Je me tenais figé au milieu de la salle des trophées, les poings légèrement crispés, la poitrine oppressée par un souffle court et irrégulier. Le silence, dense et résonnant, était à peine troublé par les battements frénétiques de mon cœur qui cognaient contre mes côtes comme un tambour de guerre. Les paroles d’Elara, prononcées quelques instants plus tôt, s’étaient ancrées en moi, tournoyant dans mon esprit avec l’insistance d’une incantation impossible à ignorer. La Baguette de Sureau. Deux mots simples, et pourtant porteurs d’un poids ancestral, d’une promesse aussi redoutable qu’inaccessible : le pouvoir absolu.
Un appel sourd vibrait au fond de moi, profond, insidieux, presque charnel. C’était comme si une présence invisible m’effleurait, m’enveloppait, m’attirait avec une douceur perfide. Une force que je ne comprenais pas vraiment, mais qui s’accrochait à ma conscience avec la régularité d’un battement, infusant chaque fibre de mon être d’un désir que je n’avais pas formulé, mais qui naissait malgré moi. J’avais l’impression qu’un fil ténu, impalpable, me reliait déjà à cette baguette, comme si elle me reconnaissait, me jaugeait, attendait que je tende la main.
L’atmosphère était lourde, presque irrespirable. L’air me brûlait légèrement les narines à chaque inspiration, comme chargé de magie contenue, prête à éclater. La pièce, baignée dans une pénombre trouble, projetait sur les murs des reflets dorés et poussiéreux issus des trophées et des plaques gravées. Tout autour de moi, les souvenirs des victoires passées des autres me regardaient, muets, comme les témoins d’un destin qui me dépassait.
Je ne savais pas si c’était la peur ou la fascination qui dominait. Une part de moi frissonnait à l’idée d’effleurer une puissance aussi colossale, de la posséder, de la dompter… Tandis qu’une autre reculait, consciente du gouffre vertigineux qui s’ouvrait devant moi. Cette baguette n’était pas simplement un instrument de magie : elle incarnait mes incertitudes les plus profondes, mes pulsions les plus enfouies, mes failles. Elle me tendait un miroir dans lequel je distinguais le reflet d’un moi que je ne reconnaissais pas encore.
Et au centre de ce tumulte intérieur, je savais que je devais choisir. M’avancer… ou renoncer. Une décision simple en apparence, mais qui bouleverserait irréversiblement tout ce que j’étais, tout ce que je croyais être. La salle entière retenait son souffle, suspendue au fil ténu de mon hésitation.
— Albus, tu es là ? Appela Rose, la voix pleine d’inquiétude.
Je clignai des yeux, réalisant que j’étais resté figé, les pensées assaillies par des visions fugaces de la baguette scintillante. Elle avait un éclat presque hypnotique.
— Oui, désolé, répondis-je, mais l’angoisse montait en moi. Il y a quelque chose de… différent dans cette pièce.
Scorpius s’approcha, le regard scrutateur.
— Tu es sûr que tu ne veux pas en parler ? Nous sommes là pour t’aider.
Je secouai la tête, un mélange de frustration et de détermination dans ma voix.
— Je le sais, mais j’ai l’impression que je dois découvrir ce qui se cache derrière cette baguette. Elle ne me laissera pas tranquille tant que je ne saurai pas.
Rose croisa les bras, l’expression de son visage marquée par l’inquiétude.
— Tu comprends qu’elle est dangereuse, n’est-ce pas ? La Baguette de Sureau a causé des souffrances inimaginables. Tu dois rester prudent.
Je déglutis, mais une voix au fond de moi me poussait à avancer.
— Je comprends. Mais si elle est liée aux Reliques, peut-être que la clé pour arrêter Elara se trouve là.
— Et que proposes-tu ? Demanda Scorpius, le regard déterminé.
Nous savions tous que l’affrontement à venir ne serait pas une simple épreuve de force. Ce serait une guerre d’âmes et de volonté, une lutte où la vérité elle-même vacillerait sous le poids de nos décisions. Chaque indice que nous avions découvert ajoutait une nouvelle dimension au danger, dévoilant une toile d'intrigues tissée avec une précision glaciale. L’image qui prenait forme devant nous était dérangeante, presque trop vaste pour être saisie d’un seul regard. Et pourtant, elle devenait impossible à ignorer.
Autour de moi, mes compagnons ne parlaient presque plus. Les mots étaient devenus inutiles, remplacés par des regards silencieux, lourds de sens. Une inquiétude muette circulait entre nous, subtile mais persistante. L’atmosphère était tendue, saturée de cette peur que personne n’osait nommer à voix haute. Une peur discrète mais vivace, qui s’infiltrait dans nos gestes, dans notre façon de respirer, dans la manière dont nos épaules se contractaient à chaque bruit inattendu.
Je percevais dans chacun de leurs souffles un mélange d’appréhension et de résignation. Ce n’était pas la panique, non – c’était une lucidité douloureuse, celle qui naît quand on comprend que certaines batailles ne peuvent être gagnées sans pertes. Il ne s’agissait plus seulement de vaincre un ennemi, mais de se préparer à perdre quelque chose de soi dans le processus.
La tension s'accrochait à nous comme un voile humide, alourdissant chaque mouvement. Et pourtant, au milieu de ce chaos intérieur, une force discrète s’élevait. Ce lien invisible entre nous, cette loyauté tissée par les épreuves passées, se resserrait dans le silence. C’était fragile, mais réel. Un fil tendu qui, contre toute attente, ne rompait pas.
