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CHAPITRE 15

L'OMBRE D'UN DOUTE

L'exécuteur

Je rejoins les autres dans la salle de sport, où ils sont tous immobiles devant le cadavre d’Anna qui baigne dans une mare de sang. C’est une vue à vomir pour n’importe qui d’autre que moi. Je n’ai plus compté le nombre de morts que j’ai vu au cours de ma vie, et certains étaient bien plus immondes que ça. La tristesse et le désespoir imprègnent les murs et les visages, figés comme des statues grotesques devant cette scène macabre. C’est comme un coup de tonnerre qui s’abat sans prévenir ; la mort vient de se tailler une place parmi nous.

Kathy, les yeux écarquillés, presse une main tremblante contre sa bouche, luttant pour étouffer un sanglot déchirant. Vania s’accroche au bras de Viktor, des larmes de crocodile aux coins des yeux, tandis que lui se contente de fixer le corps avec un air grave.

Je reste en retrait, appuyé contre le montant métallique de la porte, tout près de mon frère qui a la même expression que moi. Indifférent. Les sanglots étouffés résonnent, les regards se détournent, et quelques murmures de chagrin coupent le silence. Seule Amyris reste impassible, plantée là comme une statue de marbre, le regard froid et vide. Ce n’est qu’un masque, je le vois dans ses petits yeux brillants, ronds comme des billes. Cette vision semble faire remonter des émotions enfouies, des traumatismes. Elle bat des cils, se détourne pour regarder le mur opposé, où le sang frais dégouline, mélangé à des morceaux de cervelle qui ruissellent jusqu’au sol. J’entends les nettoyeurs robotiques arriver dans le couloir. Ils vont probablement balancer le corps par le sas de décompression, avec ceux des pilleurs, avant de tout nettoyer.

Je lance un dernier regard au corps d’Anna. Sa perte, ajoutée à celle d’Eden, est un échec cuisant. J’ai presque honte d’avoir été aussi impuissant. Une colère froide bouillonne en moi, et je m’efforce de la cacher derrière une façade d’indifférence. Les autres pourraient croire que ça me fait quelque chose.

Je ne connais rien de cette femme, ni de son histoire, ni de ses rêves, mais je trouve ça inconcevable qu’elle se soit faite tuer si facilement. Eden... Putain, comment il a pu la laisser crever ? Je ne sais pas ce qui me fout le plus en rogne : qu’il se soit fait capturer ou qu’il n’ait pas levé le petit doigt pour la défendre. On a des pouvoirs, bordel. Tu en fais quoi dans ces moments-là ? Tu les oublies ? Je ne comprends pas comment on a pu en arriver là alors qu’on est bien plus puissants que ces salauds, même en étant en infériorité numérique. Peut-être qu’il est juste trop faible pour être avec nous. Trop lent. Trop sentimental.

Les pleurs et les lamentations des autres me mettent encore plus en rogne. Leur réaction est exagérée. Pourquoi faire autant de cinéma pour une femme qu’ils connaissaient à peine ? Nous savons tous qu’Anna et Eden préféraient rester ensemble, loin des autres. On pourrait même se demander s’ils en avaient quelque chose à faire de nous.

L’agacement monte en moi comme une marée noire. Je les laisse s’apitoyer et retourne dans ma chambre, en attendant que l’instant déprime passe. J’ai besoin de me calmer après ce combat. Mes paumes, encore chaudes, ne me démangent plus, mais la rage est toujours là, sourde et implacable. Nous avons perdu cette bataille malgré tous nos avantages, et c’est inacceptable. Je n’ai jamais subi une telle défaite de ma vie, pas même en étant au bord de la mort. Tout ça à cause de ces faiblards qui me servent d’équipiers ! Mon poing s’abat sur la paroi en face de moi.

Au même moment, une demande de communication retentit, me faisant sursauter. Je comprends que je suis le seul en mesure répondre. Les autres sont encore trop secoués pour réagir.

— Putain ! grogné-je, en faisant demi-tour, ma colère bouillonnant un peu plus à chaque pas.

