Le message est là, juste devant moi, posé sur l'écran. Je le fixe. Les mots défilent dans ma tête, mais aucune image ne se forme. Il n'y a plus d'images, seulement des fragments de souvenirs, des éclats de silence et des échos de rires passés. La lumière de l'écran projette une ombre sur mon visage, comme si elle voulait faire ressortir une vérité que j'avais tout fait pour fuir.
Ai-je été aveugle à ce point ?
Je commence à lire, presqu’en me forçant, cherchant à comprendre ce qui m'échappe encore.
« Salut ! Comment vas-tu aujourd'hui ? »
Elle commence ainsi, une douceur apparente, mais ce n'est qu'un voile léger qui cache l'inévitable. Le salut me frappe plus fort qu'il ne le devrait. Ce simple « aujourd'hui », me fait vaciller, comme si ce mot, pourtant insignifiant, renfermait tout ce que j'ai ignoré dans les jours passés. Aujourd'hui... comme si, hier, tout était encore possible, comme s'il y avait une chance qu'il en soit autrement. Mais non. Aujourd'hui tout est déjà trop tard. Elle est ailleurs et je suis là, avec mes questions qui restent sans réponse.
Est-ce que l'amour, ça s'arrête aussi facilement ?
Les mots suivants s'enchainent comme des promesses abandonnées. Elle parle de ce qu'elle a compris, de ce qu'elle a vu.
« J'ai compris en effet que d'une part mon cœur s'était lassé depuis un moment d'attendre quelque chose qui ne semblait pas venir... »
C'est comme un coup de poignard. Mon cœur se serre, mon souffle devient court. Elle a attendu, elle a espéré, et moi, j'ai échoué. Tous les mots qui suivent résonne dans ma poitrine. Elle a attendu, et moi, je n'ai jamais été là.
J'ai dit des mots, promis des choses, mais elles sont restées suspendues, rien de concret.
Et là, elle me le dit. Elle le pose, simple, comme une évidence. Elle s'est lassée. Et moi, je n'ai même pas compris la signification de ce mot, jusqu'à maintenant. C'est là que je vois. C'est là que je réalise à quel point l'amour peut devenir une attente insoutenable.
Elle poursuit, « ... quelque chose qui ne semblait pas venir ou qui, lorsqu'elle semblait venir, était sans cesse retenue par telles ou telles raisons qui m'étaient inconnues. »
Elle parle de raisons inconnues. Elle a souffert dans l'incertitude. Et moi, je l'ai laissée dans cette incertitude. Ces raisons que j'ai laissées flotter sans jamais les expliquer, ces doutes qui se sont accumulés sans que je fasse un geste pour les dissiper. C'était comme si j'avais cru que l'amour se ferait tout seul, sans effort, sans nécessité de clarifications. Mais elle me dit que ce n'était pas le cas. Et la douleur qui naît de cette vérité est une douche froide.
L'amour, c'est aussi avoir le courage d'être clair. Pourquoi ai-je attendu qu'elle parte pour comprendre cela ?
Puis, elle me dit : « J'ai même eu l'impression de te courir après... »
Cette phrase me brise. J'ai voulu la fuir sous toutes ses formes, croyant que l'attachement était quelque chose que l'on devait repousser, de peur d'être trop vulnérable. Mais elle... elle s'est épuisée à courir après un mirage. Elle a couru après une promesse que je n'ai jamais su tenir. Moi qui n'ai jamais su être présent ni répondre à ses besoins, Ai-je vraiment été l'homme qu'elle espérait ?
Elle poursuit, plus directe cette fois : « Maintenant les choses sont limpides pour moi. »
Le choc est brutal. Limpides, elle dit. Et moi, je suis noyé dans le flou, perdu dans les tourments de mon propre esprit. Elle sait ce qu'elle veut. Elle a fait le tri dans sa vie. Et moi, je suis là, avec mes hésitations, avec mes questions sans fin. Mais le pire dans tout cela, c'est qu'elle a accepté la fin avant même que je puisse comprendre ce qui se passait. Elle a trouvé la clarté dans cette situation, alors que moi, j'étais trop paralysé pour voir quoi que ce soit ; accepter ce qui est évident, même quand on ne veut pas le voir...
Elle ajoute alors, presque comme une libération : « D'un point de vue sentimental, je ne t'attends plus et tu ne peux plus rien espérer de moi non plus. »
Je souris, mais ce n'est pas un sourire heureux. Il est amer, cruel, presque cynique. Elle a raison. Elle a été patiente, plus patiente que moi. Elle a compris avant moi. Et j'ai l'impression que je n'aurai jamais tout à fait compris, jamais trouvé les bons mots, jamais trouvé le bon moment. Je savais, je savais qu'il y avait des failles, mais je n'ai pas su les combler. Et voilà où nous en sommes.
C'est la fin. La fin de tout. Je n'ai plus de place dans son cœur. Plus de place dans son esprit. Je ne suis plus qu'un souvenir parmi d'autres. Un souvenir qui ne fait plus mal, qui se fait oublier avec le temps. Il y a un vide en moi, mais il est trop tard pour réparer. Elle a décidé. Elle n'attend plus rien. Elle n'attend plus moi. Et ça, ça fait mal. Mais c'est aussi ce qui me réveille.
Enfin, elle termine sur une note plus douce, presque nostalgique : « Ce fût un plaisir d'essayer de créer une histoire solide avec toi, et même si ça n'a rien donné, on aura fait de notre mieux. »
Cette phrase me fait mal d'une manière indescriptible. Parce qu'elle n'est pas juste un adieu, elle est l'acceptation de l'échec. On aura fait de notre mieux. Pourtant, ce mieux n'a pas suffi. J'ai l'impression de me noyer dans ces mots.
Aimer, c'est aussi savoir quand il est temps de partir
Je laisse le message reposer sur l'écran. Il est là, devant moi, comme un miroir brisé. Et dans chaque éclat, je vois un peu de moi, un peu d'elle. Il me faut du temps pour tout digérer. Je respire profondément, encore et encore. Les mots m'étouffent, mais je dois les affronter. Parce qu'ils sont tout ce qui reste de nous.
Je vais répondre, mais pour l'instant, je ne suis pas capable de formuler quoi que ce soit. Pas encore. Pas tant que cette question persiste : comment dire la fin, quand tout a été dit et redit, mais que rien ne semble jamais assez précis pour rendre justice à ce que nous avons été ?
C'est ainsi que commence mon monologue. Dans le silence des mots qui restent suspendus. Dans la quête d'une réponse que je ne suis pas certain de vouloir donner. Mais il faut bien finir. Il faut bien donner un dernier mot à cette histoire.
Dans chaque mot qu'elle a écrit, je vois un reflet de tout ce qui a échoué. Et dans ma réponse, je chercherai une vérité. Une vérité que, peut-être, elle et moi n'avons jamais su trouver ensemble.
Alors, je commence enfin ...