Ils étaient tous installés autour de la table ronde, alors qu’ils dégustaient des frites et des sandwichs. Le plan en cours était toujours d’envoyer quelques représentants dans la simulation d’Hypnos et d’essayer de raisonner avec les renégats en plus de sauver Athéna ; car le Dieu du Sommeil avait confirmé sa présence auprès de Perséphone, un peu plus tôt. Tous les membres de la Septième Brigade étaient tous aussi perdus, les uns que les autres.

Il aurait été facile de simplement réveiller tous ces gens et fermer les incubateurs, mais le dieu albinos craignait que cet endroit serait témoin d’une horrible émeute, alors il avait insisté pour envoyer quelqu’un dans ce monde virtuel. Il fut décidé que Flint, Lucas, Shayne et Gabriel seraient les premiers à intégrer cette dimension parallèle. On leur donnerait de nouvelles identités temporairement, afin qu’ils puissent s’intégrer dans la ville où se trouvaient les âmes endormies.

— J'aime que tu aies pensé à tout ça, expliqua le capitaine de la Septième Brigade, mais as-tu pensé à nos familles et à nos amis ? Ne seront-ils pas inquiets lorsqu’ils réaliseront que nous sommes des imposteurs ?

— Ne t’en fais pas pour ça, dit Hypnos. D’ici, nous pouvons facilement modifier leurs rêves, c’est-à-dire, leur réalité virtuelle. Je ferai en sorte que vous soyez tous liés par le sang et qu’ils se souviennent de vous.

— Dans ce cas, je veux y aller, déclara Estelle. Grand-Papa me manque et je m’inquiète pour Tante Sarah. Je veux savoir ce qui leur est arrivé.

Kylie tourna son visage vers son épouse, inquiète.

— Il est hors de question que tu y ailles sans moi, grogna-t-elle. Je ne veux pas qu’il t’arrive malheur. Qui sait le genre d’influence maléfique Perséphone pourrait avoir ?

— Je compte aussi y aller, fit son jumeau.

Scottie se tourna vers Wyatt et ajouta :

— Toi, par contre, j’aimerais que tu restes ici pour veiller sur les machines. Luna et toi êtes mieux placés que nous pour comprendre tout ce qui touche aux sciences informatiques. Est-ce que ça te va ?

Wyatt hésita un moment, puis hocha la tête.

— Vous aurez besoin d’une docteure ici, mentionna Cassandra. Je veillerai à ce que rien de grave ne vous arrive durant votre simulation.

— Entendu, mon cœur, répondit Shayne, à côté d’elle.

Misaki était curieuse de voir ce qu’il y avait dans cette fameuse dimension, mais d’un autre côté, il fallait bien que quelqu’un reste dans ce laboratoire secret avec le jeune Randy, afin de le tenir occupé. Celui-ci n’était pas autorisé à partir. D’ailleurs, elle avait remarqué qu’il avait déjà grandi de quelques centimètres, depuis sa récente régression. On aurait pu lui donner environ cinq ans.

— Je vais rester ici aussi, déclara-t-elle. Ne vous inquiétez pas pour le petit, je m’en occupe. Je tâcherai d’aider tout le monde avec les tâches d’ici.

— Voilà qui me rassure, soupira Gabriel de soulagement.

Le petit garçon, dans ses bras, jeta un coup d’œil rapide vers la dame aux cheveux blancs. Il enfouit timidement son visage dans la poitrine de son gros père. Le colosse lui caressa la tête, pour le rassurer.

— C’est que vous vous adaptez vite, on dirait ! gloussa la guerrière.

— Il est tellement trognon… couina Gabriel, conquis. Il me donne presque envie d’adopter tout plein de gamins, juste pour avoir une belle et grande famille…

Le colosse adorait déjà son nouveau fils et cela se ressentait à travers ses mots. L’enfant ne le quittait plus d’une semelle, depuis plus d’une heure. Ce dernier était heureux d’avoir retrouvé son papa. Ils avaient tous remarqué rapidement qu’il ne se souvenait plus de rien de sa vie antérieur. Son âme semblait être devenue aussi nette qu’une nouvelle ardoise. Randy Markios était un tout petit garçon, tout ce qu’il y avait de plus normal et il était désormais le fils de Flint et Gabriel. Celui-ci avait même les yeux du Capitaine Markios ; une manifestation magique qui s’était produite lorsqu’il l’avait choisi comme son deuxième père. Il partageait le même élément que Gabriel et Charlie, soit celui de la création. La métamorphose était aussi l’un de ses points forts, d’après ce qu’ils avaient compris.

— C’est dingue quand même, comment tu nous ressembles, disait Flint en se penchant vers son fils pour lui caresser le dos.

— Je t’aime papa, fit le gamin qui fit une bise sur le front de son père blond.

Le dirigeant du groupe était complètement gaga, puisqu’il recevait toute l’affection du tout petit. Son anxiété était contrôlée. Accepter cette nouvelle responsabilité de parent lui faisait plaisir. Même s’il s’ennuyait de sa ville et de sa vie d’avant, il recommençait à sourire. Cependant, il ne pouvait s’empêcher de s’en vouloir d’avoir agi comme un imbécile après tout ce que Nash leur avait appris sur les dieux. Inceste ou pas, il aimait Gabriel et cela ne changerait jamais. Il comprenait aussi pourquoi ce secret était lourd à porter. Les olympiens avaient sûrement dû trouver tout cela compliqué au fil des derniers millénaires.

