Je m'attendais au pire. Intérieurement, je tremblais de tous mes membres, suait à grosses gouttes. Je priais le grand Salazar pour que ce ne soit pas un gros souci.
- Te souviens-tu de ta rentrée en cinquième année ? Qu'avions-nous convenu ?
La cinquième année ? C'était l'année dont je me souvenais le moins.
- Je ne me souviens pas, père.
- Intéressant... Après tout, tu as passé outre mes demandes.
Tes menaces oui.
- Cette année là, ma fille est arrivée à Poudlard avec un symbole au bras.
C'était Steve qui avait parlé. Il avait presque grincé des dents pour dire "ma fille".
Mince ! Ce fameux symbole des chaînes...
Je vais devoir m'attendre à ce qu'on tente de nous séparer...
Je ne devais pas perdre la face.
- Il se trouve que, un peu tard, j'ai découvert qu'elle ne possédait plus la marque... j'avais pourtant conçu un sortilège pouvant me prévenir de sa disparition, or cela n'a pas dû fonctionner. Il se trouve qu'il a fallu que je l'interpelle, à notre domicile, lors d'une conversation, pour que je remarque sa manche droite retroussée et sa peau dépourvue de symbole...
Je ravalais une nouvelle fois ma salive.
Je ne m'étais jamais senti en si mauvaise posture.
- Il a donc bien fallu que vous trouviez le moyen d'enlever ce que j'avais attribué à Angie... mais ce dont je ne suis pas fier, c'est surtout de savoir que malgré tout, vous avez effectivement continués à vous côtoyer...
- Alors que nous avions bien demandé le contraire de votre part.
- Nous te demandons alors Drago, ton père et moi, des explications.
Des explications ? Haha, je riais intérieurement.
Ils se foutent de moi, sérieusement ? Ce sont eux qui me devaient des explications pour vouloir toujours autant nous séparer Angie et moi ! Ils n'auront rien de moi, c'est certain. Mais je ne vais pas rester à ne rien dire.
Et il n'est pas question de mettre fin à notre relation entre ma belle brune aux yeux violets et moi.
- Des explications ?
- Ne fais pas l'ignorant, Drago. Parles, et vite.
Le ton employé par mon père sembla bouleverser ma mère, toujours près du mur dans le coin sombre.
- La seule explication à vous donner... c'est qu'Angie et moi... nous nous aimons.
J'arrivais enfin, sans aucune frayeur, à exprimer clairement mes sentiments devant mon père. Et puis, comme je connaissais une partie du passé de Steve Lewis, je n'avais aucune gêne.
- Vous ? Ma fille et toi, vous vous aimez ? Mhh...
- Je suis tout aussi surpris de l'apprendre. Drago, il n'est pas concevable qu'une telle relation puisse continuer ainsi.
- Et pourquoi ? Je ne vois pas où est le problème.
- Le problème, vois-tu...
- Lucius. Je m'en occupe.
Mon père fut désemparé de ne pas pouvoir me souffler dans les bronches. Mais le père Lewis n'avais aucune autorité sur moi. Alors pourquoi vouloir s'occuper de mon cas ? Il n'est pas question que je le laisse faire.
- Avant toute chose, j'aimerais savoir comment avez-vous pu enlever le symbole au bras d'Angie ?
- Vous n'avez pas à le savoir.
- Il s'agit de ma fille, et -
- Il s'agit de ma petite-amie.
Là, je semblais avoir gagné un point. Il ne disait pas grand-chose, et ravala à son tour sa salive.
Cela insinuait-il que le terme "petite-amie" était au-dessus du terme "fille" ? Ceci me troublait, en principe il aurait dû répliquer.
- Bien, passons. Le problème, donc, viens simplement du fait qu'Angie et toi, ne pouvez pas rester ensemble. Pour le respect de ta famille, et de la mienne.
Le respect de nos familles respectives ? Il se fout de moi là ?
Pourquoi me cacher des choses ?
- Et pour quelle raison ?
- Nous ne pouvons pas tout te dévoiler dès maintenant. Tout ce que je peux te dire, c'est que nous faisons cela pour éviter de détruire votre relation. Angie... tu ne la connais pas. Personne ne la connaît. Et tu n'es pas digne d'avoir une petite-amie, voire même ne serait-ce qu'une amie comme elle.
