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1 - Légende de l'ancien monde
2 - Chapitre 1
3 - Chapitre 2
4 - Chapitre 3
5 - Chapitre 4
6 - Chapitre 5
7 - Chapitre 6
8 - Chapitre 7
9 - Chapitre 8
10 - Chapitre 9
11 - Chapitre 10
12 - Chapitre 11
13 - Chapitre 12
14 - Chapitre 13
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Chapitre 8

La nuit venait de tomber lorsque Takeshi s'enfonça dans la forêt. Les instructions géographiques du prince au sujet des trois territoires de l'île – fournies au cours de leurs balades dans la ville – étaient encore fraîches dans sa mémoire. De plus, son sens de l'orientation paraissait aiguisé. S'aventurer sur de nouvelles terres ne lui inspirait donc aucune crainte. Du moins, pas avant d'avoir franchi la frontière boisée du clan du soleil.

A peine la tour de guet dépassée, au cœur de la zone neutre, la forêt revêtit une atmosphère anxiogène. Son épaisseur obscure devint vite oppressante. Le poids d'une menace inconnue s'installait déjà. La traque qui l'avait laissé amnésique était sans nul doute à l'origine de cette peur irrationnelle.

Au fil des pas, l'angoisse augmentait, bientôt incontrôlable. Le moindre bruissement ou hululement était source de stress. Takeshi prit une profonde inspiration. Garder son objectif bien en tête, se reconcentrer sur sa destination.

Le nom de Hatano n'évoquant aucun sentiment particulièrement positif, il choisit la direction inverse, vers le sud. Le clan Musashi offrait de nombreux endroits paisibles où s'établir. Selon la carte qu'il avait examinée dans un dojo, leur territoire s'étirait le long des côtes, entre mer et vallées. Une belle promesse de vie. 

Il resserra sa prise sur l'anse de sa besace et leva le menton pour se redonner un soupçon d'aplomb. Le moindre bruit occasionnait un sursaut ; ses sens s'affutèrent. Une désagréable impression de déjà-vu lui comprima les entrailles.

L'environnement lui-même, silencieux, semblait sur le point de l'assaillir en toutes parts. Rester calme. Il n'était pas un enfant – comme ce cher prince Kimura se plaisait à le clamer – et il comptait bien se le prouver.

Nouveau sursaut, cette fois, bien justifié : des voix. Il se plaqua contre un tronc, l'oreille tendue. Un moment, il songea au fait que Kaito ait pu découvrir son identité. Une identité détestable, qui sait. Il avait été pris en chasse, après tout, et personne ne traquait un homme sans raison, n'est-ce pas ? Était-il quelqu'un de malfaisant, dont tout un clan avait voulu se débarrasser ou châtier ? Cette éventualité correspondait étrangement à sa situation...

Son nom résonna en écho, à plusieurs reprises. Horreur. Il se pressa contre le tronc à n'en plus faire qu'un avec l'écorce. Sa respiration s'accéléra. Peu importe quel genre d'atroce personne il avait été par le passé, il ne se laisserait pas capturer. Il s'élança entre les arbres, la peur au ventre. Sur sa course effrénée, sa première fuite revint au galop. Les souvenirs se superposèrent, perturbants. Sa vision se troubla, il trébucha sans tomber. Pourquoi s'acharnaient-ils tous contre lui ? Qu'on le laisse vivre en paix !

D'autres voix s'apposèrent, hors du temps, puisées tout droit de son inconscient. Il se surprit un instant à refermer sa main dans le vide, au niveau de sa hanche. Un réflexe étrange... Il n'avait pourtant emporté aucune arme... Son regard s'agrandit lorsque la vérité perça la brume de son esprit : un katana. Voilà ce qui se trouvait à sa taille, lors de sa première échappée. Mais quel était l'intérêt d'avoir un sabre sans nulle connaissance martiale ? L'avait-il volé ?