— Qu'y a-t-il, papa ? demanda Estelle, qui remarqua la tristesse de Flint.

Ce dernier baissa son regard et se leva de son banc avant de s’incliner.

— Je tenais simplement à vous présenter mes excuses pour mon horrible comportement, dit-il à son groupe. J’ai été odieux et je ne mérite pas votre confiance. Un capitaine se doit de garder son sang-froid en tout temps.

Silence. Tous s’échangèrent des regards. Pour la plupart d’entre eux, dix ans s’étaient écoulés, donc ils avaient oublié pourquoi Flint agissait ainsi. Cependant. Shayne, Misaki, Lucas et Gabriel comprenaient pourquoi il était tendu.

— Allons, mec… Nous avons tous nos journées de merdes… répliqua Kylie. Et puis, nous aussi, on a stressé à mort après la révélation de ton oncle. Ça nous a pris quelque temps, mais on s’en est remis. Après, c'est sûr qu’après ça, plein de choses ont changé…

— Comme mes sentiments pour ma femme qui se sont développés graduellement… rougit Estelle, à ses côtés. Ou bien la naissance des triplés…

— Et par ma faute, quelques-uns d’entre nous ont tout manqué… marmonna Flint, en larmes. Si vous saviez comme j’ai honte de mon choix…

Luna secoua la tête et s’adressa à son ami :

— Oh arrête de te plaindre. Sans Nash et toi, nous n’aurions jamais pu découvrir les coordonnées laissées par Hypnos. Si tu savais le nombre de fois que j’ai tenté d’envoyer des gens ici, sans jamais pouvoir trouver la combinaison exacte… !

— Cette dimension est en déplacement, à vrai dire, fit Hypnos. Donc il est normal que tes coordonnées n’aient pas fonctionné. Il te fallait un code spécial qui est malheureusement brouillé sur de plus grandes distances. N’oubliez pas que nous sommes sur la station lunaire d’Aeglys… En fait, maintenant que j’y pense, notre lune appartient désormais à la nouvelle Terre qui a remplacé votre monde… 

— Ah ouais… commenta Flint. Maintenant que j’y pense, comment se fait-il que nous soyons capables de respirer dans l’espace ? Je croyais que c’était impossible.

Hypnos prit une grande inspiration.

— Tu peux remercier ta mère pour ça, répliqua-t-il. En créant Aeglys, elle a détruit la lune pour la reconstruire avec une base secrète où elle pouvait mener quelques expériences, en cachette du Conclave. Toute la station produit automatiquement son propre oxygène qui circule à travers l’aération du vaste bâtiment. Nous sommes dans une pièce où elle travaillait souvent, tellement elle est spacieuse. Bien avant que je ne sois enfermé en enfer, Athéna m’a tout dévoilé. L’un des techniciens qui travaille pour nous, m’a ouvert un portail pour me rendre ici à la dernière minute ; quand le néant a commencé à dévorer la planète. Randell était près de moi quand tout est arrivé, alors j’ai pu le sauver juste à temps… 

— Ouf… soupira Lucas. Notre mère est une sorte de génie, en fait.

— J’allais dire la même chose, déglutit Flint. Plus le temps passe, plus je me dis qu’elle nous a préparé une tonne de surprises…

Il se tourna alors et demanda à Gabriel :

— Et toi, tu savais tout ça, pour la lune ?

Ce dernier secoua la tête et haussa les épaules.

— J’étais son assistant, mais elle ne me disait pas tout, tu sais ? déclara-t-il. Ta mère a toujours eu plus d’un tour dans son sac.

Hypnos gloussa. Ils se tournèrent tous vers lui.

— Tant qu’on y est, déclara-t-il, je crois qu’il est temps pour moi de vous dévoiler que le Saint Royaume n’est pas aussi loin que vous le croyez.

— Ah bon ? Pourquoi ? requerra le capitaine.

Il sortit de sa poche une pièce de monnaie qu’il lança dans les airs avant de la rattraper.

— Si ceci a deux faces, expliqua-t-il, je dirais que Célestia est la face cachée du Saint Royaume. Voilà pourquoi vous arrivez à acheminer toutes les âmes si facilement.

— Comment ça ? poursuivit Flint. Tu veux dire que nous étions au Saint Royaume d’une autre réalité ? Ça ne tient pas debout, toute cette histoire…

— Pourtant, Zeus lui-même a créé cette dimension. Elle existe au-delà du paradis où j’ai vu le jour et des enfers de ce même monde.

— Donc, comment se fait-il que le Conclave n’ait pas réussi à nous trouver ?

— Je crois qu’ils ont déjà deviné où vous êtes, mais ils ne sont pas en mesure de vous envahir. Seules les personnes autorisées peuvent entrer chez vous. Pour cela, il faut passer par vos machines ou bien posséder l’une de vos bagues. Et si je me souviens de la plupart des divinités du Saint Royaume, je dirais qu’ils sont furieux en ce moment et qu’ils vont probablement essayer de vous envahir. La bonne nouvelle, c’est qu’ils sont en train de perdre cette guerre. Célestia dévore toutes ses ressources, petit à petit.

Cassandra afficha une expression d’horreur.

— Tu veux dire que nous sommes en train de leur causer leur génocide ? marmonna-t-elle. Oh non… qu’avons-nous fait ?

— Tout simplement ce que Zeus et Athéna planifiaient depuis des siècles : remplacer le Saint Royaume et c’est justement ce que vous faites depuis que vous y êtes.

