On croit toujours que les histoires d’amour finissent d’un coup.
Un mot.
Un départ.
Une disparition.
Mais ce n’est pas vrai.
Les histoires ne finissent pas : elles s’érodent.
Petit à petit.
Presque imperceptiblement.
Comme une pierre sous la pluie, qui perd ses angles sans qu’on le voie.
Il y a toujours des signes.
Le regard qui fuit un peu trop souvent.
Le corps présent mais tendu.
Les réponses plus courtes, plus sèches.
Le téléphone qu’on retourne face contre la table.
Les silences entre deux phrases, devenus plus longs que les phrases elles-mêmes.
Ce sont ces moments minuscules où l’on sent quelque chose changer,
mais où l’on choisit de ne pas s’arrêter.
Par peur.
Par fatigue.
Par habitude.
On sent que quelque chose glisse,
mais on se dit que ça ira.
Que c’est juste une mauvaise passe.
Que demain, ce sera différent.
Alors on se tait.
On sourit un peu plus fort.
On fait des gestes pour retenir,
là où il faudrait questionner.
Mais la vérité, c’est qu’on voit.
On voit quand l’autre ne nous regarde plus vraiment.
On voit quand on n’est plus attendu.
On voit quand nos mots tombent à plat,
quand nos “je t’aime” deviennent des formules sans écho.
On le voit.
Mais on ne veut pas voir.
Parce que voir, ce serait commencer à agir.
Et agir, ce serait risquer de perdre.
Et perdre, ce serait devoir recommencer.
Et ça, on n’a plus la force.
Alors on s’attache à l’illusion :
« C’est passager. »
« Il est fatigué. »
« Elle a des choses en tête. »
On s’accroche à l’idée que l’amour pardonne tout,
qu’il traverse tout,
qu’il suffit d’aimer pour que l’autre reste.
Mais aimer ne suffit pas toujours.
Il faut que l’autre soit là.
Présent.
Volontaire.
Disponible à la rencontre.
Les signes sont là,
souvent depuis le début.
Des hésitations.
Des “je ne sais pas ce que je veux”.
Des “je ne suis pas prêt”.
Des absences qu’on justifie pour eux.
Et toi, tu écoutes.
Tu comprends.
Tu excuses.
Tu patientes.
Mais à force de comprendre, tu oublies d’exister.
Tu réduis ta lumière pour ne pas déranger.
Tu marches sur la pointe des émotions.
Tu calcules tes mots pour ne pas l’effrayer.
Tu le ménages, tu t’effaces, tu t’ajustes.
Et un jour, tu te rends compte
que tu n’es plus toi-même.
Que tu n’attends même plus qu’il t’aime comme avant.
Tu attends juste qu’il te regarde encore.
Ce jour-là, il faut du courage.
Le courage de dire :
“J’ai vu. Et je ne vais plus faire semblant.”
Ce chapitre est pour toi,
si tu as vu et tu t’es tu.
Si tu as ressenti, et tu as mis de côté.
Si tu as senti ton cœur se rétracter un peu chaque jour,
en espérant que ça passerait.
Ce n’est pas un blâme.
C’est une reconnaissance.
Tu as aimé.
Et dans l’amour, parfois,
on accepte trop.
Mais il n’y a pas de honte à s’être trompé.
Il n’y a de tristesse que dans le fait de continuer à ignorer ce qu’on sait déjà.
Les signes ne mentent pas.
Ils parlent bas.
Ils n’accusent pas.
Ils murmurent.
Et quand on ne les écoute pas,
ils deviennent lourds.
Ils deviennent ce poids qu’on porte sans savoir pourquoi on est si fatigué.
Alors apprends à écouter les signes.
Pas ceux que l’autre t’envoie volontairement —
ceux que ton corps te souffle.
Ceux que ton ventre sent avant ta tête.
Ceux qui te disent : “Tu n’es pas là où tu te sens vivante.”
Et si tu hésites encore, écoute ton souffle.
Écoute ton sommeil.
Ton rythme.
Les signes sont parfois dans le corps avant d’être dans la pensée.
On tombe malade de ne pas vouloir voir.
Le cœur sait.
Il sait très tôt.
Et quand il commence à se refermer,
ce n’est pas une erreur.
C’est une tentative de survie.
On n’a pas besoin de drame pour se dire que c’est fini.
On n’a pas besoin de cris pour reconnaître que l’amour s’est absenté.
Parfois, il suffit d’un silence de trop.
D’un regard qui ne vient pas.
D’une phrase qui blesse et qu’on ne relève plus,
parce qu’on est trop usé pour répondre.
Alors, regarde.
Reviens sur les signes.
Pas pour avoir mal.
Mais pour comprendre.
Pour te restituer ta clairvoyance.
Tu n’es pas devenu fou.
Tu n’as pas inventé ce que tu as ressenti.
Tu as simplement cru que l’amour valait l’aveuglement.
Mais aimer, ce n’est pas se nier.
Aimer, c’est voir.
Et quand on voit que l’autre ne veut plus,
ou ne peut pas,
il faut savoir s’aimer assez pour ne pas rester.
On n’est pas faible parce qu’on s’en va.
On est lucide.
On ne manque pas d’amour.
On décide que l’amour seul ne suffit pas à vivre bien.
On refuse de continuer à perdre ce qui reste de soi dans une relation bancale.
Un jour, tu te souviendras.
Et tu te diras :
“J’avais vu. Mais j’ai eu besoin de vivre la douleur pour comprendre qu’il était temps.”
Ce n’est pas grave.
C’est humain.
Mais la prochaine fois, tu écouteras les signes.
Et tu partiras plus tôt.
Pas parce que tu seras plus fort.
Mais parce que tu seras plus en paix avec l’idée
que ce n’est pas à toi de lutter seul.