Un vertige provoqué par une double réalité le fit tanguer. Les réminiscences affluaient. Il se réfugia derrière un tronc et s'y adossa en haletant. Le cauchemar se greffa au présent, déversant un flot intarissable d'émotions. Son crâne palpitait de l'intérieur, à vif d'une douleur fantôme. Il porta les paumes à ses tempes, éprouvé.

— Takeshi !

Cet appel l'arracha de force à son malaise. Il fit un bond pour reprendre la fuite, mais fut stoppé net dans son élan. Une main, refermée sur son avant-bras. Le cauchemar était bien réel.

— Laissez-moi !

— C'est moi, Kaito !

Takeshi se retourna vers le prince et le fixa de ses deux billes effrayées. Le soulagement n'était pas des moindres. Il s'autorisa à se détendre et dévisagea l'air anormalement inquiet de l'héritier. Incertain quant à l'attitude à adopter envers lui, Takeshi resta immobile, l'œil méfiant. Les doigts de Kaito se resserrèrent sensiblement autour de son poignet.

— Pourquoi es-tu parti... murmura-t-il.

L'étrange douceur tant dans sa voix que dans son regard interpella Takeshi. Il se reprit néanmoins dans l'instant et se rembrunit ; sa décision était sans appel. Il tira à nouveau sur son bras.

— Laisse-moi, je dois m'en aller.

— Pourquoi ?

— Avant que quelque chose de mauvais ne se produise.

Kaito se pinça les lèvres.

— Tu... tu n'as rien fait de mal. Je suis le seul à blâmer, je n'aurais jamais dû réagir comme ça, cet après-midi.

Troublé par son changement de comportement, Takeshi campa toutefois sur ses positions.

— Peu importe. Je veux partir.

— S'il te plaît, reste.

— Et pour quelle raison le devrais-je ?

Il émit un ricanement douloureux.

— Un jour, tu découvriras qui je suis et tu me rejetteras, toi aussi...

— Quoi ? Bien sûr que non !

— Qu'en sais-tu ? Tu ne connais rien de moi !

Grâce à un mouvement sec, Takeshi réussit à se libérer de sa poigne. Il ne comptait pas attendre que ses craintes fussent vérifiées ; ses pressentiments étaient bien ancrés et les risques trop importants. Kaito ouvrit une main vers lui.

¾ Je t'en prie, écoute au moins ce que j'ai à te dire.

Le sort se chargea de trancher à leur place.

— Merci de nous avoir rendu ce qu'on cherchait ! brailla une voix rauque, tout droit sortie des buissons.

Les deux garçons se braquèrent vers l'intrus. Takeshi se raidit aussitôt.

— Toi... ! s'étrangla-t-il en se rappelant du chasseur.

— Tiens, alors comme ça, tu me reconnais ? Quel honneur !

À sa suite, une dizaine d'hommes surgit de la végétation et les encercla. Kaito s'assombrit. Il fit obstacle entre le meneur et Takeshi, la main sur son katana.

— Partez, tempêta-t-il. C'est un ordre.

Le chef croisa les bras.

— Ne crois pas que je laisserai ma récompense me passer sous le nez une deuxième fois, Kimura-sama.

— Récompense ? s'étouffa le principal concerné. Je ne suis à personne !

— Petit, je peux me faire un paquet de blé sur toi. J'te garantis que, ce soir, je repartirai pas sans toi.

Kaito dégaina son sabre à ces mots, sur l'offensive. Takeshi recula d'un pas, prêt à reprendre la fuite, mais le besoin de vérité était vital.

— Pourquoi me pourchassez-vous ?

Kyō s'esclaffa et secoua la tête.

— C'est peut-être mieux que tu sois amnésique.

— C-comment avez-vous eu cette information ? s'ébahit le jeune homme.

Le sourire avide du chasseur souligna la valeur des renseignements précieusement gardés.

— Le monde est petit, surtout quand on connaît les bonnes personnes...

Les deux garçons échangèrent un air troublé.

— À qui voulez-vous me vendre ? Et pourquoi !

— À qui ? Mais au plus offrant, au chef de clan Ken Musashi.

Un éclat de fierté illumina ses amandes plissées.

— Regarde ça.

