Mathieu n’était pas du genre à croire aux légendes. Pour lui, le Manoir Vespéral n'était qu'une vieille bâtisse rongée par le temps, et les histoires de malédiction n'étaient que des inventions pour effrayer les enfants. Alors, par défi, il s’y aventura avec ses amis, persuadé de briser la superstition une bonne fois pour toutes.

Dès qu'ils franchirent les grilles rouillées, une chape de silence s’abattit sur eux. L’air était lourd, imprégné d’une odeur de bois moisi et de cendres. Mathieu marcha le premier, guidé par son courage, ou peut-être son arrogance. Dans le grand hall, les chandeliers effondrés semblaient figés dans une dernière convulsion de douleur. Puis, il sentit un frisson, un souffle glacé caresser sa nuque.

Ses amis chuchotaient, mais leurs voix semblaient étouffées. Le manoir les observait.

Dans un grand miroir fissuré, Mathieu aperçut un mouvement derrière lui. Une forme floue, frêle, qui le scrutait de ses yeux vides. Il se retourna brusquement… rien. Juste le vent qui s’engouffrait dans les fissures des murs. Un éclat de rire nerveux lui échappa, mais au fond de lui, quelque chose se nouait.

Alors, il entendit. D’abord un murmure, ténu comme un souffle, puis une plainte déchirante. Une supplique. Des enfants, des sanglots. Une voix s’éleva parmi les autres :

— Ne pars pas… Tu es à nous maintenant.

Mathieu recula, mais il sentit quelque chose sur sa peau. Une brûlure, une empreinte invisible sur son épaule. Une sensation indélébile.

Les hurlements commencèrent alors. Ses amis disparurent dans l’ombre, happés par une force invisible. Il tenta de fuir, mais la nuit elle-même semblait le retenir. Dans le miroir, il vit son propre reflet… et derrière lui, une nuée de visages déformés par la souffrance.

Finalement, il parvint à s’échapper. Il crut être en sécurité lorsqu’il retrouva son appartement, mais les ténèbres avaient fait de lui leur messager. Les pleurs résonnaient dans sa chambre chaque nuit. Les ombres se mouvèrent, se rapprochèrent, murmurèrent. Et puis, une nuit, elles cessèrent de chuchoter.

Le matin venu, Mathieu fut retrouvé, figé dans une expression d’horreur, ses yeux grands ouverts sur une terreur que nul ne pouvait comprendre.

Depuis ce jour, on raconte que la marque du Manoir Vespéral ne disparaît jamais… Elle voyage, elle cherche… un nouveau porteur.