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MP_Blake
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CHAPITRE 3

L’ÉVEIL

L’assassine

Cette nuit-là, encore, je n’arrive pas à dormir. Ma chambre est trop obscure, trop oppressante. Il y fait chaud comme dans un sauna. Et puis, une sensation rampante me dévore les mains. Quelque chose grouille sous ma peau, comme si une nuée d’aiguilles cherchait à s’en échapper. Ça pulse, ça brûle, ça me démange de l’intérieur. J’essaie de bouger les doigts, mais une décharge fulgurante remonte jusqu’à mes poignets. Crispés sur les draps, mes mains s’accrochent au tissu, comme si je pouvais extirper la douleur en le déchirant de toute ma force.

Depuis ma rencontre avec Kyle, il y a trois jours, j’ai ces fourmillements désagréables. Au début, je pensais que c’était un effet secondaire temporaire dû au changement d’environnement, seulement ça dure, et je ne sais pas quoi en penser. Je pourrais aller à l’infirmerie, mais l’idée que des robots me dissèquent les mains ne m’enchante pas vraiment.

Je serre les dents, retenant un cri de colère. J’ai connu la douleur sous toutes ses formes, mais celle-ci est différente. Viscérale. Étrangère. Un frisson me traverse l’échine. J’ai besoin de me lever, de marcher. De respirer autre chose que cet air poisseux. Un chocolat chaud m’aidera à me calmer. Ça peut paraître stupide, mais c’est une habitude que ma grande sœur m’a laissée. Elle m’en préparait toujours quand je n’arrivais pas à dormir… avant qu’elle ne disparaisse. Un sentiment de solitude me submerge. Qu’est-ce qu’elle dirait si elle me voyait ?

Je quitte mon lit, mes pieds nus touchant le sol glacé. Je frissonne et tire mon tee-shirt sur mes cuisses comme si ça allait me réchauffer. Sur la pointe des pieds, je me glisse dans le couloir obscur seulement éclairé par les LED en veille. Mes pas sont silencieux, une sorte de compétence furtive que j’ai acquise avec le métier. Je ne veux pas réveiller les autres que j’entends ronfler comme des tronçonneuses à travers les parois.

La cuisine est vide à cette heure tardive, même les robots ne sont pas là. J’allume la bouilloire, sors une tasse et y verse le contenu poudreux d’un sachet. L’odeur familière du cacao me serre la gorge. Ça faisait longtemps que je n’avais pas fait ça. En prison, le chocolat chaud est un luxe auquel je n'avais pas droit.

Ma boisson prête, je décide d’aller ailleurs, dans un endroit plus frais, où je sais que je ne serai pas totalement confinée, du moins pas dans mon esprit. La baie de chargement est l’endroit idéal : vaste, froid, et surtout, je n'y trouverai personne, à part les robots en pleine charge.

Je m’installe sur une caisse métallique, la tasse entre les doigts, et fixe les étoiles à travers le long hublot. Elles me paraissent si lointaines… Inaccessibles. Comme ma sœur. J’essaie de comprendre pourquoi je me sens si mélancolique tout à coup. Alia est morte depuis quatorze ans, mais elle me hante encore. Je regrette, je me sens coupable et bien sûr, je suis rongée par le fait d’être encore en vie. Moi aussi, j’aurais dû mourir ce jour-là, et pourtant… j’ai survécu. Dieu seul sait à quel point j’aurais aimé partir avec elle. Ou prendre sa place.

Je soupire, prends une gorgée de chocolat.

Pourquoi je suis encore là et pas elle ? Je me sens si seule, abandonnée, vide. Une partie de moi s’est envolée avec elle et depuis, la vie a un goût de rien. J’ai envie de croire que la rédemption sera la clé de ma libération, aussi bien physique que mentale, mais j’en doute. J’ai commis trop d’horreurs, d’actes impardonnables. J’ai agi par vengeance, mais à quel prix ? J’ai perdu mon humanité, ma capacité à ressentir de l’empathie, de l’amour. Tout ça accentué par le fait que je ne crois plus en rien, même pas en la vie.

Un bruit de pas me sort de mes pensées. Mon corps se tend immédiatement. Je ne bouge pas, mais chaque muscle est prêt à réagir. J’attends, priant pour que ce soit mon imagination qui me joue des tours.

Mes espérances sont de courtes durées.

Kyle émerge lentement de l’obscurité, tel un démon des enfers. La céramique de la tasse craque sous mes doigts crispés. Pourquoi faut-il que ce soit lui dans un moment pareil ? Je me recroqueville, cachant mes jambes nues derrière mes bras. Peut-être que si je ne dis rien, il partira.

— Tu n’aurais pas dû t’éloigner de ta chambre, ricane-t-il entre ses dents serrées.

Je souffle sur mon chocolat chaud, lasse.

— Laisse-moi tranquille, Kyle. Ce n’est pas le moment.

Un sourire tord le coin de ses lèvres, mais ce n’est pas un sourire amusé.

— J’ai réfléchi à notre dernière discussion, dit-il en s’arrêtant près de moi. Je trouve que tu t’en es trop bien sortie. Et je n’ai pas envie de te laisser t’en tirer comme ça.

