Recommendation: Headlock - Imogen Heap

— Pfiou, j'ai presque terminé, se félicita Hucral en soupirant. Je pense que c'est l'un de mes plus beaux tableaux jusqu'à présent.

Combien d'années étaient passées depuis ce jour tragique ? 1 000 ? 2 800 ? Elle n'était plus sûre. En revanche, ce qu'elle savait, c'est que Lycair lui manquait beaucoup, et qu'il n'y avait pas une nuit sans qu'elle ne pense à elle. Dans les rêves de la sorcière, elles firent des goûters tous les jours, se baladaient sur le continent des animaux tandis qu'Hucral lui racontait tout ce qu'elle avait vécu durant ses milliards d'années de vie, elles se dessinaient dessus, cuisinaient, dormaient et voyageaient ensemble. Le tableau qu'elle venait de finir représenta l'un de ses rêves.

— J'ai tellement de rêves différents, à propos d'une vie parfaite, marmonna-t-elle émut. Pourtant, ils ont tous une chose en commun. Toi.

Elles étaient dans une galaxie différente, dans une époque différente avec des tenues, elles aussi différentes. Assises toutes les deux dans un train à vapeur qui roulait la nuit, Hucral tenait un livre dans ses mains et racontait l'histoire à Lycair, qui l'écoutait tout en admirant la vue. Cette dernière arborait une robe bleu ciel et blanche à froufrous ; tandis que sa promise portait seulement une jolie robe noire simple. Les rayons de la Lune qui traversait les vitres illuminaient les deux femmes, et leurs lueurs dans leur regard. Hucral avait aussi fait en sorte qu'elles sourient, comme si la présence de l'une et de l'autre était leur raison de vivre. Quand elle ajouta les derniers détails, elle recula et admira son art, fière d'elle.

— Je crois que c'est la première fois que j'arrive à représenter l'un de mes rêves à la perfection, remarqua-t-elle très contente d'elle.

Satisfaite, elle quitta sa pièce remplie de tableaux pour aller dans la cuisine.

— Aujourd'hui Stella, commença Hucral en mettant son chapeau, c'est pâtes à la crème et au saumon, avec un peu d'aneth.

— Miaou miaou !

Déterminée à préparer ce délicieux repas, Hucral chercha une casserole tandis qu'elle rigola face aux miaulements de Stella. Quand elle la trouva, elle sortit dehors pour aller à sa roue en bois qui filtrait l'eau. Cependant, quand elle tendit sa casserole pour prélever l'eau, elle se rendit qu'il n'y en avait plus. Elle soupira bruyamment et leva les yeux au ciel, avant de regarder sa roue à eau comme si c'était sa faute.

— Mais putain sérieux ? Il faut le faire quand même, pesta-t-elle agacée. Olala en plus il faut que j'aille sur le paradis animalier puisque la rivière chez ma sœur est une partie du lac. J'AI PAS ENVIE, rouspéta-t-elle en criant.

Dépitée, elle rentra dans sa maison pour balancer sa casserole dans son évier, ce qui fit sursauter sa chatte, et prit son katana.

— Pff... je reviens Stella, je vais chercher de l'eau à la rivière, se plaignit-elle déjà au bout du rouleau. Attends-moi et surveille la maison en absence.

— Miaou.

Elle referma la porte et fit apparaître son spectre pour vérifier que son enchantement était encore présent, avant de le faire disparaître et de scruter le chemin qui l'attendait.

— Encore une quête secondaire... marmonna-t-elle en commençant sa marche.

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Après avoir traversé le pont qui relia le continent de sa sœur à celui des animaux, Hucral en profita pour regarder les alentours et admirer ces paysages qu'elle ne se lassera jamais de voir. Elle marcha quelques minutes avant d'apercevoir le centre de soin animalier au loin. Elle s'arrêta de marcher et le fixa attentivement, se plongeant ainsi dans ses pensées.

— Et dire que tant de chose ne se serait pas produites si j'avais décidé de candidater ici.