— Donc… Nash avait raison… Nous sommes le nouvel ordre.

— C’est exactement ça. Tôt ou tard, vous allez pouvoir accéder aux planètes sous la protection de l’ancienne dimension et ils n’auront plus aucuns pouvoirs à exercer sur ces dernières. Vous pourrez sélectionner les dieux qui vous rejoindront à Célestia et bannir les traîtres… Enfin, si vous le souhaitez.

— Mais à quoi ça servirait ?! Votre stupide guerre a éclaté précisément parce que vous avez expatrié plein de renégats ! Ça ne va pas, là-dedans ?!

Cassandra se pointa la tête d’un doigt.

— Nous n’avons pas demandé à être les divinités du nouvel ordre ! Nous voulions seulement vivre ensemble et sauver les gens de notre planète !

Shayne était stupéfait que la soigneuse, habituellement si douce, venait de s’énerver. Il n’était pas le seul. Même Flint haussa un sourcil.

— Je suis du même avis que toi, Cassie, admit ce dernier. Cependant, ma mère pensait bien faire en nous redonnant nos corps…

— Et la plupart de nos nouveaux habitants ne viennent même pas d’Aeglys, à l’origine… prononça Luna. Wyatt et moi, nous pensons même créer un nouveau continent rien que pour y accueillir de nouvelles âmes.

— En effet, fit Wyatt. Mais avant, il nous faudra l’accord de tous les représentants du monde. Si nous sommes pour agrandir cette planète, autant le faire avec dignité et respect.

— Vous n’avez pas chômé, en tout cas, remarqua Misaki qui approuvait leur décision. Bien joué, tout le monde !

Luna se gratta la joue, flattée.

— Oh, allons. Ce n’est rien. Athéna est celle qui a fait le plus dur du travail. Nous n’avons fait que suivre ses instructions et apprendre un truc ou deux, au passage. Même qu’une certaine journaliste et son épouse en ont profité pour visionner des dessins animés sur internet, pendant qu’elles travaillaient pour moi…

Estelle se mit à glousser nerveusement en levant une main en l’air, pour se désigner.

— Je plaide coupable… ces terriens ont inventé d’excellentes séries japonaises. J’en ai profité pour écrire quelques fanfictions sur le site web de Scribay, c’est ce qui m’a inspiré à devenir écrivaine et journaliste.

— Je ne comprends pas un traître mot de ce que vous dites, mais je suis content que vous vous soyez amusés en notre absence, déclara Flint.

Scottie, Wyatt, Kylie, ainsi que la journaliste, pouffèrent de rire en même temps.

— Mais quoi ? couina le blond. Qu’est-ce que j’ai dit ?

Ils redevinrent calmes un moment, avant d’éclater de rire à nouveau. Confus, Flint jeta un regard vers son mari. Il ne savait plus que faire.

— Décidément, je ne comprends plus les jeunes d’aujourd’hui… soupira-t-il.

Gabriel haussa des épaules et retourna son attention vers son nouveau fils. Il n’en revenait toujours pas à quel point le petit Randy rajoutait de la chaleur dans son cœur. Seulement, cela lui avait confirmé une chose : il souhaitait agrandir sa famille davantage. Il se demandait si Flint serait d’accord avec lui.

Cassandra s’était calmée et assise. Toutefois, une question lui brûlait les lèvres. 

— Qu’arriverait-il si le Conclave trouvait les coordonnées exactes de Célestia ? demanda-t-elle à Hypnos. Est-ce qu’Athéna et son père y ont réfléchi ? 

— Oh, ne t’en fais pas pour Célestia. Il existe plusieurs moyens de déplacer une planète à travers les dimensions. Connaissant Athéna, elle a sûrement déjà planifié quelque chose d’époustouflant. Mais nous n’en sommes pas encore là. Ne t’inquiète pas.

— Il dit vrai, commenta Luna. Nash m’a informé des procédures à suivre au cas où cela nous arriverait. Si quelque chose devait arriver en notre absence, je suis certaine qu’il ferait tout en son pouvoir pour protéger nos nouveaux quartiers généraux.

Cassandra soupira de soulagement et répliqua : 

— Voilà qui me rassure…

¤*¤*¤

Debout à l’intérieur de leurs incubateurs, les participants de cette mission attendaient les instructions du dieu aux cheveux blancs. Gabriel se sentait un peu serré dans son tube et dû se résoudre à utiliser son pouvoir unique pour transformer sa silhouette. Il avait retrouvé sa silhouette un peu plus musclée, d’il y a quelques heures, mais on voyait quand même un bedon tout rond qui dépassait de son tee-shirt. Cependant, il avait maintenu la même grandeur. Flint avait ressenti un frisson quand il avait vu son époux vu se défiler devant eux, à un tel point qu’il avait désiré le prendre et aller lui faire l’amour sur le champ. Seulement, ce n’était pas le bon moment pour eux.

— Au fait, Hypnos… comment se fait-il que je puisse me transformer ? demanda Gabriel, confus. Je croyais que nos pouvoirs ne fonctionnaient pas ici. 

Le colosse venait d’entrer dans sa cloche de verre, alors que Flint le dévorait du regard. Il se mordilla la lèvre inférieure en remerciant sa mère de lui avoir donné ces pouvoirs.

— Les pouvoirs offensifs et les mauvais sorts ne peuvent pas être lancés, répliqua Hypnos. Par contre, tout ce qui a rapport à l’art de la guérison ou bien ce qui touche à la création est permis, selon les consignes d’Athéna.

