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Chapitre 16

Les premiers zombies venaient d’atteindre le repère des trois cents mètres, un gros caillou rouge, par rapport à la première tranchée. Derrière celle-ci, les premières et secondes compagnies renforcées, soit sept cents hommes. Le capitaine et moi, toujours en selle, attendions sur notre butte, observant les événements avec une attention extrême. À nos côtés, les trois cents soldats des compagnies de tirailleurs se tenaient prêts. Je surveillais nos gars du coin de l’œil, certains murmurant une prière, certains vérifiant nerveusement leurs équipements. La tension montait de manière palpable. Ils prirent lentement leurs positions, s’écartant les uns des autres armant leur fronde.

La petite troupe de cavalerie, guidant les zombies, se divisa en deux pour contourner les tranchées, passant au plus proche. Ils avaient remarquablement bien fait leur travail. La force ennemie était tout étirée en longueur et composée de groupes plus ou moins épars.Arrivé à notre niveau, l’un d’eux se détacha du lot et vint faire son apport, pendant que ses compagnons gagnaient notre camp de bataille à une centaine de mètres en retrait, où l’on avait planté quelques tentes, et où nos rares chariots étaient parqués. C’est là aussi qu’attendaient le chirurgien et son assistant.

Certain de nos gars voués aux ordres de chevalerie ainsi que leurs écuyers pouvaient lancer des sorts mineurs de soin, rien de prodigieux, mais ça pouvait faire la différence et maintenir un homme en vie d’ici à ce qu’il soit porté jusque devant le chirurgien. D’autres possédaient des potions ayant un effet identique, mais somme toute, s’ils étaient gravement blessés, les soldats n’auraient pas le droit à un miracle sur ce champ de bataille.

La couronne n’avait même pas pu nous allouer quelques prêtres avec leurs immenses pouvoirs de guérisons à cette armée. Malgré une tâche cruciale, nous étions très loin dans les priorités du royaume pour l’octroi de personnel et matériel. Après tout, nous ne devions affronter que des zombies et rien que des zombies, sauf malchance extrême, soit le degré de difficulté le plus bas possible, y compris à dix ou vingt contre un.

Déjà, le capitaine fut ravi de voir le chirurgien s’engager en même temps que moi à la Guilde. Ce genre d’homme était rare. Après tout, les études étaient longues, onéreuses, mal vues du fait de l’utilisation de cadavres pour l’apprentissage et surtout, ne servaient en quelques sortent à rien puisque la magie permettait de faire mieux pour un coût sensiblement identique. Le ratio de temps d’études/prestige était ici totalement ridicule, rien ne donnait envie d’exercer un tel métier sinon une passion dévorante et/ou l’impossibilité d’entrer dans les ordres.

« Alors ? » demanda le capitaine lorsque le rabatteur fut à portée de voix et ait stoppé sa monture.

— Six à huit mille, Capitaine.

— Tant que ça ?

Je vis mon chef froncer furieusement des sourcils.

L'éclaireur hocha la tête.

— Oui Capitaine, il y en avait moins de cinq mille hier pendant les repérages, mais quelques bandes les ont rejoint tout au long de la route et pendant la nuit. Une autre bande importante a fusionné aussi lorsque nous avons longé une forêt, difficile d’estimer leur nombre, mais probablement six à huit cents têtes, donc une estimation finale d’entre six et huit mille zombies Capitaine. Pas d’éléments anormaux, ou de créatures évoluées. Juste des zombies.

— Bon travail.

Mon chef salua le rabatteur d’un signe de tête qui répondit de même avant de rallier ses compagnons. Malgré tout ce qu’ils avaient déjà fait, leur tâche n’était pas terminée. Une fois ravitaillés et équipés, la moitié rejoindraient le capitaine et serviraient de guetteur autant que messager. L’autre moitié irait renforcer les tirailleurs et accompagneraient leur mouvement pour la même tache.

En temps normal, les guetteurs se planquaient dans le paysage sur des positions avec une bonne visibilité sur les environs, mais dans cette plaine, on voyait un adversaire approcher bien avant qu’il ne vous tombe dessus. Enfin, pour peu qu'on scrute dans la direction appropriée pour cela. Évidemment.