La route devant nous était brumeuse, parsemée d’obstacles que nous ne pouvions encore deviner. Mais malgré les doutes, malgré l’angoisse qui rongeait nos certitudes, une chose restait claire : nous marcherions ensemble. C’était peut-être là notre seule arme véritable – cette solidarité discrète mais tenace, capable de résister même à l’obscurité la plus sourde.
— Nous devons disperser les Reliques, avouai-je, la voix plus ferme. Mais cela nécessitera un sacrifice personnel.
Le silence tomba autour de nous, chaque mot pesant lourdement dans l’air.
— Qu’est-ce que tu veux dire ? Demanda Rose, le visage blême.
Je me retournai, me dirigeant vers la porte de sortie, l’esprit embrumé par mes pensées.
— Nous savons que l’antagoniste veut s’emparer des Reliques. Si nous les dispersons, elle ne pourra pas les utiliser pour ses desseins. Mais cela veut dire qu’il faudra les détruire.
— Albus, c’est… c’est dangereux, chuchota Scorpius, l’inquiétude palpable dans sa voix.
Je me retournai brusquement.
— Ce n’est pas seulement dangereux, Scorpius. C’est peut-être notre seule chance. Si nous ne faisons rien, tout ce que nous avons connu sera réduit à néant.
Rose, visiblement touchée par mes mots, s’avança.
— Nous sommes ensemble dans ça. Mais que devrions-nous sacrifier ?
Une image de la Baguette de Sureau me revint en mémoire, sa présence menaçante se mêlant à la promesse de pouvoir. Mais à quel prix ?
— Je ne le sais pas encore, répondis-je, luttant contre l’angoisse. Mais je sens que le lien que j’ai avec elle pourrait m’entraîner dans l’obscurité. Je dois me libérer de cette influence avant qu’il ne soit trop tard.
Scorpius secoua la tête.
— Et comment comptes-tu faire ça ?
Je pris une profonde inspiration, réalisant que la réponse était aussi risquée que ma quête.
— Nous devons trouver un moyen de nous débarrasser des Reliques sans que ça m'affecte. Peut-être en utilisant un sortilège ancien que Dumbledore aurait laissé quelque part dans ses écrits.
— C’est un plan, murmura Rose, mais il faudra du temps et beaucoup de prudence.
— Nous n’en avons pas beaucoup, rétorquai-je, l’urgence transparaissant dans ma voix. Si Elara parvient à réunir ses partisans, cela pourrait être la fin pour nous tous.
Rose se redressa, une lueur de détermination dans son regard.
— Alors, commençons nos recherches. Nous devons agir vite.
Alors que nous quittions la salle, une lassitude profonde me traversa, me coupant presque le souffle. Ce n’était pas une simple fatigue passagère, mais un épuisement qui s’infiltrait dans chaque fibre de mon corps, alourdissant mes gestes, ralentissant mes pas. J’avais l’impression de porter le poids invisible de cette quête sur mes épaules, une pression sourde qui me comprimait la poitrine. Chaque mouvement me demandait un effort disproportionné, comme si la gravité elle-même avait décidé de se montrer plus cruelle. Une lutte intérieure faisait rage, sourde et tenace, tiraillant mes pensées à chaque respiration.
Dans mon esprit, des doutes s’enchaînaient comme des nuées sombres : étions-nous vraiment prêts ? Avais-je la force de continuer ? Une peur rampante se frayait un chemin à travers mes certitudes, m’assaillant sans relâche. La Baguette de Sureau, avec son aura obscure et sa puissance énigmatique, occupait mon esprit comme une présence constante. Son appel silencieux me troublait, attisant en moi une curiosité mêlée d’effroi, comme si elle sondait mes failles, prête à y planter ses racines.
Quelques jours plus tard, nous avions trouvé refuge dans une salle d’étude dissimulée au cœur de la bibliothèque. C’était un lieu presque hors du temps, où la lumière douce des chandelles dansait sur les murs de pierre, dessinant des ombres mouvantes parmi les étagères. L’odeur familière du vieux papier et de l’encre fanée enveloppait la pièce, procurant une forme étrange de réconfort. Ce sanctuaire secret nous offrait une bulle de silence, un abri loin des couloirs bruyants et des regards indiscrets.
Autour de la grande table en bois massif, des piles de grimoires aux reliures fatiguées s’amoncelaient, ouverts à des pages oubliées depuis des siècles. Chaque livre respirait le mystère, chaque ligne promettait une clef, un indice, une échappatoire. Rose tournait les pages d’un ancien manuscrit, ses gestes délicats contrastant avec l’intensité de son regard. Ses yeux brillaient d’une concentration fébrile, et la manière dont elle effleurait les gravures anciennes révélait un mélange d’émerveillement et de crainte.
Scorpius, de son côté, restait penché sur un parchemin couvert de symboles griffonnés à la hâte. Il fronçait les sourcils, son visage éclairé par la lueur vacillante d’une lanterne. Son silence n’était pas celui de l’hésitation, mais celui d’un esprit en alerte, obsédé par une vérité qui lui échappait encore.
Dans cette atmosphère tendue, chargée d’espoir et d’angoisse mêlés, je ressentais la pression croître. Chaque battement de mon cœur résonnait plus fort, comme une alarme sourde qui me rappelait ce qui était en jeu. Nos regards ne trahissaient pas de peur panique, mais une concentration extrême, le sentiment que nous étions proches de quelque chose d’essentiel. Les secrets anciens de Poudlard n’étaient plus de simples légendes : ils nous attendaient, tapis dans les marges d’un livre, dissimulés entre deux incantations oubliées.