Je restais muet.
Pas digne d'elle ?! Intérieurement, je bouillonnais de rage. Comment pouvait-il parler ainsi d'Angie ? Et surtout, elle est sa propre fille ! Comme ose-t-il parler de la sorte ?! C'était une insulte pour elle, si elle savait !
Et pourquoi répéter encore que personne ne la connaissait ? Bien sûr que je la connaissais, lui aussi, et plein d'autres... que veut-il confier ? Quel est ce secret ?
A leurs têtes, ils avaient compris que je m'énervais. Relâchant la prise sur mes poings serrés, j'inspirais un grand coup et préparait mes propos.
- Monsieur, sans vouloir être insolent envers vous, je tiens à vous dire que vous manquez énormément de respect à votre propre fille. Et comment pouvez-vous savoir quelle est la bonne personne pour elle ?! Je suis totalement digne d'être avec Angie, et je la connais comme si c'était ma soeur ! Nous sommes complémentaires, nous nous comprenons, je ferais tout pour elle et elle ferait tout pour moi. Posez-moi une question, je répondrais. Je sais tout sur elle. Et je sais qu'aucun d'entre vous, ici, n'apprécie notre relation, mais jamais vous n'avez voulu nous dire clairement pourquoi. Alors donnez-moi une seule raison, rien qu'une, qui justifierait que notre relation n'est pas possible, et à ce moment-là seulement, je ferais ce que vous demandez, quitte à briser mon coeur.
J'avais tout lâché. Je n'en pouvais plus de cette emprise sur nous.
J'attendais avec impatiente une explication. Les adultes s'observèrent, comme s'ils hésitaient. Néanmoins, les deux femmes, ma mère et celle d'Angie, étaient toujours en retrait, et discutaient ensemble. Je me demandais si elles partageaient les opinions de leurs maris respectifs.
- Alors, rien ?! M'insurgeais-je.
- Drago, cesse d'être désobéissant ! Répondait mon père.
- Désobéissant ? Moi ?
Je manquais de rire, mais il ne relevait pas cette remarque.
Cette réunion était clairement un foutage de gueule. A part faire perdre mon temps, rien ne se passait.
- Hum.
La mère d'Angie était sortie de l'obscurité. Elle s'était raclée la gorge pour signaler sa présence.
Elle s'approcha de Steve, et lui chuchota quelque chose à l'oreille. Celui-ci secoua la tête de bas en haut, et elle s'avança.
- Drago, mon cher... J'aimerais discuter avec toi, en privé.
Sa voix était aussi douce que celle de sa fille. Tout comme celle qui faisait battre mon coeur, je me sentais transporté dans un autre espace-temps, et une sensation de chaleur et de bien-être m'envahissait.
- Oui, répondis-je simplement.
- Suis-moi.
En regardant ma mère, qui était déjà un peu plus confiante, je suivis la mère d'Angie à l'étage.
Arrivant en haut dans la grande pièce circulaire, amenant à chacune des chambres, elle me demanda quelle porte menait à mon espace privé. Je lui indiquais la porte la plus à gauche, et elle entrait.
Je refermais derrière moi, et me retournais pour faire face à elle.
- Mmhh... nous sommes bien mieux ici. C'est moins... oppressant.
- C'est vrai, affirmais-je. Alors, pourquoi une discussion privée ?
- Cela sera mieux. Tu sais que les mères sont plus douces et protectrices, ajouta-t-elle avec un clin d'oeil.
- Vous n'avez pas tort.
- Bien. Tout d'abord, permets-moi de me présenter convenablement : je me nomme Aileen, je suis donc la mère d'Angie. Je suis une Sang-Pur, tout comme mon mari, et si tu as remarqué mon apparence, j'ai des origines irlandaises, celtiques.
- D'accord. Vous êtes... vraiment ravissante.
- C'est vrai, beaucoup me l'ont dit. Dans ma famille, la beauté est quelque chose d'héréditaire. Et dans cette famille, nous sommes tous... disons, hors du commun.
- Hors du commun ? C'est-à-dire ?
- Nous avons tous quelque chose de spécial dans nos gènes.
- Et Angie aussi ?
- Nous le craignons, mais nous ne sommes pas certains.
