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1 - Chapter 1 : Silence
2 - Chapter 2 : Sons
3 - Chapter 3 : Temps
4 - Chapter 4 : Coma
5 - Chapter 5 : Reviens-moi
6 - Chapter 6 : Petit bout de rien
7 - Chapter 7 : Joyeux anniversaire !
8 - Chapter 8 : Casse-toi !
9 - Chapter 9 : Fautif
10 - Chapter 10 : Accident
11 - Chapter 11 : Besoin d'aide
12 - Chapter 12 : Psychologue
13 - Chapter 13 : Un pas en avant
14 - Chapter 14 : Ce qui est dit est dit
15 - Chapter 15 : Jamais sortir
16 - Chapter 16 : Dissociation
17 - Chapitre 17 : Retour à la maison
18 - Chapitre 18 : Avec ou sans sucre
19 - Chapitre 19 : Vivre
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Valentin_Bthr

Chapter 11 : Besoin d'aide

Plus les jours passent, plus la douleur s'accentue. 

Depuis la visite de Cédric, un profond abattement a remplacé la détermination d'Alexis. Lorsqu'il franchit les portes de l’hôpital en arrivant le matin et en repartant le soir, c’est le même sentiment d’inutilité qui s’empare de lui, retourne son cœur et le broie. Son petit déjeuner ne se compose que d'un croissant acheté sur la route et d'un café de la machine du hall de l'hôpital. Son déjeuner est souvent sauté, ou pris sur le pouce à la cafétéria. Et son dîner ne comporte qu'une cigarette vite écrasée contre le mur de son immeuble avant qu'il ne rentre chez lui et ne se mette au chaud sous ses couvertures.

Sa fatigue s'est transformée en épuisement. Ses yeux, d'ordinaire rieurs et plein de malice, se sont entièrement éteints. Au coin de ses traits tirés, des rides prématurées sont apparues sur son front ; les poils de son bouc grisonnent par endroit, et l'abattement pèse lourdement sur tous les membres de son corps plus fragile que jamais. Dans les couloirs, il n'est qu'une ombre maladive qui traîne les pieds et fait les cent pas devant la chambre de Johan en attendant un mot, un signe, une explication. C’est le docteur Galet qui s’est aperçu le premier de sa détérioration physique et psychologique et qui lui a conseillé de consulter un psychologue pour faire face à épreuve si difficile. Le premier réflexe d’Alexis a été de rire, de l’un de ces rires nerveux qui échappe à la conscience, et de refuser de manière catégorique. Je n'ai pas besoin d'aide, s’est-il si souvent répété en boucle, je n'ai pas besoin d'aide.

Les semaines se rapprochent bien vite des vacances de février. Avec amertume, Alexis regarde la neige tomber sur Paris. Son âme d'enfant ne s'éveille plus à son contact, il reste de marbre. La voit-il seulement ? Il s'est coupé du monde, enfermé dans une routine compulsive. Appartement, boulangerie, hôpital, bureau de tabac, appartement. 

Un matin, pourtant, c’est à nouveau Cédric qui brise sa routine. Il l’attend, assis à la table de sa cuisine avec, autour de lui, l’odeur d’un café tout juste chaud. Interdit devant cette vision improbable, Alexis reste un long moment dans l’embrasure de la porte avant de se décider à s’asseoir et prendre la tasse que son ami lui tend. Après un court instant de silence, Cédric lui demande, d’une voix aussi incisive que la lame d’un scalpel : 

« Combien d'heures par semaine dors-tu en moyenne ? »

« Huit heures par nuit, ce qui équivaut à environ cinquante-six heures par semaine. »

« Menteur ! »

« Qu'est-ce que ça peut te faire ? »

« Tu me demandes ce que ça peut me faire ? Tu n'as plus ni carrière, ni vie. Tes amis n'essaient plus de te joindre parce que tu les as tous laissés en plan. Tu nous as tous laissés tomber. Et puis toi, Alexis ! Tu te trahis toi-même.»


Une fois de plus, Alexis tente de s'enfuir. Il repose la tasse sur le bord de la table et fait volte-face.

« Non, mon p'tit pote, j’ai pas fini ! » Alexis se fige, inccapable d’échapper aux terribles mots. « J'ai entendu ce que tu m'as dit l'autre soir. Je ne prétends pas comprendre ce qui s'est passé entre vous, ni même ce que tu as fait pour culpabiliser à ce point, mais crois-moi, je t'assure qu'il ne voudrait pas te voir dans cet état. »

« Tu ne le connais pas. » souffle Alexis. 

« Non, c'est vrai, il n'est pas mon ami, je ne l’ai jamais vraiment apprécié et je le connais à peine... Mais je sais qu'il tient beaucoup à toi, alors ne lui fais pas ça. Si tu ne le fais pas pour toi, remets-toi en selle pour lui. Reprends-toi en main et vite, ou sinon tu vas bientôt te retrouver dans un état semblable au sien, si ce n'est pas déjà fait. Bouge-toi ! »

Alexis se retourne et considère Cédric un moment, comme s'il le voyait vraiment pour la première fois depuis des mois. Ses paroles de son ami se répercutent dans sa tête, l’ébranlent. Il cligne plusieurs fois des yeux avant d’abandonner la partie. Ce sont ses nerfs qui lâchent, qui lui font défaut. Pour ne pas s’effondrer, il s’accroupit. Aussitôt, Cédric se tient à ses côtés, accompagne sa descente d’une main bienveillante posée sur son épaule. Pendant un bref instant, instant terrifiant, Alexis craint de craquer. De céder. Si les barrières se brisent maintenant, il sait avec certitude qu’il ne pourra pas se relever. Il passe une main tremblante sur son visage si fatigué et prend une profonde inspiration. 

« Je dois y aller, je suis en retard... » sa voix est faible, un murmure, à peine. 

« Ton seul rendez-vous, aujourd'hui, se déroulera dans ta chambre en compagnie de ton lit. »

« Non, Cédric, je suis sérieux, je dois y aller. »

« Tu vas devoir me frapper si tu veux passer. Je ne suis pas très fort, mais je pense que je le suis plus que toi, dans ton état. »

Alexis lève les yeux sur son ami, trop épuisé pour se battre. Il lâche l'affaire et laisse Cédric l’aider à se redresser. 

Lorsque sa tête s'enfonce dans l'oreiller, une vague de sommeil s'abat sur lui et, pour la première fois depuis des semaines, il dort plusieurs heures d'affilée sans se réveiller.


À son réveil, ses idées sont plus claires, mieux ordonnées, mais la culpabilité le rattrape aussitôt. Il se redresse dans ses couvertures. Comment a-t-il pu se laisser convaincre ? Dans sa hâte, il manque de tomber plusieurs fois, ne se rattrape au mur que de justesse. 

C’est en voulant se brosser les dents que ses yeux s’égarent sur son reflet, dans le miroir. Une image qu’il n’a pas pris le temps de détailler depuis longtemps, sur laquelle il s’est à peine arrêté. Les mots de Cédric résonnent dans son esprit, mordent sa peau, attaquent sa carapace si fragile. Qui est cet homme ? Une ombre. Un fantôme. 

Un soupir s'échappe de ses lèvres alors qu’il se laisse tomber sur la cuvette des toilettes, la tête plongée dans ses mains.

J'ai besoin d'aide.

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