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Chapter 3

- Le tribunal vous condamne à 24 mois de prison dont 18 mois ferme et 6 avec sursis. La peine est applicable ce jour, sans possibilité de dérogation. Vous serez donc transféré à la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis à l’issue de cette audience. La séance est levée.

Les mots furent faciles à retenir. Si faciles qu’ils martelaient le crâne de Milan sans qu’il puisse les arrêter.

Coupable. Je suis coupable. Pour ainsi dire, il n’avait pas cherché à faciliter la tâche de son avocat commis d’office. Il lui avait simplement fait passer le mot qu’il ne voulait pas voir ses sœurs et sa mère au tribunal, le jour de l’audience. Pour le reste, il s’était contenté de vaguement retracer le cours de la soirée qui avait mené à la mort de son père. Il avait nié son implication dans son décès prématuré, mais avait reconnu qu’il était livreur de drogue et que cette profession était à l’origine du drame. Des policiers lui avaient demandé de balancer des noms, des complices, des fournisseurs, n’importe quoi qui puisse prouver un début de collaboration avec les forces de l’ordre. Mais Milan était resté parfaitement silencieux. Même les meilleurs répliques des flics n’avaient pas réussi à le faire changer d’avis.

- Il n’y a pas d’honneur chez les racailles.

- Tu finiras seul et ils ne viendront pas te soutenir en prison.

- Tu vas prendre cher à la place des vrais coupables.

- Tu ne veux pas savoir qui a commandité l’assassinat de ton père ?

Évidemment qu’il voulait en avoir le cœur net. Mais ses soupçons étaient déjà suffisamment établis sans qu’il ait besoin d’en savoir plus. Dans le quartier, au numéro 22, la tour dans laquelle officiait le VD était dirigée par quatre têtes pensantes. Un chef et trois sous-lieutenants. Tous avaient leurs fonctions bien précises et l’organisation reposait sur la répartition de leurs compétences. L’unique femme, Octavia, était chargée de recruter le petit personnel et d’acheminer la marchandise en provenance des ports et des routes vers des planques sécurisées et lourdement protégées. C’était une très belle femme d’environ vingt-cinq ans qui n’hésitait pas à jouer de ses charmes pour obtenir ce qu’elle souhaitait dans un monde dangereux où beaucoup désiraient prendre sa place.

Le mastodonte de l’équipe, Paulo, était aussi le petit chimiste du groupe. A première vue, si l’on s’arrêtait à ses deux mètres dix et ses cent-trente kilos de muscles, on pouvait croire que Paulo n’était qu’une machine à tuer. En réalité, quand il ne passait pas son temps à la salle de sport, il le dépensait dans un labo clandestin à gérer le conditionnement de la marchandise et à faire des essais de combinaisons entre plusieurs drogues, certain de pouvoir mettre au point le nouveau produit phare de demain.

Le troisième et dernier lieutenant de la bande s’appelait Ir’Tech. Enfin, il s’agissait de son pseudo sur le darkweb et personne ne pouvait se vanter de connaître son véritable prénom. Même ses plus proches associés ne savaient de sa vie que ce qu’il voulait bien laisser voir. Ce petit génie de l’informatique gérait les communications, les réseaux de distribution et le piratage des caméras de surveillance sur une large de zone autour du VD. Il était le seul membre de la bande à ne pas avoir grandi ici. Il avait atterri là un peu par hasard, avec son gros berger australien, et n’avait jamais dit pourquoi il souhaitait se lancer dans le trafic de drogue. En revanche, pour persuader les chefs de l’engager, il leur avait avoué tout ce qu’il savait sur eux en ayant simplement hacké leurs portables et leur avait promis que, avec lui, plus personne ne pourrait jamais avoir accès à leurs données.

Enfin, celui qui régentait tout ce beau monde se faisait appeler Vince. Vincent pour les intimes, mais les seuls intimes qui s’y étaient risqués avaient pris du plomb dans le crâne. Vince était un gamin du quartier qui avait la faculté de se faire apprécier partout où il passait. C’est ainsi qu’il avait récupéré des contacts et des informations essentielles afin de faire chanter un maximum de monde et de créer à son égard beaucoup de créances. Petit à petit, tout le quartier s’était retrouvé redevable à Vince, pour une raison ou pour une autre et quiconque ne se pliait pas à sa volonté risquait de voir sa vie se raccourcir brutalement, notamment grâce à l’appui de Paulo. A eux deux, ils étaient parvenus à faire naître une crainte légitime à leur égard dans toute la ville et il n’était pas rare de voir des bagnoles de flics éviter la zone sous peine de contrarier ce cher Vince.

