euh…
Il baissa son regard vers le bas et se tourna brusquement afin de cacher ses parties à ses compagnons. Gabriel pouffa de rire.
— Ne me dis pas que les sarraus t’excitent ! couina-t-il. Trop chou !
— Ouais, et alors ?! grogna Shayne. Moi, je ne te critique pas ton collier de chien.
— M… Mon collier… ? couina le gros barbu.
Instinctivement, il posa sa main sur l’accessoire qu’il avait oublié d’enlever, depuis la veille. Il rougit et réalisa que tout le monde à bord du vaisseau avait pu le voir se promener avec ce dernier, durant une bonne partie de la matinée.
— Il a une valeur sentimentale pour moi, bouda-t-il.
Scottie s’approcha et mit une main sur l’épaule de son ami.
— Ouais, c’est bien ce qu’on s’est dit hier, lorsqu’on vous a entendu faire vos trucs.
Il lui fit un clin d’œil. Gabriel rougit ; la chambre de l’éclaireur et du mage se trouvait tout juste à côté de la leur. Il se demandait s’ils le trouvaient mignon comme ça.
— Si ça peut te consoler, j’en ai un pareil, déclara Wyatt. Je le porte en privé, par contre !
— Ah ! Êtes-vous aussi des adeptes du jeu de rôle canin ? questionna Gabriel.
— Nah. J’ai juste un penchant pour le cuir. Mais j’avoue que l’idée m’intrigue.
— Oh misère… soupira Shayne.
Ce dernier s’était attendu à tout, sauf de discuter de sexualité et de fétichisme avec ses camarades. Il tenta de penser à autre chose que sa fiancée en tenue de docteure. Il l’imagina aussitôt dans un accoutrement d’infirmière et grimaça de plaisir. Il se donna une claque au visage et se tourna vers le robinet de sa douche afin de s’éclabousser avec de l’eau froide.
— Tu sais que tu peux te branler, mon frère, fit Scottie qui pouffait de rire. On est entre de bons gentlemen, ici. On ne te jugera pas.
— Oh ça va, je sais très bien que je suis entouré par des gays ! gronda Shayne.
— Et un pansexuel, bouda Wyatt.
— Mais c’est qu’il est susceptible, le lapin… formula Scottie, pour l’elfe basané.
— Oh, la jolie queue ! déclara le mage. D’ailleurs, j’ai cru remarquer qu’elle est plus longue que la mienne. La honte quoi ! Je me suis fait battre par notre général !
— Pfft, même celle de Flint dépasse la sienne, répondit Gabriel qui pouffa de rire.
— Quoi !? râla Wyatt, ébahi. Merde… Comment fonctionnent les machines, déjà ?
— Toi, n’y pense même pas, rechigna Scottie, déçu.
Gabriel haussa ses épaules et se tourna vers ses compagnons.
— Bah, vous avez vu la mienne ? Elle est minuscule. On s’en fout, quoi. L’important, c’est ce qu’on en fait, pas à quoi elle ressemble !
Il mit ses mains sur ses hanches, dévoilant son corps fièrement à ses amis.
Scottie baissa son regard pour observer le membre de son ami cuisinier. À sa grande surprise, il n’y avait absolument rien. Au lieu d’y trouver un organe masculin, de la peau recouvrait le système reproducteur de la même manière qu’une poupée en plastique. Gabriel avait décidé de leur faire une farce.
— Eh, tu triches ! formula Scottie, déçu. Tu as tout fait disparaître.
— Tu ne pensais quand même pas que j’allais tout te montrer ? pouffa le guerrier bedonnant, faussement vexé. Pour atteindre ce trésor, il vous faudra me séduire, messieurs.
— Sacré Gabriel… gloussa Wyatt. Toujours plus d’un tour dans ton sac.
Shayne secoua la tête et jeta un coup d’œil par-dessous son épaule.
— Vous êtes vraiment bizarres, déclara-t-il. On dirait des filles qui comparent la taille de leurs seins en plein pyjama party.
— Dis plutôt que tu es jaloux de notre affection pour les queues, rétorqua Scottie avec un sourire malicieux. Tu ne sais pas ce que tu manques.