La lenteur de la force zombie faisait encore grimper la tension parmi les hommes. Le premier monstre atteignit le marqueur des deux cents mètres. On devinait aisément que les soldats rêvaient de sauter la tranchée pour aller à la rencontre de l'ennemi et tuer dans l'œuf cette tension qui montait crescendo. Au lieu de ça, ils rongeaient leur frein, les regardant approcher pas à pas, de leur démarche lente et titubante.

Quelques pierres quittèrent les deux groupes de tirailleurs, impatience vite rappelée à l’ordre par les chefs de compagnie. Non pas que les tirs ne puissent être efficaces. Un bon frondeur pouvait viser une tête à plus grande distance, surtout avec des munitions métalliques … que nous n’avions pas faute de moyen.

Et moi alors ?

Mon rôle dans tout ça ?

Rien, du, tout.

J’avais ordre de ne rien faire.

Tout au plus, lancer des pierres si je savais manier la fronde. Du coup, j’avais bien essayé cette arme, mais après avoir failli me fracasser le crâne avec mon propre caillou, j’avais préféré reposer cet engin. Ma cervelle inondait déjà une prairie, j’espérais bien la garder intacte cette fois-ci.

En fait, je servais à moi seule de force de réserve et le capitaine entendait conserver ma magie pour les cas d’urgences et de total imprévu. Il connaissait précisément quels types de sorts et combien je pouvais en lancer.

Cent cinquante mètres. Les frondeurs commencèrent leurs tirs avec calme, un par un, avec sang-froid. N’imaginez pas là de grandes volées de centaines de projectiles, ce serait tout à fait contre-productif pour le moment, alors que les zombies arrivaient en une longue colonne presque un par un. Et oui, tout cela n’avait résolument rien d’épique. Un gamin à la tête pleine d’histoires serait certainement plus que déçu.

Qu’est-ce que la réserve ? C’est sans doute la position la plus compliquée à expliquer pour qui n'est pas familier du concept. Typiquement, avec des armées dans les dizaines de milliers de soldats, un champ de bataille se doit d’être et est, un lieu très ordonné, les hommes sont en formation, utilisent des tactiques et des combinaisons d’armes spécifiques.

Le général est majoritairement en retrait de ses troupes, sur une position dominante d’où il peut voir clairement tout ce qu’il se passe afin de fournir les ordres appropriés à la situation en place. Cela implique qu'il faut un système de signaux ou de messager pour pouvoir relayer les instructions aux unités correspondantes pendant la bataille.

Une fois au contact, il est difficile de déplacer les soldats ou de séparer les différentes formations en d'autres plus réduites pour faire face aux évolutions du combat en cours. C’est donc à cela que sert la réserve. Une troupe prête à intervenir dans l’instant pour répondre à un imprévu ou aux exigences du moment.

Cent mètres. J’entendais certains de nos gars prendre les paris sur l’emplacement que toucherait le prochain caillou. Plusieurs frondeurs tiraient désormais en simultanés le nombre de cibles ayant augmenté. Le zombie de tête ayant reçu plusieurs projectiles s’effondra soudain, faisant trébucher le second derrière lui. Parfait. Ceux qui le suivaient chutèrent eux aussi sur leurs camarades et un petit mur de morts-vivants enchevêtrés les uns dans les autres se forma peu à peu au sol. Certains réussirent à rouler un peu à l’écart et se remirent debout, reprenant leur progression, mais cet écueil allait gêner absolument tous les monstres de l'armée ennemie avançant dans la même direction. Plus il y en aurait pour y rester bloqué, incapable de se dépêtrer de la masse, et mieux ce serait.

Cinquante mètres. D’autres zombies s’écroulèrent, servant à leur tour d’obstacle pour leur comparse. Dans leurs tentatives pour se redresser, certains s’attaquaient à leurs voisins, frappant, déchirant, ou arrachant des membres.