— Donc, pourquoi pénaliser les esprits élémentaires s’ils ne sont pas hostiles ?

— Le système de cette station les considère probablement dangereux pour les machines, je ne saurais t’expliquer… Faudra demander tout ça à Athéna, quand vous la trouverez.

Flint dut détourner son regard de Gabriel, un moment. Ses pulsions sexuelles ne l’aidaient pas du tout en ce moment et il faisait tout pour le dissimuler. Toutefois, son regard se posa sur le corps finement ciselé de Scottie et il dut fermer les yeux un moment, car il se maudissait sa lubricité passagère.

Estelle gloussa quand elle remarqua le malaise de Flint, alors qu’elle s’installait dans son compartiment. Elle se sentait prête à partir. Le capitaine lâcha un long soupir de soulagement, une fois qu’il avait fini par se calmer.

— Je dois vous prévenir que vous risquez de vous sentir perdus au départ, c’est un peu normal, expliqua Hypnos. Vos pouvoirs seront bloqués, mais soyez sans crainte. Si jamais je devais détecter la moindre once de magie hostile dans la simulation, je vous rendrai vos pouvoirs et vous guiderai à travers la dimension.

— Aura-t-on un moyen de communication ? fit Kylie, installée derrière Flint.

— Je sais que le système existe, mais je ne l’ai pas encore utilisé. Cependant, je dois vous avertir que vous aurez probablement des apparences légèrement différentes dans cet autre monde. C’est pour vous adapter aux nouvelles lois de cette planète. Shayne, par exemple, devrait avoir une apparence plus humaine. Pour le reste, tout dépendra de ce que la simulation aura planifié pour vos nouvelles vies… ou si vous préférez, vos personnages.

— Comment ça, planifié ?

— N’oublie pas que cette simulation faisait à la base partie de ce que le Conclave planifiait pour vos âmes. L’algorithme a été volé des bases des données du Saint Royaume spécialement pour piéger Perséphone.

— Pfft… C’est chiant… grogna Kylie. J’ai intérêt à avoir tous mes membres, de l’autre côté… et une belle grosse poitrine, un coup parti ! Ça me ferait plaisir !

Estelle éclata de rire.

— Arrête de dire des conneries, soupira son frère, découragé.

— N’empêche, que ce serait marrant de la voir avec des gros lolos… plaisanta Wyatt. Je me suis toujours dit qu’elle serait canon comme ça.

— Enfin quelqu’un qui pense comme moi ! bougonna Kylie. Vive les gros seins !

Elle leva son poing en l’air, alors que Misaki couvrit instinctivement les oreilles du petit Randell. Le pauvre Scottie râla et se dit qu’il valait mieux abandonner toute tentative d’apprendre les bonnes manières à sa sœur. Au moins, elle ne se comportait pas comme cela avec leurs clients et il appréciait beaucoup ses efforts.

— T’as intérêt à ne pas me tromper avec Kylie, plaisanta-t-il quand il se tourna vers son mari. Sinon ça va mal se terminer entre nous, mon chéri…

Il lui fit un simple clin d’œil, ce qui glaça le sang du mage.

— Je blaguais… déglutit Wyatt.

— Wyatt, on a déjà eu ce genre de discussion des tonnes de fois. Qui tu fréquentes en dehors de notre mariage ouvert ne me dérange pas du tout.

— C’est vrai. Pardon.

Cette remarque avait fait sourciller Flint et Gabriel qui écoutaient les paroles de leurs amis. Ainsi donc, le polyamour faisait toujours partie de l’existence de Scottie. Il semblerait aussi que Wyatt ait peut-être exploré ce style de vie, durant les dix dernières années qu’ils avaient passé à Célestia. Flint tourna son visage en direction de Gabriel. Ce dernier lui souriait et hocha la tête, comme s’il avait deviné les pensées de son époux.

Un peu plus tôt, après le repas, tous deux s’étaient portés volontaires pour faire la vaisselle. Gabriel avait avoué à Flint qu’il ressentait de plus en plus une attirance pour Scottie, ainsi que Wyatt. Le capitaine lui avait dit plus ou moins la même chose.

— Qu’est-il en train de nous arriver ? avait dit Gabriel, tout bas.

— Je ne sais pas… mais il se pourrait bien que Scottie soit en train de déteindre sur nous…

— Tu veux dire… qu’on pourrait… essayer des trucs avec lui ? 

— Ouais… est-ce que ça te plairait ? avait demandé Flint. 

— Beaucoup… mais je ne sais pas si Wyatt serait d’accord, puisqu’ils sont mariés…

De retour au présent, Flint balaya cette conversation de sa tête. Tout comme lui, Gabriel commençait à envisager l’éventualité d’un ménage à trois ou à quatre dans leur vie personnelle. Toutes ces étranges tensions sexuelles devenaient de plus en plus insupportables pour son mari et lui. Tous deux avaient autant envie de Scottie, comme Wyatt. Scottie ne s’était pas privé pour courtiser avec eux quelques fois, depuis leur retour. Mais ils avaient décidé de ne pas trop plaisanter avec lui, au cas où cela aurait pu blesser Wyatt. Tous ces sentiments étaient nouveaux pour le capitaine et le colosse. Jamais ils n’auraient cru qu’un jour, l’amour traditionnel leur serait devenu démodé. 

