Le Manoir.
Depuis que j'y étais entré, le doute, la panique, la tension, l'angoisse constante régnait entre les murs.
Le tout, saupoudré d'une espèce de lueur obscure. Chaque recoin de pièce était plongé dans l'ombre, même l'immense lustre du salon se faisait timide, évitant de projeter de la lumière vive.
La salle de réunion avait changée elle aussi. Dorénavant, une longue table immense permettait de rassembler la troupe des Mangemorts, et, au bout, se hissait le trône de notre Maître, le Seigneur des Ténèbres en personne : Lord Voldemort.
En réalité, un semblant d'espace lumineux résistait toujours à cette ambiance ténébreuse : ma chambre. Car oui, moi aussi j'avais perdu de ma vivacité d'esprit, de mon visage aux couleurs rosées, offert par celle que j'aimerai jusqu'à ma mort. Mon seul confort restant, mon seul échappatoire l'espace d'un court instant, était l'endroit où je dormais, rêvais d'ailleurs, de mes amis, rêvais d'elle.
Enfin... des rêves se terminant rapidement en cauchemars ces derniers temps.
Toujours aux couleurs de ma maison, je pouvais me projeter rapidement à Poudlard, chaque fois que je passais la porte.
La lampe de mon bureau éclairait mon espace personnel. Quand je regardais mon lit, j'avais toujours ce fantôme, comme si elle était réellement présente. Mais après avoir cligné des yeux, ce fantasme disparaissait.
Alors je m'allongeais, seul. Je prenais un oreiller gris et vert, et le blottissait contre moi, attendant le jour où ma belle le remplacera.
Je cachais une photo d'elle dans mon tiroir fermé à double tour, accentué d'un code secret. Mon rituel était de regarder son doux visage me sourire au travers de l'image, tous les jours, à l'heure du coucher, quand plus personne n'était dans les parages.
Que j'aimerais tant revenir à l'époque où tout se passait bien... revivre nos bons moments ensemble, en compagnie de nos amis communs.
Je savais que je ne pourrais plus retrouver ce bonheur passager. j'étais voué à sombrer dans les émotions négatives.
- Malefoy, prépare-toi.
Une énième séance. Encore. Je n'avais fait que ça durant l'été. Je me demandais parfois comment elle occupait ses journées.
Comment la vie était, avec son abruti de père, et sa mère, un peu victime, cédant tout par amour.
Septembre était dans quelques semaines. Et je savais que je n'irais pas à Poudlard cette année. Le Lord a demandé à ce que je reste parmi sa bande pour aider ma famille, mais surtout l'aider lui. J'étais sa nouvelle recrue, son nouveau pantin, comme tous ici. Mais personne ne l'avait compris.
Je n'avais aucune nouvelle de mes amis. Ignorant tout de leur avenir proche, je m'inquiétais gravement pour eux. Alors j'avais commencé à rédiger quelques parchemins pour chacun, mais je n'ai jamais pu les envoyer : on me les a subtilisés, prétextant qu'il nous était interdit de communiquer avec le monde extérieur, peu importe le destinataire.
J'étais plus que nul autre enfermé dans un tourbillon infernal, et mon corps entier en subissait les conséquences.
Je ne devais faire qu'une chose : patienter.
Car j'avais un plan.
- Malefoy !
- J'arrive, tante Bellatrix.
- Rhaa, cesse de m'appeler comme ça, je te l'ai déjà répété ! Dorénavant, en temps de guerre, tu dois me nommer par mon nom.
- B-Bien, Lestrange.
- C'est beaucoup mieux ! Es-tu fin prêt ?
- Oui.
Pas le moins du monde.
Tandis qu'elle se réjouissait, je la suivais la tête basse.
Même ma tante, d'ordinaire clémente avec moi plus qu'avec le monde, me crachait limite dessus, comme elle le ferait avec n'importe qui. Elle me traitait comme un autre, sous prétexte de la guerre.
A pas lents, j'arrivais au terrain d'entraînement. Un grand espace clos, derrière le Manoir. Herbe fraîche, ciel sombre.
Comme depuis les deux mois écoulés.
- Place toi.
Les pieds collés, je me plantais devant elle.
- Baguette.
Je lançais ma baguette au sol.
- Je ne préviendrais pas. Ce sera notre but du jour. En temps normal, tu n'es pas au courant lorsque ton adversaire utilise ses talents de Legilimens.
Je ne répondis pas.
- Hm, j'estime que tu es prêt.
Ses exercices d'Occlumancie commençaient sérieusement à me taper sur le système.
- Drago, il est important que tu saches maîtriser ce don. N'oublie pas que notre Maître est puissant, il ne faudra pas que tu te laisses faire. LEGILIMENS !
