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Myfanwi

CHAPITRE 19

Jeudi 14 octobre 2020, 22 h 20

Miranda maîtrisa difficilement le grognement de mécontentement qui manqua de traverser sa gorge. Deux des hommes de main de Bruce la poussait pour la faire avancer plus vite. Leur leader les distançaient de quelques pas, une hache incendie à la main pour repousser toute présence indésirable, côte à côte avec un inconnu que la jeune femme estima être l'homme qui lui permettrait de passer son appel radio. La jeune femme aurait préféré pouvoir rentrer seule au chapiteau de Frédéric, mais Bruce lui avait refusé ce privilège, prétextant qu'il savait que s'il la laissait partir, elle ne reviendrait pas. Il n'avait pas tort, mais elle avait essayé. 

Cependant, plus ils approchaient de leur destination et plus Miranda angoissait. Elle allait devoir apprendre aux jumelles ce qui était arrivé à leur protecteur. Elle avait toujours détesté ce rôle, qui lui avait incombé plusieurs fois déjà depuis le début de l'apocalypse. Elle soupira. Elle n'avait que vingt ans et elle avait déjà vu plus de personnes mourir que n'importe quelle autre jeune personne de son âge l'aurait dû. 

Le trajet du retour se fit sans problème particulier. Les légumes qu'elle avaient croisé à l'aller se tinrent tranquille, et ils évitèrent la zone du cerfeuil pour emprunter un chemin plus sûr, un peu plus loin dans le parc. Le chapiteau de Bumba le clown était déjà visible au loin. Elle regretta presque que leur marche ne dure pas plus longtemps. 

Bruce tapota la toile avec sa hache.

— Oh, Freddy ! chantonna-t-il. Je te ramène ta petite collègue, je crois qu'elle s'est perdue en chemin. C'était mignon, cette histoire de rabibochage, et tout ça, mais je crois que tu n'as pas misé sur le bon cheval. Approche, mon roitelet, viens dire bonjour.

Miranda soupira et marcha jusqu'à l'entrée de la tente. Elle s'arrêta au même niveau que son bourreau, défaitiste.

— C'est moi, annonça-t-elle d'une voix froide. Ouvre.

La toile du chapiteau s'ouvrit lentement sur le jeune homme aux cheveux verts. Il avait l'air beaucoup moins assuré que la première fois où elle l'avait rencontrée. Son regard accrocha le sien, avant de dériver sur la droite, là où aurait dû se tenir Bernard. Miranda garda le silence, mais ne put s'empêcher de baisser le regard.

— Bon, tu nous invites à l'intérieur ou on va se geler les couilles dehors éternellement ? s'agaça Bruce, la patience incarnée.

— Laisse-le rentrer, murmura Miranda.

Frédéric hésita, puis, résigné, fit un signe de la main pour les inviter à le suivre. Au grand soulagement de la jeune femme, les deux chiens de garde de Bruce restèrent à l'entrée. Miranda fit quelques pas dans la même pièce sale qu'elle avait quitté plus tôt. Quelque chose se frotta immédiatement à ses jambes. Elle sourit légèrement à Macron, visiblement le seul ravi de la revoir en vie. Les jumelles se trouvaient dans un vieux canapé délavé et dévisageaient le nouveau venu avec défiante. 

— Je vois que tu as ton propre petit groupe, mon merle, se moqua Bruce. Tu as le don pour les choisir on dirait. Après la vieille, les deux gonzesses de la famille Addams. T'as vu leur tronche ? Elles font peur. Elles regardent toujours les copains comme ça ? Il faut se méfier, tu sais. De nos jours, les gosses sont tous des psychopathes.

— Ne faites pas attention à lui, leur dit Miranda, peu impressionnée.

— Tu le connais ? demanda Blanche d'une voix contrôlée. Où est Bernard ?

Les épaules de la jeune femme s'affaissèrent. Rose comprit immédiatement. Ses yeux s'embuèrent de larmes. Elle attrapa Macron et courut se réfugier dans la salle d'à côté. Ses sanglots serrèrent le coeur de la jeune femme, qui n'avait même pas eu le temps de parler. Blanche regarda partir sa soeur d'un oeil vide.

— Il est mort ? demanda-t-elle froidement.

— J'ai essayé de l'aider, mais... Un cerfeuil l'a eu. Je n'ai rien pu faire. Il n'a pas survécu. Je suis désolée. On en reparlera plus tard, d'accord ? Tu devrais aller t'occuper de ta soeur. Elle ne va pas bien.

— Elle devra aller bien. C'est la fin du monde, les gens meurent tout le temps, cracha-t-elle, avant de s'éloigner.

La jeune femme resta abasourdie devant ce manque d'émotions. C'était inquiétant. Elle-même devait avouer qu'elle avait appris à contrôler ses sentiments, depuis le temps, mais certainement pas à un niveau pareil. 

— Woah, chuchota Bruce. Je plaisantais quand je disais que tous les gosses étaient des psychopathes, mais cette gamine là, elle a clairement une touquette. 

