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1 - Avant-propos
2 - Chapitre 1
3 - Chapitre 2
4 - Chapitre 3
5 - Chapitre 4
6 - Chapitre 5
7 - Chapitre 6
8 - Chapitre 7
9 - Chapitre 8
10 - Chapitre 9
11 - Chapitre 10
12 - Chapitre 11
13 - Chapitre 12
14 - Chapitre 13
15 - Chapitre 14
16 - Chapitre 15
17 - Chapitre 16
18 - Chapitre 17
19 - Chapitre 18
20 - Chapitre 19
21 - Chapitre 20
22 - Chapitre 21
23 - Chapitre 22
24 - Chapitre 23
25 - Chapitre 24
26 - Chapitre 25
27 - Chapitre 26
28 - Chapitre 27
29 - Chapitre 28
30 - Épilogue
31 - Chapitre Bonus I : Le traqueur
32 - Chapitre Bonus II : Avant l’immortalité
33 - Chapitre Bonus III : Renaissance
34 - Chapitre Bonus IV : La perle d’Athènes
35 - Chapitre Bonus V : Les ressentiments de Kebi
36 - Chapitre Bonus VI : Les Volturi
37 - Chapitre Bonus VII : Le renversement des Roumains
38 - Chapitre Bonus VIII : Le colosse français
39 - Chapitre Bonus IX : Les démons d’Aro
40 - Chapitre Bonus X : Un charme irrésistible
41 - Chapitre Bonus XI : Le pacte
42 - Chapitre Bonus XII : Forks
43 - Chapitre Bonus XIII : Le parfum du désespoir
44 - Chapitre Bonus XIV : Ce moment tant espéré
45 - Chapitre Bonus XV : Le supplice
46 - Chapitre Bonus XVI : La partie d’Uno
47 - Chapitre Bonus XVII : L’Égypte
48 - Remerciements
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Chapitre Bonus VIII : Le colosse français

Vers 719 de notre ère

Le règne des Volturi se poursuivait sans heurts, les Roumains avaient été défaits, Aznar demeurait caché et le clan italien continua sa quête de nouveaux membres à accueillir. Sur les conseils de Didyme, conseillée elle-même par Demetri lors de leurs échanges, différents grades de soldats virent le jour dans la forteresse italienne. Cette nouvelle structure permit de doser le talent de futures recrues, afin de mieux protéger le clan. Cela dit, malgré le nombre impressionnant de soldats qui allaient et venir dans les souterrains de Volterra, beaucoup demeuraient anonymes, Aro cherchait toujours des vampires uniques pour avoir un clan puissant et infaillible, et peu se démarquaient des autres, ne méritant pas qu’on se souvienne de leurs prénoms. Il profitait des nombreuses guerres humaines pour chercher des humains prometteurs à transformer, mais il ne parvenait pas à trouver son bonheur. Le vieil homme grec cherchait la perle rare cachée parmi une foule de gens ordinaires, mais il restait patient, convaincu de pouvoir dénicher un talent à tout moment. Et ce fut le cas.

Durant le huitième siècle, Aro remonta jusqu’à une petite ville française, Reims, connue aujourd’hui comme étant la cité des sacres des rois de France, estimant que c’était un bon endroit pour trouver ce qu’il cherchait. Il déambulait dans les rues fumantes et encore ensanglantées de la cité qui venait de subir un assaut. Il ne restait pas beaucoup de survivants, mais il percevait ici et là des battements de cœur affaiblis. Et c’est là qu’il le vit. Il se démarquait des autres grâce à sa taille impressionnante et sa carrure imposante. Ses avant-bras puissants et ses mains rugueuses et noircies indiquaient que l’humain était un forgeron, mais les mensurations physiques de cet homme fascinèrent Aro qui le rejoignit en un coup de vent, satisfait de le voir encore respirer. Oh il voulait des vampires aux dons uniques, mais il ne pouvait oublier le long conflit face aux armées roumaines, qui avait duré un siècle à cause de leur nombre mais aussi de la force des adversaires. Aro estima qu’un garde plus fort que les autres lui serait forcément utile, et le transforma immédiatement avant que l’humain ne succombe à ses blessures.