— Je vais perdre mon statut d’allié si vous continuez à me provoquer…
Il fusilla ses collègues de travail, horrifié. Il se rinça rapidement, et s’éloigna, alors qu’il tremblait de tout son être. Le pauvre elfe hétérosexuel s’était senti de trop dans cette conversation. Il s’était dit qu’il valait mieux pour lui d’aller se changer dans un compartiment vide, avant de se rendre à l’infirmerie.
À mi-chemin vers sa destination, il repensa à Cassandra dans son uniforme d’infirmière et ressentit une érection encore plus forte que la précédente.
— Meeeeeeeeerde, vous m’avez perverti, abrutis ! brailla-t-il à l’attention de ses camarades. Je vous jure que vous me le paierez aux prochains entraînements !
Gabriel, Scottie et Wyatt éclatèrent de rire en même temps, lorsqu’ils entendirent une porte s’ouvrir et se refermer au départ de Shayne.
Le colosse décida de se rincer et s’approcha de ses homologues pour les serrer contre lui. Tous deux apprécièrent le geste, comme ils étaient sous le charme de ses puissants bras. Il huma l’odeur de leurs cheveux et leur fit une bise sur leurs têtes respectives.
— Ça vous dit de passer un peu de temps intime dans le jacuzzi ? proposa-t-il aux époux.
— Avec… Avec toi ? demanda Wyatt, qui rougit timidement.
— Et Flint dans tout ça ? remarqua Scottie, on en fait quoi ?
— Il m’a donné son accord pour vous initier à l’art d’aimer un ours, plaisanta Gabriel.
— Gros bêta, soupira Wyatt.
Ce dernier caressa la grosse panse de Gabriel et enfouit son visage contre sa poitrine. Scottie fit de même. Le colosse ressentit une chaleur lui monter le long de son corps. Il avait attendu ce moment avec impatience depuis le jour où il avait réalisé qu’il était peut-être polyamoureux. Tous trois se dirigèrent complètement nus vers la baignoire à remous. Gabriel y entra en premier. Suivi de Scottie. Wyatt resta sur le bord un instant.
— Dommage que Flint ne soit pas avec nous, fit Scottie. J’aurais trop aimé voir sa tête avec Shayne ! Il faudra raconter ça aux filles !
— Ouais, Kylie va en rire à en pisser dans ses petites culottes, ajouta Wyatt.
— Dégueu.
Scottie grimaça de dédain, avant de se laisser couler dans l’eau chaude, jusqu’à la nuque. Il se trouva près du bedon du guerrier, assis au bord de l’eau. Il flotta jusqu’à lui et se cogna contre sa jambe.
— Hé ho, t’y va vite, Scottie, plaisanta le mage.
— Qu’est-ce que t’attend pour venir nous rejoindre ? pouffa Gabriel.
Il lui fit signe d’approcher, alors que Scottie se releva pour s’asseoir à sa gauche. Scottie posa ensuite sa tête contre le ventre du gros guerrier et le cajola.
— Es-tu sûr que tu veux encore de moi après ce que j’ai fait à Flint ? dit Wyatt, inquiet.
— Wyatt, Flint et moi, on veut de vous dans nos vies. J’ai beaucoup d’amour à vous offrir. N’aie pas peur de moi, ni de Flint. Nous étions sous un puissant enchantement d’Hypnos. C’est fini maintenant. Je suis là… Et on veut de toi.
Wyatt esquissa un sourire avant de s’installer dans la baignoire à remous avec son époux et le gros nounours qui faisait battre son cœur à une vitesse folle. Il fit aussitôt apparaître une brume autour d’eux, afin de dissimuler ce qu’ils faisaient dans l’eau, aux caméras de la pièce.
Gabriel plaça une main sur les fesses de Scottie et se laissa glisser dans l’eau avec lui. Il fit déborder un peu le bain chaud, à cause de son tour de taille.
— Inutile de te dire que tu prends toute la place, pouffa Scottie. Les filles ne vont pas vraiment s’amuser…
— Bof, tant pis pour elles. Je préfère passer un peu de temps avec vous. Oh, bonjour toi…
Gabriel tourna son visage vers Wyatt qui était venu s’appuyer sur sa jambe droite. Le mage appuya sa tête sur le sein droit du colosse et passa une main autour de son bedon. Il rejoignait aussi le bras de Scottie qui avait décidé de faire la même chose. Gabriel ressentait déjà leurs membres d’endurcir contre lui. Il rougit un peu, timidement.