J'avais prévu le coup. Elle tenta d'entrer dans mon esprit, et voulu fouiller dans ma relation avec ma bien-aimée. pas question de la laisser faire, je me concentrais, et la repoussait, bloquant mon esprit. Je pensais fortement au contre sort, et l'empêchait d'une quelconque intrusion.
- Occlumens, ripostais-je calmement.
Elle recula, sonnée par la violence du contrecoup.
- Parfait. Tu approches de la perfection. je pense qu'il te manque encore une toute petite leçon. Recommençons.
Je soufflais discrètement.
La spirale... mon mental d'acier était devenu de la bouillie, prête à donner en pâture aux animaux.
Elle se mit à papoter seule, cette folle. Et retenta le coup. pas de chance pour elle, je ripostais une nouvelle fois, de manière grandiose.
- Ca ira pour cette fois. Tu peux retourner à tes préoccupations le temps que Le Lord vienne.
- Déjà ?
Je fus étonné. Première fois que le cours se terminait aussi vite.
- J'ai une mission qui m'attends Drago.
- Je vois.
Sans dire mot de plus, je filais en direction de mon cocon.
Je m'installais sur mon bureau.
- Tiens ?
Je vis un bout de parchemin écrite des mains de ma mère. Pourquoi communiquait-elle ainsi ? Elle se trouvait deux portes plus loin.
"Pour tes amis", pouvait-on lire.
Sérieux ? Un coup de pouce ?
Je dépliais le tout, et lu.
"Viens me voir dans ma chambre, à 18h45 tapante. Je te donnerais un conseil pour communiquer avec tes amis. Nous avons également besoin de nous parler.
Ta très chère mère, qui t'aime tant"
La dernière phrase était légèrement inutile. En des moments plus calmes, j'aurais apprécié cette touche d'affection, mais maintenant, j'en étais quelque peu gêné, déboussolé, écœuré. Certes, elle faisait tout pour me montrer qu'elle était toujours là pour moi, et savait à quel point ma beauté me manquait.
Mais je ne voulais personne d'autre que ma petite-amie.
Je conservais le parchemin, m'installais sur mon lit, et observait le plafond.
Je n'avais plus qu'à attendre.
***
Les heures étaient trop longues. Je devais encore patienter presque quatre heures.
Pour tuer le temps, je me levais enfin de mon lit et m'asseyais à mon bureau.
Je sortis les fiches que j'avais utilisé pour mettre en place mon plan. Un plan d'évasion.
Il était relativement simple : relayer tout d'abord à tous mes amis qu'ils devaient sortir de leur demeure respective. De mon côté, j'avais prévu de m'enfuir à 6h30 pile, heure à laquelle il n'y avait aucun mouvement dans le Manoir, donc, aucune possibilité d'être repéré. J'avais opté pour la fenêtre de ma chambre, même si la hauteur me faisait courir le risque de me casser une jambe. Enfin, un petit sortilège et le tour était joué.
Une fois tous dehors, chacun d'entre eux devait me l'indiquer par hibou express. Ensuite, je devais leur communiquer l'endroit où se retrouver. Lieu peu fréquenté, ou personne pourrait nous reconnaître : la cabane hurlante.
Réunis là-bas, nous devions récupérer le plus d'affaires possibles, pour ensuite déserter, et faire la guerre à notre manière.
Des tentes, de la nourriture, de quoi cacher nos Marques pour ceux qui avaient été marqués.
Voilà. Simple, efficace. Aucun plan B.
- MALEFOY !
Ma porte s'ouvrit à la volée. Je fis disparaître les notes d'un coup de baguette.
- Oui Pro... Heu, Severus ?
- Nous avons besoin de toi en bas. Rapidement.
- J'arrive.
Je n'en revenais pas vraiment encore, lorsque j'avais compris le double-jeu du Professeur Rogue. Dumbledore savait-il cela ? Je ne le saurais jamais.
Une chose était sûre : Rogue était plus cool en tant que Prof.
Je descendais les escaliers. Arrivé en bas, une tripotée de Mangemorts étaient debout. Au centre, Voldemort.
A quelle sauce vais-je être mangé ?
- Mon cher Drago Malefoy... te voilà.
- Bonjour Maître.
Je m'inclinais devant lui.
Je détestais faire ce geste.
- Viens donc, installe-toi.
Il m'indiqua le canapé. Il avait véritablement prit ma demeure en otage.
Je m'installais donc à l'endroit indiqué.
Il passa derrière moi, et passa une de ses mains craquelées sur le haut en velours.
- Te souviens-tu de ta petite escapade au Mariage de ces traîtres à leur sang ?
