Je n'avais jamais imaginé que ce silence, entre nous, deviendrait un mur ... 

Vois-tu, je l'attendais, cette déclaration. Une simple phrase, un souffle d'émotion qui aurait illuminé ce vide entre nous. Mais il n'est jamais venu. Les mots se sont dissipés dans l'air, suspendus, comme des étoiles mortes, ne laissant que leur ombre.

Je revois ce moment avec une clarté étrange. 

Nous étions assis, proches, mais loin, si loin dans nos pensées respectives. Je savais que ce silence pesait sur nous, mais je l'avais accepté. Peut-être trop. Nous n'avions plus besoin de parler, pensais-je. 

L'amour, c'était peut-être cela : une évidence qui n'a pas besoin de mots. Mais je me suis trompée. 

Car l'amour sans mots, c'est comme une mer calme qui cache sous sa surface des courants invisibles, puissants, prêts à engloutir tout ce qu'ils touchent. 

Je l'ai compris trop tard.

Je t'ai regardé, tu m'as regardée aussi, et il n'y avait rien à dire. Pourtant, tout était là, dans l'air, comme un nuage qui n'a jamais éclaté. Une déclaration qui attendait de se faire entendre, mais que nous avons laissée s'échapper. 

Les mots manquaient. Et dans leur absence, tout s'est effondré. Une absence  plus bruyante qu'une explosion, plus douloureuse qu'un cri.

Je voulais entendre « je t'aime » de ta bouche, une déclaration, un engagement, une promesse. 

Pas que tu devais me le dire, mais j'avais besoin de le savoir. Besoin d'une confirmation, d'une vérité qui me fasse m'accrocher à ce fil ténu de ce que nous étions, de ce que je croyais que nous étions. 

J'ai cru que tu le ressentais aussi. J'ai cru que, sans avoir à le dire, nous étions sur la même longueur d'onde. Mais ce n'était qu'une illusion. Le silence a pris la place des mots, et nous avons cru, tous les deux, que cela suffisait.

Peut-être que tu pensais qu'un simple regard aurait suffi, que l'amour se sentait dans l'air, dans la chaleur de nos gestes, dans la façon dont nos corps se retrouvaient chaque nuit. 

Mais l'amour, même dans sa beauté la plus pure, a besoin d'être dit. Il a besoin de sortir de nos bouches, de s'épanouir dans la lumière du jour, de se libérer de son fardeau. L'amour, sans l'expression des mots, est une promesse murmurée dans un rêve que personne n'entend. Et ce rêve, à un moment donné, s'éteint. Il meurt lentement.

Je t'ai attendu. Attendu de savoir si tu allais franchir ce pas, si tu allais me dire ce que j'avais besoin d'entendre. Mais non, tu n'as rien dit. Et je n'ai rien dit non plus. Nous étions prisonniers d'un jeu silencieux, un jeu de regards fuyants et de mots non dits, croyant que cela suffisait. 

Mais plus le temps passait, plus je ressentais ce manque. Ce vide qui s'installait entre nous, imperceptible au début, mais qui s'est élargi à chaque seconde. Les mots sont devenus des fantômes, des spectres dans notre relation. Ils se sont glissés entre nous, invisibles mais omniprésents.

Je pensais que, au fond, tu savais. Que nous n'avions pas besoin de parler pour savoir ce que nous ressentions. Mais chaque silence était une absence. Et cette absence m'a rattrapée. Petit à petit, j'ai compris que l'amour sans mots n'est pas seulement une absence de communication. 

C'est une forme de fuite. Nous fuyions, tous les deux, la vérité de ce que nous ressentions, fuyant le moment où il aurait fallu dire les choses, et les laisser s'envoler comme des plumes dans le vent.

Je ne te reproche pas, non. Parce que je n'ai pas agi non plus. J'ai attendu, moi aussi. Attendu de voir si tu allais franchir ce pas. J'ai cru que tu le ferais, que tu le ressentais aussi, que tu avais cette même peur de dévoiler ce que nous avions tous les deux à l'intérieur. 

Mais la vérité, c'est que nous avons tous les deux été trop effrayés. Nous avons pris le silence pour un refuge, mais le silence, ce n'est pas un refuge. C'est un piège. Et nous nous y sommes enfermé.

Si je pouvais revenir en arrière, je changerais tout. Je briserais ce silence. Je dirais les mots qui me brûlaient les lèvres, même si j'avais peur. Parce que ces mots, même si douloureux, sont nécessaires. 

L'amour se nourrit de ces mots. Il se nourrit de l'expression de ce que l'on ressent, même si c'est imparfait. Ces mots manquants sont devenus des fantômes, hantant mon esprit, me torturant à chaque instant. Ils sont restés là, suspendus, dans l'air entre nous, comme une promesse non tenue.

Je l'ai compris maintenant. Les mots qui manquent ne sont pas seulement des mots oubliés. Ce sont des promesses brisées, des occasions perdues, des vies suspendues dans un état d'attente interminable. 

J'aurais dû te dire ce que j'avais sur le cœur. J'aurais dû te dire que je t'aimais, même si c'était fragile, même si c'était effrayant. Mais au lieu de ça, je suis restée là, dans ce silence qui m'a dévorée.

Et toi, que ressentais-tu ? As-tu aussi ressenti ce manque, ce vide qui s'est installé entre nous ? Peut-être que tu m'attendais aussi. Peut-être que, comme moi, tu avais peur. Mais je n'ai pas su briser le silence. Et peut-être que, maintenant, il est trop tard. 

Parce que les mots que nous n'avons pas dits sont devenus des murs entre nous, des murs qui se sont élevés et qui, aujourd'hui, ne peuvent plus être détruits.