La précipitation de cette décision entraîna certaines conséquences qu’Aro n’avait pas anticipées. A son réveil, le colosse s’était remémoré sa vie humaine et s’était précipité auprès de sa famille, et sa femme Isabeau fut la victime de sa soif de nouveau-né. Quant à sa fille âgée de quelques mois, Aro la confia à l’église, et rentra rapidement en Italie avec son nouveau garde qu’il peina à maîtriser, supervisé par des soldats de bas rang qu’il avait emmené avec lui. Le vampire français, répondant au nom de Félix, encore submergé par la soif et ses nouveaux instincts, fut enfermé et surveillé quelques jours par des gardes expérimentés.

Demetri, qui était devenu l’un des piliers de la garde, demeurait distant. Charmion, qui s’était lassée de devoir influencer les autres qui ne s’intéressaient pas plus à elle qu’au traqueur, se sentait seule et avait tenté de renouer son amitié avec le traqueur. Il accepta plus dans l’espoir qu’elle le laisse tranquille que par réelle envie. Il préférait se concentrer sur son travail, raison pour laquelle il se porta volontaire pour s’occuper du nouveau et ainsi éviter son amie, l’incitant à nouer des liens avec Corin également pour compenser l’absence du traqueur. Aro qui était toujours méfiant envers le spartiate, se réjouit de sa proposition, convaincu que la sérénité et l’expérience du blond saurait canaliser le colosse. Il est d’autant plus ravi car les jours qui suivirent furent chaotiques, Félix était incontrôlable, incapable de gérer sa soif et sa culpabilité d’avoir tué sa femme. Son immense force compliquait les choses et les gardes assignés à sa surveillance, incapable de l’apprivoiser, devenaient nerveux, suggérant son exécution. Plus personne ne voulait approcher le vampire qui dépassait les deux mètres de hauteur et qui menaçait la sécurité de chacun. Demetri devint alors son mentor, plus par devoir envers son clan que par envie.

Leur premier échange fut glacial. Le traqueur était méthodique, posé, sans émotions apparentes. L’exubérance, l’agitation et la brutalité du français l’irritaient, troublant son besoin de calme.

- On m’a dit que tu étais le meilleur traqueur au monde, lança Félix un sourire en coin lors de leur rencontre, après avoir calmé une fringale.

- Et toi, le plus bruyant des nouveau-nés, répondit le blond avec froideur, en constatant le carnage qu’avait laissé le brun derrière lui.

Pourtant ce fut cette conversation qui créa les fondements de leur amitié. Demetri voyait en Félix une simple mission. Il savait ce qu’il devait faire. Lui enseigner la maîtrise de sa soif et de ses nouvelles aptitudes, lui apprendre à chasser, à se battre, à canaliser sa force… Mais le traqueur devint en retour une mission pour le colosse qui reporta son impulsivité sur un objectif : décoincer le spartiate. Félix, qui avait toujours été quelqu’un de jovial, était l’exact opposé de son mentor. Il n’avait jamais croisé quelqu’un d’aussi froid et détaché. Alors dès le départ, il chercha à provoquer une réaction chez le blond, absolument pas découragé par l’impassibilité de Demetri, qui remarquait de son côté que malgré le côté joueur du colosse, il écoutait et apprenait vite. Et bien qu’il ne le montre pas, il était intrigué par le brun, n’ayant jamais vu un vampire se comporter ainsi, et encore moins chez les Volturi. Les autres gardes avait bien trop peur de lui malgré leur respect à son égard, et ne se risquaient à l’approcher par plaisir, le colosse semblait insensible à sa réputation, ne perdant pas son objectif de vue.

Lors d’un entraînement pour tester sa résistance et sa force, Demetri l’observait affronter plusieurs gardes. Son élève était une vraie brute, un mur infranchissable qui découragea bien des adversaires, mais il manquait encore de technique. Pourtant, ce qui frappa le traqueur, c’était la volonté de Félix de s’entraîner pour devenir meilleur. Et quand il échouait, il riait de ses erreurs ou de ses rares chutes, avant de poursuivre, sans jamais se départir de sa bonne humeur. Le masque de fer du blond s’effritait en observant la montagne de muscles se battre, avant de retrouver sa froideur quand il revenait vers lui.

- Dis-moi que je t’ai impressionné !

- Tu frappes fort, reconnut-il, mais il y a encore du travail. Tu es ralenti par ta carrure, compense davantage par ta force. Si tu veux survivre ici, il va falloir être plus malin.