- C'est pour cela que -
- En quelque sorte, me coupa-t-elle. Mais il y a une autre raison, que je ne peux pas te dévoiler.
- Dites-moi ce que vous pouvez me dire, je m'en contenterais pour l'instant.
- En es-tu sûr ? J'ai constaté que cela vous tracassait, ma fille et toi.
- De toute manière, même en forçant mon père ou Steve, je n'obtiendrais rien d'eux. A moins que vous osiez tout me dire, ce que je redoute fort.
- Tu as raison. Je vois que tu commences à bien savoir les conditions lorsque l'on est un couple.
- Oui.
Elle prit une chaise, et s'installa avec le plus d'élégance possible. Je fis de même, puis elle entama son récit.
- Ma famille est présente depuis des siècles. Notre aïeule, suite à une mésaventure, s'est retrouvée condamnée. Elle fut punie par ce que l'on pourrait appeler de nos jours une Mage Noire. Cette personne lui a donné une malédiction, et l'a transformée en demi-vélane. C'est l'origine même de notre beauté naturelle. Depuis ce jour, tous ses descendants étaient voués à être soit maudits, soit sauvés. De même, nos gènes "spéciaux" proviennent de cette malédiction.
Depuis lors, les générations se sont succédés : tous ceux qui naissent possèdent des dons, et un est maudit. Il y a quelques années, un de nos ancêtres a découvert que les talents se succédaient puis recommençaient, formant une boucle. Ce qui forme ceci : métamorphomage, voyant, élémentariste, enchanteur, maudit. Et ainsi de suite.
Nous avons donc pu prévoir à l'avance qui aurait quoi selon la naissance. Lorsque je suis née, tout le monde savait déjà que je serais une enchanteresse. Tu te doutes bien qu'après cela, on m'a répété des milliers de fois que si je venais à avoir une descendance, le premier enfant serait un maudit.
- Excusez-moi.
- Oui, Drago ?
- Qu'est-ce qu'un maudit ? Et est-ce que cela veut dire qu'Angie en est une ?
- C'est bien là le problème. Je vais t'expliquer.
Un maudit est une personne qui se trouve au-dessus d'un Mage noir, en terme de puissance magique. La personne maudite l'est dès la naissance, mais ses pouvoirs se manifestent vers l'adolescence ou l'âge adulte. Les premiers symptômes sont des excès de colère ou une capacité à lancer de puissants sorts, voire à apprendre des sorts plus vite que les autres. Par exemple, si un élève en quatrième année étudie un sort pour son niveau, la personne maudite va savoir la maîtriser alors qu'elle n'est qu'en deuxième ou troisième année.
Ensuite, la personne maudite peut devenir difficilement maîtrisable. Elle peut passer d'émotions en émotions en une fraction de seconde. Ses dons magiques vont se développer et devenir très puissants, voire incontrôlables. Si la personne maudite passe du côté des Mages noirs, c'est foutu. Elle deviendra malsaine, sombre, et dangereuse. Si elle reste dans le droit chemin, il est possible d'éviter cela, mais à notre connaissance tous les maudits sont devenus dangereux, si bien qu'il a fallu leur prendre la vie.
- Et... ce n'est pas possible d'éviter cela ? Je sais pas, en donnant de la joie, en faisant en sorte que la personne pense à autre chose ?
- Nous n'en savons rien. A ce jour aucun n'a pu être maîtrisé. Et c'est pour cette première raison que ton père et mon mari s'acharnent à vouloir vous séparer, Angie et toi.
- Je.... je comprends.
J'avais la chair de poule. Jamais je n'avais pu penser à cela. Angie, maudite ? C'était impossible. Elle est trop gentille, elle a une aura qui dégage uniquement de la bonté et de la positivité... non, elle ne pouvait pas être maudite.
Il y avait forcément quelque chose derrière pour empêcher ça.
Et justement, je repensais instantanément à ce que Aileen venait de dire : "pour cette PREMIERE raison". Première. Il y avait donc une autre raison : quoi ?
- Je te sens désorienté, Drago.
- Oui, avouais-je. J'espère qu'Angie n'est pas maudite. Vous... avez dit qu'un des symptômes pouvait se traduire par un apprentissage rapide des sortilèges, et je me souviens que ma petite-amie avait réussi à réaliser le sort "Oppugno" lorsqu'elle était en quatrième année... sort qui est destiné à l'apprentissage des élèves de sixième ou septième année.