L'exaspération m'arrache un soupir agacé.

— Je viens de te dire que ce n’était pas le moment, je crache en plantant mes yeux dans ses pupilles étincelantes. Dégage !

Il ne répond pas, mais son corps parle pour lui. Je vois ses muscles se tendre et, en une fraction de seconde, il est sur moi. Mon corps réagit avant même que mon cerveau ne traite l’attaque. Je lui balance ma tasse en plein visage, mais il l’écarte d’un revers de bras. La céramique explose sur le sol, tapissant les installations de chocolat. Pas le temps de s’attarder, je riposte.

Mon poing s’écrase contre ses côtes, mon genou remonte vers son menton. Des coups calculés, précis. Même sans arme, je suis redoutable. Il devrait être à terre... mais il ne bronche pas. Il encaisse, ce petit sourire narquois toujours pendu à ses lèvres. Je serre les poings, un sentiment de faiblesse me submergeant comme une vague étouffante. Il aurait dû sentir la douleur. Reculer, au moins. Je vois son air amusé, et je sens l’agacement monter en même temps que la peur. Contre lui, je ne peux rien.

Je recule d’un pas, le cœur battant. Ses muscles roulent sous sa peau, prêts à frapper de nouveau. Mon instinct me hurle de ne pas engager le combat de front, mais qu’est-ce que je peux faire d’autre dans ce cas ? Je l’observe, cherchant une faille, une ouverture. Son centre de gravité est bas, ses épaules détendues… Il est confiant, sans peur.

J’esquive un mouvement, mettant le plus de distance entre nous. Son poing fend l’air à quelques centimètres de mon visage. Il ne rigole pas. Je tente de pivoter, d’éloigner mes points vulnérables, mais il s’adapte immédiatement. Tous mes sens sont en alerte. Il bouge trop vite et la fatigue me ralentit. Je sais que je ne dois pas le laisser m’atteindre, sinon c’est fini pour moi. Pourtant, j’hésite. Je dois être stratégique. Observer, analyser, trouver un angle mort, un point faible.

Il attaque encore, plus sournoisement. J’évite son coude, baisse la tête pour esquiver un crochet qui aurait pu me sonner. Mais il enchaîne sans relâche, réduisant la distance entre nous comme si son but n’était pas de me blesser, mais de m’attraper. Je tente une feinte, il ne mord pas.

— Pas mal, concède-t-il dans un petit rire essoufflé. Mais pas suffisant.

Il joue avec moi. Je vois le piège trop tard. Son regard brille d’une lueur amusée quand son pied frappe l’intérieur de mon genou. Mon équilibre vacille. Il en profite.

Il attrape mon poignet et me fait pivoter avec une force qui me coupe le souffle. Mon dos heurte violemment le sol, le choc m’arrache un cri saccadé. Avant que je ne puisse réagir, il est sur moi. Une de ses mains bloque mon bras gauche, sa jambe écrase mon bras droit, et son corps entier m’immobilise. Je ne peux plus bouger, prise au piège.

Complètement coincée.

Sa main brûlée se pose sur ma joue, écrasant mon visage contre le sol froid. Je grogne, me débats, en vain. Même parler m’est impossible.

— Tu es à moi, maintenant, murmure-t-il, sa voix vibrante d’excitation.

Il plonge son visage dans mes cheveux, inspire lentement leur odeur. Un frisson de dégoût me traverse. Je lutte, mais je suis coincée. Je sens tout son corps contre moi. Chaque muscle. Chaque mouvement. Même… les émotions que lui procure cette domination totale.

Son sexe se tend, durcit à mesure qu’il exulte.

Un électrochoc me traverse. La panique, froide et brutale, s’empare de mon esprit. Pour la première fois depuis longtemps, je ressens une peur profonde, un sentiment qui me paralyse et qui me fait du bien à la fois.

Je ressens quelque chose.

Kyle rit doucement, presque tendrement, et glisse une mèche de mes cheveux entre ses doigts. Ses prises se relâchent, et sa main descend lentement, caressant ma joue du bout des phalanges. Puis il embrasse mon cou, juste sous mon oreille, et la chaleur de son souffle me fait frissonner.

C’est déroutant. Inattendu.

Je respire fort, incapable de réfléchir correctement. Pourtant, après chacun de ses gestes, mon corps, contre toute logique, se détend. Personne ne m’a jamais touchée comme ça. Personne ne m’a jamais fait ressentir ça.

Les hommes dans ma vie n’ont jamais été doux. Jamais patients. Ce n’était que de la force brute, de l’impatience, de l’asservissement. Je ne sais pas quoi faire de ça, de cette caresse trop légère pour être une menace. Mais ce n’est pas un signe de clémence. Kyle est comme tous les autres, ce n’est qu’un masque. Il joue. Il savoure. Avant de porter le coup de grâce.

Soudain, ses doigts s’agrippent à ma mâchoire, et il m’oblige à le regarder. Ses pupilles sanglantes étincellent, pétillantes d’excitation.