Milan avait appris tous ces détails en traînant avec les mauvaises personnes, en laissant une oreille se balader à droite ou à gauche ou en demandant à quelques connaissances bien choisies si, à l’heure de l’interrogatoire, cela valait le coup de garder le silence. Tous ceux à qui il avait parlé lui avaient tenu le même discours :

- Les murs de la prison ne seront pas un obstacle pour Vince. Tu seras heureux de n’avoir rien dit à son sujet en sortant.

Alors Milan s’était tu et avait choisi de prendre son mal en patience. Et, en soi, il se fichait bien d’être condamné pour avoir livré de la drogue. Il venait d’un monde où il fallait choisir entre manger et être mangé. Les règles du jeu étaient claires dès le début et le jeune homme savait ce qu’il risquait à l’instant même où il avait ramassé le premier sac de livraison.

En revanche, il était coupable de la mort de son père. Pas parce qu’il lui avait tiré dessus, non ! Le mérite de cette trahison revenait à quelqu’un d’autre. Mais parce que son obstination à se taire face à son père avait poussé son paternel à se méfier de son comportement et de ses agissements. S’il avait su le rassurer, il ne se serait jamais trouvé au pied de l’immeuble ce soir-là. Personne n’aurait pu lui tirer dessus. Et savoir qui avait appuyé sur la gâchette était secondaire, à présent. Cela ne conduirait Milan que sur un seul chemin : celui de la vengeance. Or, face au VD, face à Vince et ses sbires, il n’y trouverait que la mort. Alors, intérieurement, Milan se contentait de savoir que le VD était responsable et cela lui allait très bien ainsi.

- Voilà ta nouvelle maison ! blagua le policier qui conduisait la fourgonnette blindée. Si t’as de la chance, ils te mettront au troisième étage. La vue est meilleure.

La plus grande prison d’Europe se dessina sous les yeux du condamné qui encaissa difficilement cette vision. Un immense bâtiment gris hexagonal entouré d’un rideau de murs barbelés, percé régulièrement de petites fenêtres pas beaucoup plus larges que des meurtrières du moyen-âge laissant apercevoir quelques lumières allumées. Plusieurs petites étendues d’herbe étaient amarrées au pied de ce simulacre de flocon de neige, découpant en quartiers les résidences surveillées par de hautes tours. A l’entrée, un pavillon terne et fatigué s’enorgueillissait d’un néon clignotant qui mettait en valeur la porte d’entrée. On pouvait y distinguer derrière de larges vitres poussiéreuses une secrétaire affairée derrière un petit bureau recouvert de tout un tas de dossiers.

Milan baissa les yeux sur ses poignets menottés et ses paupières se fermèrent un instant pour ne plus penser qu’à une chose : Sofia. Il ne pensait qu’à elle depuis l’enterrement de son père où le juge des libertés lui avait permis de se rendre. Là, il avait assisté à la cérémonie encadré par deux policiers armés qui le fixaient méchamment comme s’ils suspectaient son envie d’évasion. On lui avait interdit de parler avec sa mère ou Leila. Serena, elle, était introuvable. Le bruit courait qu’elle avait fui la cité quelques heures après la mort de leur père, ne supportant pas l’idée que son frère soit responsable de la mort du chef de famille. Leila avait bien essayé de venir serrer Milan dans ses bras, mais elle avait été repoussée par les policiers qui ne faisaient qu’obéir aux consignes qu’on leur avait données. Quant à sa mère, elle lui avait jeté un seul regard, légèrement intrigué, où la fatigue se disputait à la mélancolie. Elle n’avait même pas semblé le reconnaître.

Milan n’avait pas pleuré lors du discours du prêtre, il n’avait pas versé la moindre larme lors de la mise en terre. Il s’était contenté de serrer les dents tout en analysant le comportement de ses plus proches parents. Lorsqu’il avait quitté le cimetière, la peine avait tenté de lui enserrer le cœur, mais il l’avait repoussée pour mieux se concentrer sur la rage qui bouillonnait en lui. Son père était mort pour rien, par sa faute, sa famille était décomposée et sa vie n’avait plus le moindre attrait. Il allait vivre plusieurs mois en prison, loin de toute la misère qui frappait ses proches et le pire était qu’il n’avait pas pu passer le moindre coup de téléphone à Sofia pour la prévenir de ce qui lui était arrivé.