Il parlait des Weasley.
Bill et Fleur. Bien sûr que je m'en souvenais. J'avais été obligé de les suivre pour aller les attaquer. Et... ELLE. Elle était là.
Un bond dans ma poitrine me coupait presque la respiration.
- Oui Maître, je m'en souviens.
- C'est bien. Tu pourras donc m'aider dans ma tâche.
- Je suis tout à vous Maître.
Lèches-bottes. Beurk. Je haïssais ce rôle.
- Nous... avons récolté quelques informations... concernant Potter et sa bande.
Ouais et ?
J'attendais la fin de sa pause "magistrale". Puis il reprit.
- Il semblerait que certains anciens membres de l'Ordre du Phénix se soient réunis pour protéger ma future victime... D'après un de mes sbires, tu saurais en mesure de savoir où Potter se cache actuellement, ce qu'il prépare, et où l'Ordre compte le planquer...
Sérieusement ? J'étais pas dans la mouise.
- Maître ? risquais-je.
- Oui ?
- Excusez-moi, mais j'aimerais savoir qui aurait avancé cela, et qui m'aurait mis dans la confidence de ce... plan.
Il me regarda, me dévisagea. Il tourna lentement sur lui, avant d'appeler la Mangemort en question.
Comme il était masqué, je ne pouvais le reconnaître.
- Ce jeune homme aimerait savoir de qui possèdes-tu cette information.
- De.. de la fille Maître ! Oui, avec les yeux bizarres Maître. Une couleur jamais vue !
Je cru m'évanouir. Il parlait d'elle. De ma petite-amie. J'en étais quasi certain. En écoutant simplement mon coeur.
- Une... demoiselle ? Merci.
Le Mangemort rejoignit sa place. Le Lord bifurquait à nouveau vers moi.
- J'ai eu vent de tes fréquentations Drago... il me semble avoir déjà entendu parler de cette demoiselle. Alors, peux-tu m'en dire plus sur ce qu'ils préparent ?
Je déglutissais. Je n'avais aucune information ! Elle ne m'avait même pas adressée la parole ! Et pourquoi faire ça ?
- Parle, Drago.
Je vis sa baguette qu'il commençait à tendre vers mon menton. Que devais-je faire ? Mentir, au risque de me faire punir deux fois plus que maintenant ? Ou tenter un semblant de vérité, alors que je savais rien ?
- Puis-je prendre le temps de me remémorer les évènements Maître ?
- Vite.
C'était déjà cela.
En regardant le fond de la pièce où se trouvait d'habitude ma mère, j'essayais de revivre le moment.
Je plongeais dans mes propres souvenirs. Essayant de trouver un bout de phrase, un mot, une personne...
"Privet Drive..."
"Si on le cache..."
"Lewis, tu te joins à nous ?"
Aïe. Aller, reste concentré.
"Terrier... Weasley ?"
Bon. Je ne trouvais rien d'autre.
- Maître. J'ai peut-être quelque chose.
En espérant que je leur donne pas la cachette.
Je détestais la situation de plus en plus.
- Parfait ! Alors... où se trouvent-ils ?
- Il me semble que l'Ordre va tenter de cacher Harry à Privet Drive. Ou au Terrier, chez les Weasley. Je n'ai rien d'autre pour vous, Maître.
- Privet Drive, le Terrier, hum ? Intéressant. Je te remercie pour cette aide précieuse. Tu peux... y aller.
Il passa rapidement à autre chose, et m'oublia presque. Tant mieux.
Tout ce que je voulais, c'est que toute cette bande, qui se trouve du bon côté, ne soit pas dans le pétrin par ma faute.
Je l'entendais convoquer une troupe de Mangemorts pour partir d'un côté à Privet drive, d'un autre au Terrier des Weasley.
Moi, je me retrouvais une nouvelle fois seul, dans ma chambre, à ne rien pouvoir faire.
***
18h30.
J'étais déjà devant la porte de la chambre de ma mère.
Je pensais à tout, à rien en même temps.
Comment allait Blaise ? Est-ce que Pansy vivait la même chose que moi ? Astoria était heureuse ? Les frangins Darwin et Livia, était-ce la même ambiance ? Et...
Je m'étais forcé à ne pas prononcer son nom, ni son prénom. La dernière fois que je l'avais fait, j'en avais pleuré toute une nuit.
Mais il était sur le bout de mes lèvres...
- Angie.
Elle me manquait. Horriblement. Que vivait-elle, dans son manoir, sa demeure ? J'avais peur pour elle. Sa possible malédiction, son père, aussi fou que le mien... sa mère, victime comme la mienne.