L’hologramme d’un homme en costume noir flotte au milieu du pont de commandement, en attente d’une réponse vocale. J’imagine qu’ils ont dû recevoir un rapport de l’IA. Je serre les dents en voyant ce connard en costard-cravate, raide comme un piquet. Il ressemble à tous ces types qui se cachent derrière leurs bureaux pendant que leurs subordonnés crèvent sur le terrain. Il soupire d’impatience, regardant sans cesse sa montre bling-bling. J’accepte sa demande de communication, même si la tentation de raccrocher me brûle les doigts.

— Détenu 5729-HD, déclare-t-il sans préambule. Expliquez-moi la situation.

Je me retiens de l’envoyer se faire foutre, et lui raconte l’attaque brutale des pilleurs, la mort d’Anna, la capture d’Eden et enfin, l’état déplorable du vaisseau, non sans dissimuler ma colère. Chaque mot me fait bouillir un peu plus, mais lui, il reste de marbre, comme s’il était au-dessus de tout ça.

— Nous allons traiter cet incident comme une situation fâcheuse, dit-il d’un ton détaché. Un simple contretemps. Vous devez rester concentrés sur l’objectif principal de la mission et vous rendre au plus vite sur Terra Firma II.

Contretemps ? Il se fout de ma gueule ? Je ne peux plus me retenir, j’explose.

— Vous n’avez rien compris, bordel ! je hurle, ma voix résonnant dans la pièce exiguë. On a failli tous y passer !

— Je vous entends, répond-il d’une voix plate. Mais notre priorité reste la mission. Ce genre de perturbations mineures ne doit pas affecter nos objectifs.

Des perturbations mineures ?

Je ne peux pas croire qu’il ait dit ça. Je me lève d’un bond, la chaise derrière moi s’écrase au sol dans un fracas assourdissant. Mes poings se serrent, le sang pulse dans mes tempes. Si ce mec était en face de moi, je lui aurais déjà refait le portrait.

— T’es complètement sourd ou quoi ?! Si on crève, y a plus de mission, espèce d’abruti !

— Détenu 5729-HD, surveillez vos paroles, m’avertit-il froidement. N’oubliez pas que votre vie ne tient qu’à une impulsion électrique. Encore un mot de travers, et vous ne parlerez plus jamais.

Sa menace fait monter ma tension, à tel point que je vois rouge, mais je reste encore et toujours impuissant. Ce n’est pas un humain que j’ai devant moi, c’est une machine sans âme. Il n’en a rien à faire qu’on risque nos vies. Tout ce qui compte, c’est l’objectif, la mission, le fric ou je ne sais pas quoi d’autre.

— Calmez-vous, poursuit-il en me toisant à travers l’hologramme. Cette situation ne se reproduira probablement plus. C’est un cas très rare et exceptionnel.

Je le fixe, les poings tremblants, sachant que continuer à m’emporter ne servira à rien. Ce type a déjà tourné la page. Et avant que je puisse répliquer, la communication se coupe.

Je reste là, debout dans cette pièce vide, à hurler intérieurement. Le son froid de l’hologramme qui s’éteint résonne dans ma tête comme un rappel de tout ce que je déteste dans ce monde. Tout ça à cause de ces connards en costard. Une colère brûlante, sauvage, me submerge, pire que tout ce que j’ai ressenti jusqu’à maintenant. C’est une spirale infernale de rage incontrôlable qui m’aveugle presque, et je dois m’appuyer contre le mur pour ne pas m’effondrer. La douleur est comme une torture lancinante qui me vrille le crâne. Je secoue la tête, cherchant à retrouver un semblant de raison et me calmer. Moi qui avais trouvé un semblant de calme en me déchaînant sur les pilleurs, je me sens de nouveau prêt à tout ravager. Mon regard furieux tombe alors sur Amyris qui passe par là, le visage blême et les yeux cernés.

Ma petite poupée. Enfin à portée de main.

La vue de son visage ravive en moi une flamme de désir incontrôlable, et je peine à la contenir. J’ai attendu ce moment depuis des jours, et il est presque dommage qu’il survienne maintenant. Je sais que je devrais la laisser tranquille, en partie à cause de la colère qui me pousse, mais l’envie est trop forte. Elle va regretter de m’avoir privé de mon divertissement autant de temps.