- Ça tombe bien, tu as l’air d’être le plus intelligent ici, tu dois pouvoir m’apprendre quelques trucs utiles, fit Félix en essayant de flatter Demetri, qui ne répondit pas, se contentant de le regarder froidement. Tu es toujours aussi morne ou c’est moi qui t’ennuie déjà ?

- Pourquoi ? Tu as peur de découvrir que tu n’es pas aussi marrant que tu le penses ? Lui avait répondu Demetri par provocation.

Et le colosse avait éclaté de rire, trouvant visiblement sa pique très divertissante. Le traqueur ne l’aurait jamais avoué à qui que ce soit, mais il ne s’ennuyait pas auprès du français. Il essayait de comprendre comment on pouvait demeurer aussi insouciant une fois vampire. Sa franchise était bienvenue dans un palais rempli de menteurs et d’experts en manipulation. Félix semblait être le seul à Volterra à ne pas jouer à un double jeu, se moquant totalement de se faire bien voir par les autres. Il était brut de décoffrage, mais sincère, ne cherchant pas à manigancer ou calculer un mauvais coup. Alors petit à petit, Demetri passa davantage de temps auprès de Félix, prétextant des entraînements supplémentaires pour y parvenir, réalisant qu’il commençait à apprécier sa présence pourtant bruyante. Il estimait que Félix était un idiot à ne pas voir le mal chez les Volturi, mais il était un idiot loyal et divertissant. Et le colosse était bien trop heureux pour l’envoyer balader, ne le lâchant pas d’une semelle. Il lui posait constamment des questions. Beaucoup de questions. TROP de questions. Il voulait tout savoir sur les vampires, la garde, son goût pour la traque, comment il avait atterri chez les Volturi… Demetri lâchait souvent un soupir de lassitude ou levait les yeux au ciel, exaspéré par ce moulin à paroles qui ne se taisait jamais. JAMAIS. Ce qui encourageait Félix à continuer. Avant Demetri était presque mutique et lui lançait des regards noirs et froids. Désormais, Demetri lui lançait des regards froids et noirs en parlant, un peu. Pour Félix, sa mission progressait. Et surtout, à ses yeux le traqueur était bien plus intéressant que les gardes anonymes, il avait trop de choses à raconter pour être ignoré, même si le traqueur n’en avait pas conscience. A moins qu’il s’en moque. Dans tous les cas, le colosse se faisait un plaisir de pousser Demetri à s’ouvrir aux autres, même si ça se limitait à lui.

- Ça fait quoi d’avoir un don ?

- Tu as déjà envisagé de parler moins ? Disons, pendant une heure ?

- Comment je vais occuper mon temps si je dois rester aussi longtemps sans parler ?

- En profitant des bienfaits du silence.

- Quelle horreur, avait grimacé Félix. Tu es toujours aussi chiant ou c’est juste avec moi ?

Demetri lui avait décoché un regard si sombre que bien des vampires auraient détalé pour sauver leur vie. Mais pas le géant qui s’était amusé à essayer de faire sourire le traqueur en posant ses doigts sur la commissure de ses lèvres pour les étirer.

- Ne, refais, jamais, ça, lui avait alors conseillé le blond en détachant chaque syllabe, trop outré par le comportement enfantin de Félix pour l’envoyer valser dans les airs.

- Tu réfléchis trop mon petit Demetri, tu devrais essayer de sourire, juste une fois, tu te sentirais mieux.

- Cesse de piailler durant une heure et j’y réfléchirai, avait grogné le traqueur qui perdait parfois patience face à l’immaturité de Félix, lui faisant regretter d’apprécier sa présence.

- Tu sais Dem… je peux t’appeler Dem ? Avait commencé le français.

- Non.

- Je disais, Dem, pour quelqu’un qui bougonne beaucoup et qui veut rester seul, je trouve que tu passes beaucoup de temps en ma compagnie. Au fond de toi, tout au fond de toi, je suis sûr que tu m’apprécies.

- Pas du tout, avait répondu un peu trop rapidement Demetri, déclenchant un rire chez Félix.

- Je le savais, sifflota le colosse en tournant les talons pour le laisser planté dans un couloir.

Les efforts de Félix pour pousser le traqueur à se sociabiliser n’étaient pas passés inaperçus. Aro était comblé. Son nouveau garde à la force incomparable avait réalisé une prouesse. Demetri demeurait peut-être attaché à son créateur, mais lentement, il s’attachait aussi durablement aux Volturi par le biais du colosse. Il décida alors de les faire travailler ensembles, au grand bonheur du français et au grand dam du traqueur. Pourtant, ils étaient flagrants que les deux gardes devenaient inséparables. Un drôle de duo qui fonctionnait à merveille, il y avait le stratège silencieux et la brute bavarde, le redoutable traqueur et son acolyte le guerrier invincible.

