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Chapter 9

Je pénètre dans le presbytère par la petite porte arrière à l'aide du jeu de clefs que m'a confié père Thomas. Je veux trouver des informations sur ce fameux groupe de chasseurs en attendant de trouver le prêtre marqué. Je suis presque sûr que Thomas n'est au courant de rien, mais mon expérience m'a appris à me méfier des apparences. N'importe qui doit être envisagé. Ce vieil homme innocent et malade pourrait bien en savoir plus qu'il n'y paraît. 

J'entre dans sa chambre. Vide et froide. Ses affaires ne sont plus là, mais quelques vieux cartons à moitié fermés traînent ici et là. Ce soir, il doit dormir dans son nouveau logement. Je retourne dans le couloir à pas discrets pour ne pas réveiller William. Quand je pense qu'il me rembarre comme si je n'étais qu'un banal humain...

 Je grommèle dans ma barbe. Son indifférence à mon égard me frustre beaucoup trop. Je suis juste censé en faire mon repas, pourquoi m'entêter à vouloir le séduire alors que mes pouvoirs ne le font pas succomber ? Même en ayant les mains sur lui, il a su résister. Dieu que je déteste les prêtres... Je suppose que notre haine réciproque ne doit pas m'aider à conclure.

J'entre dans la bibliothèque, qui sert aussi de bureau. Une fine odeur de savon noir et d'huile végétale est perceptible dans l'air. J'examine les documents sur les étagères, entre les livres et dans les meubles, mais rien en rapport avec ma recherche. 

Je m'assois sur le fauteuil du bureau et réfléchis en observant chaque coin de la pièce. Où pourrais-je cacher des fichiers secrets si j'étais un vieux prêtre, avec si peu d'endroits à ma disposition ? En tentant d'ouvrir les tiroirs, je constate qu'ils sont verrouillés. C'est étrange. Pourquoi sont-ils encore fermés à clef si le vieillard s'en va ? Qu'est-ce que Thomas pourrait cacher à William s'ils se font confiance ? 

J'allume l'ordinateur. Bloqué par un mot de passe. Je soupire et referme le clapet avant de le rouvrir aussitôt. Cette image de fond... c'est la façade du 221b Baker Street, soit, la résidence de Holmes. Cet ordinateur est à William.

Je me retourne et analyse la pièce avec un œil neuf. Je me lève et laisse glisser mes doigts sur la table centrale pour en épouser chaque aspérité, le nez attentif à la moindre odeur. De très vieilles traces de café tâchent le bois en différents coins. Des réunions ont eu lieu ici, il y a longtemps. 

Je m'en retourne à la bibliothèque et caresse les étagères du bout des doigts. Aucune poussière. Je passe en revue les livres : des ouvrages scientifiques, de la chimie, des manuels d'astrophysique et de mécanique quantique, des essais sur l'inconscient... Pas un seul livre ne dépasse et les couvertures sont impeccables, même les plus anciennes. 

Lorsque je me suis entretenu avec Thomas, tout était en désordre sur son bureau et la poussière ne semblait pas le déranger. Il a aussi mis un temps fou à trouver les papiers à me faire signer. De plus, le peu de lectures que j'ai vu traîner sur son chevet parlaient de développement personnel et leurs coins étaient abimés. En me prenant du recul, je comprends : ce bureau est en réalité celui de William. 

Tout se réemboîte d'une nouvelle façon. Tout comme Thomas avant lui, je l'imagine être le Stratège. Si l'on oublie son jeune âge, sa vivacité d'esprit et son intelligence colleraient à merveille au profil. L'idée me séduit autant qu'elle me contrarie. Pourquoi ai-je tant de réticence à le tuer ? Je fronce les sourcils. Plus de quarante ans que je supprime des hommes de foi problématiques, dans n'importe quel pays. Que m'arrive-t-il avec celui-ci ? 

Si Keira m'entendait réfléchir... Enfin, de toute façon, le Stratège est un tueur comme moi, expérimenté, froid et calculateur. Impossible que quelqu'un d'aussi jeune, sage et prude que William soit ma cible. Je me dirige vers la porte, la conscience tranquille.

L'écho d'un bruit attire mon attention. Je ressors de la bibliothèque et suis sa provenance jusqu'à l'église. J'entrouvre la petite porte de la sacristie pour avoir une vue sur la nef et aperçois Thomas sur le seuil de l'entrée, aidant William à avancer. Il trébuche contre un banc, visiblement en grande souffrance. Une légère odeur de sang me parvient. Que s'est-il passé ? S'est-il fait agresser ? 

Une rage intense monte en moi à cette idée. Mes poings se serrent. Non. Impossible. Aucun autre vampire que moi n'a le droit de le toucher ni de le mordre, je suis le seul à avoir ce droit. Mes canines commencent à piquer mes lèvres sous l'effet de la colère. J'ai pourtant signalé que les attaques sauvages devaient cesser, comment ont-ils osé s'en prendre à lui ?