Kyō sortit de son habit une fine toile chiffonnée sur laquelle était dépeint le portrait du fuyard.

— Pas besoin de te connaître, railla-t-il. Tout le monde dans ce pays sera bientôt sur tes traces, mon garçon. Tu es déjà mort.

Takeshi tituba contre un arbre, sous le choc. Tout espoir venait de s'envoler. Où qu'il aille, il serait traqué. Sa vie était d'ores et déjà condamnée. Kaito posa sur lui un regard peiné. À l'instant où le chasseur approcha son protégé, il brandit son katana vers lui. Le meneur étira un rictus grincheux.

— Rentre chez toi et laisse les adultes régler leurs comptes... mon grand.

Les autres chasseurs partagèrent un air choqué face à l'outrage innommable de leur chef envers le prince héritier. Personne parmi eux n'eut eu l'audace de se montrer si injurieux. Malheureusement pour lui, les irrévérencieux – aussi odieux fussent-ils – n'affectaient pas Kaito.

— Sans rire, tu veux vraiment mourir ici et maintenant, Kimura-sama ? 

— C-chef, vous comptez pas vraiment vous en prendre à Kimura-sama, hein ?

— J'vais m'gêner. L'accord que nous avons avec Ken Musashi vaut bien tous les héritiers du monde.

— Mais chef, vous pourriez déclencher à nouveau une guerre entre nos deux clans... renchérit un autre anxieux.

— Au diable ! la guerre, c'est chacun pour soi dans ce monde, bande d'abrutis. Assez parlé ! Emparez-vous du gamin !

Au premier pas, le sabre de Kaito fendit l'air et frappa le sol. Une onde de choc lumineuse déblaya la terre et projeta les chasseurs dans la végétation, en assommant certains contre des troncs. Takeshi resta bouche bée. Jamais Kaito n'avait encore fait de démonstration de puissance en sa présence. Kyō se releva, le crâne douloureux, et jura dans un crachat de sang.

— Puisque tu le prends sur ce ton, on va s'occuper d'abord de toi, Kimura-sama, maugréa-t-il en faisant un signe de tête à ses hommes.

— Non, personne ne se sacrifiera pour moi... contesta Takeshi.

Peu importait sa propre vie, fuir demeurait l'unique manière de préserver son sauveur. Sa présence était désormais néfaste, plus personne ne devait le fréquenter. En le voyant reculer, Kaito lui adressa un regard suppliant.

— Ne fais pas ça...

Lourd de remords, Takeshi fit volte-face et s'élança à nouveau dans la forêt.

— Rattrapez-moi ce gosse ! beugla Kyō.

La bande se rua sur les traces du fugitif, talonnée de près par le prince. Les uns après les autres, Kaito se débarrassa des poursuivants en les éjectant dans les fourrés par de brèves et puissantes ondées lumineuses. Mais les Hatano n'en démordaient pas, et, inexorablement, la distance se réduisait entre eux et leur cible. Quand l'un des chasseurs s'arrêta pour bander son arc, Kaito ouvrit un regard horrifié.

— Takeshi, attention !

Le sifflement de la flèche effleura l'épaule du fugitif, qui déglutit. La seconde, elle, ne le manqua pas. La pointe s'empala dans son bras droit et le perfora de plein fouet. Déséquilibré, il trébucha et s'étala lourdement au sol.

— Takeshi !

Le blessé se redressa à genoux, les doigts compressant son bras ensanglanté. Il se retourna vers l'ennemi, sur le point de lui tomber dessus, et hurla à son sauveur :

— Va-t'en !

— Jamais.

Alors que les mains des chasseurs allaient se poser sur lui, Takeshi se raidit de tous ses membres et ferma les yeux. Une vibration résonna soudain tout autour de son corps et l'incita à les rouvrir. À sa grande surprise, un dôme lumineux s'était déployé au-dessus de sa tête, large d'environ deux mètres de diamètre. Une barrière translucide et infranchissable qui défiait sans ciller chaque assaut des hommes et refoulait dans un violent vrombissement leurs lames agressives. Il frisa du bout des doigts le magnétisme salvateur qui le séparait du danger. Il n'en revenait pas.