Mais il demeurait un problème que Félix voulait à tout prix résoudre. Réussir à faire sourire celui qu’il considérait dorénavant comme son ami. Et même son meilleur ami, même si le traqueur ne partageait sûrement pas son avis.

Un soir, ils rentraient dans la forteresse après une mission banale pour Demetri, mais qui avait une grande importance pour Félix, parce que c’était sa première mission officielle. Il avait éliminé un groupe de vampires agités, à proximité d’humains sans perdre le contrôle ou céder à la pulsion du sang. Le colosse était ravi, trouvant toujours un moyen de sourire, et encore plus quand il était satisfait de lui, et il avait démontré qu’il était un garde accompli désormais. Demetri, bien que fier de son élève, demeurait silencieux et impassible. En temps normal, il aurait félicité la recrue mais il savait que Félix deviendrait encore plus bavard, et bien qu’il apprécie réellement sa présence désormais, en plus de son efficacité, il aimait encore plus le calme. Félix marchait à ses côtés dans les couloirs du château, son pas bruyant contrastant avec le déplacement fluide et silencieux de Demetri.

- Dis, ça te tuerait de dire quelque chose après une mission. Quelque chose comme « bien joué Félix ! », ou, « merci d’avoir été là pour m’aider » ?

Le traqueur continua de marcher en soupirant, il savait que Félix finirait par parler. Il parlait toujours.

- Tu attends des compliments pour avoir fait ton travail ?

- C’est tout ce que tu trouves à me dire ? Je viens de terrasser à moi seul une demi-douzaine de vampires sans qu’ils aient le temps de comprendre ce qui leur arrivait. Tu pourrais au moins me dire que c’était impressionnant ! S’exclama Félix malgré la réelle envie d’entendre Demetri le féliciter, son avis comptait pour le colosse.

Le traqueur ne répondit pas, même s’il était d’accord avec le français, il était impressionnant, il était devenu un membre essentiel des Volturi en très peu de temps. Presque vexé, le géant s’arrêta brusquement devant lui, les bras croisés et l’air réellement indigné.

- Tu ne me reconnais pas à ma juste valeur.

- Si je te pensais sans valeur, je ne perdrais pas mon temps avec toi, s’agaça Demetri malgré qu’il commence à culpabiliser d’être aussi distant. Il savait que Félix le considérait comme son ami, il l’avait entendu s’en vanter auprès des autres gardes un jour où il n’était pas dans la même pièce. Il ne partageait pas son avis quand il repensait à son attitude envers le colosse.

Pourtant, il vit son visage s’illuminer avec un sourire encore plus grand, si c’était possible. Venant du traqueur, ces quelques mots représentaient plus qu’un compliment, c’était la reconnaissance qu’il avait conscience du potentiel de Félix qui apprenait encore à connaître le blond. Il ignorait encore pourquoi Demetri était si fermé et semblait si malheureux d’être ici, mais il avait de la peine de le voir aussi seul. Et savoir qu’un vieux vampire aigri reconnaissait qu’il n’était pas inutile compta beaucoup pour Félix.

- Allez, dis-le, fit le colosse avec un sourire.

- Dire quoi ?

- Que je suis ton ami. Et nous passerons la nuit dans ce couloir tant que tu ne l’auras pas reconnu. Ça ne me pose aucun problème, j’ai tout mon temps, l’éternité même.

Demetri haussa un sourcil peu impressionné et le contourna simplement pour se diriger vers ses appartements avant d’être arrêté par le colosse qui l’obligea à se tourner vers lui en posant ses mains sur ses épaules.

- Tu as honte d’être avec moi ? Lui demanda-t-il soudainement, envahi par le doute.

- Pourquoi j’aurais honte d’être avec toi Félix ? Soupira Demetri qui avait du mal à exprimer ses sentiments, se renfermant toujours plus sur lui depuis qu’il était un Volturi.

- Alors pourquoi tu ne reconnais tout simplement pas que tu m’apprécies ?

- Parce que ta tête est déjà suffisamment grosse comme ça, arqua Demetri qui esquissa un mince sourire amusé par la persévérance du brun, presque invisible, mais Félix l’avait vu et s’était mis à rire.

