Il s'écroula sur le sol, le torse transpercé et le corps rempli de trou ensanglanté. Quant à elle, elle prit sa tasse de brugmensia dans la main et le regarda avec haine et mépris. Tandis qu'il essaya de se relever, la femme aux cheveux écarlates s'assied sur le sol à ses côtés.

— Je ne comprends pas... Qu'est-ce que vous m'avez fait ? J'ai l'impression que mon corps est dans un volcan, suffoqua-t-il essoufflé. Comment se fait-il que le poison n'agisse pas ?

Elle but une gorgée en l'admirant en train de souffrir, son regard soudainement plongé dans le vide.

— Vous faites erreur, rétorqua-t-elle monotone. Le poison fait bien effet, c'est juste que j'ai une très grande résistance.

Après de nombreuses tentatives, il ne réussit toujours pas à se redresser, et perdit encore plus de sang.

— Expliquez-moi dans ce cas... Pourquoi j'ai l'impression que chaque cellule de mon organisme brûle ?

Elle reprit une gorgée avant de soupirer et de fixer cette fois-ci le contenu de son récipient.

— Avant que vous ne veniez, j'ai imaginé tous les scénarios possibles, et celui de la buvette était pensé, commença-t-elle ennuyée. J'ai donc appris à mon amie à masquer presque entièrement sa présence pour qu'elle nous espionne. En fonction de la tournure des événements, elle aurait eu différents rôles. Comme vous avez eu trop confiance en vos capacités, vous avez négligé l'intelligence et l'observation, et vous ne vous êtes même pas douté que je pourrais vous vouloir du mal avec ma collègue, le nargua-t-elle inexpressive.

Elle termina son thé d'une traite et continua son explication, sous le regard agonisant du troll.

— Votre tasse contenait quelques mélanges de fleurs toxiques inodores, pour vous faire croire que vous étiez hors de danger, et vous avez rajouté un pétale de votre brugmensia, ajouta-t-elle en le toisant du regard. Cependant, comme ma collègue avait déjà incorporé les différents poisons dont je vous ai parlé, les effets ont empiré. La mienne contenait juste un pétale de brugmensia, c'est pour ça que j'ai joué la comédie en feignant de ressentir les symptômes de façon sensible, pour vous faire croire que vous aviez le contrôle de la situation. Mais ce que je trouve ironique, c'est que vous ne savez même pas les effets de cette fleur et comment vous en servir, je me trompe ? S'enquit-elle d'une voix plus ferme.

Son silence confirma les doutes de la sorcière, qui ne fit aucune remarque en ayant le regard plus triste qu'auparavant.

— Le brugmensia est une plante hallucinogène, et les alcaloïdes les plus importants peuvent être retrouvés dans la partie aérienne, ici, lui expliqua-t-elle en lui montrant l'endroit avec son doigt. Quant aux symptômes, ce sont généralement des pupilles dilatées ou de tailles inégales, comme les miennes. Elle est aussi utilisée pour abuser de la personne, d'où son nom "drogue du viol". Mais cette utilisation n'est connue que des centres de soins, et n'est divulgué à personne d'autres. De plus, il faut une grosse quantité pour pouvoir s'en servir de cette façon, donc votre simple petit pétale était aussi inutile que votre existence. La plante n'étant pas en vente, et les elfes étant les seuls soignant de cette planète, cela veut dire que vous avez un complice et qu'il fait partie de l'un d'eux, conclut-elle en fronçant furtivement les sourcils.

Elle explosa sa tasse dans sa main et plongea enfin ses iris écarlates dans les siennes, en attente d'une réponse. Cependant, il se contenta de la détailler du regard, avant de ne lui poser qu'une question.

— Qui voyez-vous ? Lui demanda-t-il en voyant son visage brisé.

Elle détourna le regard, et arracha délicatement toutes les parties de la fleur tout en lui posant une question à son tour.

— Est-ce que vous savez pourquoi ce sont les fleurs que je déteste le plus au monde ?

Il secoua la tête, n'étant pas certain de vouloir connaître la réponse.

— Car par le passé, vous vous en êtes servis pour violer quelqu'un qui compte plus à mes yeux que ma propre vie, affirma-t-elle fermement. Vous et tous les habitants, y compris le roi, vous aviez abusé d'elle.

— Je... Je ne m'en rappelle pas, lui avoua-t-il le souffle court. Il y en a eu tellement.

Elle fit apparaître sa dague et la lui planta dans la jambe, le regard soudainement empli de haine. Il hurla de douleur en se courbant violemment, le faisant perdre encore plus de sang.

— Je vais faire en sorte que ça n'arrive plus, persifla-t-elle en remuant son arme dans sa plaie. Je vais vous infliger des souffrances encore plus grandes que tout ce que vous pouvez imaginer, à tel point que vous me supplierez de vous achever rapidement. Je vais m'assurer de vous plonger dans un néant qui vous hanteras toute votre misérable vie !

Ne supportant plus de voir ces plantes, la sorcière les brûla dans sa main, avant d'attraper son bras pour le cramer.

— Je me suis longtemps demandé comment je pourrais vous faire payer pour ce que vous lui aviez fait, et seule la mort réglera ce problème, lui apprit-elle pendant qu'il perdait sa voix à force de crier. Et malgré ce qu'on pourrait penser, je déteste tuer, je pense d'ailleurs que ceux qui prennent du plaisir à ça n'ont pas d'âme. Mais si c'est pour protéger mes proches et moi, tous les coups sont permis.

De la fenêtre de la salle où reposait la reine, les conseillers assistèrent au spectacle, complices malgré eux de son crime.