Elle détourne rapidement les yeux et poursuit son chemin. Si elle croit que je vais la laisser partir… Je m’avance vers elle et remarque immédiatement son recul, presque instinctif, comme une proie qui sent venir le danger. Je vois ses yeux noisette fatigués briller un instant, remplis de ce regret et de cette angoisse qui me font perdre les pédales.

Sans réfléchir, je l’attrape par le bras et la pousse contre le mur, la coinçant dans un angle étroit. Mon regard est enflammé, ma respiration lourde et saccadée. Je sens mes muscles se tendre sous l’effet des émotions qui me portent. Mon cœur bat si fort que je sens la veine sur mon front pulser.

Pour la première fois, je la sens trembler comme une feuille. Ça me donne une sensation étrange, comme une montée d’adrénaline, une vague de chaleur qui envahit mon corps. Pendant tout ce temps, elle m’a donné l’impression d’être inébranlable, indomptable. Et pourtant, aujourd’hui, je vois clairement la fissure, plus nettement que jamais. Elle est perdue. Fragile. Abattue. Elle se révèle enfin, la vraie Amyris. Et c’est parfait. J’ai besoin de me libérer, d’exprimer ce que je ressens, peu importe le moyen. Et je m’arrêterai seulement quand je serai entre ses cuisses, vidé de tout mon ressentiment.

Ses yeux se lèvent vers moi, pleins d’innocence et de tristesse. Mon cœur se serre, je ressens tout ce qu’elle ne dit pas.

— Ne me regarde pas comme ça, craché-je, ma voix claquant dans la pièce vide. Tu aurais dû être avec eux. Au lieu de rester dans mes pattes, t’as servi à rien. Rien du tout !

Elle sursaute à mes mots, son corps se tendant sous ma poigne. Je m’attends à ce qu’elle essaie de se dégager, mais elle se contente de baisser la tête.

Pourquoi ?

Je croyais qu’elle réagirait à ces mots, que remettre la faute sur elle me déchargerait un peu. En réalité, je l’ai à peine vue pendant la bataille, trop occupé à dégommer des têtes. Et Anna et Eden ? Je m’en fiche royalement, ce sont des inconnus pour moi. Mais la culpabilité ronge mes entrailles. Je sais qu’elle n’est pas à l’origine de ma colère, que l’attaque des pilleurs et la disparation des deux tourtereaux n’y sont pour rien non plus. Les seuls responsables sont l’autre abruti avec son déguisement de pingouin et… moi, pour ne pas avoir été assez fort.

Et si ça avait été Amyris à la place d’Anna ?

Cette pensée me fait serrer les dents. Non. Je refuse de laisser ce genre de conneries rentrer dans mon cerveau.

Malgré mon trouble, je vois une lueur d’agacement se dessiner dans ses pupilles dilatées.

— Pourquoi tu t’en prends à moi ? murmure-t-elle d’une voix chevrotante. Ce qui s’est passé n’est pas de ma faute, alors laisse-moi tranquille. Rien n’est de ma faute.

Je fais un pas menaçant vers elle. Nos visages se touchent presque. Je sens son souffle court sur ma peau et ses yeux brûlants, qui finissent par flancher. Elle a l’air à bout de force, mentalement, et je compte bien m’en servir contre elle, même si ses derniers mots continuent de flotter dans ma tête. Qu’est-ce qu’elle sous-entend réellement ?

— Tu es responsable de ce que tu ressens pour moi, soufflé-je au creux de son oreille.

Un voile assombrit son visage de porcelaine. Dans ma paume moite, je sens son pouls battre plus vite, aussi vite que le mien.

— Tu sais quoi, Kyle ? lâche-t-elle, ses paupières se fermant. Fais ce que tu veux, ça m’est égal. Mais soit sûr d’une chose, je ne ressens rien pour toi à part du dégoût.

