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1 - Chapter 1 : Silence
2 - Chapter 2 : Sons
3 - Chapter 3 : Temps
4 - Chapter 4 : Coma
5 - Chapter 5 : Reviens-moi
6 - Chapter 6 : Petit bout de rien
7 - Chapter 7 : Joyeux anniversaire !
8 - Chapter 8 : Casse-toi !
9 - Chapter 9 : Fautif
10 - Chapter 10 : Accident
11 - Chapter 11 : Besoin d'aide
12 - Chapter 12 : Psychologue
13 - Chapter 13 : Un pas en avant
14 - Chapter 14 : Ce qui est dit est dit
15 - Chapter 15 : Jamais sortir
16 - Chapter 16 : Dissociation
17 - Chapitre 17 : Retour à la maison
18 - Chapitre 18 : Avec ou sans sucre
19 - Chapitre 19 : Vivre
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Valentin_Bthr

Chapter 6 : Petit bout de rien

Heure après heure, minute par minute, j'observe la pluie venir s'écraser contre les carreaux de la fenêtre. J'imagine son bruit plus que je ne l'entends, mais cela m'apaise. Je ne détache presque jamais mes yeux du paysage grisonnant qui s'étend par-delà le double vitrage. Le monde semble bien triste. Je devrais me sentir heureux, épanoui, puisque je vis. Puisque je bouge. Puisque je vois. Je suis à nouveau dans ce monde de dehors, celui des vivants. Je n'ai que très peu de souvenirs de mon coma, mais les médecins m'ont tout expliqué de leur voix douce et compatissante.

Presque deux mois... Et je suis incapable de savoir ce qui s'est passé avant que je ne sombre. On m'a relaté un accident de moto. A vouloir jouer avec la vitesse, voilà ce qu'on gagne. Mais rien d’autre. Il ne me semble pas avoir décroché un mot depuis mon réveil, à part pour exprimer des besoins primitifs comme manger, boire, et aller aux toilettes. Ici, et au vu de mon état de faiblesse, j'ai vite compris que j'allais devoir placer ma fierté de côté. Des infirmières m'accompagnent pour toutes mes démarches, m'aident à me changer, à me laver. Pour un peu, je me ferais presque pitié.

Malgré mon réveil, je n'ai aucune envie de rentrer dans le monde, de retrouver ma vie. Allongé contre le dossier redressé de mon lit, entouré du bruit habituel des machines, je me ferme à toutes les propositions des médecins. Une thérapie, une rééducation... Qu'est-ce que cela change, après tout ?

J'ai un poids constant sur les épaules et dans la poitrine. Impossible de déterminer si la douleur est physique ou non.

Personne ne m'a rendu visite, et je préfère que cela reste ainsi. J'ai plusieurs fois attrapé mon téléphone dans l'intention d'appeler mes parents, pour avoir de leurs nouvelles, et qu'ils en aient des miennes, de ma propre bouche. Mais pour leur dire quoi, et comment ? J'arrive à peine à m'exprimer correctement, ils s'inquiéteraient un peu plus encore. La seule personne à m'avoir vu, c'est toi. J'ignore encore pourquoi j'ai demandé à ce que tu t'en ailles. Peur ? Fierté ? Colère ? Et pourquoi de la colère ?

Ces questions me font mal au crâne. Je tends mollement la main jusqu'au verre d'eau en plastique abandonné sur la tablette de mon lit et en bois une gorgée. A chaque fois, j'ai l'impression d'avaler de toutes petites aiguilles.

« Monsieur Ferenz ? »

Je grince des dents mais tourne la tête vers cette voix désagréable qui ose pénétrer mon cercle d'intimité. Il s'agit d'une infirmière. A mon regard noir, elle fronce les sourcils et s'approche pour prendre ma tension. Je ne me défile pas et la laisse manipuler mon corps comme bon lui semble pour ses examens. J'ai l'impression d'être une poupée de chiffon.

« Vous ne souhaitez toujours pas recevoir de visite ? »

Je lui lance un regard interrogateur.

« Votre ami, Alexis, est là tous les jours depuis votre réveil, il attend. »

Je serre la mâchoire. Eh bien tu attendras !

« Non. » sont les seules syllabes qui sortent de ma bouche, mais elle semble comprendre.

« Vous savez, il faudra bien que vous vous remettiez sur pied à un moment donné. Vous ne pouvez pas rester allongé ici pour toujours, des gens vous attendent certainement, dans votre vie... »

De quoi je me mêle ?! Je dégage mon bras de sa poigne et tourne la tête vers la fenêtre dans l'intention de reprendre ma morne contemplation du monde extérieur. J'entends un vague soupir franchir ses lèvres. Elle termine son examen et me demande si j'ai besoin de quelque chose, mais je garde le silence. Je n'ai besoin de rien, sinon de paix et de solitude. Je l'entends partir et attrape mon verre désormais vide que je lance contre la vitre.

Boc. Un petit bruit, infime, presque risible et le verre retombe sur le sol. Je suis sa chute des yeux. Un petit bout de rien malléable et facilement brisé. Je me croyais fort. Assez fort pour affronter beaucoup d'obstacles. Finalement, je ne suis pas grand chose. Qu’un petit bout de rien.

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