— Ferme la. 

Bruce leva les mains en l'air en signe de rédition, moqueur. La jeune femme l'ignora pour se tourner vers Frédéric, qui la dévisageait avec inquiétude, et une pointe de colère.

— Ce n'était pas ce dont nous avions convenu, remarqua-t-il, mauvais. Je savais que je n'aurais pas dû vous faire confiance. Maintenant Bernard est mort et vous avez ramené ce taré chez moi !

— Baisse d'un ton, répliqua la jeune femme. C'est entièrement de ta faute. Tu ne m'as donné aucune indication sur à quoi j'allais avoir à faire. Bernard est mort uniquement parce que tu ne nous as pas prévenu qu'il y avait des chemins à éviter. Tu connais pourtant ce parc, à ce que j'ai compris, vu que tu marchandais avec Bruce.

— Tu le connais ? Putain, tu le connais, tu sais de quoi il est capable, et tu l'as ramené ici ?

— Tu crois que j'ai eu le choix ? cria-t-elle en levant légèrement ses mains attachées derrière son dos. Si tu me l'avais décrit, je t'aurais dit qu'il n'y avait aucune chance de lui faire changer d'avis et de te barrer d'ici tant que tu le pouvais encore. De ta faute, nous sommes tous les deux dans la merde maintenant. 

Bruce se plaça entre eux. Un grand sourire illuminait son visage.

— Allons, les enfants. Ne vous battez pas pour moi ! Tu me détestes, dit-il en pointant le jeune homme, elle me déteste, poursuivit-il en visant Miranda. Tout le monde me déteste. Les gars, vous me détestez ? demanda-t-il aux deux gardes à l'entrée, qui l'ignorèrent copieusement. Voilà, on est sur la même longueur d'ondes. Pas la peine de vous entretuer pour avoir la même opinion. Ça arrive à tout le monde. 

Bruce déambula dans la pièce et s'approcha de la station radio. Frédéric se tendit immédiatement.

— Par contre, elle et moi, on a un point en commun, c'est vrai. On veut utiliser ton bidule, pour que ma bergeronette ici présente passe son appel et puisse me tirer de cet endroit de mort. Donc on peut le faire de deux façons. Soit tu nous ouvres bien gentiment la ligne et qui sait, on pourrait même t'intégrer dans notre groupe ensuite, copains comme cochons et tout le tralala ! Ou tu me fais chier, je t'éclate la tronche sur tes figurines jusqu'à ce que tu sois méconnaissable et le poto que j'ai ramené avec moi se charge de faire marcher ton bidule, pour qu'on puisse se casser quand même. Ça ne me fait pas plaisir, tu sais, de t'exploser la tronche. Les gens, c'est une ressource rare de nos jours. Mais si tu ne me laisses pas le choix, je le ferais avec un grand plaisir. Comme tu l'as dit à la gonzesse, tu sais de quoi je suis capable, ajouta-t-il d'une voix teintée de menace.

Le jeune homme déglutit. Tout dans sa posture indiquait qu'il était mal à l'aise : le teint pâle, le regard fuyant, les mains qui refusaient de rester tranquille, le genou qui s'agitait en rythme. Miranda se sentit coupable de le mettre dans une telle situation. Malheureusement, son dénoument ne lui appartenait pas.

— Très bien... soupira Frédéric, résigné. Je vais le faire. 

— Gentil garçon, réagit Bruce, comme l'on félicitait un chien. Hop, hop, au boulot maintenant.

Pour appuyer son propos, il lui donna une petite tape sur les fesses qui ne manqua pas de faire réagir l'intéressé d'un cri de surprise. Les joues rouges, il se précipita vers son tableau de bord et commença à faire divers branchements et à actionner des boutons. Miranda ne pensait pas qu'il serait si compliqué de faire fonctionner une station de radio, mais le jeune homme avait l'air de savoir ce qu'il faisait.

Elle sentit l'angoisse lui nouer l'estomac. C'était le moment de vérité, et elle n'avait pas préparé ce qu'elle allait dire à l'antenne. Elle n'en avait pas vraiment eu le temps entre ce qui était arrivé à Bernard et sa courte aventure sur le territoire de Bruce. Elle espéra que Louise, où qu'elle soit, entende son appel. 

— Quelle est la plus grande ville à proximité ? demanda-t-elle aux deux hommes dans la pièce.

— Bruges. C'est à deux heures en voiture, répondit Frédéric, sans quitter le panneau des yeux. Si vous vous y risquez à pied, c'est à environ dix heures au nord. 

— Tu as des voitures ? demanda-t-elle à Bruce.

— Mon bouvreuil, si j'avais une caisse, ça ferait bien longtemps que je ne pourrirai plus dans ce bled pourri. 

Elle grogna. Elle n'avait pas envie de marcher aussi longtemps en compagnie d'un groupe. Un groupe, ça faisait du bruit, et le bruit, ça attirait les légumes. Elle espérait réussir à fausser compagnie à Bruce rapidement. 

Pourvu que ça fonctionne...