Il avait cru qu’elle serait là à l’enterrement, qu’elle viendrait le réconforter, qu’il pourrait regarder son sourire une dernière fois avant d’être enfermé. Mais elle avait disparu. La logique voulait qu’elle se soit envolée pour New-York le soir du drame sans l’attendre alors qu’il lui avait promis qu’ils partiraient ensemble. Arrivée aux États-Unis, la jeune femme était devenue injoignable sur son numéro français et Milan ne possédait pas les ressources nécessaires pour la faire rechercher pour lui.

Alors, frappé par cette terrible évidence dans la voiture de police qui quittait le cimetière, la rage s’était transformée en peine, puis en panique à l’idée de ne plus jamais revoir celle qu’il considérait comme la femme de sa vie. Il n’avait plus pensé qu’à ça jusqu’à sa comparution devant le juge correctionnel, se concentrant sur sa double perte pour esquiver la tentation d’avouer tout ce qu’il savait sur Vince et ses complices. L’idée n’était même pas que le chef du gang lui soit redevable à sa sortie de prison. Milan voulait simplement laisser ce pan de son histoire derrière lui et éviter qu’on vienne lui chercher des ennuis pendant son incarcération ou à sa libération. Il ne devait pas se concentrer sur le VD au risque de vriller et de vouloir leur faire rendre gorge pour payer la mort de son père du prix du sang.

On l’emmena jusqu’au bureau des admissions sous le regard attentif des gardes pénitentiaires qui surveillaient l’entrée de la maison d’arrêt. Il déclina son identité auprès de la secrétaire qu’il avait aperçue depuis le parking et lui remit le peu d’objet qu’il gardait dans ses poches : une pièce de dix centimes qui traînait là depuis longtemps, un vieux mouchoir usagé, un stylo à l’encre sèche et un morceau de papier qui portait encore l’écriture de Sofia. Elle y avait inscrit ces mots :

Je t’aime pour la vie

Qui aurait pu prévoir que cette vie serait si courte ?

- Dans la pièce suivante, un agent va procéder à votre fouille corporelle intégrale, précisa la secrétaire d’une voix monocorde comme si elle répétait un texte appris par cœur. Puis, vous serez conduit dans une seconde pièce où un membre du personnel administratif de la prison vous informera de vos droits et des informations générales vous concernant tout au long de votre incarcération. Ensuite, vous serez soumis à un examen médical obligatoire afin de déterminer votre état de santé physique et psychologique. Enfin, vous passerez vingt-quatre à quarante-huit heures dans une cellule d’observation afin de déterminer si vous devez être affecté à un quartier spécifique ou si vous devez bénéficier d’un régime de détention particulier. Avez-vous des questions ?

- Non, madame, répondit sobrement Milan.

La femme hocha la tête et appuya sur un bouton déverrouillant l’accès à la partie sécurisée de la prison. Quelques secondes plus tard chacune des prédictions de la secrétaire se vérifia et Milan se laissa ballotter d’un endroit à un autre sans même réfléchir à ce qui lui arrivait. Il préférait se concentrer sur le visage de Sofia, sur son rire, essayant de ne pas imaginer ce qu’elle était en train de vivre, à l’autre bout du monde, sans lui. Ce qu’elle était en train d’expérimenter. Qui elle était en train de rencontrer. Non seulement ces détails aurait pu le rendre fou, mais ils auraient aussi contribuer à rendre le jeune homme agressif. Il choisit simplement de projeter le visage de sa bien-aimée au plafond de la cellule d’observation, lorsque ce manège de bienvenu fut terminé et il passa sa première nuit d’enfermement à le contempler.

Au petit matin, après une courte période de sommeil, Milan eut l’espoir que ces derniers jours n’étaient qu’une succession de mauvais rêves, mais le dur matelas sur lequel il s’était cassé le dos toute la nuit lui soutenait le contraire.