Quand pourrions-nous nous retrouver ?
- Tu es déjà là ?
Je relevais la tête. Ma mère venait d'ouvrir la porte.
- Oui.
- Entre mon enfant.
J'entrais dans son espace privé.
Mes parents faisaient chambre à part ces derniers temps. Enfin... depuis presque deux ans.
- Viens ici. Assieds toi.
Elle m'indiqua une chaise. Une autre se trouvait pile en face, où deux aiguilles tricotaient magiquement.
Je m'installais, droit.
Elle fit de même.
- Je pense qu'il n'est pas nécessaire de te demander comment tu te sens ?
- Non.
- Bien. Bois ceci.
Elle me tendit un breuvage qui sentait l'essence de fleurs. Le liquide était verdâtre, et l'odeur de menthe ressortait plus que les autres saveurs.
Je le buvait d'un trait.
- Cela te permettra de reprendre un peu de forces.
Elle me souriait.
- Merci mère.
Il y eut un silence, avant qu'elle entame ce pour quoi elle m'avait demandé de venir.
- Je peux t'aider, pour tes amis.
- Je l'avais compris.
- Le Lord a donné l'interdiction a tous les Mangemorts de communiquer avec l'extérieur, par quelque moyen que ce soit. Sauf... que je ne suis pas l'une des leurs.
Un éclair traversa mes yeux.
Je n'y avais pas du tout pensé.
- Mère... vous voulez dire ?
- Je peux servir d'intermédiaire.
- N'est-ce pas trop risqué ?
- J'ai des limites, mais rien ne m'interdit de communiquer avec les autres familles de sorciers.
- Alors...
- Alors si tu le souhaites, je peux envoyer tes lettres à ta place.
- Et eux ? Comment font-ils ?
- J'en ai parlé aux parents respectifs. Ils serviront également d'intermédiaire à tes amis pour ceux qui possèdent la Marque.
J'étais quelque peu ravi. Un semblant de sourire revenait.
- Merci mère.
Il fallait maintenant qu'elle ne sache rien du plan d'évasion que je préparais.
Le silence s'installait à nouveau. On entendait le cliquetis des aiguilles au milieu de nous.
Au bout d'un temps qui parut long, ma mère reprit la parole.
- Elle te manque, n'est-ce pas ?
Mon sang ne fit qu'un tour. Je restais interdit face à cette question.
Puis, je baissais la tête, plaidant coupable.
- Oui... affreusement.
- Je m'en doutais bien.
Elle s'approcha, et de ses mains douces, elle releva mon menton.
Je sentit son parfum aux effluves de Jasmin. Ce qui m'étonnait d'ailleurs, car il n'y avait aucune occasion spéciale. Elle le portait que très rarement.
Ceci me rappelait instantanément le parfum d'Aileen, la mère de ma bien-aimée, et donc... je la voyait dans mon esprit.
- Je sais à quel point c'est dur. Ca l'est pour nous tous. Et je ne vais pas te dire ce que tu dois sûrement déjà savoir.
- Va falloir que j'attende encore ?
- Malheureusement. Mais tu es fort, je le sais. Je te fais confiance. Je suis certaine que tu tiendras le temps qu'il faudra.
Je ne savais pas si elle avait raison. Jusqu'à présent, Angie a été ma force, mon envie, la raison qui me poussait à aller au delà de mes limites.
Mais sans elle, rien n'était pareil.
- Crois-tu... qu'elle pense à moi ?
- Mais oui mon enfant. Chaque instant, comme toi tu penses à elle chaque nuit.
Chaque...
Attends.
- Qu... comment sais-tu ?
- Aha.
Elle émit un rire léger.
- Je sais beaucoup de choses. Je suis ta mère, Drago.
Et toutes les mères ont leur secret.
Même elle.
- Viens-là.
Elle tendit ses bras, et je m'y logeais à l'intérieur.
Je m'abstenais de lâcher quelques larmes. Cela ne servait à rien.
Après ce moment de réconfort, elle s'éloigna doucement de moi. Elle tourna son buste pour atteindre quelque chose sur son lit. Elle fit de nouveau face à moi, et me tendit une sorte de lettre.
- Tiens. Lis ça quand tu te sentiras prêt. Et à chaque fois que tu en ressens le besoin, relis, encore et encore.
- Qu'est-ce que c'est ?
- A toi de le découvrir.
J'étais intrigué.
- Merci.
- Je t'en prie.
Je me levais, elle m'adressa un sourire tendre. Je lui répondais par le même sourire, puis je quittais la pièce.
Tout en entrant dans ma chambre, j'observais le papier.
Qui l'avait écrite ?
Que contenait-elle ?