- J’ai réussi. J’ai réussi ! S’exclama-t-il en bondissant presque de joie et le spartiate dû cette fois se contenir pour rester sérieux. Je suis fier de toi Demetri !

Le blond se figea et dévisagea son acolyte désemparé. Personne ne lui avait dit une chose pareille depuis qu’il était à Volterra, personne, pas même Didyme. La dernière fois que quelqu’un avait témoigné de la fierté à son égard, c’était il y a plus de sept cent ans, et ses paroles appartenaient à Amun. Son cœur mort se serra en repensant à son créateur qui lui manquait terriblement. Est-ce qu’il manquait à l’égyptien ? Il l’ignorait. Il se demandait souvent ce que devenait son mentor, ne l’ayant pas revu depuis des siècles. Peut-être Amun l’avait-il oublié…

- Je ne suis pas un bon ami Félix, fit Demetri sur un ton las en revenant à lui. Tu peux trouver beaucoup mieux, reconnut-il même si intérieurement il ne voulait pas que le brun le délaisse, il se sentirait encore plus isolé.

- C’est ce que tu veux ? Que je te laisse seul ? Demanda le colosse en se désolant de voir combien Demetri était solitaire, et dans le fond il savait que le spartiate ne voulait pas être débarrassé de sa présence, et il voulait le pousser à l’avouer, il voulait réussir à enfin percer la carapace de son mentor.

Le blond demeura muet un moment. Il savait que la suite dépendait de sa réaction.

- Non… reconnut-il en se sentant terriblement vulnérable et Félix n’eut pas la force de s’en moquer.

- Bien. Dans ce cas, veux-tu être mon ami ? Lui proposa patiemment le colosse qui n’avait jamais été aussi sérieux, ne voulant pas brusquer la vieille carcasse du traqueur.

- Tu comptes parler moins à l’avenir ? Ne put s’empêcher de vérifier Demetri qui vit le colosse lever les yeux au ciel.

- Si ça peut te faire répondre plus vite, alors oui, lui sourit-il.

- Tu es mon meilleur ami Félix, finit par lâcher le traqueur avec sincérité, et les deux hommes parvinrent à échanger un sourire complice qui scella leur amitié.

Même si dix secondes après, le français avait déjà recommencé à débiter des mots à une vitesse ahurissante, même pour un vampire. Hélas, le blond ne pouvait plus revenir sur ses engagements et jamais il ne le souhaita.

Demetri devint moins lugubre avec le temps, apprenant lentement à s’ouvrir à Félix qui se montrait patient envers le vieux vampire, écoutant avec intérêt le grec lui raconter son histoire avant les Volturi. Et lorsqu’il était d’une humeur sombre, seul le colosse parvenait à le faire sourire. Ce binôme devint le plus redoutable et le plus craint de la garde Volturienne. Pour quelques temps du moins.

Mais des années après, à force de côtoyer Félix, Demetri avait remarqué que parfois, son ami se montrait moins exubérant. Il était toujours aussi taquin et joueur, poussant souvent Demetri à sortir de ses gonds, mais chaque année, à la même période, le français s’enfermait dans un mutisme rare, et le traqueur se demandait qu’elle en était la raison, ne le forçant pas à se confier à lui. Mais il devait reconnaître qu’il ne savait pas grand-chose du passé du colosse. Il lui parlait de tout, sauf de ce qu’il avait été avant. Il savait surtout dans quelle ville Aro l’avait trouvé et quel était son ancien métier. Le reste demeurait un mystère et le traqueur en déduisait que son silence masquait des souvenirs douloureux pour le vampire.

Il avait beau tenir à leur amitié, il ignorait comment aider le français à aller mieux. Il avait fait des recherches sur l’histoire de son pays en prenant en compte la date de transformation de son ami, mais il n’avait rien trouvé qui puisse le renseigner.

Et une nuit, en rentrant d’une partie de chasse solitaire, le traqueur trouva Félix assis dans un de ses fauteuils, sachant pertinemment que Demetri n’aimait pas qu’on pénètre dans ses quartiers quand il n’était pas là. Mais la mine atterrée du brun le dissuada de le gronder, et attendit qu’il se sente prêt pour lui parler.

- Tu m’accompagnerais quelque part si je te le demandais, et si je te disais que c’est important pour moi ? Le questionna Félix avec une voix si faible que Demetri dû tendre l’oreille pour tout entendre.