Un gardien vint l’extirper de la petite cellule vers 8 heures pour l’emmener dans ses quartiers définitifs avant le petit-déjeuner. Le jeune homme marcha tranquillement dans le dos de son geôlier, le regard contemplant la longue ligne bleue qui courait sur le sol entre les portes des cachots. Ces dernières, dotées de hublots pour permettre aux gardes de surveiller les prisonniers sans avoir à ouvrir la porte, étaient verrouillées par un loquet à code. Derrière les panneaux, on pouvait entendre la vie qui commençait à s’éveiller en ce début de matinée. Milan traversa deux couloirs, monta d’un étage et bifurqua dans un corridor à droite du chemin principal avant de s’arrêter devant une porte à la peinture écaillée. Son guide tapa le code d’accès et la serrure se débloqua pour le laisser entrer dans la pièce minuscule.

L’espace de vie réduit était occupé par un lit superposé dans le coin droit et une petite table sur laquelle trônait une plaque électrique. Une chaise essayait péniblement de garder l’équilibre, noyée sous une quantité hallucinante de linge tandis qu’un fatras coloré s’étalait sur son assise, les matelas, par terre et même aux barreaux de la fenêtre. Sur le mur de gauche, un petit panneau sans serrure était tenu par une main noire appartenant très probablement au type qui faisait ses besoins et qui n’avait pas prévu qu’on viendrait l’emmerder à cette heure-là.

- C’est qui ? Patrick ? demanda une voix chantante de l’autre côté de la porte.

- Charles, répondit le gardien.

- Ah mon pote, c’est pas cool de venir pendant ma descente d’organes.

- Je t’amène un nouveau copain, ajouta le type en faisant signe à Milan d’entrer.

- C’est encore moins cool ! Mec, si tu tiens à ton odorat, respire la bouche ouverte !

- Pourquoi t’ouvres pas la fenêtre ? demanda Charles en poussant Milan d’une main ferme dans son dos.

- Il caille dehors ! Les chauffages sont pas encore allumés ! Tu crois que je vais risquer la pneumonie pour chier tranquille alors qu’un peu de Febreeze ferait l’affaire ?

- Tu connais la règle : pas d’aérosol ! Je repasse dans une demi-heure pour le petit-déjeuner.

La porte claqua derrière le jeune homme qui se risqua à inspirer par le nez pendant une seconde, oubliant l’avertissement qui lui avait été procuré. Son instinct de survie fit le reste et le garçon se força à garder le plus d’air possible dans ses poumons pour ne plus avoir à respirer qu’en cas d’urgence. Il déposa son petit paquetage d’affaires propres sur le lit du bas au moment où une chasse d’eau résonnait de l’autre côté du mur.

Une seconde plus tard, un grand type à peine plus âgé que Milan s’extrayait des toilettes, la mine soucieuse et le regard attentif. Il détailla son codétenu avec précision, croisant les bras sur sa maigre poitrine et secouant régulièrement ses dreadlocks chaque fois qu’une pensée lui venait en tête. Finalement, il attaqua dans le vif du sujet :

- Tu as tué ou violé quelqu’un ?

Milan écarquilla les yeux et mit quelques instants à comprendre ce qu’on lui demandait. Finalement, il hocha négativement la tête.

- T’es cannibale ?

- Pas à ma connaissance.

- Pédophile ?

- J’ai dix-huit ans !

- C’est pas une réponse !

- Non, je ne suis pas pédophile.

Le visage de son hôte se détendit et il lui tendit un coude amical.

- L’évier est pété, je me suis pas lavé les mains, expliqua-t-il devant l’incompréhension notable de Milan. Je m’appelle Moussa.

- Milan.

- Enchanté ! répondit Moussa avec un grand sourire éclatant.

- C’est à toi tout ce bazar ?

Le jeune homme désigna les objets éparpillés dans toute la pièce et Moussa acquiesça en écartant ses bras en croix comme s’il était le Messie.

- Ici, on m’appelle Le dénicheur parce que je déniche tout ce dont tu as besoin. Je niche, je déniche. Tout ça ce sont des commandes. Quand on aura fait connaissance, je pourrais dénicher pour toi, moyennant un petit quelque chose, bien sûr !

- Quels sont tes tarifs ?

- Majoritairement des Granolas, mais j’accepte les Pépitos et les Petits Ecoliers. Par contre essaie même pas les Pim’s, sinon… voilà ! Alors fais gaffe !