— Une chose est sûre, pensa Flint. Gabriel et moi, nous serons toujours mariés, quoi qu’il arrive. Ce n’est pas parce que nous avons découvert de nouvelles facettes de nous que cela change tout l’amour que nous ressentons l’un pour l’autre.

Pendant ce temps, Gabriel observa Wyatt qui aidait Scottie s’installer dans son incubateur. Le colosse avait remarqué que son visage était devenu beaucoup plus mature en dix ans. Wyatt avait à peine terminé son adolescence quand il avait commencé à sortir avec Scottie. Maintenant, son visage avec changé à un tel point que le gros guerrier le trouvait mignon. Même Flint appréciait son nouveau style et son visage plus viril. 

— Je n’en reviens pas à quel point vous êtes devenus sexy, Scottie et toi, commenta le colosse qui complimenta son ami.

— Ah… euh… merci ? couina timidement Wyatt. Ça me touche vraiment que tu penses cela. 

— Pourtant, il dit la vérité, répliqua Flint. Une raison de plus que je m’en veuille de vous avoir abandonné pendant toutes ces années. Je n’ai pas eu la chance de vous voir évoluer en tant que jeunes hommes… C’est bête, mais je tiens autant à vous que ma propre famille.

— Je pense la même chose, dit Gabriel. 

— Oh ça va, ça va, râla Kylie depuis sa capsule. On l’a tous remarqué que vous avez envie de baiser, mais maintenant, ce n’est pas le moment ! On a une mission à accomplir !

— Kylie ! gronda son épouse, à côté d’elle.

— Bah quoi ? Tu n’as pas remarqué qu’ils se dévorent des yeux, ces quatre-là ? 

— Oui, mais ce n’est pas une raison de… 

Tout à coup, ces mots mirent Flint, Gabriel, Scottie et Wyatt dans l’embarras. Tous quatre regardèrent dans des directions opposées au reste du groupe, alors que Misaki avait élevé le ton durant sa conversation avec le petit Randy, afin de l’empêcher d’entendre ce que les adultes se disaient. La pauvre guerrière albinos était embarrassée de la vulgarité de Kylie, ainsi que du comportement des quatre hommes.

Ce fut à cet instant qu’Hypnos passa devant chaque incubateur pour s’assurer que les volontaires de cette mission soient tous en bonne position pour commencer le processus. Flint, Gabriel, Scottie et Wyatt profitèrent de cette occasion pour se changer les idées. Après tout, cette discussion était devenue très maladroite.  

Le mage fit la bise sur la joue de Scottie et courut rejoindre Luna, près des ordinateurs. 

Hypnos s’était assuré que celles et ceux qui entreraient dans la simulation d’ici peu, n’aient pas d’objets compromettants sur eux, tels que des gadgets électroniques. La seule chose qui pouvait passer avec eux, était leurs bagues, car elles étaient imperméables et très résistantes aux fluides. Il leur passa, un par un, des casques qu’ils enfilèrent par-dessus leurs nez et leurs bouches. Gabriel reconnaissait ces derniers pour les porter chaque soir lorsqu’il se couchait. La ventilation à pression positive continue, alias le CPAP, était son seul remède pour contrer son asphyxie du sommeil.

— Je vais devoir vous endormir avec des somnifères, pour commencer, dit Hypnos. Ne vous en faites pas, vous ne sentirez rien. Je vais d’abord recouvrir vos corps avec la solution aqueuse qui devrait conserver vos formes sur de longues durées. Lorsque vos compartiments seront à moitiés remplies, vous serez déjà endormis.

— On ne risque pas de tomber, hein ? fit le colosse.

— Non, impossible. Vous êtes supposés flotter dans ce liquide.

Gabriel salua son fils et lui fit un clin d’œil. Randy n’était pas heureux de voir ses parents le laisser seul, mais il tenait fermement la main de sa tante Misaki. Il espérait qu’ils réussiraient leur mission.

Pendant ce temps, Hypnos s’approcha d’un ordinateur, pas très loin des machines dans lesquelles se trouvaient les sept volontaires. Luna et Wyatt étaient déjà en train d’étudier leurs écrans, alors que Cassandra vérifiait le pouls de ses collègues qui plongeraient dans la réalité virtuelle, dans un instant.

— Ce sera un peu comme un jeu vidéo, en fait, remarqua Kylie qui se tourna vers Estelle, et son frère. Le premier qui remporte la partie doit une glace aux autres !

— Arrête de plaisanter, banane, râla Scottie. De nombreuses vies sont en jeu.

— En parlant de jeux, vous croyez qu’ils ont sorti un nouveau Poké… commença Estelle. Ouah, ils ont déjà commencé à couler l’eau bizarre. Mettons nos masques !

Tous trois s’exécutèrent et mirent leurs respirateurs. Tous les incubateurs se fermèrent aussitôt. La solution aqueuse leur montait déjà aux chevilles. Flint pouvait déjà ressentir ses membres s’engourdirent, alors qu’il s’était équipé avant les autres. Il lutta contre le sommeil, jusqu’à ce que l’eau atteigne le haut de ses fesses. Le tube, relié aux bonbonnes d’oxygènes à l’extérieur et au gaz soporifique, était très long. Il perdit connaissance en premier, pendant que son frère le suivit au royaume des songes. Gabriel salua Randy une dernière fois, puis se laissa flotter dans le liquide, il ferma les yeux.

Misaki et l’enfant s’approchèrent de la cloche de verre où dormait Lucas. La guerrière sourit tristement. Elle espérait que son passage dans cet autre monde se ferait en toute sécurité.

