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Myfanwi

CHAPITRE 18

Jeudi 14 octobre 2020, 17 h 12

Enragée, Miranda tirait sur ses liens, encore et encore, infatigable. Elle savait que cette mission était une vaste blague. Elle n'aurait jamais dû écouter cet étranger. Elle n'écouterait plus jamais aucun étranger. Ils étaient tous comme lui. Tous les mêmes. Tous des ordures qui lui voulait du mal. 

La corde trop serrée commençait à lui lacérer les poignets, mais elle s'acharnait à essayer de se libérer. Elle ne resterait pas une seconde de plus dans ce lieu. Elle devait partir d'ici et mettre autant de distance qu'elle pouvait entre ce lieu et elle. Tant pis pour Louise. Elle savait qu'il y avait peu de chances qu'elle entende son appel. Encore moins à présent qu'elle était retenue contre son gré.

Essoufflée, elle fit une pause. Même si elle se libérait, la jeune femme ignorait comment elle allait bien pouvoir s'échapper. Les sbires de Bruce l'avaient balancée dans la salle des machines de l'attraction. Il n'y avait qu'une porte en fer bien fermée et une vitre trop solide pour être brisée à mains nues, qui pointait vers le reste du camp. Elle avait compté une vingtaine de personnes, hommes, femmes et enfants. L'électricité venait effectivement de leurs branchements, et leur permettait une sécurité et un confort de vie relatif. Cependant, elle savait que ce n'était qu'une façade. Aucune personne sensée ne suivrait Bruce si elle en avait le choix. Tout le monde n'avait malheureusement pas eu sa chance.

La porte grinça sinistrement. Ses yeux se braquèrent sur l'ouverture où une ombre patientait, ravie de la faire languir. Miranda se plaqua le plus possible contre le mur pour continuer d'essayer à se libérer sans que son interlocuteur ne s'en aperçoive.

— Mon petit pinson, tu m'avais manqué. Je ne m'attendais pas à te revoir aussi rapidement, je dois dire. Le monde entier à ta portée, et c'est dans mes bras que tu reviens. Ça doit être un coup du destin. 

L'homme entra d'un pas tranquille, et alla s'adosser contre le panneau de contrôle. Miranda ne répondit pas, furieuse. Il lui sourit. Il s'attendait à cette réaction. 

— La vieille n'est pas avec toi ? C'était quoi son nom déjà ? Lucille... Mathilde... Ah non, celle-là, je l'ai butée. Hum... Louise ! C'était ça son petit nom. Laisse-moi deviner, elle a claqué ? Logique. Tu t'attendais à quoi ? Se traîner Mémé pendant l'apocalypse, quelle idée. Ou elle en a eu marre de toi ? Compréhensible aussi. Tu es tellement douce et gentille. Un innocent petit rossignol. 

Pour toute réponse, Miranda cracha à ses pieds. L'homme émit un son de désapprobation. Il souleva une chaussure et soupira. 

— Sujet sensible ? Je comprends. Moi aussi j'en ai. Tu sais, comme ça, dit-il en tapotant son oeil gauche. 

La jeune femme leva involontairement les yeux vers le côté gauche de son visage, où se trouvait un oeil d'une différente couleur, immobile, de verre. Il cachait le trou béant dessous. Celui dont Miranda avait été la cause, peu avant sa fuite. Elle haussa les épaules. La jeune femme avait un peu de mal à se sentir concernée par son handicap. En revanche, elle pouvait toujours le retourner contre lui, peu importait la moralité. 

— Si tu ne veux pas que je te crève le deuxième, détache-moi et laisse moi partir, siffla-t-elle. Devenir aveugle en pleine apocalypse, pas sûre que ça aide tes affaires, Bruce.

— Elle parle ! s'exclama l'homme, en frappant des mains, ce qui la fit sursauter. Je pensais presque qu'on t'avait coupé la langue tant ton insolence me manquait. 

Il s'accroupit à sa hauteur et lui caressa la joue. Miranda tourna la tête et mordit à pleine dents dans son doigt. Elle aurait voulu le lui arracher, mais elle n'en eu pas le temps. Il réussit à échapper à sa prise. Il essuya les quelques gouttes de sang sur son pull avant de se redresser, et de devenir subitement plus sérieux.

— Bon, tu craches le morceau ? Qu'est-ce que tu viens faire dans cette charmante petite bourgade ? Tu t'es paumée ?

— C'est notre ami commun qui m'envoie.