- Je suis au courant. C'est pour cela que nous avons pensé que cette malédiction avait déjà commencé.
- Mais depuis, rien n'a évolué. Elle s'est attendrie et est heureuse. Je ne comprends pas !
- C'est vrai. Et je pense que c'est grâce à toi, avoua-t-elle.
- Alors pourquoi vouloir nous séparer ?
- On ne sait pas ce qui peut se passer à l'avenir. Il est possible qu'elle se batte contre ses démons à l'abri des regards. J'espère vivement que ce ne soit pas le cas, j'aimerais qu'elle vive normalement.
- Est-elle au courant ?
- Nous...
Elle marqua une pause, et baissa la tête, comme avouée vaincue.
- Elle ne sait rien de ce qui peut lui arriver ?! m'insurgeais-je.
- Nous avons préféré ne rien lui dire Drago, car il reste une infime chance pour qu'elle ne soit pas maudite.
- Mais elle doit quand même s'y attendre au cas où !
- Drago. Si tu fais cela, vous allez ruiner votre relation.
- C'est ce que tout le monde veut ici !
- Pas moi ! Ni ta mère !
Elle s'était levée et approchée furtivement. Malgré sa colère, on pouvait sentir une âme qui renfermait un grand coeur, et une puissance magique incroyable.
Je m'excusais, et elle se recula.
- Aileen ?
- Oui Drago ?
- Les enchanteresses comme vous ne pouvez rien faire contre un maudit ?
- Nos ancêtres ont tout essayé. Les maudits sont beaucoup plus puissants que les enchanteurs et les élémentaristes, qui sont pourtant déjà vigoureux.
- Pourquoi pensez-vous alors que je pourrais l'aider à taire ses démons ?
- Je ne saurais te dire. Tu es quelqu'un de bien pour elle Drago. Elle me parle très souvent de toi. Je ne suis pas comme Steve. Je pense qu'elle se sent apaisée, en confiance. Si sa malédiction devait sortir au grand jour, tu lui seras d'un grand soutien.
- Je ne sais pas si j'en suis capable.
- Tu l'es Drago. Tu n'es pas mauvais.
Je ne suis pas mauvais...
En cet instant, je me mis à toucher mon bras gauche. Comment ne pas être mauvais avec la Marque des Ténèbres gravé dans la peau ?
- Ne t'en fais pas. Il peut avoir une infime chance que rien ne se produise.
- Et quelle est cette "chance" ?
- Je...
- Ne peux rien me dire ?
- Désolée Drago. Je dois respecter les conditions de mon mari.
- Et pourquoi ?
- Tout comme ta mère, Steve a le contrôle sur moi. Si je te dévoile ce que je sais... je pourrais avoir des ennuis.
- Mmh.
J'évitais de montrer ma colère qui émergeais doucement. Steve et mon père étaient de vrais connards.
Je vais tout faire pour protéger Angie, mais aussi ma mère, et Aileen.
- Bien. Nous avons terminé. Ecourtons la conversation, ils vont finir par se douter de quelque chose.
- D'accord. Merci pour cette révélation.
- Je t'en prie. Et pour l'autre secret, tu le sauras très vite, un peu trop à mon goût. J'espère que ça n'impactera en rien votre relation.
- Vous êtes de notre côté alors ?
- Bien sûr. Je ne veux que le meilleur pour ma fille.
Après un échange de sourires, nous sortions enfin de ma chambre.
En regagnant la grande pièce à vivre, je songeais aux prochains jours.
Et si Angie devenait différente ? Et si elle était véritablement maudite ? Comment pourrais-je faire pour l'aider à ne pas devenir diabolique ?
Je repensais aussi aux recherches qu'elle faisait sur sa propre identité. Sur son véritable sang. Si elle était la fille biologique de Steve et Aileen, nous ne pouvions rien faire. Mais... si elle ne l'était pas, aura-t-elle sa chance ?
Intérieurement, je priais Merlin pour que son existence même soit épargnée. Qu'elle soit Sang-Pur, et sans malédiction.
Pourquoi a-t-il fallu que je rencontre une fille hors du commun, avec un destin presque scellé ?