— Je n’aime pas ces trucs… dit Randy qui pointa les tubes attachés aux masques. Ils me rappellent quelque chose, mais je ne sais plus ce que ça doit représenter… 

— Ça leur permet de respirer, répliqua Misaki.

Randell plissa des yeux et passa rapidement à autre chose. Il lâcha la main de la guerrière qui le posa par terre. Ensuite, il s’éloigna afin d’aller voir ce que faisaient Luna et Wyatt aux machines. Hypnos revint sur ses pas et s’approcha de Misaki.

— J’ai l’impression qu’il commence à se souvenir de ses propres expériences en tant que l’adulte qu’il était, quelques heures plus tôt… commenta-t-elle.

— Possible. Mais son esprit semble vouloir oublier tout ça, afin de vivre une nouvelle existence avec Flint et Gabriel. Ce que Randell faisait sous l’influence de mon frère, c’était horrible. Il a mérité de vivre une meilleure existence auprès de tes amis. Il avait grandement besoin d’un changement radical dans sa vie, pour passer à autre chose.

— Je sais… C’est quand même étonnant à quel point il ressemble à ses nouveaux parents. On dirait une version miniature de Gabriel, avec les yeux bleus des Markios.

Hypnos se passa les mains derrière la tête avant de répliquer : 

— Tu serais étonnée d’apprendre le nombre de fois que des anges ont formé des familles recomposées de cette façon, au Saint Royaume… Ce processus s’est fait des milliers de fois, jusqu’à présent. La guerre a fait beaucoup de ravages, mais la magie de la création nous a permis de réaliser plein de petits miracles, ici et là. Vous-mêmes, vous vous en servez plus que vous le croyez à Célestia. Vos machines sont équipées de noyaux de cet élément condensé et tout ce que vous avez à faire, c’est de les remplir de votre mana, afin de réaliser la plupart de vos souhaits. Tout le monde se sert de ces noyaux depuis toujours, dans les dimensions spirituelles. Cependant, nous devons être prudents, car les noyaux sont comme des piles électriques. Au bout de quelques recharges, ils ne fonctionnent plus. Certains tombent même en poussière. Ce qui est embêtant, quand on sait que ces gemmes sont très fragiles et se brisent facilement.

— Il me semblait bien avoir lu cette information dans les manuels d’instructions du réseau des portails, commenta la guerrière albinos. Nash nous a expliqué que ces noyaux sont de plus en plus rares au Saint Royaume, parce qu’ils doivent beaucoup s’en servir afin de réapprovisionner leurs troupes… que ce soit en armes ou en nourriture.

— Il dit vrai. Même quand j’habitais encore là-bas, nous ne pouvions plus vraiment nous en servir pour nous divertir. Plusieurs de nos noyaux se faisaient souvent dérober, puis détruire par l’ennemi. Il est étonnant que Zeus et Athéna aient réussi à en receler à Célestia. Ils devaient être très résistants, d’ailleurs si vous êtes encore capables de vous en servir aujourd’hui. C’est une bonne chose que votre nouveau monde soit riche en mana. Cela facilite le développement de nombreux projets avec la magie de la création.

Misaki appréciait d’avoir cette conversation avec Hypnos, mais elle avait remarqué qu’il commençait à chanceler sur place. Il devait être encore très fatigué.

— Ne devrais-tu pas retourner te reposer ? demanda-t-elle. Tu tiens à peine debout.

— Pas maintenant. Je dois m’assurer que le début de cette simulation se déroule bien pour vos collègues de travail. Après, je te montrerai où se trouvent les dortoirs si tu le désires.

— Non… ça ira, rétorqua-t-elle.

Elle ne quittait pas Lucas des yeux. Elle s’inquiétait pour lui, car il ne s’était pas beaucoup exprimé au reste du groupe après leur dernier repas. Il était un peu plus bavard avec elle.

— D’après moi, ils seront de retour d'ici à quelques heures… continua son interlocuteur. Je me suis assuré que le temps se déroulerait différemment dans la simulation. Une heure pour nous est à peu près l’équivalent d’une année pour eux. Avant cela, ce n'était que quelques secondes là-bas, pour les mêmes chiffres ici.

— Et que fait-on, si l’expérience ne fonctionne pas ? On tue Perséphone et Thanatos ?

— C’est notre dernier recours… Toutefois, je crois toujours qu’ils pourraient nous aider à renverser le Conclave, une bonne fois pour toutes.

Misaki se mit une main sur la hanche et jaugea Hypnos, méfiante.

— Très bien, je vais leur laisser une chance, mais il est hors de question que nous acceptions Troyd dans notre camp. C’est un violeur et personne ne l’aime à Baldt.

— Si ça peut te rassurer, je ne le porte pas dans mon cœur, moi non plus, fit le dieu. Perséphone le garde seulement comme un chien de garde, car il est assoiffé de pouvoir et sait se battre. Elle trouve certains de ses traits très admirables.

— Il n’y a rien d’admirable chez cet homme… ni de bon…

— Thane non plus ne l’aime pas. Il le tolère à peine.

