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Myfanwi

CHAPITRE 22

?? février 2018, ?? h ??.

Connor tremblait. De froid ? De peur ? Il ne savait pas trop. Paralysé, toujours en lévitation et entièrement nu, il observait les environs avec crainte. La créature l'avait emmené dans ce qu'il pensait être une sorte d'amphithéâtre. Dans des gradins surélevés, des centaines de créatures brumeuses le dévisageaient. Des murmures lui parvinrent aux oreilles, mais il ne parvint pas à saisir ce qu'elles disaient. Il n'avait en revanche aucun mal à imaginer qu'elles parlaient de lui.

Sur une plateforme en hauteur, les corps des autres passagers se tenaient plus ou moins droits, le regard vide. Il repéra Odilon parmi eux. Ses yeux ne réussirent pas à se détacher des énormes cloques rouges visibles sur sa peau qui, depuis qu'elle était partie, avait pris une teinte plus cadavérique.

Cependant, ce n'était pas elle qu'il cherchait, mais la silhouette frêle de sa fille, Inaya. Il eut beau tenter de regarder entre les rangs, il ne lui sembla pas apercevoir d'enfant, ce qui était à la fois un soulagement et un crève-cœur. L'avaient-ils laissée mourir sous cette énorme vague ? Ou lui réservaient-ils un sort pire que le sien ? Son coeur se serra à la simple pensée qu'il ne reverrait plus jamais ce petit bout de femme qu'il avait porté à bout de bras depuis le départ de sa mère. Jusqu'à présent, le choc et l'enfermement lui avait permis d'embrumer suffisamment son esprit pour ne pas y penser, mais à présent ? Pouvait-il seulement y faire quelque chose ?

Une trappe s'ouvrit sur le sol du vaisseau. Lentement, un fauteuil s'éleva du trou béant, recouvert de lanières d'une matière qu'il ne connaissait pas, mais qui lui rappelait le cuir des ceintures. Des attaches. Ils allaient l'attacher.

Un vent de panique lui retourna l'estomac.

Il tenta de protester, de se débattre, mais il se trouvait toujours paralysé, sans aucune possibilité de se libérer. Une des formes brumeuses s'avança vers lui.

— Qu'est-ce que vous me voulez ? tenta-t-il vainement. Ça ne vous a pas suffi de tuer toutes ces personnes ?

— Toi. Rester calme.

La créature tendit... quelque chose vers son visage. Un bras, une excroissance ? Difficile de discerner quoi que ce soit quand ce qu'il regardait ne ressemblait à rien de ce qu'il connaissait. Il sentit une pression s'exercer autour de sa mâchoire. Il tenta de résister, mais la force de la créature le dépassa largement. Il grogna lorsque quelque chose s'introduisit dans sa bouche, puis dans sa gorge, toujours plus profond. Il tenta de ruer, en vain. Son corps ne répondait pas. Ce qui lui parut être un tube cracha brutalement une fumée qui le fit tousser, sans possibilité d'expulser ce qui le gênait.

Il hurla à s'en décrocher la mâchoire. Sa vision s'obscurcissait et il se sentait partir, mais pas tout à fait. Il avait l'impression qu'on avait posé un levier pour l'éteindre, dans son cerveau. Il voyait, il entendait, mais il ne sentait plus rien. Son corps se retrouva sur le fauteuil, ceinturé de toute part.

La suite des événements resta floue. On le manipula, on planta des aiguilles partout dans son corps. Il était là sans être là, incapable de ressentir la moinde émotion, la moindre douleur, y compris lorsque la créature entreprit de lui ouvrir brièvement le ventre pour regarder ce qui se trouvait à l'intérieur. Dissection. C'était le mot qu'il cherchait. Il se faisait disséquer, comme une vulgaire souris de laboratoire.

La pensée aurait dû l'effrayer, le faire réagir, le faire sentir n'importe quoi. Il n'y avait rien. Rien qu'un grand vide et l'impression de ne pas pouvoir juger ce qui se passait sous ses yeux.

Le tube finit par être retiré de sa bouche, et, lentement, il reprit contact avec la réalité - si l'on pouvait appeler être attaché au milieu d'un vaisseau vraisemblablement extraterrestres, la réalité. Son corps ne tarda pas à recevoir le message de la douleur, lancinante. Elle le lançait de partout, mais tout particulièrement au niveau du ventre, où une gigantesque cicatrice était désormais visible, une de celles qui ne partirait sans doute jamais. Au moins était-elle propre. Il l'espérait. Il ne manquerait plus qu'après toutes ces mésaventures, il attrape un cancer quelconque par mauvaise réaction à peu importe ce que ces créatures avaient utilisé sur lui. Était-ce seulement important ? Son cerveau peinait toujours à se concentrer sur les choses essentielles, embrumé.

