Loading...
Report sent
1 - Prologue
2 - Chapter 1
3 - Chapter 3
4 - Chapter 3
5 - Chapter 4
6 - Chapter 5
7 - Chapter 6
8 - Chapter 7
9 - Chapter 8
10 - Chapter 9
11 - Chapter 10
12 - Chapter 11
Loading...
Loading...
You have no notification
Mark all as read
@

Chapter 5

En ce samedi soir, la paroisse fermant bientôt ses portes, je profite de ce temps libre pour me détendre dans le bureau. Demain matin, après le sermon de dix heures, je rencontrerai Keith et nous échangerons autour des derniers meurtres de notre nouvelle cible. 

Je prie toutefois pour que ce vicieux de Nightingall ne soit pas présent. Cet homme finance nos projets et nos rénovations, je devrais m'en réjouir, mais mon aversion pour lui m'aveugle. Certes, c'est un quelqu'un d'immoral, mais si je finis par le vexer dans son égo et qu'il nous coupe les fonds, j'en serai le seul responsable. Je dois le tenir à distance sans pour autant être trop désagréable avec lui.

Je pars m'installer sur le rebord de la fenêtre et cale mon dos contre le coussin sur le mur, dans l'angle, avant d'ouvrir Une étude en rouge. Dans un long soupir fatigué, je glisse une main dans mes cheveux et laisse de longues mèches retomber sur mon front avant de les recoiffer derrière l'oreille. 

Mes paupières se ferment un instant. Posé sur la console près de moi, mon thé diffuse une odeur boisée et épicée qui commence déjà à me relaxer. La porte s'ouvre brusquement et manque de me faire sursauter. Que disais-je au sujet de me détendre ?

― William, vous êtes ici ! s'exclame l'être qui me donne de l'urticaire.

Je réponds dans un rictus grimaçant.

― C'est père William.

Pourquoi lui répéter constamment alors qu'il se fait un plaisir de me manquer de respect ?

― Mille excuses, mon père.

Je lève les yeux au ciel. Il admire la bibliothèque et je l'observe d'un œil vigilant.

― Vous êtes d'une telle méfiance envers moi, qu'ai-je fait pour mériter ça ?

― Vous êtes un paroissien comme un autre, pour moi. Rien de plus rien de moins.

Je me plonge dans ma lecture, imperturbable. Il s'approche, les mains dans les poches, avec son air charmeur de Don Juan. Y-a-t'il vraiment des personnes sur qui ce genre de jeu fonctionne ? 

Certes, je ne suis pas le mieux placé pour comprendre. Bien que je l'observe depuis longtemps chez les autres, l'amour m'est toujoursinconnu, pour le moment, et en ce qui concerne le sexe, les gens ne m'intéressentpas de cette manière ; du moins, je n'ai encore jamais connu cettealchimie fantastique que les livres décrivent et encensent. Et ma vie actuelle esttout sauf propice à la découverte de soi. Ce dont je suis certain, c'est que j'admire les gentlemen et exècre les séducteursarrogants.

Il tire une chaise tout près de moi et s'enracine dessus, les bras croisés sur le dossier. Il est littéralement collé au rebord de la fenêtre, ce qui m'empêcherait de descendre en toute liberté, si je le désirais.

― Dites-moi...

― Vous perturbez ma lecture, monsieur Nightingall.

Il examine la couverture de mon livre.

― J'ai lu tous les Sherlock il y a bien longtemps. Malgré les nombreuses tentatives de l'imiter, Holmes reste un personnage inégalable.

Je hausse un sourcil sans me détacher de mes lignes. Lui ? Il a lu Sherlock Holmes ?

― Vous me prenez pour un idiot qui ne pense qu'à baiser, avouez-le.

Je relève la tête et me braque sur lui.

― Vous ne corrigez pas mon langage ? Vous ne me rappelez pas que je suis dans la maison du Seigneur, mon père ?

― A quoi bon puisque vous n'en faites qu'à votre guise.

― C'est vrai. Et ma guise me suggère de vous étudier de plus près.

― Tant que vos mains restent sur vous.

― Ça, je ne peux pas vous le promettre, mon père.

Est-il bien sérieux ? Je n'en crois pas mes oreilles. Je referme le livre brusquement et fige un regard outré sur lui.

― Vous vous adressez à un homme de foi, un représentant de dieu.

― Ce qui vous rend d'autant plus... intéressant, pour rester poli.

Il quitte sa chaise et s'assoit sur le bord, collé à mes cuisses. Je le regarde avec un air effaré alors qu'il lèche mon corps des yeux. La soutane ne l'arrête pas, au contraire. Elle ne fait que nourrir ses fantasmes et attiser ses ardeurs. Je ne supporte pas son comportement. Dans la maison du Christ ou ailleurs, son attitude est intolérable.

― Vous ne savez pas à quel point vous avez raison sur moi au sujet de l'ennui, mon père. Mais depuis notre rencontre, je découvre un tout nouveau monde. Le désir de l'inaccessible, l'interdit...

Il s'approche de moi et me dévore des yeux.

― ... la pureté masculine.

Mon inquiétude franchit un nouveau cap. Passera-t-il à l'acte ? Ma seule envie, à l'heure actuelle, est de fuir loin de lui au plus vite. Malheureusement, pour sortir de mon coin, je devrai le toucher. Il ne s'écartera pas.

― Laissez-moi, monsieur Nightingall, fais-je calmement.

Il recule sa tête légèrement et j'en profite pour avancer sur le rebord afin de redescendre. Mais, à mon grand malheur, il me barre la route en tendant son bras devant moi, une main plaquée contre la vitre. Je me fige. Il approche sa bouche de mon oreille.

― Je côtoie des curés depuis longtemps, mon père. Mais aucun ne m'a jamais inspiré tout ce que vous m'inspirez, vous, susurre-t-il. Vous êtes un véritable petit trésor...

Un frisson me parcourt. Il prend une lente inspiration près de mes cheveux pour goûter à mon odeur. Mon rythme cardiaque s'accélère.

― Ces beaux cheveux clairs, cette jolie nuque...

Il se mord la lèvre et retire son bras.

― Partez vite avant que je ne commette déjà le péché de chair, père William.

Je descends du bord avec mon livre contre moi. L'angoisse au ventre, je quitte la pièce sans me retourner et trouve refuge dans la nef, sur un banc. Je ne peux pas m'enfermer dans ma chambre, il serait capable d'entrer et de me faire subir le pire avec un lit à sa disposition. Ici, les quelques fidèles en train de prier seraient témoins de ses actes.

Je ferme les yeux avec l'espoir vain que Dieu entende mes supplications, même s'il m'ignore depuis ma naissance. Un prêtre sans Dieu, tenant une paroisse... quelle ironie. Je baisse la tête, la gorge nouée. Je ne suis pas Job, malheureuse victime du Diable, je ne suis rien d'autre qu'un homme abandonné par les cieux.

― A bientôt, mon père, me lance Nightingall en marchant dans l'allée centrale, les mains dans les poches.

Mon poil se hérisse. Je saisis ma croix et la serre en réflexe contre ma poitrine. Je méprise cet homme autant que je le crains.

Comment this paragraph

Comment

No comment