Titania, Othara, Lomion, Elros, le roi et la reine de la Tribu des Elfes, tous ces prénoms n'auraient peut-être jamais franchi sa bouche si elle avait été ici. En repensant à tout ce qu'elle avait vécu pendant ces siècles, un tourbillon d'émotions l'envahie. Elle se sentit submergée et aspirée par toutes ses pensées.

—Et si j'avais décidé de ne pas le tuer, qu'est-ce qu'il se serait passé ?Supposa-t-elle en parlant du troll. Pourquoi est-ce que je me suis ouverte àElros et aux autres ? Peut-être que si j'avais laissé la reine en liberté, leroi ne serait pas seul. Pourquoi j'ai laissé Astal s'approcher de mon sabre ? Elle n'aurait pas vu ces ho??e?rs. Et si je n'avais pas e??? ma na??g?c?? Et ?? ?? Si????

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Elle s'écroula sur le sol et s'étouffa avant d'hoqueter, les mains serrées autour de sa gorge. Des larmes s'échappèrent de ses yeux et elle se contenta de fixer l'herbe pour essayer de sortir de sa transe.

— (C'était quoi ça... ?)

Elle inspira et expira fortement et de plus en plus lentement, pour se calmer. Ses pupilles tremblèrent et ce tourbillon d'émotions se dissipa aussi vite qu'il est apparu, laissant ainsi la sorcière en paix. Cette dernière déglutit et se releva lentement. Elle regarda autour d'elle et observa les environs pour vérifier que personne ne lui avait fait une mauvaise blague ou l'avait vu en train de vivre... cet événement qu'elle ne saurait décrire. Elle soupira et continua sa route, désormais préoccupée. Quand elle arriva au fleuve violet, elle fit apparaître sa boule de cristal et s'apprêta à réciter son incantation quand son esprit se mit en alerte. Elle écarquilla les yeux et dirigea son attention vers l'immense chaîne de montagne qui se trouvait au-delà du fleuve.

— C'est étrange, constata-t-elle à voix haute pour vérifier qu'elle n'avait pas perdu sa capacité à parler. Pourquoi je sens la présence d'âmes ?

Intriguée, elle décida de suspendre sa mission pour partir à l'aventure. Ne voulant pas marcher, elle fit apparaître son spectre et vola jusqu'au lac d'argent pour en prélever des échantillons dans son énorme fiole. La première fois qu'elle était venue ici, elle avait déjà prélevé un peu du lac d'or. Alors aujourd'hui, ça sera le lac d'argent.

— N'empêche, c'est impressionnant un lac fait entièrement d'argent, nota-t-elle en prenant quelques litres. Le pire, c'est qu'ils résistent même à mon arc du temps. Est-ce qu'ils seraient... vivants ?

Quand elle finit de récolter la dose qu'elle s'était imposée, elle referma sa fiole et la fit disparaitre.

— Enfin bref, peu importe.

Maintenant, elle avait récolté le contenu de six lacs sur sept. Bizarrement, il ne manquait que celui des trolls, et celui-là, elle n'était pas près d'aller le chercher de sitôt. Au total, Hucral avait déjà visité quatre des cinq continents, si on oubliait le sien. Chacune de ses expériences avait été unique en son genre et l'avait marqué d'une bonne, comme d'une mauvaise manière. Elle sourit et remonta sur son spectre pour se rendre à la chaîne de montagne. Tandis qu'elle repensa toujours à ce qu'elle venait de vivre, la divinatrice sentit une goutte tomber sur sa main. Elle releva la tête et regarda la pluie, qui commença à descendre des cieux. Elle soupira et quand elle se concentra de nouveau sur la route, elle se rendit compte qu'elle était arrivée au pied de la chaîne.

— Bon... Si je n'étais pas en mission découverte, je me serais amusée à escalader je ne sais combien de mètres de roche, admit-elle en ricanant. Mais comme je suis un boulet, il y a 99,99 % de probabilité que je me fracasse la gueule et que je les alerte, donc on va se contenter de voler.