— Tu m’as tellement manqué, soupira Wyatt, le regard larmoyant. J’ai eu si honte de t’adresser la parole, après ce qui s’est passé…
— C’est fini Wyatt… dit Gabriel. Maintenant, tu es avec nous. Nous ne vous lâcherons plus.
— C’est vrai, ce que tu dis ? demanda Scottie. Vous voulez que nous formions un truc ?
Gabriel tourna son regard vers le jumeau et lui fit une bise sur le nez.
— Qu’on soit deux couples mariés ne change rien au fait que je suis attiré par vous et que j’ai envie qu’on puisse passer plein de moments romantiques ensemble. Aussi, j’avoue que j’adore me rincer l’œil sur vous et vos jolies baguettes.
Scottie s’esclaffa alors que Wyatt se sentit fondre comme une flaque d’eau, dans les bras de l’imposant colosse. Il était flatté que Gabriel appréciait leurs apparences.
— En parlant de bites, tu ne nous as même pas encore montré la tienne, bouda Scottie.
— Pfft, vous la verrez plus tard, répondit le colosse, embarrassé. Elle n’est pas impressionnante que ça. Pas comme les vôtres, en tout cas.
— Bouh, tu es cruel.
— Elle n’est pas attrayante, en vrai.
— Mais non, je suis certain que ça rajoute à ton charme, répliqua Wyatt.
— D’autant plus qu’il y a certains avantages d’en avoir une petite, ajouta Scottie.
Les joues de Gabriel rougirent un peu plus, mais il leur tira la langue, timidement. Il trouvait qu’il était encore trop tôt pour faire l’amour à ces deux hommes, même s’il avait très envie d’eux. Il n’avait pas envie de souiller la baignoire à remous non plus, car il s’agissait d’un endroit public pour tous les passagers du vaisseau.
Doucement, Scottie en profita pour commencer à gratter derrière l’oreille du Gabriel, la plus près de sa position. Ce dernier leva ses yeux vers le plafond et gémit de plaisir avant de se transformer sous leurs yeux en un Bouvier bernois humanoïde.
— Oh non, mon point faible ! couina le colosse, dans tous ses états.
— Eh bah, voilà qui est tout un spectacle ! remarqua Wyatt, fasciné. Hé hé !
— Ah merde… fichu don de polymorphe ! rechigna l’homme-chien pour lui-même. Je vais mettre du poil partout à cause de Sco… à cause de mon manque de contrôle !
— Oh arrête, tu es trop beau comme ça ! remarqua Scottie. Je me disais bien que ton jeu de rôle canin allait plus loin qu’un simple collier à la nuque.
Gabriel pencha son museau en direction de la médaille qu’il portait toujours et sortit la langue d’un côté. Il souffla des narines et reprit son apparence humaine quelques secondes plus tard. Malheureusement pour lui, Flint lui grattait si souvent derrière l’oreille que cette transformation était devenue une seconde nature pour lui.
— Dommage, j’aurais bien aimé que tu restes comme ça plus longtemps, dit Scottie. Il y a plein de trucs qu’on pourrait faire avec un gros toutou comme toi… pas vrai, Wyatt ?
— Comme, l’emmener dans un parc pour chiens avec une laisse ? formula le mage.
— Ou bien le faire jouer avec quelques jouets en caoutchouc.
— Hmm… je me demande si Flint et lui ont fait l’amour avec Gab sous cette apparence…
— Chéri, c’est de la zoophilie ton truc !
— Wyatt, ce n'est pas un véritable chien. Il est à moitié homme !
— Oh purée… Bon, j’admets que je suis curieux, maintenant…
Gabriel allait se prononcer sur ses nombreuses expériences sexuelles avec son époux, mais opta plutôt de laisser planer un peu de mystère pour ses nouveaux amants. De toute façon, lui qui voulait passer un moment romantique avec ses amants, il était à présent trop gêné pour faire quoi que ce soit avec eux dans la baignoire à remous. Il fallait qu’il se ressaisisse.