Frédéric tapa encore quelques boutons, puis recula. Il pointa le micro à la jeune femme. Miranda s'approcha, un peu impressionnée par toute la machinerie.

— Tu as juste à appuyer sur le gros bouton, là, et parler, bien proche du micro pour qu'on t'entende bien. Je vais enregistrer le message et le passer plusieurs fois dans la journée. Je laisserai la station en automatique lorsqu'on... Euh... Partira, apparemment. 

— Tu n'es pas obligé de venir, répondit Miranda, plus aimable. Je comprendrais, crois-moi.

— Je n'ai pas le choix. Je n'ai presque plus de réserves ici. J'aurais de meilleures chances sur les routes. Même si ça doit être avec... lui. J'espère que tu retrouveras la personne que tu recherches. 

Elle hocha la tête, et s'approcha du micro. Elle lança un regard insistant à Bruce, qui leva les yeux au ciel avant de venir lui détacher les mains, non sans une once évidente de mauvaise fois. Elle n'eut heureusement pas à le supplier de lui laisser un peu d'intimité : il se dirigea de lui-même vers la sortie pour aller attendre avec ses hommes à l'extérieur.

Frédéric resta dans la pièce pour s'assurer que tout se passait bien, mais sa présence ne la dérangeait pas. Il était peu être extravagant, mais elle savait qu'il avait un bon fond. Elle ne pouvait pas vraiment lui en vouloir de toute manière, maintenant qu'elle l'entraînait presque de force sur les routes avec la parodie de Negan. Au moins, elle lui avait évité la mort.

Miranda s'assit sur le petit tabouret devant le panneau de contrôle et tira légèrement le microphone à elle. Elle prit une inspiration, puis appuya sur le bouton pour enregistrer sa voix.

— Je m'adresse à toutes les voitures et les détenteurs de stations radios des environs. Je m'appelle Miranda, et je recherche mon amie, Louis. Nous avons été séparées il y a une semaine environ à Berck-sur-Mer. C'est une personne âgée, très gentille, et sans doute perdue. Si jamais vous la voyez, ou si, par chance, tu m'entends Louise, je pars à Bruges dès demain. On y montera un camp, et je t'y attendrais aussi longtemps que je le peux. Quelques jours, quelques semaines. J'espère que tu es encore dans la région. Tu me manques. 

Elle sourit. Elle s'approcha à raccrocher, mais se ravisa.

— Et Connor, si tu es toujours avec elle, tu as intérêt à me la ramener en vie. Si j'apprends que tu l'as faite tuée, ou que tu t'en es débarrassé, je te jures sur ma vie que je vais te trouver et te descendre. Miranda, terminé.

Elle relâcha le bouton, qui brilla brièvement d'une lumière rouge, signe qu'il enregistrait la voix. La jeune femme se tourna vers Frédéric, qui hocha la tête et la rejoignit en deux enjambées. Il s'occupa des derniers réglages, puis lui confirma que l'enregistrement avait bien fonctionné. Elle le laissa travailler sur la mise sur antenne, et décida de retourner voir les jumelles, dans la pièce d'à côté. Elles n'avaient plus personne, elle allait devoir assurer à présent.

— Les filles ? 

Blanche releva le visage vers elle. Rose était allongée dans le canapé, la tête enfoncée dans un coussin, et pleurait à longs sanglots. Elle serrait compulsivement Macron contre elle, qui ne sembla pas s'en offusquer. Sa soeur lui caressait gentiment le dos pour essayer de la réconforter. Miranda s'assit sur le bout de canapé encore libre, à côté de ses jambes.

— Je suis désolée. Je sais que c'est dur, mais on va s'en sortir, d'accord ? Je vais m'occuper de vous deux, je vous le promets. 

— Est-ce qu'il a souffert ? demanda Blanche d'une voix inexpressive.

— Non, mentit-elle. Je pense qu'il n'a rien vu venir. Mais c'était quelqu'un de bien, il m'a beaucoup aidée et a sacrifié énormément pour m'amener ici. Alors je lui dois bien ça. Je vous dois bien ça. 

Rose arrêta de pleurer, et, à sa grande surprise, vint enlacer son ventre. Miranda resta un moment les bras en l'air, abasourdie par ce soudain élan affectueux. Elle finit par poser sa main sur le dos de la jeune fille.

— Où est-ce qu'on va vivre maintenant ? demanda-t-elle d'une petite voix.

— On va marcher quelques jours avec un groupe, pour aller retrouver mon amie. Et ensuite, on ira vers le grand nord pour s'y installer. Vous aimez la Norvège ?

— C'est quoi la Norvège ? 

— C'est un pays, plus froid qu'ici. On y sera bien.

— D'accord, murmura Rose. Tant que tu ne nous laisses pas toutes seules, on te suivra jusqu'au bout du monde. Tu promets que tu ne nous laissera pas ?

— Je te le promets.

La petite fille s'en contenta, et affirma sa prise sur elle. Miranda sourit légèrement. Peut-être que les choses étaient en train de s'arranger, finalement.

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