— J’imagine qu’il l’endure simplement parce que ça fait l’affaire de sa maudite folle, n’est-ce pas ? Car si c’est le cas, je le plains…

— T’as tout deviné…

¤*¤*¤

Lorsqu’il ouvrit les yeux, Flint réalisa qu’il était assis à l’intérieur d’une chambre plutôt en désordre. Boîtes de pizzas vides, bouteilles de sodas à moitié pleines, une console de jeux vidéo à droite, une autre à gauche, mais en plus petit… Quelques bouteilles de pilules, une montre et des bouchons auditifs. Devant lui se tenait un écran d’ordinateur, mais aussi une garde-robe avec deux portes miroirs. Il vit son reflet et remarqua que son apparence était peu soignée. Ses cheveux étaient en batailles, il avait une barbe naissante et n’était pas musclé du tout. Il se rendit compte qu’il avait rajeuni. Il se leva pour s’observer dans la glace et remarqua qu’il avait l’air d’un jeune adulte efflanqué, le même qu’il avait été autrefois.

— Bordel, c’est quoi ça ? se dit-il pour lui-même. J’ai l’air d’avoir moins de vingt ans.

Il regarda ses doigts et vit qu’il ne portait pas de bagues : ni celle que Gabriel lui avait offerte pour leur mariage, ni celle que tous les brigadiers portaient depuis leur arrivée à Célestia. Il ne ressentait pas la moindre trace de magie dans son corps. Tout semblait étrange. Il jeta un coup d’œil autour de lui et vit qu’il dormait dans un lit simple. Il n’y avait pas de trace de son époux, nulle part, ni d’Estelle.

— Teddie ? lança une voix derrière la porte de sa chambre. T’es réveillé ?

— Ouais ! répondit Flint, automatiquement.

— Papa veut savoir ce qu’on doit ramasser pour souper !

— Une poutine au hamburger et la sauce barbecue du resto !

Flint cligna des yeux. Il se demandait ce que c’était. Dans son esprit se forma l’image d’un plat de frites recouvertes de sauce au barbecue sucré, du bœuf haché et de la mozzarella râpée. Étrangement, cela lui donnait faim.

— Encore ?! s’exclama la voix. Tu ne te tanneras jamais, on dirait bien…

— Bah, c’est lui qui paie. Il faut bien en profiter…

— OK ! Je lui dis ça tout de suite !

Cette voix appartenait à Sarah Markios, mais une nouvelle information entra dans la tête de Flint. Ici, elle s’appelait Marie Sage ; ce qui voulait dire que son nom était soit Théodore ou bien Teddie. Il contourna rapidement son pupitre et vit qu’il avait un document d’ouvert, où il y avait d’écrit : L’Héritage des Markios, au titre. Il cligna des yeux et se frotta la barbe.

— Euh… je suis un écrivain dans cette dimension… constata-t-il. C’est un miracle que mon autre moi ait été capable de créer tout ça, sans mon assistance…

Il lut quelques lignes et remarqua qu’il avait déjà écrit trois livres et qu’il commençait un produit dérivé. Il avait posté cette histoire sur un site web de relecteurs, portant le nom de Scribay. Il cligna des yeux.

— Une petite minute… n’était-ce pas le nom qu’Estelle avait mentionné ? marmonna-t-il pour lui-même. Étrange…

Il remarqua que son histoire avait atteint les quarante-huit mille lectures, mais qu’il recevait très peu de commentaires ou de retours positifs sur ses chapitres. La seule réaction qu’il ressentit, fut de tourner les yeux. Ensuite, il ouvrit un onglet sur un site appelé Facebook. Il ne comprenait rien de tout cela, mais sa tête s’adaptait peu à peu à cette nouvelle réalité. Il se passa une main dans les cheveux et vit que la date était le 1ᵉʳ juillet 2018. Ce jour-là était la Fête du Canada. Il voyait des couleurs du drapeau partout sur ce réseau social. Rien de tout cela ne voulait dire quelque chose, à ses yeux. Cette simulation était très étrange.

Tout à coup, un objet se mit à vibrer dans sa poche de jean. Il sortit machinalement ce qui semblait être une petite tablette tactile et appuya sur un symbole rectangulaire avec deux demi-cercles à chaque bout qui penchaient vers le bas. Il entendit une voix étrange, de l’autre côté de l’appareil.

— Teddie ? fit une voix familière. Ça fait quelques fois que j’essaie d’appeler sur le téléphone de la maison, mais c’est toujours occupé. Pourrais-tu dire à papa de m’appeler ?

— Il est au travail, mais il compte ramener de la bouffe pour souper. Essaie de le rejoindre sur son portable.

— Tu plaisantes… ? Son patron le fait encore travaillé sur une journée de congé ?

— Les apprentis cuisiniers sont tous nuls à chier, d’après lui.

— Pas évident que notre père soit l’assistant-gérant.

Cette voix appartenait à Kyran Markios, mais celui-ci était connu sous l’alias de Nathan Sage sur cette planète. Flint n’aurait su dire pourquoi, mais cette version de son frère semblait moins autoritaire que la vraie.

— Bah, tu sais, il fait de son mieux, répondit Teddie. Tout comme Marie et toi…

— Vraiment, ça nous aiderait si tu pouvais enfin te trouver une bonne maison d’édition… Fichue économie de merde ! Pfft…

Le capitaine de la Septième Brigade entendit alors un bruit de clochette de l’autre côté de l’appareil téléphonique et comprit que son frère travaillait dans une boutique ; probablement une petite épicerie locale.

— Je dois y aller, Ted, dit son frère. Prends soin de toi.

— Toi aussi, mec. Ciao.

Clic. Flint comprit que la communication était coupée et il rangea le téléphone dans sa poche. Il prit une grande inspiration et décida de sortir de sa chambre.

