Dans la lueur vacillante des chandelles, une vieille femme, recluse dans sa chaumière de pierre, s’installait devant sa table de bois brut. La nuit était profonde et silencieuse, seulement troublée par le hululement d’une chouette perchée sur le chêne noueux à l’orée du village. Dehors, la lande s’étendait dans une obscurité impénétrable, et même les chiens des fermes voisines semblaient avoir perdu l’envie d’aboyer.

Elle tira de sa besace un parchemin ancien, acheté la veille auprès d’un colporteur mystérieux, et entreprit de reconstituer son illustration déchirée en de multiples fragments. Ses doigts usés par les ans effleuraient chaque pièce du puzzle, les assemblant une à une, avec patience et curiosité.

À mesure qu’elle avançait dans son ouvrage, un frisson lui parcourut l’échine. Le dessin prenait forme et le malaise grandissait en elle : c’était son propre intérieur qui apparaissait sous ses yeux ! La lourde armoire sculptée, le grimoire posé sur la table, la cheminée où les braises s’éteignaient lentement… Puis, soudain, son propre visage, figé et dessiné avec une minutie troublante. Elle écarquilla les yeux, son souffle suspendu. Comment était-ce possible ? Qui avait conçu cette œuvre si étrange ?

Le feu de l’âtre crépitait faiblement, projetant sur les murs des ombres dansantes et incertaines. Mais elle ne pouvait s’arrêter maintenant. Son cœur battait à un rythme effréné alors qu’elle plaçait les dernières pièces du puzzle. Elles révélaient la petite lucarne derrière elle, celle qui donnait sur l’épaisse forêt où nul n’osait s’aventurer après la tombée de la nuit.

Enfin, il ne restait plus qu’un fragment. Les doigts tremblants, elle le prit et l’inséra à sa place…

Et dans l’ombre de la fenêtre, un visage hideux apparut, creusé par une expression malsaine, ses yeux jaunes rivés sur elle.

Un hurlement se perdit dans la nuit.