— JE VAIS DEVOIR QUOI ???
Le lendemain, Hucral alla à son premier jour de travail, ou elle avait espéré qu'on lui donne des maladies incurables à traiter, ou des cas de poisons extrême. Cependant, la réalité l'a vite rattrapé.
— Vous allez devoir habiter chez les fées, lui répéta son chef blasé. La reine est souffrante et doit recevoir des soins réguliers. Vous vouliez être utile avec vos capacités de guérisons ? C'est chose faite. Vous avez quelque chose à redire ? Ce n'est pas comme si vous restiez non plus deux semaines.
— Qui, moi ? Non non, c'est bon. (Il se paye ma tête où quoi le moustachu chauve ? La reine n'avait pas l'air si mal en point quand je l'ai vu hier. On aurait même dit qu'elle prête à me sauter dessus à tout moment si j'osais respirer trop fort.)
La sorcière ne s'arrêta même pas au marché tellement elle était dépitée en sortant du centre. Même si elle était préoccupée par le fait qu'elle allait devoir retourner en enfer, ce n'était pas vraiment pour elle qu'elle s'inquiétait, mais plutôt pour Stella. C'est pour ça que quand elle rentra chez elle et lui expliqua la situation, la discussion était devenue... tendue.
— Miaou !
— Pas question, la gronda-t-elle en agitant son couteau dans les airs. Quand je dis non, c'est non. Je ne vais t'emmener avec moi, imagine elles t'empoisonnent avec leur poussière de fée ou je sais pas quoi là. Je préfère que tu restes ici.
Outrée, la chatte lui tourna le dos.
— Madame fait sa crise d'adolescente à cinq cents ans non mais je rêve, s'offusqua-t-elle en haussant les sourcils. De toute façon tu n'as pas le choix, je te préparerais à manger à l'avance et je lancerais un sort pour conserver la nourriture et te la donner à distance. Fin de la discussion.
Pour montrer son mécontentement, Stella se dirigea vers le canapé en velours de sa maîtresse, avec l'intention de faire ses jolies griffes dessus. Ayant compris ce qu'elle allait faire, Hucral laissa tomber son couteau sur son plan de travail et poursuivit sa chatte dans la maison pour l'en empêcher.
— NON STELLA PAS LES GRIFFES.
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— Dagues, potions, livre, poudre empoisonnée...
Après avoir réussi à stopper Stella dans sa folie, Hucral est allée préparer son sac pour son séjour. Même si son « sac » ressembla plus à un kit de survie.
— Mince, j'ai oublié mon encens paralysant.
Elle alla chercher son encensoir et ses bâtons quand elle vit sa chatte la juger ouvertement.
— Quoi ? On sait jamais, imagine elles m'attaquent par surprise pendant que je dors ! Se justifia-t-elle désemparée. J'aurais trop peur de me défendre. Elles ont l'air si fragiles, j'ai peur de les tuer sur le coup de l'effet de surprise.
Stella se contenta de la regarder en silence, en rétractant ses pupilles.
— Aïe, feignit-elle en portant sa main à son cœur. Le jugement dans ton regard était si puissant qu'il m'a blessé physiquement.
Elle leva les yeux au ciel et partie se balader dans la maison, dépitée par le comportement de sa maîtresse.
— C'était pas drôle ? Bon d'accord, j'y vais alors.
Sans plus attendre, Hucral rassembla ses dernières affaires et partie de sa maison avant de se foutre encore plus la honte. Elle déroula sa carte et emprunta le même chemin qu'hier, sans cette fois-ci tourner en rond pendant un quart d'heure. Elle attendit devant l'amas de magie que le pont se forme et souffla brutalement, avant de partir pour l'enfer.
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— C'est super joli ! S'extasia-t-elle d'un grand sourire. (C'est d'une mocheté à s'en crever les yeux.)
Après que la sorcière ait survolé la forêt des murmures pour s'éviter d'autres rencontres importunes, elle avait été accueillie par tout un tas de messes basses et de regards médisant. Elle avait essayé tant de bien que de mal de les ignorer, mais elle n'avait pas pu s'empêcher de leur jeter un regard encore plus noir et de montrer sa dague accrochée à sa cuisse qu'on voyait avec la fente de sa robe, histoire de bien leur flanquer la frousse et de rigoler intérieurement.
— Je vous laisse vous installer, lui déclara la guerrière avec indifférence.
Dès qu'elle referma la porte, Hucral examina sa chambre banale. Les murs étaient plusieurs troncs d'arbres collés et poncés, et le parquet avait la couleur du bois après le passage de pluie. Il n'y avait qu'une fenêtre rectangulaire, un lit simple, et un bureau blanc. La sorcière lança ses affaires sur le lit et soupira de toutes ses forces.
— Punaise, c'est la seule qui est sympa ici, conclut-elle dépitée.
Elle déballa ses affaires, tout en continuant son monologue.
— En plus, elles ont quoi les autres à mal me regarder comme ça. Si elles croient me faire peur, je devrai leur dire que leurs coups de pressions sont aussi inefficaces qu'un sourd qui dit que tu as belle voix. Surtout que j'en ai entendu certaines qui disaient vouloir me faire un sale coup pendant mon sommeil. Ce sont vraiment des gamines.
Quand elle finit de poser son mini chaudron et ses encens sur ses étagères, elle se tut un instant, avant de sourire malicieusement.
— Olala je viens d'avoir l'idée du siècle.