Elle commença ainsi son ascension silencieuse, en prenant soin d'éviter les rochers et donc d'être la plus discrète possible. Quand elle arriva à la moitié du chemin, elle s'arrêta de voler et se tourna vers l'est, ne pouvant s'empêcher d'admirer le paysage qui s'offrit à elle. Au bord de la mer se trouvaient deux volcans, dont leur lave s'écoula lentement, créant ainsi une étendue de lave de plusieurs kilomètres. Elle remarqua aussi des phénerfs s'approcher de l'étendue pour y boire quelques gorgées. Les arbres autour étaient morts et des nuages sombres effleuraient le sol des Terres Brûlantes, rendant ainsi l'atmosphère ardente et sans vie.

— Waouh... souffla-t-elle admirative, c'est magnifique...

Inconsciemment, elle repensa à Lycair et à son amour qu'elle portait pour ce genre d'endroits dans une de ses vies antérieures.

— Je suis sûr que ça lui plairait, surtout à cette hauteur-là.

Elle resta ici quelques minutes avant de continuer sa montée, qui était presque finie. Quand elle arriva à une certaine hauteur, elle s'arrêta de voler brusquement et se cacha dans un coin, tout en masquant sa présence rapidement.

— (Des trolls ? Pourquoi sont-ils ici ?)

Grâce à sa capacité, Hucral pouvait distinguer une trentaine de trolls dans la grotte, avec au centre d'eux un feu de camp et de la viande en train de cuire.

— (C'est pour ça qu'ils ne m'ont pas sentie arriver. Comme il y a l'odeur de la pluie et de la nourriture, je suis masquée).

Elle pencha sa tête pour observer la scène quand elle s'aperçu que le feu était sur le point de s'éteindre.

— (S'il s'éteint, je suis dans de beaux draps. Il faut que je le rallume).

Elle pointa du doigt le feu et le fit s'embraser. Les trolls, qui discutèrent, sursautèrent et se relevèrent brusquement en prenant leurs armes.

— C'était quoi ça ?! Hurla l'un d'eux.

La sorcière enleva son bras et se cacha derrière un pic rocheux en plaquant son dos contre la paroi. Elle retint sa respiration et serra les dents, espérant qu'ils ne l'ont pas vu.

— (Merde).

— Détends-toi chef, c'était sûrement le vent, le rassura un autre.

— Ouais t'as sûrement raison, concéda-t-il en se rasseyant. Bref, reprenons les grandes idées. Quand on commencera l'invasion, il faudra d'abord commencer par la Nation des Vampires, car ils n'ont pas de dirigeants. Puis on s'attaque à la Terre des Fées comme la reine est malade.

— Chef vous oubliez Othara, releva l'un deux préoccupé, elle est trop forte pour nous.

— C'est pour ça qu'il faudra d'abord s'occuper d'elle, répliqua-t-il en haussant la voix. Ensuite on s'occupera de la Tribu des Elfes, comme la reine est malade elle aussi, le roi sera affaibli. Il ne nous restera que le Paradis Animalier et le continent abandonné par les vampires.

— (Attends une minute, ces petit-pois musclés parlent de MON continent ? Ils vont se gratter.)

— Chef, vous ne trouvez pas ça bizarre qu'il n'y est encore personne sur ce continent abandonné ? Intervint un petit troll pas plus haut que trois pommes.

— (Ça veut dire quoi ça, que je compte pour du beurre moi ?)

Ce dernier fronça les sourcils, désespéré par la remarque stupide de son soldat.

— Bien sûr que non puisque qu'on a vérifié il y a quelques semaines imbécile.

Quand elle entendit cette information, Hucral se liquéfia sur place et son cerveau se mit à fuser à toute vitesse. Elle essaya de contenir son envie de sortir de l'ombre pour tous les achever sur le champ et réfléchit à ce qu'elle a bien pu faire il y a peu de temps.

— (Les enfoirés, ils ont profité de ma présence chez les vampires pour poser leurs pieds dégueulasses chez moi. Quand je rentre il va falloir que j'installe une barrière qui m'alerte quand quelqu'un pénètre sur mes terres.)

Elle sortit de ses pensées et se concentra automatiquement sur la conversation quand l'un d'eux posa la question la plus intéressante depuis le début de cette discussion.

— Quand est-ce qu'on attaque ?