— Ah ? Lequel ? Laisse-moi deviner. C'est le geek, répondit-il d'une voix plus sombre qui ne plut vraiment pas à la jeune femme.

— Il m'a demandé de négocier avec toi en échange d'une faveur. Si j'avais su, ça ferait longtemps que j'aurai déguerpi. C'est une perte de temps.

Il pouffa avec mépris. 

— En effet. C'est un bouffon, je n'ai rien à lui dire. Il m'a volé, et tant qu'il ne m'aura pas remboursé, on continuera de s'octroyer le droit de prélever ses ressources. Ce n'était pas comme s'il mourait de faim, protégé dans sa caverne qui pue la transpiration. Il peut crever la bouche ouverte pour ce que j'en ai à foutre. C'est tout ce qu'il mérite.

Dans quel merdier s'était-elle fourrée ? Bien sûr que Bruce ne voudrait pas négocier, elle l'avait su à la seconde où elle avait vu sa tronche de borgne. On ne discutait pas avec des gens de sa trempe. Depuis la chute du gouvernement, ce petit caïd se prenait pour Negan, dans The Walking Dead, et pensait que tout lui était dû. Le respect, le pouvoir, les femmes, les ressources. Pour autant, il n'avait ni la prestance de l'antagoniste des comics, ni son contrôle. Dès qu'il piquait une crise, il devenait tout rouge et tapait du pied comme un enfant de six ans à qui l'on a refusé une sucette. Elle ne connaissait pas son histoire, mais elle se doutait qu'il devait lui aussi avoir dealé dans le passé, voire dirigé un petit groupe de banlieusards aigris, ce qui expliquerait pourquoi il s'était arrogé le rôle de chef de sa ridicule petite communauté, planquée dans une attraction qui sentait le moisi. 

Dans tous les cas, Miranda en restait au même point : elle ignorait comment sortir de cette situation. Oh, se libérer ne lui prendrait pas longtemps, mais s'échapper sans réveiller l'instinct prédateur de son ancien bourreau s'avérait une autre histoire. Miranda avait l'intuition qu'il ne la laisserait pas disparaître dans la nature encore une fois sans rien dire. Avant d'abandonner, il avait poursuivi Louise et la jeune femme pendant presque deux mois, jusqu'à ce qu'elles trouvent un véhicule et trouvent un moyen de quitter définitivement la région parisienne. Dans le temps, Miranda espérait qu'il était trop lâche pour quitter son bastion, une planque située dans les égouts de Paris, mais les temps avaient changé. Le manque de ressources, une attaque, tellement de choses avaient pu se passer en un an. Elle ne reconnaissait d'ailleurs pas la plupart des personnes qui l'accompagnaient dans le camp, signe qu'il avait dû être séparé de sa clique à un moment ou un autre. 

Les légumes ne visaient décidément pas les bonnes victimes. Entre Connor et lui, c'était à se demander à quoi servait la fin du monde si elle ne le débarrassait pas de ses pires déchets. 

— Allons, mon canari, ne me dis pas que tu te fies à ce tocard ? Toi qui méprises les faibles, sauf la vieille, pour une quelconque raison, ne me dis pas que tu lui fais confiance.

— Je ne lui fais pas confiance. Pas plus qu'à toi. Je ne le fais que parce qu'il détient l'accès à quelque chose que je veux. Je me fous bien de vos petites affaires, tant que je peux me casser vite d'ici et faire ce que j'ai à faire.

— Mate-moi, ça. Toi, t'as besoin d'aide ? C'est la meilleure blague de l'année. Faut croire que l'apocalypse change vraiment les gens. Dis toujours, peut-être que je pourrais t'aider, moi. 

— Non, trancha-t-elle, froide. Je ne veux plus jamais te devoir quoi que ce soit. Ni à toi, ni à tes lieutenants corrompus. Je ne les ai pas vu d'ailleurs. Ils sont morts ?

Elle comprit qu'elle avait touché à un sujet sensible lorsque son visage se crispa. Il lui tourna le dos, contrarié. 

— Ces fils de chien ont pris le contrôle de mon bled et m'ont foutu à la rue. Soi disant que je gérais comme une tarlouze. J'espère qu'ils se sont tous fait bouffer comme les fientes qu'ils sont depuis le temps.

— Toi ? Un exilé ?

Miranda éclata de rire, surprise et ravie de ce retournement de situation. Sa réaction n'amusa pas son locuteur. 

— Comme quoi, se moqua-t-elle, il y a encore une justice dans ce monde moisi. Le retour à la réalité a dû être brutal. 