— Lâche-moi, j’articule, malgré ses doigts qui compriment mes joues.

— Plus jamais, ronronne-t-il, son nez effleurant le mien.

Je sens alors une décharge sur ma gorge, un flash qui illumine ses dents injectées de bave. Un crépitement bleuté éclate sous mes paupières. Une brûlure fulgurante. Kyle s’arrête net, me relâche brusquement. Il fixe sa main, les yeux écarquillés.

— C’est quoi ce…

Je ne lui laisse pas le temps de finir, je saisis ma chance. Je le repousse de toutes mes forces. Mes muscles brûlent, mes membres craquent, c'est au-delà de mes limites. Soudain, une chaleur étrange s’empare de moi, viscérale, incontrôlable. Mon corps tremble sous une énergie brute que je ne comprends pas. Et puis, sans prévenir, une onde de choc explose de mes mains.

Kyle est projeté à travers la pièce. Son corps percute violemment une rangée de robots qui s’effondrent dans un fracas métallique.

Je reste allongée, haletante, les mains levées. Je ne sens plus rien. Plus de douleur, de brûlure rampante ou de picotements. Tout ce qu’il me reste, c’est une fine pellicule translucide qui recouvre mes mains, comme une seconde peau.

Je n’ai pas le temps de me questionner, Kyle émerge de dessous les carcasses inanimées, les faisant voler autour de lui. Il avance vers moi, menaçant, ses mains sont rougeoyantes, comme si elles allaient prendre feu. Il ne semble pas le remarquer, jusqu’à ce que des crépitements en sortent. Il les lève devant lui, les fixant avec agacement.

— Putain, c’est quoi ce bordel, grogne-t-il en frottant ses doigts.

Des étincelles jaillissent de ses paumes tendues dans un craquement effrayant, illuminant d’une lueur rouge sa silhouette. Par reflexe, il dirige ses mains vers le sol. Un robot à ses pieds explose dans une détonation assourdissante, projetant des morceaux de titane tout autour de lui. Il recule, titube, ses yeux passent de ses mains à moi, et je comprends ce qu’il ne dit pas.

Une voix glaciale et mécanique retentit soudainement au-dessus de nos têtes, claquant comme un coup de fouet.

« Phase d’éveil activée. »

Je devine sans mal qu’il s’agit de l’IA. Je ne savais même pas qu’elle pouvait s’adresser à nous directement, mais je ne suis pas étonnée que ça se produise. Inconsciemment, nous levons la tête vers le plafond, cherchant d’où provient la voix.

« Bonjour, détenus. Vos capacités viennent de s’éveiller, fruit d’une hybridation génétique avancée combinant votre ADN humain à des séquences extraterrestres. »

Ces mots résonnent dans ma tête, et je comprends que l’on s’est servi de nous comme de cobayes avant notre départ.

« Chaque individu possède une aptitude unique, activée par le Souffle Spatial et l’entrée dans l’exosphère. Les capacités sont les suivantes :

Kathy, détenue 4593-FD, manipulation de l’eau, capacité à contrôler l’eau et à la transformer sous toutes ses formes.

Amyris, détenue 0312-FD, télékinésie, capacité à faire léviter la matière et à manipuler l’air.

Vania, détenue 2678-FD, manipulation du feu, capacité à contrôler et à générer des flammes.

Kaï, détenu 7819-HD, bouclier, capacité à durcir la peau.

Viktor, détenu 1563-HD, invisibilité et perméabilité, capacité à disparaître et à traverser la matière.

Anna, détenue 3148-FD, manipulation des végétaux, capacité à contrôler et créer des plantes.

Eden, détenu 9427-HD, manipulation subatomique, capacité à créer et manipuler la matière.

Kyle, détenu 5729-HD, déflagration, capacité à générer des explosions. »

La voix continue, froide et sans émotion, comme si ses mots n’avaient aucun impact. Comme un programme automatique récitant une liste d’inventaire.

« Ces aptitudes ont été conçues pour maximiser votre adaptabilité en milieu spatial et faciliter votre intégration sur Terra Firma II. Exploitez-les à leur plein potentiel, et vous serez récompensés. »

Puis, le silence retombe brutalement.

Nous restons immobiles, figés par ces révélations terribles. Le regard de Kyle est perdu dans le vide, dénué de toute émotion. Quant à moi, j’ai l’impression que mon crâne va exploser, que mes pensées se pulvérisent sous le choc. Je serre mes bras autour de moi, comme si ça pouvait contenir l’horreur qui se propage dans mes veines.

Ils nous ont modifiés. Ils nous ont… transformés, comme si nous n'étions que des vulgaires machines.

Les questions se bousculent, mais les seuls en mesure de nous donner les réponses se trouvent à des centaines de milliers de kilomètres, sur Terre. Les salauds… Ce qu’ils nous ont fait n’a rien d’humain, rien de normal. Peu importe si ces pouvoirs sont dignes des plus grands héros, ils nous les ont implantés sans notre consentement. Tout ce que je ressens maintenant, c’est une perte totale de mon humanité et un goût amer de trahison.

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