Je remarque vite les températures glaciales qui imprègnent la salle. On se croirait dehors au mois de janvier par 0 degré. William hoche la tête face à Thomas et l'incite à quitter l'église. Pourquoi ? Pourquoi veux-tu rester tout seul ? Laisse-le te soigner, voyons ! Quelle tête de mule. 

La mine inquiète, Thomas finit par quitter les lieux et referme à double-tour derrière lui. William se laisse glisser au sol dans l'allée, contre un banc, le visage dans la main. Que t'est-il arrivé, mon cher petit prêtre ? 

Je meurs d'envie d'aller le voir, c'est presque si j'en trépignerais. Mais s'il me découvre ici, à cette heure, il m'éjectera dans la seconde – ou courra s'enfermer dans sa chambre. Dans sa situation, ce serait plus que compréhensible.

Il se lève, boite sur deux mètres et s'effondre contre un banc dans un gémissement. Je serre les dents, la boule au ventre. Je ne supporte pas de le voir dans cet état. Quand je découvrirai qui l'a attaqué, le responsable va passer un très mauvais quart d'heure. Il jette son lourd manteau paroissial sur une assise, révélant sa soutane noire, et se relève à l'aide d'un dossier. 

Je cherche les traces de sang sur son cou, mais il n'y en a aucune. Les seules blessures que j'imagine, à en croire sa démarche, se trouvent sur le bas de son corps. Cette pensée me mène à croire qu'autre chose de pire s'est peut-être produit. Cela expliquerait pourquoi il a tenu à rester seul... Ma rage se décuple. Je plante les ongles dans mes paumes jusqu'au sang. J'espère pour le ou les coupables que ce n'est pas ce qu'il s'est produit ou des têtes vont tomber.

Après avoir disparu quelques instants derrière l'autel, il se rapproche de ma position. Je me dépêche de me cacher derrière un meuble et le regarde entrer en boîtant dans la sacristie. Il reprend son souffle contre la porte avec une expression douloureuse et se dirige vers le presbytère. 

Je le suis jusqu'à sa chambre, aussi discret qu'un félin, et il s'y enferme – à mon grand malheur. Je peste en moi-même devant la porte, puis attends de longues secondes avant d'entendre à nouveau du bruit. Des claquements ? Des prières ? Que fait-il ? Les secondes s'écoulent et je demeure impuissant. Il a mal, c'est évident. Que dois-je faire ? Je ne peux plus rester en place. J'ouvre brusquement la porte sans réfléchir davantage et...

― W-William ?

Je le découvre à genoux, sa soutane baissée jusqu'aux hanches et un fouet ensanglanté dans la main. Son dos est lacéré. Je suis sans voix. Il... s'auto-flagelle ?

― Qu'est... qu'est-ce que vous faites là ? s'épouvante-t-il.

Il remonte la soutane sur son torse et tente de se relever rapidement, mais il retombe dans la foulée dans un gémissement de douleur en se prenant les pieds dans son vêtement. Je me précipite vers lui.

― Laissez-moi vous aid...

― Sortez ! hurle-t-il. Sortez tout de suite de ma chambre !

Je recule aussitôt. Il n'avait encore jamais haussé le ton contre moi.

― Père William, je veux juste vous aider...

― Je n'ai pas besoin de vous, gronde-t-il, sur la défensive, je n'ai besoin de personne ! Rentrez chez vous et laissez-moi tranquille !

Malgré ma stupeur, je respecte sa volonté et referme la porte à contrecœur. J'ai du mal à croire ce que je viens de voir. Je me plaque dos au mur. Pourquoi s'inflige-t-il cette torture ? Que s'est-il passé, ce soir ? Je dois le savoir. Je voudrais partir et retrouver le responsable, mais son état me pousse à rester. Et s'il avait besoin d'aide, durant la nuit ? 

Je me prends le front dans la main. Le présent se superpose au passé et me replonge dans le gouffre que j'avais enfoui en moi depuis des décennies. Je ne suis plus la même personne qu'il y a quarante ans, lorsque la mort a emporté ce qu'il restait de mon cœur brisé. Je ne suis plus l'être attentif et protecteur qui a souffert par amour ou par loyauté pendant cinq siècles. Je suis un monstre qui a épousé sa part sanguinaire et tue l'ennemi de sa race pour vivre. Je me suis fait ce serment pour me préserver, je m'y tiendrai. 

Alors, non, je ne dois pas rester. Des vampires ont possédé la cible qui m'appartient, rien de plus. Je dois repartir, maintenant. C'est ça que doit faire le Matthew d'aujourd'hui, et c'est ça ce que je vais faire.

Je demeure silencieux de longues secondes, l'oreille tendue vers ses soupirs de souffrance, puis me laisse glisser contre le mur et m'assois sur le sol. Le nouveau Matthew, le nouveau Matthew ne doit pas disparaître...

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