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Nameless0401
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11 – La Lettre Jamais Envoyée

Je ne t’écrirai pas pour être lue.

Je m’en rends compte en relisant ces premières lignes.
Elles ne sont pas faites pour toi.
Elles sont faites pour moi, pour me libérer doucement.
Comme on dénoue une corde serrée autour de soi, une corde invisible mais réelle.

Je suis là depuis une heure, peut-être plus.
Le carnet est ouvert. Le stylo glisse, puis s’arrête. Reprend.
Il y a ce silence autour de moi, ce même silence que j’ai connu avec toi — mais différent cette fois.
Il n’est pas pesant. Il est plein de moi, maintenant.

Cette lettre, je n’ai jamais eu l’intention de te l’envoyer.

Pas parce que j’aurais eu honte de mes mots.
Pas parce que je te reproche quelque chose que tu ne saurais entendre.
Mais parce que ce que j’écris ici ne t’appartient plus.
Ce sont mes mots. Ce sont les miens.
Ils sont l’espace que je me rends, enfin.

Je repense à toi, sans amertume.
Mais avec cette forme de lucidité que je ne connaissais pas avant.
Je t’ai aimé — à ma façon. Entièrement. Avec le doute en face de moi, toujours.
Avec l’espoir accroché au bord des lèvres.
Avec cette attente, douce d’abord, puis creusante, épuisante, muette.

Je me souviens de ton silence.

Pas celui de l’absence.
Pas celui des jours où tu n’étais plus là.
Mais celui des jours où tu étais assis à côté de moi et que pourtant, tu semblais ailleurs.
Quand je parlais et que tu hochais la tête.
Quand mes mots t’effleuraient à peine, comme des feuilles mortes sur un trottoir mouillé.
Je me souviens de moi, essayant de te rejoindre.
Et de toi, immobile. Tranquille. Indéchiffrable.

Je voulais t’aimer sans condition, mais j’ai fini par m’oublier dans ce silence.
À force de faire de la place pour toi, je n’en avais plus pour moi.

Je me revois certains soirs, debout dans la cuisine, à espérer une phrase simple, un “je suis là”, un “tu comptes pour moi”, un “je pense à toi”.
Mais rien ne venait.
Rien ne venait jamais vraiment.
Alors je compensais. Je souriais. Je m’agitais.
Et je me disais que ça passerait.

Mais ça n’est jamais passé.

Je me souviens de mes regards,
Ceux que tu n’as jamais croisés vraiment.
Tu répondais parfois, sans me regarder, ou en regardant au travers.
Comme si j’étais là sans y être,
Comme si tu sentais ma présence mais que tu ne savais pas quoi en faire.

Je t’ai cherché dans des gestes simples,
Tu étais un peu partout et nulle part.
Comme un courant d’air.
Tu passais, parfois, mais tu ne restais jamais.

Il n’y a pas eu de cris.
Tu n’as pas été cruel.
Tu n’as jamais haussé la voix.
Mais ce que j’ai ressenti, c’était une forme d’érosion lente.
Comme une pierre qu’on polit sans la casser.
Il n’y avait plus rien à quoi m’accrocher.
Plus de prise.
Tu m’as rendue lisse, transparente, sans même le vouloir.

Je pense que tu m’as aimée.
À ta façon.
Mais une façon que je ne comprenais pas.
Une façon qui ne me suffisait pas.

Et je ne t’en veux pas pour ça.
Je te pardonne d’avoir été absent.
Je me pardonne d’avoir été là malgré tout.

Je regarde mes mots s’aligner sur la page et je m’aperçois qu’ils me font du bien.
Je les écris pour ne plus les porter.
Parce que je ne veux plus continuer à t’écrire en silence quand je ferme les yeux la nuit.

Aujourd’hui, je ne t’attends plus.

Je crois que cette phrase-là, je l’ai attendue longtemps.
Je l’ai formulée dans ma tête, encore et encore, sans jamais pouvoir la dire.
Parce que je voulais croire que tu finirais par revenir vers moi.
Par t’éveiller. Par me voir.
Mais non.
Tu n’as pas su venir.
Et moi, j’ai trop su rester.

Et maintenant, il est temps de partir.
Pas de fuir.
Mais de se lever doucement,
De remettre sa veste,
De regarder une dernière fois derrière soi,
Et de fermer la porte avec calme.

Pas en claquant.
Non. Je n’ai plus d’énergie pour le bruit.

Juste en posant ma main sur la poignée,
Et en tournant doucement.
Parce que cette porte ne tient plus rien debout.
Parce qu’elle donne sur un vide que je ne veux plus habiter.

Je ne t’écris pas pour te blesser.
Je ne t’écris pas pour te secouer.
Je t’écris parce que je dois sortir de moi ce que tu ne sauras jamais entendre.
Et parce que je refuse désormais de parler dans un espace vide … à vrai dire, je ne t'écris pas.

Je me demande parfois si tu lis entre les lignes.
Si tu vois ce que je ne disais pas.
Mais je crois que non.
Tu regardais toujours ailleurs.
Ton regard était doux, mais absent.
Comme une musique belle mais lointaine.

Et moi, j’ai dansé seule, longtemps.
Mais je suis fatiguée.

Ce que j’ai aimé chez toi, je le garderai.
Ta pudeur. Ton calme.
Ta façon de m’écouter, parfois, les rares fois où tu étais là.
Tes silences n’étaient pas méchants.
Mais ils étaient trop vastes pour moi.

Il y a eu des moments tendres.
Des instants où j’ai cru qu’on allait se trouver.
Mais nous n’avons fait que nous frôler.
À chaque fois.
Et ce n’est pas suffisant.

Alors je me rends ce que j’ai donné.
Et je te rends ce que je t’ai prêté.
Les pensées, les attentes, les nuits à veiller à l’intérieur de moi.
Je les dépose ici.

Je ne te dois plus rien.
Et tu ne me dois rien non plus.

C’est cela, finalement, la fin d’un lien :
Ce moment où l’on cesse de tendre la main,
Non pas par colère,
Mais parce qu’on ne veut plus rester les bras suspendus dans le vide
.

Je me lève.
Je range la lettre dans une boîte.
Je ne la brûle pas.
Je ne la supprime pas.
Je la garde.
Mais je ne la relirai pas.
Elle est écrite.
Elle est là.
Et moi, je suis ailleurs maintenant.

Merci de m’avoir fait sentir, un temps, que j’étais capable d’aimer autant.
Merci d’avoir été cette personne espérée.
Même si tu n’as pas su l’être jusqu’au bout.

Et merci de ne pas m’empêcher de me retrouver.


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