L'irritation générale monta d'un cran. Les chasseurs exaspérés se jetèrent en masse sur le prince. Avant même d'avoir le temps de s'inquiéter pour lui, Takeshi constata, soulagé, avec quelle déconcertante facilité son protecteur repoussait l'opposant. S'il était soucieux au sujet de sa disparition, il y avait encore quelques minutes, en combat, son assurance ne connaissait aucune faille. Le doute était inexistant. Takeshi s'assit contre le tronc pour retirer la pointe de la flèche dans un grincement de dents, et profita de ce répit pour souffler.

Loin d'être découragé par l'habileté de l'ennemi et les corps inertes de ses acolytes parsemés sur la terre labourée, Kyō lui tint fermement tête. Il entrechoqua sa lame à la sienne avec une hargne sans nom, pour une nouvelle fois se retrouver au sol. Kaito lâcha un soupir las lorsqu'il se releva.

— Ramène tes hommes chez toi, avant que je ne m'énerve réellement et ne les allège d'un bras ou deux.

— Ah, Kimura-sama, geignit Kyō en se remettant sur pieds, tu me donnes du fil à retordre. Dieu merci ! le Seigneur de Feu se montrera généreux.

Kaito se posta devant le halo protecteur, sa lame pointée en direction de la menace.

— Ha ! Ha ! Ne me fais pas rire, Kimura-sama. Tu ne me tueras pas, vous êtes un clan de lâches.

Énième provocation. Kaito ne cilla pas. Le fielleux, encore bien téméraire, osa un nouveau pas vers eux.

— Et si je te disais qu'il vient d'un clan ennemi ? siffla-t-il en épiant le concerné, un sourire perfide aux lèvres. Je suis sûr que tu l'abandonnerais...

Le cœur de Takeshi bondit dans sa poitrine. Il se pétrifia sur place et leva un regard angoissé vers le prince. Le silence soudain de ce dernier le conforta dans ses craintes ; son unique soutien s'en prendrait bientôt à lui. Il recula avec les talons, affolé, mais se retrouva piégé sous son dôme, dos au champ de force. Kaito se retourna vers lui et découvrit l'effroi dans ses yeux ; il était semblable à un petit animal blessé, acculé dans une cage. Son cœur se serra. L'envie de le protéger n'en fut que décuplée.

Quel que soit son sang, il était incapable d'envoyer une personne sans défense à la mort. Il avait juré à sa mère, elle-même d'origine ennemie, d'agir avec bienveillance. De plus, les conflits des autres clans ne l'intéressaient pas. Et aujourd'hui, son âme s'était exprimée en faveur de ce garçon. C'était là tout ce qui comptait.

D'un battement de cils, il désagrégea le dôme lumineux afin de rassurer Takeshi et s'adressa au chasseur sur un ton supérieur :

— Crois-tu que vos stupides rivalités entre clans m'intéressent ? Peu importe d'où il vient, je ne te le livrerai pas.

Takeshi le fixa, stupéfait. De son côté, le meneur pouffa de rire.

— Une tête de mule honorable... Ce qu'on dit sur toi se vérifie.

Il opta à nouveau pour la provocation.

— Sérieusement, à quoi bon t'entêter, Kimura-sama ? Tu es aussi lâche que ton vieux père.

Cette attaque-là fit perdre patience à Kaito ; son expression s'assombrit. Voyant qu'il commençait à le piquer au vif, Kyō s'approcha telle une hyène prête à s'engouffrer dans la faille.

— Si tu te montres aussi faible quand tu prendras sa place, ton peuple sera vite réduit en cendres...

— Ça suffit !

— Tu es un Kimura, gouailla le fourbe, depuis quand es-tu autorisé à tuer alors que ta vie ou celles des tiens ne sont pas menacées ?