- Bien sûr.

Leur amitié était si solide désormais que le traqueur aurait accepté même si ce n’était pas important. Il n’eut aucun mal à obtenir l’autorisation d’Aro en faisant jouer ses nombreux privilèges dont il faisait dorénavant bénéficier Félix. Le souverain était bien trop content de voir son traqueur solidement attaché à son garde, il ne craignait plus de le voir partir, pour le moment. Il les laissa quitter Volterra à condition de revenir vite, et quelques jours plus tard, Demetri se trouvait dans un cimetière. Il n’avait pas la moindre idée de ce qu’il faisait ici, mais il suivait son ami qui était de nouveau silencieux, avançant jusqu’à une pierre tombale où seul un prénom était inscrit « Isabeau ».

Malgré sa curiosité, le traqueur patientait, observant son ami déposer un bouquet de fleurs des plus simples dessus. L’époque à laquelle ils étaient ne permettaient pas aux familles modestes de s’offrir une pierre tombale, et le métier de Félix lorsqu’il était humain ne lui aurait pas permis de s’en acheter une. Il en déduisait qu’il avait usé de ses nouvelles richesses en tant que Volturi pour l’obtenir. Il respecta le silence de son ami qu’il observait du coin de l’œil, remarquant une tension inhabituelle qui le surprit.

- Isabeau est ma femme. Enfin c’était ma femme…

La voix de Félix était encore plus grave que d’ordinaire et Demetri le laissa poursuivre à son rythme, ressentant violemment la peine et la détresse du colosse grâce à son don en se concentrant sur le fil qui les reliait. Quoi qu’il se soit passé, il compatissait à la douleur de son ami.

- C’est dans cette ville qu’Aro m’a trouvé tu sais ? J’étais forgeron. C’est ironique non ? Un homme qui crée des armes avant d’en devenir une à son tour, quelle ironie…

Demetri ne trouvait pas ça ironique. Juste cruel.

- J’aimais Isabeau. Je n’arrive pas à déterminer si je l’aime encore, mais en étant humain, j’en étais fou… et on a eu une fille, Félicienne.

Le colosse marqua une pause alors le spartiate était consterné par cette révélation, n’ayant pas imaginé un instant que Félix avait bâti une famille avant qu’Aro ne s’en mêle. Il sentait chez Félix un poids qu’il portait depuis des années, et qu’il n’avait sûrement jamais partagé, si l’on excluait le don intrusif d’Aro.

- Quand je me suis réveillé… continua-t-il en inspirant profondément. Je n’ai pas ressenti la soif de suite. J’ai d’abord pensé à Isabeau et Félicienne, alors je suis rentré chez moi pour être sûr qu’elles n’avaient pas été tuées durant la mise à sac de la cité…. Elle a tout de suite compris que quelque chose n’allait pas, alors elle s’est précipitée, et… c’est là que je l’ai ressenti. J’ai senti son sang pulser dans ses veines, et….

Demetri avait compris ce qu’il s’était passé dès que Félix avait mentionné son réveil. Il comprenait mieux pourquoi ses premiers jours avaient été aussi chaotiques. Ce n’était pas seulement ses instincts de nouveau-né qui lui avait fait perdre la tête, il avait été influencé par la mort de sa femme.

- Si elle m’a dit quelque chose, je ne m’en souviens pas. Je me souviens seulement qu’elle a été ma première victime…

- Et ta fille ? Demanda doucement Demetri pour briser le silence pesant qui s’installait.

- Elle dormait dans sa chambre, elle n’avait que quelques mois, alors elle n’a rien entendu, n’a jamais su ce qu’il s’était passé. Le matin elle était entourée de parents aimants, et le soir elle était devenue orpheline… j’ai supplié Aro pour qu’il l’épargne. Il l’a confié à l’église, et m’a certifié qu’elle vivrait.

Le traqueur réalisait que derrière le côté joueur de Félix se cachait un lourd fardeau, et posa une main de soutien sur son épaule. Un geste banal, mais qui signifiait beaucoup venant du grec.

- Tu laisses la culpabilité te ronger depuis tout ce temps ?

- Tu peux parler, la tienne est encore plus tenace, fit le colosse d’un ton amer en évoquant le moment où Demetri avait abandonné Amun.

Le traqueur ne pouvait pas le contredire.