Il gloussa et fit une bise sur le front de Scottie.
— Bon sang, vous êtes aussi tordus que Flint et moi ! soupira Gabriel.
— Ouais bah, on a appris des maîtres, déclara Scottie qui lui fit une pichenette sur le nez. De toute façon, vous finirez par découvrir tous nos vices, tôt ou tard…
Gabriel soupira et caressa les flancs de ses partenaires qui continuèrent à parler alors qu’il réfléchissait à plusieurs choses, tout en regardant dans le vide.
Puisque quelques années s’étaient quand même écoulées depuis leurs rencontres respectives, il ne put s’empêcher de se demander si tout ce qui était en train de se produire en cet instant, était malsain. Ce n’était pas comme si Flint et lui avaient passé les dernières années à leur offrir des présents, dans le seul but d’avoir des relations sexuelles avec eux. Non. Leurs relations avaient été, à la base, purement professionnelles et amicales.
À la base, Scottie et Wyatt avaient été une dizaine d’années plus jeunes qu’eux, avant que la dilatation temporelle ait tout changé pour les membres de la Septième Brigade. Gabriel n’en revenait toujours pas qu’ils avaient désormais pratiquement le même âge que Flint et lui.
Une minute s’écoula et le colosse se dit qu’il était temps pour lui de leur mentionner un détail important, plutôt d’attendre qu’il soit trop tard pour faire machine arrière.
— Je sais que le moment est mal choisi, de vous en parler, mais Flint et moi… on compte avoir d’autres enfants, déclara-t-il. Je comprendrai que ça ne fasse pas ton affaire, Wyatt. Je sais que tu ne te sens pas prêt d’avoir cette responsabilité. Cependant, après cette guerre, je compte transformer le bas de mon corps afin d’accomplir ce rêve avec Flint.
— On l’avait déjà deviné, répondit Scottie. Tu ne fais que parler d’agrandir ta famille depuis plusieurs jours, durant nos conversations au réfectoire.
Wyatt se gratta l’arrière de la tête et la hocha.
— J’avoue que j’ai peur de devenir père, révéla-t-il. Mais puisque c’est aussi le rêve de Scottie de fonder une famille, je veux bien vivre cette aventure avec vous trois… Mais pas maintenant… Pas durant la guerre…
— Vraim… Vraiment ? demanda Scottie, surpris. Tu… Tu ferais ça pour moi ?
Pour toute réponse, le mage caressa la tête de son époux, ainsi que son menton.
— Je serai là pour vous épauler dans vos démarches, dit Gabriel, heureux. Je sais comment prendre soin des bébés. Vous ferez d’excellents parents, vous aussi !
— Eh bah, soupira Wyatt. Vous avez l’art de briser un moment magique où nous aurions pu nous amuser comme des fous dans cette baignoire à remous.
Gabriel s’esclaffa, approcha son visage près du mage et le regarda droit dans les yeux. Ensuite, il l’embrassa sur les lèvres. Le cœur de ce dernier fit un bond et il serra Gabriel plus fort de sa main libre. Wyatt était aux anges, en sa présence. Cela avait le don d’apaiser le plus imposant des trois hommes, qui s’était senti un peu nerveux.
Lorsque Wyatt se retira, Gabriel dit :
— Est-ce que je passe le test, chaton ?
— B… Bien sûr ! Oh… chaton ? On en est aux petits noms, maintenant ?
— Tu m’as toujours donné l’impression d’être un mignon petit chaton, en fait…
— Haha… Oh, Gab… Tu es chou.
— Et moi ? bouda Scottie, qui gonfla les joues. Il est où mon bisou ? Je veux mon bisou !
— Ce qu’il peut être impatient, celui-là… grogna le nounours.
Gabriel se pencha aussitôt vers le jumeau et lui fit le même baiser que Wyatt. Toutefois, Scottie sortit la langue et lécha celle de son nouvel amant. Gabriel gloussa et le laissa faire. Voilà des années que l’éclaireur espérait ce grand moment. Scottie pouvait enfin le clamer haut et fort qu’il avait embrassé l’un de ses héros personnels.