Kaito eut un rictus sardonique. La vraie question était plutôt : quel homme eut été assez fou pour tenter d'imposer une obédience éperdue au prince héritier Kimura ? Le chef de clan lui-même en était incapable. Takeshi posa sa main ensanglantée sur son épaule. Ici ou ailleurs, il ne serait plus jamais en sécurité. Kyō avait raison, à quoi bon lutter ? L'échéance tomberait tôt ou tard.

— Kaito-sama...

Le bras de Kaito se dressa entre eux pour lui barrer la route. Takeshi lui rendit un tendre sourire.

— Je te remercie pour tout ce que tu as fait pour moi, mais je crois qu'il vaut mieux s'arrêter là.

— Hors de question.

— Kaito-sama, je ne veux pas fuir toute ma vie. J'ai fait mon choix...

— Et je refuse ce choix.

Takeshi agrippa son bras.

— Ecoute-moi, ton père finira par apprendre qui je suis, d'une manière ou d'une autre. Et je refuse de passer ma vie dans la crainte.

— Qu'il l'apprenne. J'ai dit, non.

— Eh ! Tu l'as entendu ? Il a fait son choix, grogna Kyō. Maintenant, va-t'en ! De toute façon, tu ne me tueras pas, alors laisse-le moi.

L'effronté fit un nouveau pas vers Takeshi. Le dernier. Une rage profonde submergea Kaito. La fureur émergea de son être en une lueur vive. Il repoussa son protégé derrière lui et rugit :

— J'ai dit, non !

Une énergie prodigieuse s'échappa de son corps, relâchant une onde de choc éblouissante qui propulsa le chasseur dans les airs et le projeta contre un tronc. Il retomba sur le sol, inconscient.

Son aura de puissance dissipée, Kaito se retourna vers Takeshi. La même inquiétude refit surface, la douceur avec elle.

— Je ne souhaite pas te forcer à rentrer avec moi, mais je ne veux pas non plus te savoir en danger.

— Je serai en danger dès que je croiserai un autre être humain...

— Pas chez moi.

— Chez toi tout autant, tu le sais bien. Quand mon visage se retrouvera placardé dans chaque ville de cette île, je ne ferai pas long feu...

Kaito baissa les yeux. La vérité était là, il se devait de l'admettre. Pour autant, il ne comptait pas céder.

— Sans parler de ton père. S'il décidait de me livrer...

— Mon père n'est pas ce genre de personne. Et de toute manière, je ne le laisserai pas faire. Ma mère non plus.

Takeshi soupira longuement. Il était loin d'imaginer que ce cœur de pierre se serait ainsi obstiné à le protéger.

— Kaito-sama, si je suis parti, c'est pour ne faire de tort à personne. Si je reste, je vous en causerai, d'une façon ou d'une autre.

— Et tu te feras tuer à coup sûr. Est-ce donc cela que tu veux ?

— Le destin semble s'acharner, plaisanta Takeshi, non sans amertume. Quelque part, je dois peut-être le mériter.

— Foutaises.

Aussi amusé que touché par une empathie qu'il ne lui connaissait pas, Takeshi pencha la tête sur le côté, un sourire chagrin au bord des lèvres.

— Kaito-sama, je suis désolé, mais je ne rentrerai pas avec toi...

— S'il te plaît... insista le prince, laisse-moi au moins te soigner, tu as le bras en sang !

— Pour qu'ensuite tu m'empêches de partir ? ricana le blessé.

— Ne fais pas ça...

Malgré un silence ponctué de regards implorants, Takeshi recula avec une lenteur contrite puis tourna les talons, la main autour de son bras.

— C'est moi qui suis désolé, murmura Kaito.

Une fine aiguille au doux scintillement bleuté apparut au creux de sa paume. La pointe fusa et partit se planter dans la nuque de Takeshi. Surpris, ce dernier s'arrêta net. Il fit volte-face vers lui, médusé par un acte à peine réalisable. Puis ses paupières se refermèrent et ses forces l'abandonnèrent. Avant qu'il ne touche terre, Kaito rattrapa son corps entre ses bras. Il poussa un long soupir en contemplant son visage assoupi. Coupable de son geste, mais dépourvu de regrets.

— Pardonne-moi, tu ne m'as pas laissé le choix...

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