Milan retint un petit rire moqueur avant de comprendre que Moussa était parfaitement sérieux. Il se demanda une seconde s’il n’avait pas été envoyé dans une unité psychiatrique spécialisée, mais visiblement, son partenaire jouissait de quelques largesses offertes par les gardiens. C’était plutôt l’enfermement qui l’avait rendu un peu fou.

- Tu es là depuis combien de temps ? demanda Milan en s’asseyant sur le matelas une fois qu’il eut poussé quelques objets dépareillés vers le mur.

- Deux ans, un mois et quatre jours. Il me reste onze mois, trois semaines et trois jours à tenir dans ce trou et je serai libre !

- J’ai le droit de te demander ce qui t’a conduit ici ?

- Demander, tu peux toujours ! répondit Moussa en tirant l’unique chaise vers lui.

Un tic nerveux étira la joue du garçon qui déposa soigneusement les objets posé sur le siège par terre autour de lui. Il s’assit pour faire face à Milan et regarda son imposante carrure. Il ne paraissait pas impressionné par le jeune homme, simplement curieux. Le silence se prolongea encore, le nouveau venu sachant qu’il n’était pas toujours nécessaire de parler pour obtenir des réponses. Cette fois encore, sa théorie se valida.

- J’étais dans la Marie-Jeanne, si tu vois ce que je veux dire.

- La beuh ?

- Ouais, si tu préfères. J’avais trouvé un plan infaillible pour faire du business : planquer les sachets dans un accordéon et faire la livraison moi-même. Pas d’intermédiaire à payer et insoupçonnable dans le pays qui a inventé l’accordéon. Sauf que j’ai pas une tête à jouer de l’accordéon, apparemment. Les flics m’ont arrêté et ils ont compris la combine. Et comme c’était pas la première fois et que j’avais déjà du sursis au-dessus de la tête, j’ai pris cher. Mais si j’avais été blanc, le plan aurait été infaillible.

Milan hocha la tête sans rien dire, à moitié amusé par le récit de son codétenu. Son autre moitié ricanait en remarquant qu’ils étaient issus du même milieu et qu’ils étaient tombés pour les mêmes accusations, à peu de choses près.

- Et toi ? demanda Moussa. Tu veux en parler ou c’est trop tôt.

- Beaucoup trop tôt, répondit Milan.

- Je m’en fais pas pour toi : t’es un gars costaud ! Ils voudront tous t’avoir dans leur bande.

- De quoi tu parles ?

- Des clans !

- Je crois que ça va plus vite dans ta tête que dans ta bouche, mec.

Moussa s’esclaffa et ramassa par terre une carte SIM neuve qu’il brandit sous le nez de Milan.

- Tu vois ça ? C’est ma façon de rendre service au gros Bob tatoué qui gère la cantine. Grâce à lui j’ai double ration de frites le vendredi et personne ne gicle dans mon assiette. Les maillots du PSG, je les ai fait rentrer pour faire plaisir à Rachid et son frère, les deux Berbères qui veulent esquinter la tête de tous les nouveaux. Ils recousent les imperfections et ils les vendent cher sur Internet pour se faire de la thune. Quant aux clopes planquées dans les boîtes de biscuits, je m’en sers pour que l’autre taré de Philippe me foute la paix dans la cour de récré. Tous ces connards savent que je suis pas dangereux parce qu’ils savent tous pourquoi je suis là. Et avec mon physique, y’en a pas un qui aurait peur de m’enfiler. Mais toi, regarde-toi ! La carrure d’un rugbymen doublé d’un boxeur, quelques cicatrices sur les mains et sur l’arcade qui montrent que tu t’es déjà battu et tu es jeune. Putain que t’es jeune ! Ils voudront tous savoir ce que t’as fait ou se mesurer à toi pour le savoir. Très vite, ça va être ta fête dans la cour ou à la cafet’ ! Et moi je suis un gentil, mais eux, c’est des fous ! Y’a des tueurs dans le lot. Des vrais ! Alors, je serai toi, j’essaierai de créer une histoire assez convaincante pour que les plus tarés te laissent tranquille ou bien tu m’en dis un peu plus sur toi et je fais en sorte que personne ne vienne te faire chier ? Qu’est-ce que t’en dis ? C’est assez détaillé ?

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