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Nameless0401
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6 - La Légereté Du Vide

À certains moments le vide, loin d'être un abîme, devient un espace où le souffle se fait rare, où l'on se trouve suspendu, sans savoir comment remplir l'intervalle de ce qui nous manque. Ce vide qui, de l'intérieur, semble devenir un tout, un mouvement dans lequel la mémoire se déplace avec une légèreté insupportable. Il n'est pas l'absence brute, comme celle d'un objet oublié ou d'un mot effacé ; il est ce qui reste lorsque tout s'effondre dans l'esprit et que le monde perd son sens. Il n'est ni silence ni bruit, ni peine ni sérénité, mais un état intermédiaire qui se dérobe à toute certitude. Et c'est dans ce vide que j'ai compris.

Je n'ai jamais voulu de cette légèreté. C'est étrange, mais je ne l'ai jamais désirée. Elle est arrivée sans préavis, comme un poison insidieux que l'on porte en soi sans le savoir, une manière de ne plus toucher la réalité mais de s'y maintenir par un fil ténu, fragile, presque imperceptible. Je pourrais m'inventer une histoire, raconter que j'étais trop sensible, trop prisonnier de mes émotions pour saisir ce qui m'échappait. Mais cela ne serait pas juste.

La vérité, c'est que j'ai choisi cette légèreté. Pas consciemment, ni de manière délibérée. Elle est arrivée avec le temps, doucement, dans l'ombre des gestes non faits, des paroles non dites et des occasions perdues.

Là, devant moi, se trouve ce vide. Il n'a pas été provoqué par un événement soudain, pas par une rupture violente, mais par l'oubli. L'oubli de ce qui devait être dit, de ce qui aurait pu être dit. Ces mots que j'ai laissés flotter dans l'air, ces mots qui ne sont jamais venus, ces mots que j'ai décidé de ne pas prononcer. Je me suis dit qu'il n'était pas encore temps, ou que je n'étais pas encore prêt. Mais le temps ne vous attend pas.

Il m'a rattrapé, comme il attrape tout le monde, et m'a pris au piège dans ce vide, ce silence, cet entre-deux où rien ne s'accomplit jamais.

Je me souviens d'elle, bien sûr. Je me souviens de sa voix, de son regard, de son rire qui m'avait d'abord enivré, puis qui m'avait laissé indifférent. Je n'ai jamais su, au fond, si c'était la peur de la perdre ou la peur de l'affronter qui m'avait paralysé. Les deux, sans doute. Mais je n'ai pas agi. Peut-être parce que, dans ce silence qui nous entourait, j'avais trouvé une sorte de confort.

Nous étions deux à fuir, à ne pas regarder vraiment l'autre, à éviter les questions gênantes. Pourquoi fallait-il toujours être celui qui prend la parole, qui fait un pas en avant, qui impose ses désirs et ses craintes ? Pourquoi cette séparation devait-elle toujours être un acte volontaire ? Pourquoi pas un simple oubli, une absence, une légèreté presque banale ?

Et puis, il y a eu ce jour. Ce jour où tout semblait normal, où tout semblait aller bien, où nous nous sommes retrouvés face à face, assis sans aucun obstacle, sans aucune urgence. Le soleil s'était effacé derrière les nuages, et la lumière était douce, comme si l'univers nous offrait un répit avant le chaos. Il y avait eu des rires, des échanges de banalités, des sourires complices, des mots simples. Comme si rien n'avait jamais existé. 

Comme si cette relation n'avait pas la moindre importance. Nous n'avons pas parlé de l'avenir, pas évoqué ce qui nous attendait. Nous avons parlé de la pluie et du beau temps. Et j'ai cru que c'était assez. J'ai cru que cette soirée serait l'ultime témoignage de ce que nous étions, de ce que nous aurions pu être.

Mais c'était là que résidait le piège : ce n'était pas suffisant. Ce n'était pas assez pour combler le vide, pour créer cette connexion que l'on croit acquise et qui, en réalité, n'existe que dans les illusions des moments parfaits. Je n'ai pas fait le geste qu'il fallait, je n'ai pas franchi la distance qui nous séparait. J'aurais dû le faire, bien sûr. J'aurais dû me libérer de ce poids d'incertitude et lui dire ce que je ressentais, ce que je redoutais, ce que j'espérais. Mais je ne l'ai pas fait. Nous n'avons pas franchi ce seuil. Nous avons joué à l'illusion de l'instant, et l'instant a disparu dans l'indifférence du temps.

C'est alors que j'ai compris. La séparation n'était pas une conséquence de ce que nous avions vécu, elle était la conséquence de ce que nous n'avions pas vécu. Elle était inéluctable. Mais pas à cause de l'absence de sentiments, non. Elle était inéluctable parce que nous n'avons jamais fait face à ce que nous étions en train de devenir.

Nous avons pris un chemin parallèle sans nous en rendre compte. Nous avons flotté, nous avons fait l'amour à distance, nous avons joué à nous connaître, mais sans jamais nous voir réellement. Et tout cela, malgré les signes, malgré les avertissements, malgré ce silence criant qui s'était installé entre nous, nous avons laissé les choses glisser.

Je pourrais m'inventer mille explications. Je pourrais dire que c'est elle, ou que c'est moi, ou que c'était le moment. Mais la vérité, c'est que nous avons manqué la chance de l'instant. Nous avons raté le rendez-vous avec la vérité, ce moment où l'on comprend, enfin, que le vide que l'on porte en soi n'est pas simplement un vide, mais le témoignage d'une vie mal vécue. Et maintenant, ce vide est là. Il est là comme une ombre qui suit chacun de mes pas, comme une présence invisible qui me rappelle que tout cela est désormais irréversible.

C'est un vide étrange, celui d'une histoire qui aurait pu être mais qui ne sera jamais. Il n'est ni lourd ni léger, ni joyeux ni triste. Il est simplement là, et il fait partie de moi. Il n'est pas une absence, il est un tout. Un tout que je porte désormais en moi, comme une forme d'acceptation. Une acceptation qui ne résout rien mais qui apaise, un peu. Car il est aussi inéluctable, ce vide. Il fait partie de ce que nous avons été, de ce que nous sommes. Et à mesure que les jours passent, il devient moins pénible. Peut-être parce qu'il n'a plus de sens. Peut-être parce qu'il est devenu moi. Et que je suis devenu lui.

Et puis, dans cette acceptation douloureuse, quelque chose en moi a commencé à se soulever. Pas comme une révélation, mais plutôt comme un frémissement timide, une lumière vacillante dans la pénombre. Je sais que je ne pourrais pas revenir en arrière, que ce vide me suivrait comme une ombre silencieuse. Mais peut-être, un jour, deviendrait-il moins oppressant. Peut-être qu'avec le temps, cette absence se transformerait en un espace où je pourrais enfin respirer, où je pourrais me redécouvrir, même si la nostalgie de ce qui n'a pas été me hanterait à jamais.

C'est douloureux, ce chemin vers soi, mais une douleur douce, une douleur qui, lentement, effacera les traces de ce qui avait été perdu. La reconquête de soi-même, je le sais, ne sera jamais sans blessures. Mais c'est le seul chemin qui reste.

Et alors, dans la douleur, je commençais à entrevoir une forme de renaissance, fragile, mais réelle. 

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