- En fait, maintenant j’y pense uniquement quand je « célèbre » la mort d’Isabeau. Si j’ai pu oublier mon acte une fois à Volterra, c’est parce qu’un abruti mutique a accepté de s’occuper de ma formation, ajouta Félix d’un sourire plus joyeux, moqueur même alors que Demetri fronçait les sourcils.

- C’est moi l’abruti mutique ?

- Dans le mille.

- Crétin, l’insulta gentiment Demetri, faisant rire Félix.

- Tu es toujours aussi peu doué pour réconforter les gens, tu le sais ?

- Et pourtant, tu vas mieux qu’il y a cinq minutes, grâce à l’abruti mutique.

Le colosse esquissa un sourire, ne pouvant qu’être d’accord avec son meilleur ami. Il avait beau être du genre discret et silencieux, il était d’un soutien inconditionnel. Et surtout, Demetri écoutait quand on lui parlait. Toujours, même s’il ne répondait pas forcément derrière. Puis il observa les tombes autour de lui, gêné par la confession qui lui tenait à cœur.

- Tu sais, parfois, je me demande si ma fille a eu des enfants, et si eux aussi ont engendré une descendance à leur tour… peut-être reste-t-il quelqu’un avec mon sang qui vit quelque part, dans cette ville ou ailleurs…

Le traqueur demeura silencieux, mais cette idée le troubla étrangement.

- Je sais, c’est complètement con de penser à des humains pour une idée aussi ridicule…

Demetri ne savait pas pourquoi, mais l’idée que la lignée de Félix ait perduré le perturbait bien plus que ça n’aurait dû. Secouant la tête pour ne plus y penser, il constata que son ami hésitait vraiment. Il était en proie à un conflit intérieur qui le rongeait.

- Tu sais que je peux la retrouver. Quelques heures, peut-être moins, pour trouver suffisamment d’informations qui me permettront de la traquer…

Félix resta silencieux. Demetri savait qu’il y pensait, qu’il pesait chaque possibilité. Peut-être avait-il lui-même déjà réfléchi à cette option. Mais au bout de quelques secondes, il secoua la tête en serrant les poings, luttant contre lui-même.

- Non… si je la retrouve, je ne pourrais pas m’arrêter là…

- Tu voudrais la voir. Lui parler, comprit Demetri qui ne pouvait pas le lui reprocher.

- Évidemment que je voudrais la voir, fit Félix en laissant échapper un rire sans joie. Mais ça ne suffirait pas. Je voudrais savoir si elle a eu des enfants, ce qu’elle a vécu. Et après ça… je voudrais voir ses enfants, puis leurs enfants, et les enfants de leurs enfants…

Demetri comprit l’ampleur du problème, et ne pouvait que partager la souffrance de son ami sans pouvoir l’aider.

- Si tu la retrouves, et je sais que tu le peux, je serais incapable de rester un simple spectateur… je suis déjà attaché à quelque chose que je ne devrais pas chercher. Si je vais plus loin, je précipiterais des évènements que je ne pourrais pas contrôler.

- Tu penses que ça te détruirait ?

- Oh non. Je pense que ça me donnerait une raison de ne plus rester à Volterra, avoua-t-il sans crainte de représailles, parce qu’il faisait entièrement confiance à Demetri, qui comprenait parfaitement son ressenti, tiraillé par les mêmes sentiments vis-à-vis d’Amun.

- Aro ne nous laissera jamais partir, réagit Demetri en s’incluant dans cette éventualité que Félix comprit immédiatement.

- Je sais. Et c’est pour ça que je ne dois rien savoir. Ça me prend du temps, mais je fais la paix avec ce que je suis et ce que j’ai fait. Tant que je ne sais pas où elle est, je peux me convaincre qu’elle a eu une belle vie, et que je n’ai pas gâché son avenir. Si je découvre le contraire…

Félix laissa sa phrase en suspens, ne parvenant pas à la finir et Demetri respecta la demande de son ami.

- Alors je ne la chercherais pas.

- En plus, imagine qu’elle ait eu des descendants avec mon incroyable sens de l’humour…

- Misère… ne put s’empêcher de répondre le traqueur en imaginant très bien le désastre.

Félix éclata de rire, chassant le poids de cette conversation. Et Demetri ne chercha jamais à remonter la lignée du colosse. Mais au fond de lui, sans savoir pourquoi, il ne pouvait s’empêcher de penser que tôt ou tard, il trouverait quelqu’un au bout de ce fil invisible.

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