Dix mètres. La tension chez les fantassins montait à son paroxysme. Et finalement, le premier monstre arriva à portée de nos armes d’hast. Des hallebardes pour la plupart. Il se prit tellement de coups dans la même seconde qu’il s’effondra net juste avant la tranchée. Le second aussi puis le troisième bien que lui chuta pour moitié dans notre ouvrage défensif. Puis deux approchèrent ensemble, puis encore un, puis deux à nouveau. Tout le travail de préparation portait parfaitement ses fruits, entre ceux des éclaireurs pour diviser la horde en une longue colonne, puis nos tirailleurs pour amincir toujours plus cette colonne tout en retardant autant que possible le moment où des groupes entiers atteindraient nos forces.

Un à un, les zombies avançaient et se voyaient transpercés, tranchés, hachés menu, par la première ligne de manieurs d'armes d’hast touchant l’ennemi par-dessus l'ouvrage défensif. Le fossé s’emplissant et le nombre d’adversaires grandissant, cette première ligne légua sa place aux fantassins plus aptes à se battre à plus courte portée. Épées et masses entrèrent en action, systématiquement soutenues par les longues piques des hallebardes frappant par-dessus ou entre les interstices entre les hommes.

La situation resta ainsi quelques minutes, mais la quantité de zombies continuant de croître, le Capitaine fit alors évoluer le plan de bataille dans sa phase suivante. Les soldats reculant sur un bon mètre laissèrent la première ligne aux porteurs de boucliers. Non pas l'écu classique du fantassin, mais une variante plus massive, une sorte d’intermédiaire entre un pavois et un mantelet. L’objet avait été confectionné spécialement pour cette guerre.

Facilement assemblable un à un, ils permettaient la fabrication d’un réel mur artificiel ou venaient s’engluer la force ennemie. Une fois en place, des crampons et barres de support pouvaient être déployés pour s’assurer que l’objet restait autant que faire se peut dans la même position. Il fallait un solide gaillard pour le porter puis forcer et lutter contre la pression qu’exerçait de l’autre côté, l’armée des morts. Sa forme, plus évasée vers le bas, permettait de limiter les attaques sournoises de la part des morceaux de zombies épars. Les flancs, comportant à droite un renforcement et à gauche un creux, étaient prévus pour s’imbriquer entre eux tout au long de la ligne.
Les flancs incluaient aussi des orifices circulaires, autorisant le passage de la hampe d’une lance ou de la lame d’un glaive afin de frapper l’ennemi.

Comme il s’agissait juste de tenir la position le temps de quelques minutes plutôt que contenir une armée complète, les porteurs de boucliers se contentèrent de les garder en place. Ils n'installèrent ni les crampons ni les barres de soutiens et ne les assemblèrent pas les uns dans les autres.

L’ennemi commençant à former des groupes plus compacts vers l’arrière, les tirailleurs entamèrent leurs offices de manière plus sérieuse, lâchant quelques véritables volées de pierres coordonnées.

Les premiers zombies s’extirpèrent de la tranchée pour se voir frapper sans pitié par les manieurs d’armes d’hast. Les corps meurtries, retombèrent dans la masse grouillante, sans cesse en mouvement, sur laquelle, les nouveaux monstres arrivant sur le champ de bataille trébuchaient et venaient s’entasser, en une quantité toujours plus élevée.Si seulement on avait eu de quoi tous les incinérer…

Ah ben si ! On m’avait moi pour ça ! Mais le capitaine avait refusé. D’une part, parce qu'incendier cette masse de manières significatives pourrait me coûter plusieurs sortilèges. D’autre part, parce que les feux pourraient aussi nuire à nos soldats qui devraient gérer des zombies enflammés ne s’arrêtant pas pour autant d’avancer et combattre. Il avait vraiment semblé très séduit par l'idée, mais avait finalement opté pour la méthode bien rodée que nos gars connaissaient. Le gain potentiel ne valant pas l’adjonction d’un imprévu aléatoire de cet ordre. Il avait toutefois ajouté qu’il pourrait être intéressant de tester ça face à un groupe bien plus réduit ou les risques seraient moindres.

Les porteurs d’armes d’hast s’en donnaient à cœur joie, frappant encore et encore dans le tas presque sans même viser tellement la masse grouillante de zombies tentant de progresser et s’extirper de la tranchée était désormais importante. Cette masse prenant tant d’envergure que cela menaçait de devenir dangereux.