— Tu songes toujours à l'envoyer en prison pour meurtre Lomion ? S'enquit Othara en fixant Hucral.

Hésitant, le stratège resta les bras croisés en scrutant la divinatrice, avec le bruit de cette foudre écarlate en fond.

— Je n'en sais rien, admit-il dérouté. Cela reste tout de même un meurtre.

— Et elle reste tout de même une sorcière, lui rappela Elros inquiet. Dois-je te rappeler comment l'un des rois des elfes a failli mourir ?

— Même si je ne cautionne pas l'action de cette femme morte, il l'avait cherché, intervint Titania en sortant de son lit. Faire une promesse à une sorcière puis la rompre, il faut être fou pour oser faire une telle chose.

— Cette femme reste effrayante, concéda le stratège à voix basse. Elle arrive à transformer une mort atroce en un tableau irréelle.

Othara acquiesça d'un air froid et continua d'analyser les deux représentant de son regard intense. Quand on les observait, on aurait pu avoir l'impression qu'ils incarnaient une œuvre d'art digne d'un musée. Ils étaient là, leur corps à quelques centimètres de distance. L'un, agonisa avec un katana dans le torse et une dague dans la jambe gauche, son âme se perdant dans un néant froid et effrayant. L'autre, baigna dans le sang de sa victime avec sa main toujours sur son arme, tandis qu'elle le regarda avec colère et haine, lui infligeant une mort impensable pour le commun des mortels.

— Je croyais que vous vouliez savoir avec qui je travaillais, lui rapella-t-il en toussotant. Si vous continuez comme ça, vous allez finir par me tuer.

Elle arracha sa dague de sa jambe et lui attrapa le visage avec violence, pour le rapprocher à quelques centimètres du sien.

— Parce que vous croyez que j'ai besoin de vous pour me confirmer ce que je sais déjà ? Lui cracha-t-elle pleine de rage.

Elle resserra sa prise sur son arme et lui trancha les carotides avec fureur. Du sang à profusion se déversa sur ses vêtements et lui éclaboussa le visage, avant de se mêler. Elle s'apprêta à lui transpercer la tête, mais elle jeta sa dague sur le sol, pour qu'elle ne soit plus à sa portée.

— Hors de question, s'ordonna-t-elle essoufflée. Je ne dois céder à... elle.

Elle expira de toutes ses forces pour essayer de se calmer, quand Mylène arriva pour prendre la dépouille.

— Tu viens Hucral ? Lui demanda-t-elle en soulevant le cadavre sur son dos.

— Non merci, répondit-elle l'esprit ailleurs. Je vais rester ici encore un peu.

— Comme tu voudras.

Tandis que la guerrière s'éloigna sans un mot, des larmes de tristesse coulèrent sur le visage écarlate de la sorcière. Elle s'adossa contre le muret et tendit sa main dans le vide, l'illusion du poison se dissipant peu à peu.

— Lycair...

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— Tu l'as tué ?? Demanda la reine encore sous le choc.

— Pourquoi vous faites la choquée comme ça ? Je vous avais dit que j'allais lui faire la peau s'il ne répondait pas à mes questions, affirma Hucral d'un ton détaché, et puis j'avais l'intention de l'achever même s'il le faisait.

Avant de prodiguer les soins à Titania, la sorcière mit une autre tenue, car sa robe noire était imprégnée du sang du troll. Elle se réfugia derrière le paravent et prit un haut blanc aux manches larges et bouffantes, et elle enfila une jupe marron longue, en y mettant deux ceintures de la même teinte. Elle changea même son chapeau noir contre un modèle en vert kaki. Par contre, elle décida de garder ses magnifiques talons noirs, qui sont ses favoris. Après s'être changée, elle se lava le visage dans une bassine pour enlever tout le sang. Tandis que la divinatrice donnait les soins à Titania, cette dernière l'interpella.

— Que dirais-tu qu'on aille choisir ton livre ? Demanda-t-elle d'un sourire.

Hucral enleva ses mains de ses tempes et haussa un sourcil, intriguée par sa proposition.

— Mais mon séjour ne se termine que dans onze jours ? Lui fit-elle remarquer confuse.

— Non il se termine après-demain.

— Vous vous payez ma tête ou quoi ? S'offusqua-t-elle en ricanant.

La dirigeante soupira bruyamment et se leva de son lit pour aller jusqu'à son bureau. Elle ouvrit un tiroir et y sortit un papier qui ressemblait à une sorte de contrat pour le tendre à Hucral, qui le lit attentivement.

— Tu es sûr que tu as bien entendu quand ton employeur t'a donnée cette mission ? S'assura-t-elle suspicieuse.

— Et bien...

Elle leva les yeux au ciel, essayant de se remémorer le moment exact.

« JE VAIS DEVOIR QUOI ?? »

« Ça va, pas la peine de crier comme ça. C'est pas comme si vous restiez deux semaines. »

Elle sortit de ses pensées et se dirigea vers la fenêtre ouverte, soudainement captivée par la beauté du paysage.

— Punaise le temps est magnifique aujourd'hui. Il n'y a pas un seul nuage...

— Comme il n'y a pas un seul neurone dans ton cerveau Hucral ! Répliqua Titania d'un ton désespéré.

— Ça fait mal, rétorqua-t-elle en feignant d'être blessée.

La reine reprit le papier de ses mains et le posa sur son lit.

— Tu seras moins triste quand tu auras ton livre. Suis-moi.

Comme par magie, Hucral retrouva un sourire radieux et suivi la reine, comme si une grande sœur donnait une récompense à la petite.