La rage qui m’enflamme est à son paroxysme, jusqu’à ce qu’elle se fige dans une explosion intérieure. Un vide m’envahit alors. Elle est là, les yeux à demi éteints, me renvoyant l’image de son abandon voilé. Ça me déstabilise plus que je ne veux l’admettre. Ma main tremble légèrement quand je la presse contre le mur. Pourquoi ce doute ? Pourquoi cette étrange sensation, comme si un autre sentiment prenait place ? Qu’est-ce qui me plaît vraiment dans sa résistance, au fond ? Mon souffle tiède, emplit de désirs inassouvis, glissant le long de sa joue me ramène à la réalité.

— C’est un peu trop facile… Presque décevant. Mais si tu crois que je vais me contenter de ça ! T’es à moi, poupée, je chuchote, mes lèvres effleurant sa peau. Tu m’entends ? Tu m’appartiens, que ça te plaise ou non... Et tu finiras par m’aimer.

La possessivité me submerge, écrasant tout le reste. Je perds le contrôle, j’en suis conscient, mais incapable de reprendre le dessus. C’était exactement ce qu’il fallait éviter. Je risque de me perdre dans mes propres paroles, et je devrais arrêter le carnage immédiatement. Oui, mais je n’en ai aucune envie. Tout ce que je désire, ici et maintenant, c’est elle.

Et elle, qu’est-ce qu’elle veut ? Qu’est-ce qu’elle cherche ?

Je vois clairement la résignation dans ses yeux. Elle ne rétorque même pas. Son corps se presse contre le mien. Elle est tiraillée, perdue entre l’envie et la répulsion. C’est ça, la vraie puissance que j’ai sur elle. Son menton tremble, c’est presque imperceptible. Elle mordille sa lèvre inférieure tandis que ses yeux fuient ma présence. Elle n’a pas encore totalement renoncé, et ça me plaît.

— Je te hais. Je te déteste pour ce que tu es... Pour ce que tu fais… souffle-t-elle enfin d’une voix éraillée, si faible que c’est à peine un murmure.

Mais même dans ce chuchotement étouffé, je sens une force qui m’échappe.

Elle bat des cils un instant, puis son regard plonge dans le mien. Je le soutiens, fasciné par cette fragilité qu’elle ne cache plus. Pourtant, ça ne m’arrête pas. Ça ne fait que nourrir ma détermination, mon excitation insatiable.

— Mais je ne t’aimerai jamais. Tu peux prendre mon corps, mais tu n’auras jamais mon esprit. Tu es un monstre, et j’aurais aimé que ce soit toi qui crèves à la place d’Anna.

Ces mots résonnent en moi, me percutent de plein fouet. Pas le passage où elle souhaite ma mort, non, celui où elle m’autorise à prendre son corps. Mon sang se glace avant de redevenir chaud. Tous mes sens sont en éveil. Elle l’ignore, mais elle vient de faire une grosse erreur. Elle vient de me donner ce que je voulais : son accord pour la posséder.

Je ne dis rien, je la traîne à travers le couloir menant aux chambres.

— Qu’est-ce que tu fais ? s’égosille-t-elle au creux de mes bras. Lâche-moi !

Elle se débat, trop faiblement pour réellement me blesser. Trop tard. Je la maintiens serrée contre moi, comme si c’était la seule chose qui m’empêchait de me briser. J’entends à peine ses supplications, et je ne sens rien d’autre que le feu qui me consume. Mes pensées sont en vrac, mon esprit brouillé. Un tumulte d’émotions s’agite en moi, et je sais que la seule façon de le chasser, c’est de le remplacer par quelque chose d’encore plus fort. Et ce quelque chose, c’est elle.

Autour de nous, tout est en désordre, témoin de la violence avec laquelle nous avons été attaqués. Le bruit sourd des mécanismes du vaisseau rythme notre course jusqu’à ma chambre. Tout est comme je l’ai laissé : plongé dans l’obscurité et le chaos. Je l’y balance sans ménagement, la porte claque derrière moi, faisant trembler les murs de papier. Elle regarde autour d’elle, complètement perdue, avant que ses yeux ne croisent les miens. Je sens cette douleur lancinante entre mes jambes, cette envie dévorante qui monte en moi. Ma queue est dure comme du fer, gonflée par une rage sexuelle incontrôlable. Tout ce que je ressens converge vers elle. Et je sais que je vais enfin me libérer.

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