Le capitaine ordonna la phase suivante du plan. Les compagnies une et deux reculèrent de quelques pas puis entamèrent le repli tactique quittant la zone en une longue ligne, un par un, au pas de course. Commençant par les fantassins, puis le reste de la troupe, terminant par les porteurs de bouclier. Les deux compagnies vinrent reformer les rangs au pied de la butte, juste devant moi. Les soldats se positionnèrent de la même manière que pour l’engagement de la bataille. La seule différence fut le placement des tirailleurs qui prirent le large sur les flancs tout en augmentant leur cadence de tir. Les frondeurs se concentraient principalement sur les groupes plus éloignés, titubant au-delà de la première tranchée devenue un tertre vivant et qui devait désormais être escaladée tandis que ceux la composant tentaient de s’en extraire.

L’énorme masse de corps atteignit finalement un niveau critique et elle s’effondra, telle une avalanche macabre, s’étalant sur trois à quatre mètres d’un seul coup, divisant sa hauteur par deux. Et doucement, chancelant, l’un après l’autre, ces corps se remirent debout et reprirent leur lente marche vers nous.

J’observais avec ébahissement la colline de zombies qu’était devenue la première tranchée. Jamais je n’aurais pu concevoir ça et pourtant j’avais passé des heures à revoir et reprendre les scénarios probables de cette bataille avec le capitaine ces derniers jours. Lui n’avait pas l’air si étonné. Les hommes non plus. Ce ne devait pas être un événement si rare que ça donc. Mais l’observer ! Suivre tout ce processus !

Autant je visualisais bien qu’ils chutent dans la tranchée. Mais ce n’était pas du tout à ça que je pensais quand je me représentais la bataille une fois le fossé empli de cadavres. J’imaginais juste qu’ils passeraient l’obstacle comme s’il n’y avait plus rien. Mais observer tous ces zombies encore gesticulants dans leur trou, contrecarrer l’avance de leur collègue, les faire tomber. Puis les corps nouvellement à terre d'entraver à leur tour la progression des suivants et ainsi de suite. Et tout ce méli-mélo de continuer à gigoter, s’enchevêtrant les uns aux autres, s’empêchant mutuellement de se remettre debout, se blessant entre eux voir s'automutilant. Ceux au milieu du tas devenant au bout du compte inerte, ayant épuisé leur énergie. Certains s’arrachaient les membres pour s’extirper de l’amas, accélérant leur perte d’énergie. Parfois en vain. Et bien sûr, certains finissaient par passer, mais souvent affaibli, et sans le poids du nombre derrière eux. Il va de soi que les soldats n’avaient aucun mal à éliminer ces créatures-là.

Puis partout, tout au long de la tranchée, regarder ce monticule gagner en masse alors que de plus en plus de zombies tentaient de traverser l’obstacle dans leur avance obstinée pour nous atteindre. Mais tout ce qu’ils réussissaient à accomplir, c’était d’ajouter un nouveau corps à l’édifice. Voir ce monument grotesque prendre de la hauteur, encore et encore, pour finalement s’effondrer sous son propre poids, s'affaissant de manière invraisemblable… j’en étais à me dire que leur stupidité allait tuer plus d’ennemis que nos lames. J’allais devoir étudier ce phénomène avec beaucoup d’attention, il devait y avoir des paramètres spécifiques de vitesse et nombres d’adversaires pour obtenir un tel résultat qui était on ne peut plus efficace. Voilà qui devenait très intéressant.

Par contre, la lenteur des zombies créait un état de frustration frisant la folie pure chez les soldats. Les voir tituber, encore, et encore, avancer petit pas par petit pas, grignoter très lentement, monstrueusement lentement la distance vous séparant. Et non ! Interdis de quitter le rang pour abattre cette cible une bonne fois pour toutes ! Il fallait continuer de l’observer faire son pas suivant, puis le suivant. On avait alors le temps d’examiner avec maints détails son aspect physique, son état de délabrement général, de deviner son niveau social par la coupe de ses vêtements, quelquefois même sa profession. On pouvait aussi reconstituer son apparence de son vivant ou deviner sa race pour les corps d'animaux. Faire des rapprochements avec nos proches et disparus voir dans certains cas, de tomber sur une connaissance. Mais il fallait encore attendre le pas suivant, puis le suivant, jusqu’à ce qu’il arrive de lui-même à portée d’arme, ou enfin, on pouvait se déchaîner pour le massacrer, en faire une bouillie méconnaissable en hurlant comme un dément.