Il regarda autour de lui. Les créatures discutaient les unes avec les autres, sans qu'il ne parvienne à saisir un mot. Elles parlaient une langue qui lui était inconnue, si l'on écartait les moments où elles s'adressaient à lui et traduisaient leurs paroles, d'une manière ou d'une autre. Tout ceci le dépassait. Plus il réfléchissait, plus il avait de questions.

Soudain, les créatures s'agitèrent. Le flot de paroles augmenta considérablement alors qu'ils se tournaient tous vers le fond de la salle. Une grande porte coulissa pour laisser apparaître deux formes brumeuses et un petit corps à la tignasse noire emmêlée. Le cœur de Connor rata un battement.

— Inaya ! hurla-t-il. Qu'est-ce que vous avez fait à ma fille, saloperies d'aliens ? Laissez la ! Laissez-moi la voir, pitié ! Je ferai tout ce que vous voulez !

Les créatures ne lui accordèrent aucune attention. Quelque chose n'allait pas. Inaya non plus n'avait pas esquissé le moindre mouvement dans sa direction. L'entendait-elle seulement ou se trouvait-elle, elle aussi, dans cette transe étrange où il était impossible de ressentir quoi que ce fut. Connor se dressa autant qu'il put dans son fauteuil pour mieux détailler la fillette.

Les traits du visage détendus, elle ressemblait à...

Il lança un regard à Odilon. Le même regard mort. Les mêmes pustules rouges sur le côté droit de son visage. Connor sentit une peur animale lui ronger les intestins.

— Non, pitié... Non... chuchota-t-il. Tout sauf ça.

Il se débattit dans les liens, d'abord faiblement, puis avec de plus en plus de vigueur. De toute évidence, il n'était plus paralysé. Il ne comptait pas rester sans rien faire pendant que ces monstres expérimentaient sur sa fille ! Connor utilisa toutes ses ressources : coups de poings, de jambes, de dents, dans une vaine tentative de se libérer. Il ne parvint pas à bout des étranges liens qui le maintenaient plaqué contre le fauteuil.

Il était impuissant.

— Relâchez-moi ! hurla-t-il. Laissez-moi voir ma fille ! Inaya ! Inaya, c'est papa ! Je suis là, ma puce, je suis là ! Regarde !

Le regard de la petite fille resta éteint, tourné vers les créatures.

L'une d'elles s'était avancée vers le milieu de l'assemblée. Dans une série de sifflements et de claquements étranges, elle harangua la foule. Les extraterrestres s'agitèrent dans ce qui parut être à Connor un élan d'excitation. Quelque chose se produisait. Son corps ne pouvait s'empêcher de frissonner sous l'impression qu'un événement terrible était sur le point d'arriver.

Une nouvelle trappe s'ouvrit au sol, petite, carrée. Un grand socle s'en éleva, semblable à ceux qu'on pouvait trouver dans les musées ou les expositions. Excepté qu'en lieu et place des traditionnelles œuvres d'art se trouvait... une boîte de macédoine. Sa boîte de macédoine. Une de celles qu'il avait rangées dans le coffre de sa voiture à toute hâte, quelques minutes à peine avant que sa vie ne change à jamais.

La créature poursuivit son discours sous les "Oooooh" et les "Aaaaah" contemplatifs de son public. Sous les yeux de Connor naquirent une série d'hologrammes pour le moins surprenants : des carottes, des navets, des choux, des salades, bref tout un éventail de légumes bien terriens. Il ne comprenait pas trop ce qu'il se passait, mais la vue des végétaux rendit la foule extatique. Il y eut des cris, des applaudissements, des lancers de... quelque chose qu'il ne parvint pas à identifier. C'était irréaliste, complètement fou et Connor doutait sérieusement qu'il avait encore toute sa tête à ce stade.

Le chef ou scientifique qui parlait fit un geste vers Inaya. La petite fille avança lentement vers la boîte de macédoine et s'agenouilla devant elle.

Connor haussa un sourcil. Assistait-il à la création d'un culte dédié à la macédoine ?

Il aurait aimé avoir raison.