Plusieurs minutes s’écoulèrent alors que tous trois s’enlaçaient, s’embrassaient et discutèrent de tout et de rien. Le colosse se sentait si bien qu’il avait oublié son petit accident de transformation, un moment plus tôt.
Un instant plus tard, la peau des trois hommes avait commencé à ratatiner sous l’eau. Scottie et Wyatt devenaient un peu plus charnels, plus le temps s’écoulait entre eux.
— Mmm… susurra le mage à l’oreille de Gabriel. Et si nous allions dans une pièce plus intime ? J’ai trop envie de te faire l’amour, Daddy…
— Da… Daddy ? fit Gabriel, surpris. C’est la première fois qu’on m’appelle comme ça.
— Bah, tu nous donnes l’impression d’être un gentil papounet, expliqua Scottie. Tu as une apparence de bûcheron très virile après tout. J’espère que ça ne te dérange pas.
— Oh… non, non ! s’exclama le colosse avec un large sourire aux lèvres. Pas du tout ! Même que j’aime beaucoup ce surnom. Hi hi… Je suis un Daddy…
Gabriel se dandina un peu de gauche à droite, sous les regards amusés de ses nouveaux compagnons. Il était clair pour Scottie et Wyatt que Gabriel méritait de fonder la famille dont il avait toujours souhaité. Il adorait jouer le rôle d’un parent et ça se voyait à travers leurs nombreuses missions. Gabriel avait toujours été comme un père protecteur pour tous les membres de la Septième Brigade… ou une maman, tout dépendait de la situation.
— Maintenant que j’y pense, n’est-ce pas un peu maladroit d’employer ce terme, alors que nous avons le même âge ? remarqua Scottie, incertain.
— Nan, dit Gabriel. Moi, ça me convient, car j’aime ce surnom. Par contre, nous sommes restés dans la baignoire trop longtemps.
— Donc, on fait quoi, mon gros ? demanda Scottie. On va baiser dans ta chambre ?
— Euh… commenta le colosse, abasourdi. Il faudrait déjà d’abord que je sache vos préférences sexuelles et vos positions préférées… Et je… Euh…
— Le plus important est qu’on s’amuse, suggéra Wyatt. Scottie, tu veux faire quoi ?
— Jouer avec le clébard, bien sûr ! répondit son époux, avant de donner une tape amicale sur l’épaule de Gabriel. Oh, et des trucs sexuels, bien entendu… Euh… peut-être pas sous son autre apparence, maintenant que j’y pense…
— Mouais… c’est un peu chelou, tout ça, formula Wyatt. Au fait, je te suggère de ne pas en parler à ta sœur, de tout ça. Elle fait encore des cauchemars de leurs parties de jambes en l’air.
Réalisant que Wyatt faisait allusion aux rêves psychiques que les porteurs avaient de leurs esprits élémentaires, il sursauta. Il avait complètement oublié que les jumeaux Silverwind jouaient un rôle similaire dans la vie de sa fille, comme celui de Dia, ou bien Charlie. Il était conscient qu’Estelle les avaient parfois vus accidentellement, Flint et lui, lorsqu’ils avaient fait des trucs qu’elle n’était pas supposée voir. Jamais, il aurait imaginé que ces images se transmettraient dans la tête des jumeaux.
— Minute, q… quoi ?! dit Gabriel, d’une toute petite voix. Oh, non, non, non, non, non… N’en parlez pas à Kylie, et surtout pas à ma fille ! Je n’aurais jamais dû vous parler de tout ça… C’est si embarrassant… Fait chier… A… Allons plutôt nous rhabiller avant de t… traverser les couloirs.
Le gros guerrier se leva nerveusement, tandis que Scottie et Wyatt se tassèrent pour lui. L’éclaireur en profita pour admirer les jolies fesses du colosse, amusé de l’avoir mis dans un tel état. Pendant ce temps, le mage se demandait pourquoi leur nouvel amant était devenu si tendu, alors qu’il fût à son aise avec eux, quelques minutes plus tôt.