Du moins, ce serait ainsi si nous, les officiers, et les voisins immédiats du soldat n’étions pas là pour ramener un peu de lucidité dans ce conflit ou l’objectif était avant tout de conserver sa santé mentale.

Et cela dura des heures. Inlassablement, les zombies approchaient, allant s’engluer dans le monticule de la première tranchée, qui de manière cyclique, prenait du volume, jusqu’à finalement s’effondrer, libérant une partie des créatures la composant. Celles-ci venaient ensuite se faire exterminer au niveau du second fossé.

Au début, les hommes disponibles se faufilaient entre les combattants pour extirper de la mêlée les corps désormais inertes pour les entasser plus loin, afin d’éviter que nos défenses ne se remplissent trop vite. Tache épuisante et qui plus est, dangereuse. En conséquence, le plan ne prévoyait pas d’agir ainsi bien longtemps. Juste ce qu'il fallait tant que les risques étaient relativement peu élevés.

Comme précédemment, les hallebardiers laissèrent leurs positions en premières lignes à nos fantassins qui à leur tour par la suite, firent place pour les porteurs de boucliers.
Avec étonnement, je constatais que nous n’aurions pas besoin de verrouiller lesdits boucliers entre eux. Jamais le nombre de zombies arrivant au contact de la troupe n’atteignit une quantité qui l’aurait nécessité.

Déjà que la nasse de la première tranchée ne libérait l’ennemi qu’au compte goutte, mais ceux qui traversaient devait ensuite faire face au piège qu’était devenu le second fossé. Ils venaient à nouveau trébucher sur leur comparse au sol se transformant alors eux-mêmes en une barrière pour leur allié.
Toutefois, au niveau de la seconde sape, le phénomène ne prit pas la même forme. Plus affaibli et arrivant à un rythme moins soutenu, l’écueil entravait bien moins la progression adverse. Tout au plus, les créatures chutèrent une ou deux fois pour passer l'obstacle. Ils n’approchaient pas assez vite pour se gêner mutuellement et donc former des piles de corps inextricablement entremêlés.

Les tirailleurs tombèrent à cours de munitions malgré le lourd sac de petites pierres rondes qu’ils portaient tous. La bataille entrait dans l’avant-dernière phase. Ils vinrent prendre position derrière leur camarade au contact de l’ennemi et les délestèrent des javelines qu’ils possédaient encore et n’avaient que peu utilisées. La moitié resta avec eux pendant que l’autre reprit sa place sur les flancs, mais sans intervenir, conservant leurs munitions. Et quand par ailleurs, certains zombies progressaient vers eux, isolés ou presque, ils étaient faciles à éliminer sans guère trop de risques. Les renforts sur la troupe principale autorisèrent des rotations d’équipes pour permettre aux hommes de souffler et récupérer un peu.

L’après-midi était bien avancé quand au bout du compte les guetteurs signalèrent la fin de la horde ennemie. Les seuls zombies approchant encore étant ceux d’une lenteur anormale comme ceux devant ramper sur un bras, ou une jambe. La bataille entra alors dans sa dernière phase. Les rabatteurs quittèrent les rangs et reprirent place en selle pour s’élancer vers ces ennemis, trop peu véloce pour représenter une menace afin de les achever pour de bon.

Dans le même temps, le reste du bataillon se dispersa totalement, formant des escouades pour éliminer les créatures survivantes, les engageant une à une, pour finalement s’attaquer au monticule gigotant de la première tranchée. Celui-ci avait pris une ampleur grotesque et s'étalait désormais sur une dizaine de mètres vers l'avant et l'arrière, et ce, sur prêt de deux cents mètres de long. Je vis le capitaine se masser le menton un moment, puis il beugla un ordre aux soldats et se tourna vers moi, me faisant signe.