Elle fit apparaître un crayon et se précipita sur son carnet pour noter son plan. Elle ajouta les étapes et la présentation en écrivant des notes, avant de le faire disparaître pour éviter qu'on le lui vole. Comme quoi, il n'y avait pas que les fées qui avaient un comportement enfantin. Après avoir gigoter et rigoler comme une gamine en pensant à son coup de génie, Hucral sortit de sa chambre et partit en direction des appartements de la reine pour lui prodiguer ses premiers soins. Pour changer, elle tourna encore en rond avant de prendre un autre chemin et d'arriver devant une porte cintrée massive en bois, donc les bordures et les motifs était mis en valeur avec une peinture dorée.
— Pincez-moi je rêve elle est ÉNORME !
Elle s'apprêta à toquer quand la reine lui ouvrit.
— Entrez, lui ordonna-t-elle d'un ton calme, je vous attendais.
La sorcière s'inclina légèrement et suivit Titania, tout en se laissant distraire par la déco de la salle d'audience. La pièce ronde fut habillée d'une grande table qui trôna en son centre, avec des parchemins disposés dessus. Des tapisseries représentant l'histoire des fées étaient accrochées sur les espaces muraux que ne cachait pas ses bibliothèques incurvées et larges. Deux grandes fenêtres aux bordures blanches étaient incrustées dans le tronc d'arbre et permettaient de voir une terrasse de la même largeur, qui donnait vue sur la place publique du village. Titania était sur le point d'ouvrir l'une des autres portes quand elle se retourna et vit que la sorcière resta bloquée devant ses livres. Elle s'approcha d'elle et remarqua que son regard s'illumina de plus en plus, ce qui la fit sourire.
— Quand votre séjour ici sera terminé, je pourrais vous en offrir un si vous le souhaitez, lui proposa-t-elle en haussant les sourcils. Je pense avoir le livre idéal pour vous.
Hucral lui lança un regard choqué et prit ses mains pour les mettre dans les siennes.
— Par l'origine, je pourrais vraiment ?? Lui demanda-t-elle avec des étoiles dans les yeux.
Elle ricana et hocha la tête, surprise de voir cette facette enfantine de sa guérisseuse.
— Merci votre Majesté !
— Ce n'est rien, lui assura-t-elle tendrement. Maintenant venez, c'est par là.
Titania ouvrit une porte à l'apparence plus simple et invita la sorcière à entrer dans la salle de guérison. En arrivant dans la pièce, Hucral admira la décoration qui était plus basique que celle de la salle de réunion. La pièce ne comportait qu'un lit vert en baldaquin avec un tapis bleu ciel, des étagères pour stocker ses médicaments, une fenêtre qui donnait vue sur la forêt des murmures, et un bureau pour y déposer ses fleurs.
— Puis-je vous demander de quelle maladie vous êtes atteinte ? S'enquit-elle en posant ses affaires pour les sortir.
— Et bien pour être honnête, je ne sais pas vraiment, lui confia la reine en s'asseyant sur son lit moelleux.
Alors que l'apothicaire examinait ses fioles, elle se retourna et la scruta d'un air interrogateur et quelque peu jugeur.
— Vous savez au moins quand cela a commencé ? S'assura-t-elle en agitant sa potion pour mélanger son contenu.
— Je dirais il y a deux semaines, quand un négociateur des trolls repartait chez lui.
Un bruit de verre se fracassant sur le sol résonna dans la salle et Titania sursauta. Elle reporta son attention sur Hucral, immobile, qui avait brisé son tube à essai en le faisant tomber. La sorcière la fixa avec des grands yeux, perturbée par ce qu'elle venait de lui dire.
— Minute, vous invitez des trolls ? Percuta-t-elle d'une voix plus colérique. Chez vous ?
— Bien sûr, confirma-t-elle comme si c'était une évidence, c'est important pour la reine de maintenir les relations entre les différentes espèces. Mais vous n'avez pas l'air de les porter dans votre cœur, je me trompe ?
Hucral récita sa formule à voix basse et reprit son élixir pour le remuer à nouveau. Elle prépara son matériel dans un silence mortel avant de lui répondre.
— Je vous retourne la question Majesté. (Bien sûr que je les déteste. Ceux qui se sont pris à elle méritent de mourir de ma main.)
Si Hucral avait l'air rayonnante depuis tout à l'heure, la simple mention de ces trolls l'avait de nouveau refermé sur elle-même. La reine ricana pour essayer de détendre de nouveau l'atmosphère avant d'être prise d'une quinte de toux. Hucral lâcha ce qu'elle avait dans les mains et se précipita vers elle pour prendre ses mains et les placer sur sa bouche
— Mettez vos mains comme ceci, cela stoppera votre toux, lui ordonna-t-elle préoccupée.
La reine s'exécuta et regarda Hucral courir dans tous les sens. Elle se précipita vers la fenêtre pour aérer la pièce et créa un mini tourbillon en son centre, pour aspirer toute la poussière. Elle fit circuler un peu d'air, avant de refermer les fenêtres pour éviter que la reine attrape froid. L'apothicaire s'apprêta à aller auprès d'elle quand elle vit une fleur rose du coin de l'œil.
— Majesté, est-ce que ce sont des digitales pourpres ? Lui demanda-t-elle en jonglant entre elle et le vase.
— Oui pourquoi ?
— À quoi vous servent-elles ? S'enquit-elle en se dirigeant vers les plantes.
— Elles sont utilisées pour mes problèmes cardio-vasculaires qui ont commencé à revenir il y a quelques mois.
Voyant que la faux du silence ne répondit pas, Titania se leva et posa sa main sur son épaule.
— Vous commencez à m'inquiéter Hucral, lui avoua-t-elle confuse. Il y a un problème ?
Hucral rassembla ses dernières connaissances avant de regarder la reine des fées en fronçant les sourcils.
— Votre Altesse, ces plantes sont toxiques.