— Téléphone hein ? Voilà un mot intéressant, pensa-t-il avant de rire. Bon… papa emmène un souper et moi, j'ai un texte à finir… Non, pas de texte. Je dois retrouver les autres… Mais comment trouverais-je mes amis dans cette grosse ville ? Devrais-je aller vérifier mes courriels ? Ah… ça au moins, je sais ce que c’est parce que Nash nous en faisait souvent à Célestia…

De nouvelles informations déferlaient dans sa tête, à un tel point qu’il avait le tournis. Il se tapa les joues, puis se dirigea vers ce qui semblait être la toilette près de sa chambre. Devant lui se tenait un miroir rectangulaire dans lequel il put voir sa barbe plus en détail. Celle-ci lui descendait du cou.

— C’est joli de vouloir ressembler à ton homme, mais tu n’as pas la graisse qui va avec tout ce poil… marmonna-t-il dans le vide.

Il fouilla dans les outils de son père et se tailla un peu la barbe après s’être appliqué un peu de crème. Finalement, il recréa la barbiche qu’il portait souvent dans sa réalité : fine, mais qui faisait tout le contour de son visage. Il rasa la moustache complètement. Il n’aimait pas sa coupe de cheveux, alors il prit un ciseau et se les tailla de sorte qu’ils ressemblent un peu plus à son ancienne tête. Lorsqu’il eut terminé, il prit une grande inspiration, expira et sourit.

— Pas mal ! exprima-t-il. Pas mal du tout…

Il se souvint où trouver un balai et une pelle à poussière, dans cette maison. Il y en avait un dans le placard de la cuisine, où il y avait deux autres portes miroirs. Il s’y déplaça et vit que sa sœur était assise à table et se peinturait les ongles.

Il s’arrêta net et cligna des yeux. Celle-ci n’avait pas l’air d’une nonne du tout. Même qu’elle avait l’air d’une jeune travailleuse de nuit. Maquillée, elle portait une jupe très osée et un haut moulant. Elle dégageait un parfum pas trop fort pour ses narines, mais quand même inhabituel pour une religieuse. Il n’y avait pas le moindre signe de croix dans son ensemble, comme si elle avait complètement rejeté sa foi.

— Mais qu'est-ce que… dit-il, bouche bée.

— Hmm… ? fit sa sœur qui se tourna vers lui. Oh ! Pas mal, ton nouveau style ! Je vois que tu t’es enfin décidé à te faire tout propre, hein mon frangin ?

— Euh… C’est que… j’en avais envie et euh…

Il essayait de trouver ses mots, tellement il était perturbé par la jeune femme qui se tenait devant lui. Elle avait la voix de sa sœur, mais ce à quoi elle ressemblait, le perturbait. Est-ce qu’elle vendait son corps de manière illégale… ?

— Teddie, est-ce que ça va ? interrogea-t-elle. On dirait que tu as vu un fantôme.

Il déglutit et hocha la tête rapidement. Ensuite, il se tourna vers les portes miroirs du placard et sortit le balai et la pelle à poussière. Il retraça ses pas jusqu’à la salle de bain et ramassa les poils et les cheveux qu’il avait laissés partout sur le plancher.

— Non, mais il est arrivé quelque chose de dingue pour que ma sœur perde sa foi ainsi… pensa-t-il. Que diable s’est-il passé pendant que nous étions en enfer ?

Une fois qu’il eut terminé de nettoyer la pièce, il partit jeter ses déchets à la poubelle de la cuisine et rangea le reste. Il se rendit par après au salon qui était collé à la salle à manger. Il y avait une porte d’entrée près de deux autres portes miroirs.

— Décidément, les gens aiment se reluquer dans cette famille… pensa-t-il.

Marie Sage se tourna vers lui et l’observa à travers l’arcade rectangulaire du mur qui séparait la cuisine et le salon. Elle le fit signe d’attendre, avec sa tête.

— Eh ! Où vas-tu ? questionna-t-elle. Papa ne va pas tarder à revenir du resto…

— Je vais me promener un peu, j’ai besoin de prendre un peu d’air, expliqua Flint.

— D’accord… mais fais gaffe. Il y a des rumeurs qui circulent dans la rue, comme quoi, il y aurait des voyous qui rôdent aux alentours. L’un d’entre eux a déjà crevé les pneus de Madame Duguay.

C’était leur voisine. Une amie de leur père.

— Je ferais attention, formula le jeune homme.

Elle fronça d’un sourcil, grimaça, puis haussa les épaules et le salua. 

Une fois sorti, Flint remarqua qu’il se trouvait dans une ruelle plutôt sombre et que sa maison était en fait reliée à d’autres habitations. C'étaient des demeures construites dans un gros bloc d’appartements. Il vit derrière lui que le numéro de l’endroit où il vivait était le 15. Il y avait d’autres bâtiments similaires devant lui et ils se rendaient tous très loin. Il remarqua qu’il se trouvait tout en haut d’un escalier en métal et il devait descendre plus bas pour atteindre la surface du sol. C’était un quartier assez pauvre. Rien d’extravagant, comme le palais présidentiel de Baldt.

Flint avait l’étrange impression que le Conclave s’était moqué de lui et de sa famille, en leur forgeant ces nouvelles identités. Il sentait déjà le sang bouillir en lui, tellement il méprisait ces derniers. Sous un ciel chaud d’été, il se demanda où se trouvaient ses amis. Il se mit à marcher dans le vide, inquiet pour eux.