J’attendis une poignée de secondes que nos gars s’écartent assez pour ne pas être en danger, puis j’incantais à la chaîne trois petits sorts de feu. À la base, il s’agissait d’un sort de flèche magique, qui crée non pas une flèche, mais plutôt, une javeline, dont la nature est variable et doit être désignée au lancement du sortilège, ici en l’occurrence j’ai donc choisi le feu. L’une après l’autre, trois lances ignées vinrent frapper l’amas de zombies sur la gauche, le centre et la droite. J’aurais pu sans coup férir lâcher une boule de feu, mais c’était une magie explosive, il y aurait sans aucun doute eut des projections d’objets de tailles et masses aléatoires et les soldats recevant cette douche immonde m’auraient sûrement regardés de travers par la suite.

Les flèches de feu pénétrèrent donc dans le tas de corps embrasant tout ce qu’elles pouvaient sur leur passage. Du moins, c’était la théorie. J’avais visé bas pour permettre aux flammes de monter, mais à la réflexion, tout ce qui est liquide dégouline aussi vers le bas et tous les zombies ne font pas forcément dans le sec et décati surtout quand ils sont encore récents et, hum, juteux.

Je titillais les flancs de ma jument pour la faire avancer, prenant garde où elle mettait les pieds même si, a priori, plus rien ne bougeait en dehors du monticule que j’entendais bien incendier. À deux mètres de distance, je pris la pose et lâchais un petit sort, sans incantation, agissant comme si la vague ignée qui se déversa sur les monstres provenait de ma bouche, telle une cracheuse de flammes. Évidemment, je n’avais pas besoin de ce décorum, ou de lancer se sort simplement par la pensée. Mais j’en avais envie après une journée presque entière en selle sans bouger et sans rien faire, sinon supporter la tension, les cris, et attendre l’imprévu.

Cette fois-ci, j’obtins un peu plus que des flammèches vite éteintes, les lambeaux de vêtements des zombies prenant feu puis propagèrent des étincelles alentour. Je doutais toutefois que ça suffise pour tout réduire en cendre, mais ça devrait détruire les monstres qui persistaient à gigoter en tout sens et à essayer de nous atteindre. Je relançai le sort, encore et encore, jusqu’à avoir embrasé les portions occupées de la tranchée.

Je repris tranquillement ma position pendant qu’une partie des hommes surveillaient le feu de joie, alors que les autres y ajoutaient les cadavres à proximité, tout en récupérant les projectiles intacts autour du monticule.

« J’imaginais quelque chose de plus grandiose et efficace ».

Je ne peux m’empêcher de faire une moue, un rien désabusée en disant cela. À mes côtés, le capitaine esquissa un bref sourire.

— Il n’y a aucune honte à ne pas être une experte en crémations de corps. Vous devriez au contraire en remercier les dieux.

Puis je le vis déglutir et se redresser un peu plus sur sa selle alors qu’il donnait de la voix.

— Soldats ! Bataillon un et trois ! Poursuivez le nettoyage ! Deux et quatre, de repos ! Alternez d’ici trois heures puis repos jusqu’au matin ! Excellent travail ! Soyez fier de vous ! Pour le roi et Varanis !

Il leva son épée, aussitôt imité par les hommes, qui reprirent l’ovation en chœur.

À la suite de quoi, je le suivis à la tente de commandement. C’était en effet de l’excellent travail. Aucune perte à déplorer. Tout au plus quelques bleus et bosses, griffures et une poignée de morsures. Les deux seules blessures que l’on avait subies n’étaient même pas à mettre sur le compte des zombies. Un soldat eut le pied écrasé sous le poids d’un des boucliers et l’autre s’était entaillé lui-même avec sa hallebarde pendant la retraite tactique. Il s’était trop approché du bord de la seconde tranchée en traversant le passage et avait glissé dedans quand le sol céda sous son poids. Rien que quelques jours ne puissent guérir en tout cas. Le chirurgien semblait aux anges. Nous perdions bien plus de gars du fait d’accidents stupides ou de maladies qu’à cause des combats. c’en est presque désolant, mais ainsi va la guerre.

Jusque tard dans la nuit, le capitaine et moi dévissâmes au sujet de nos ressources et de leurs manques prochains. Les soldats, eux, pouvaient très bien se débrouiller et savaient ce qu’ils avaient à faire sans devoir leur hurler des ordres aux oreilles toutes les deux minutes.

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