— Il n'y a pas de moment précis, l'informa le chef en mâchant sa viande. Comme ça, on pourra garder l'effet de surprise. Mais dans tous les cas, les autres et moi, on vous préviendra deux ou trois jours avant, histoire que vous soyez prêt le moment venu.

— Vous n'en aurez pas l'occasion, marmonna-t-elle froidement, je vous ferais la peau avant.

Elle sortit de sa cachette et se dirigea à toute vitesse sur le volcan qu'elle avait observé tout à l'heure. Quand elle posa ses pieds sur le cratère, elle fit disparaître son spectre pour le remplacer par son katana, sur lequel elle posa délicatement sa main sur sa poignée.

— Si j'essaye de tous les tuez directement, il y a une probabilité que l'un deux informe leur roi de ma présence, même si elle est infime. Dans tous les cas, je ne dois négliger aucune faille. Je n'ai pas le choix...

Elle déglutit et resserra sa prise sur sa poignée, se préparant mentalement à la phrase qu'elle aurait aimé ne jamais prononcée de nouveau.

— Il va falloir que je le dégaine, déclara-t-elle fermement.

— Ohhh ça devient intéressant, tu comptes enfin recéder à ta colère d'antan ? Demanda une voix dans la tête d'Hucral.

— Tais-toi, maugréa-t-elle à voix haute. Tu es aussi insupportable qu'Umel.

— Je suis toi et tu es moi je te rappelle.

Cette mystérieuse voix avait en quelque sorte raison. Il y a des trilliards d'années de cela, Hucral avait décidé d'emprisonner sa colère et le vide qu'elle ressentit dans son katana, ce qui avait donné ce rouge écarlate à sa lame. Cependant, la faux du silence n'avait pas prévue qu'au fil du temps sa colère aurait sa propre conscience.

 Ainsi, elle avait décidé de mettre son katana dans un fourreau, pour l'enfermer. Mais ce néant de colère fut tellement féroce et puissante, que quand elle l'avait sorti pour la première fois, des fissures écarlates étaient apparu sur ma main droite et étaient remontées jusqu'à son épaule. Cela lui avait procuré une grande souffrance et elle avait eu l'impression que chaque cellule s'était détachée de son corps. 

Alors, elle s'était fait le serment de ne le sortir que quand c'était nécessaire. Toutefois, le fourreau ne suffisait pas à empêcher sa voix de murmurer à Hucral de dégainer pleinement sa lame rougeoyante.

— À mon plus grand malheur, répliqua la sorcière en levant les yeux au ciel.

Elle ancra ses pieds fermement dans le sol et expira, prête à lancer son coup. Quand elle commença à enlever sa lame du fourreau, une larme de sang glissa sur sa joue et elle sentit son corps lui brûler. En sortant pleinement son sabre, des éclairs écarlates jaillirent de ce dernier et une onde se rependit sur tout le continent qui devint noir et blanc, et les gouttes de pluie restèrent suspendues dans les airs. 

 Le temps s'était arrêté.

 Les fissures qu'elle possédait de sa main droite jusqu'à son épaule apparurent sur son épaule gauche, et descendirent jusqu'à sa main lentement. Elle mit son katana en arrière pour se donner de l'élan, avant de porter son coup subitement vers la chaîne de montagne. Un slash d'un rouge aussi écarlate que sa chevelure se dirigea dans un bruit strident à la vitesse de la lumière, vers ses victimes. Ces dernières furent frappées de plein fouet et au moment où une gigantesque explosion se créa, le tonnerre résonna dans tous l'univers. Le souffle de l'explosion déracina les arbres et les firent s'envoler. 

Les lacs, qui résistèrent à l'arc du temps de la divinatrice, explosèrent sous le coup de l'impact et s'asséchèrent, annihilant aussi la terre qui les abritait. Un nuage de poussière enveloppa la chaîne de montagne et le continent trembla. Au moment où elle rangea sa lame dans son fourreau, le nuage se dissipa et la pluie retomba de plus belle, laissant ainsi à la faux du silence l'opportunité d'observer ce qu'il resta des montagnes. 

 Rien. 

 Elle regarda les lieux silencieusement, avec la pluie et la foudre divine, comme seul bruit.