Sur la face du socle qui lui faisait face, un petit tube émergea. Il cracha soudainement un liquide rouge qui s'écrasa sur le visage de sa fille, qui ne cligna pas des yeux. Connor resta silencieux devant l'étrange coutume. Ça ne ressemblait pas à du sang, mais à de... la sauce tomate. La même qui avait vraisemblablement recouvert la France. Ils étaient responsables de la Tomatéorite, comprit-il enfin. Mais pourquoi ? Dans quel but ? On ne décidait pas de noyer un pays, ou peut-être même le monde, sous de la sauce tomate pour aucune raison !

Alors que le jeune homme s'indignait en silence, Inaya se redressa. Pendant quelques secondes, elle resta immobile,le regard planté droit devant elle. La foule devint silencieuse. Connor eut un terrible pressentiment.

— Qu'est-ce qui se passe ? demanda-t-il inutilement.

Comme les fois précédentes, on l'ignora.

Inaya se mit à trembler, d'abord faiblement, puis de plus en plus fort. Connor se tendit.

— Qu'est-ce qui lui arrive ? Qu'est-ce que vous avez fait ? Inaya ?

Les jambes de la fillette lâchèrent et elle s'écroula au sol, prise de convulsions. Instinct paternel oblige, Connor redoubla d'effort pour se libérer, hurlant le prénom de sa fille à s'en briser les cordes vocales. Il insulta les créatures, les supplia, tenta de réconforter Inaya avec sa voix, sans succès. La jeune fille continua de convulser et, bientôt, un cri de douleur intense s'échappa de sa gorge, guttural.

— Non, pitié ! Vous lui faites mal ! Arrêtez ! Arrêtez ça ! supplia-t-il, en détresse émotionnelle. Elle n'a rien fait ! Ce n'est qu'une petite fille, vous n'avez pas le droit de faire ça ! Inaya !

Les créatures restèrent insensibles à ses hurlements, ses plaintes et son angoisse. L'état d'Inaya continua de se dégrader. Du sang coula de ses oreilles et de son nez, se mêlant au liquide rouge qui avait été propulsé sur son visage. Ses yeux roulèrent dans leurs orbites. Les cris s'intensifièrent lorsque, un à un, ses os se disloquèrent dans d'horribles "Plop !" qui devinrent insoutenables aux oreilles de son père.

Après d'interminables minutes, elle arrêta de bouger, parfaitement immobile. Alors que Connor pensait son calvaire enfin achevé, quelque chose bougea sous la peau du ventre de sa fille, d'abord discret, puis formant une bosse insistante sous sa peau, qui finit par craquer sous la pression. Une seconde peau apparut dessous, d'un orange familier. une carotte gigantesque réussit à s'extirper du petit corps, l'écrasant sous son poids gigantesque.

Complètement sous le choc, Connor ne parvint pas à ressentir quoi que ce soit. Sa fille venait d'être tuée - si tant était qu'elle était toujours en vie - sous ses propres yeux. La pensée était délirante, inconcevable. Ce n'était qu'une petite fille de quatre ans. Les criminels épargnaient les enfants, ils ne les transformaient pas en légumes. Elle ne pouvait pas être morte. Ce devait être un cauchemar, une hallucination. Il y avait forcément une explication rationnelle.

La foule cria sa joie alors que la transformation s'achevait. Il ne restait plus rien de la fillette. Seulement une carotte gigantesque.

Connor retomba contre le dossier de son fauteuil, le regard vide. Il y aurait un moment où son cerveau comprendrait ce qu'il venait de se passer, mais pour le moment, il était dans un déni confortable. Ne pas y penser. Surtout ne pas y penser. Il ferma les deux yeux, et pria pour que, quand il se réveillerait, il serait de nouveau dans les bouchons, dans sa voiture sur Terre, en sécurité avec sa fille, sur la banquette arrière, qui lui racontait comment s'était passé sa journée.

La réalité le rattrapa bien plus vite qu'il ne le crut. Des centaines de cris s'élevèrent dans la pièce. Par réflexe, Connor ouvrit les yeux. Les humains de la salle du haut convulsaient, les uns après les autres. La peau d'Odilon craqua et elle se pencha en avant pour vomir des racines. Des centaines et des centaines de racines. Il détourna le regard. Il ne voulait pas les voir se transformer. Pas... Pas eux aussi.

Alors que toute l'horreur de la situation le frappait, Connor réalisa qu'il était seul. Les créatures ne semblaient toujours pas décidées à lui faire subir le même sort. Mais pourquoi ? Il ne voulait pas rester dans un monde où sa fille n'existait plus. Il ne le pouvait pas.

Une des créatures brumeuses s'approcha de lui, et posa une main sur son front.

— Allez vous faire foutre, siffla-t-il entre ses dents.

La dernière chose qu'il put prononcer avant de nouveau sombrer dans l'inconscience.

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