— Gabriel a beau être un gros nounours viril, il reste quelqu’un de timide, pensa Wyatt. Il est trop mignon quand il rougit de cette façon, le pauvre…
Les deux époux finirent par le rejoindre et s’essuyèrent rapidement avant d’enfiler leurs shorts. Un moment plus tard, ils quittèrent la salle d’entraînement et se dirigèrent en direction du dortoir de Flint et Gabriel.
¤*¤*¤
Le capitaine de la Septième Brigade et son père se trouvaient au réfectoire habituel où ils avaient pris l’habitude de prendre tous leurs repas. Randell coloriait dans un coin, tandis que père et fils buvaient un thé et un café, respectivement. Ils avaient passé quelques heures à discuter des récents événements à bord du Célestia et tout ce qui concernait la guerre spirituelle. Artael avait informé Flint de tout ce qu’il savait jusque-là. Cela rassura le jeune homme que son père ait décidé de tout lui expliquer.
— Donc, si on résume bien ce que tu viens de me dire : le Conseil pense qu’on ne pourra pas combattre les dieux du Conclave… dans notre état.
— C’est ça. Voilà la raison pour laquelle nous devons essayer de renforcer vos capacités mentales. Une fois que nous aurons pénétré leur système solaire, rien ne nous dit qu’ils n’auront pas déjà lancé une attaque contre nous. La puissance du Conclave dépasse tout ce à quoi vous vous êtes opposés par le passé.
— Gabriel m’a déjà prévenu à ce sujet. Nous ne devrions rien craindre tant et aussi longtemps que nous aurons les esprits élémentaires avec nous, n’est-ce pas ?
— J’ai bien peur que non. Même Dia et sa fratrie ne pourront faire quoi que ce soit contre les puissantes illusions auxquels vous pourriez être confrontés. D’après Athéna, il y a de fortes chances que ton oncle et notre amie louve soient déjà des prisonniers de guerre. Nous devrons donc tout faire pour les libérer de leurs cachots.
Flint se frotta le front, en train de réfléchir.
— Et nous devrions arriver dans combien de temps, déjà ? Un mois ?
— C’est plus ou moins le cas, si nous décidons d’augmenter la vitesse. Toutefois, ni Perséphone, ni Hypnos ne souhaite nous mettre en danger. Pour cette raison, nous allons ralentir le vaisseau et nous arrêter à quelques reprises sur des planètes auxquelles nous pourrons récupérer des ingrédients ou bien nous entraîner.
— J’ai l’impression que nous perdons un temps précieux. Ça fait déjà trois semaines que nous errons dans l’espace sans signe de vie de nos proches. Ils seront peut-être tous morts, à notre arrivée. Et tu l’as entendu toi-même de la bouche de maman : le réacteur ne pourra pas supporter davantage de résurrections, à ce rythme. Nous allons devoir en trouver quelque chose pour le remplacer.
À cet instant, Randell tourna son visage vers son père et son grand-père.
— Pourquoi ne vous servez-vous simplement pas des simulations de la salle des machines ? Vous y gagneriez un temps précieux…
Flint se tourna vers son fils et cligna des yeux.
— Tu nous écoutais ?
— Bah ouais. Nous ne sommes que trois dans cette salle. Et ce n’est pas parce que je suis un gamin que je ne sais rien… J’ai conservé quelques souvenirs de mon ancienne forme.
Randell fixait toujours son cahier à colorier, alors qu’il discutait avec Flint.
— Souviens-toi de la base lunaire, papa, commenta le garçon. Hypnos a dit qu’il programmerait la réalité virtuelle, différemment, s’il fallait recommencer la simulation. C’est ça, la solution à tous vos problèmes. Changez les règles du jeu… Ainsi, votre nouveau Conseil pourra vous entraîner de manière plus avancée.
Bouche bée, le capitaine regarda son père, qui était tout aussi choqué que lui. L’ex-président et son fils au tempérament farouche en avaient presque oublié qu’en leur présence, se tenait un garçon qui fut autrefois l’un des plus brillants mages de Baldt. Il avait peut-être un petit corps, désormais, mais il semblait avoir conservé toute son intelligence. Quelques semaines plus tôt, il avait été comme une ardoise vierge. Finalement, les deux hommes trouvaient que son idée était excellente.