— Ferme bien ta gueule, petit passereau. C'est ta tronche de dix mètres de long et ton départ qui ont destabilisé le groupe. T'as cru que ton petit coup d'éclat allait faire quoi ? T'as buté cinq de mes gars, piqué les trois quarts de mes ressources et presque explosé mon crâne. T'as cru que j'avais oublié ? Tu sais la galère que ça a été de faire becqueter tout le monde après ? Le bébé de Christine, il a crevé en deux semaines. J'étais peut-être un chef minable, mais toi, t'es une putain de meurtrière qui ne pense qu'à ta gueule. Moi, au moins, j'avais des principes. 

La jeune femme baissa les yeux. Elle serra les poings pour calmer l'anxiété qui montait en elle. C'était le passé. Elle avait fait ce qu'elle aurait dû faire de longs mois avant pour survivre. Elle ne regrettait rien. Elle avait sauvé Louise. 

— Si tu ne peux pas me voir en peinture, pourquoi tu veux m'aider ?

— T'as vu ce trou à merde ! On a à peine de quoi tenir un mois. Si je t'aide, on se casse avec toi sur les routes et tu nous trouves un nouvel endroit où bâtir notre communauté. Il paraît que t'es douée pour ça. Tu voulais te barrer dans le grand nord, non ? Ça me va. J'ai un gars ici qui sait utiliser la radio de ton pucereau. Fais ce que je te demande, on bute le tocard, et je le laisse t'ouvrir la communication. 

— Comment est-ce que tu...

— Je te connais, mon moineau. Pourquoi est-ce que tu irais t'enticher d'un gamin qui pense que la fin du monde n'est qu'un jeu si ce n'était pas pour l'utiliser ? Toi, t'es comme moi. Les gens, c'est de la marchandise pas chère qu'on utilise et on jette à la guise. Ça m'étonne que tu sois seule. Tu n'as pas trouver de pigeon à sacrifier en bouée de sauvetage cette fois-ci ? Allez, il y en a toujours un. Tu adorais faire tuer mes gars lors de tes missions suicides à l'époque, ça ne peut pas s'être arrêté avec ton départ sur les routes, si ?

Miranda serra les poings. Elle n'avait pas sacrifié Bernard, c'était un accident. Comme les autres. Comme tous les autres. 

— Oh là, vu ta tronche, j'ai visé juste. Alors, la carotte ou le cerfeuil ? Je crois pas avoir vu la carotte bouger, donc je parie que tu l'as laissé se faire digérer. C'est pas le premier à se faire avoir, peu importe le nombre de fois où je dis à mes connards de ne pas passer par là. Personne ne m'écoute. Tu vois, toi et moi, on n'est pas si différents. Alors ? Tu vas continuer à me laisser parler tout seul ou tu vas finir par te décider ? Tu veux de mon aide ou pas ? 

Elle poussa un soupir, et évalua ses deux options. Elle pouvait bien tenter de négocier avec lui et revenir vers Frédéric ensuite, mais elle savait qu'il était vain de discuter avec Bruce, ou tout du moins, pas en une fois. De l'autre, si elle acceptait son offre, elle se retrouverait coincée dans un groupe et sous la coupe d'un homme qu'elle avait promis de ne plus jamais servir. En revanche, elle le connaissait assez pour savoir qu'il tiendrait parole et l'aiderait avec la radio. Une fois qu'elle aurait retrouvé Louise, elle n'aurait plus qu'à trouver un moyen de quitter une nouvelle fois le groupe, de gré ou de force. Elle ne comptait pas s'y attarder. Cette solution présentait plus d'avantages que d'inconvénients, et son instinct lui assurait qu'elle n'arriverait pas à un meilleur compromis. Elle n'avait pas le choix. Elle allait devoir refaire confiance à l'homme qui lui avait appris que toute confiance dans ce monde était éphémère.

— C'est d'accord, grogna-t-elle. Mais si tu fais mine de poser la main sur moi comme tu l'as fait dans le passé, je te bute.

— On dirait qu'on a un accord, mon rougegorge. Regarde-nous, copains comme cochons, comme au bon vieux temps. Mais, si tu me le permets, je ne vais pas prendre de risques et te laisser là pour l'instant. Je vais chercher mon gars et parler aux autres. T'as intérêt à tenir parole, parce que, ma grande, à la moindre écartade, moi aussi, je te bute.

Il lui offrit un grand sourire avant de claquer la porte derrière lui. Miranda poussa un soupir, défaitiste. Pour atteindre ses objectifs, il fallait parfois pactiser avec le Diable en personne. 

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