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4 - Chapitre 3
5 - Chapitre 4.1
6 - Chapter 4.2
7 - Chapitre 4.3
8 - Chapitre 5
9 - Chapter 6.1
10 - Chapter 6.2
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12 - Chapter 7
13 - Chapter 8
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15 - Chapter 10
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17 - Chapter 12
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Chapter 6.2

J'entre dans la salle d'eau et balance ma serviette et mes vêtements par-dessus la cloison d'une cabine. Il n'y a qu'un détenu avec moi, qui termine sa propre toilette. Je me revois à la piscine en train de me rincer après avoir fait mes longueurs. Si l'on omet la propreté et les cabines sans portes, le coin des douches serait identique. 

À défaut de porte, pourquoi ne pas mettre un simple rideau ? Ces cloisons sont bien trop courtes pour avoir une réelle intimité. Serait-il possible d'en parler à mon responsable de quartier ? Les autres me tourneraient sans doute en dérision pour cette simple pensée.

J'entre dans l'une des cabines et appuie sur pressoir de la douche. À l'instant où l'eau tiède ruisselle sur mon corps, je frissonne de bien-être. Le bien-être... Cette sensation si rare, en prison. Savourons le peu de temps qu'il reste avant que le froid ne gagne les tuyaux.

Je fais mousser le savon sur ma peau et profite de ce moment dans la brume pour me relaxer. La chaleur de l'eau décontracte les muscles de mes jambes, encore tendus après le footing. Mes paupières se ferment, un long soupir s'échappe d'entre mes lèvres. J'aurais pu rester des heures comme ça (s'il y avait eu un fichu rideau). J'ai toujours été du genre pudique et le temps n'a pas arrangé les choses – mon ex non plus, d'ailleurs. De plus, prendre une douche brève à la piscine est bien moins gênant que de se laver tous les jours en se faisant épier de tous les côtés.

Je me reconcentre sur la caresse de l'eau, le parfum agréable du savon, les bulles qui chatouillent mes pieds...

— Salut, Pasquier.

Je me retourne dans un sursaut.

— D-Davis ?

Une serviette autour de la taille, il entre dans ma cabine, me tire par le bras jusqu'aux douches communes et me projette contre le mur carrelé.

— Je vais t'apprendre certaines choses.

Il allume l'eau au-dessus de moi et s'écarte. Un torrent glacé me tombe dessus. Je me raidis instantanément, gelé jusqu'aux os. À peine remis du choc, Davis me déplace sur le côté.

— Ici, c'est le seul endroit où y'a pas de gardiens pour te sortir de la merde.

Il défait sa serviette et se retrouve nu comme un ver devant moi. Je me sens mal, tout à coup. Très mal. Mon estomac se tord. Lorsque son corps se rapproche du mien, une scène ignoble se dessine dans ma tête. Mon cœur s'emballe. Je le repousse à deux mains, mais il cloue mes avant-bras de chaque côté de ma tête.

— Davis !

— Ensuite...

Il me retourne face contre le mur et me bloque les poignets dans le dos. L'horreur m'envahit. Je suis en plein cauchemar... Mes jambes se mettent à flageller. Quand je sens son sexe se faufiler entre mes fesses, je me liquéfie sur place.

— Arrête !

— C'est dans les douches que les petits connards dans ton genre sont remis à leur place. L'avantage, c'est que ton corps est plus agréable à utiliser que celui des autres.

— Mon corps, c'est celui d'un homme, pas celui d'une femme !

— Après cinq ans en enfer à rien toucher, un trou devient un trou.

— Et enculer un mec ne fait pas de toi un gay ? m'écrié-je, révolté.

— Y'a que les passifs comme toi qui sont des pédés, pas les dominants. Les dominants, ce sont de vrais hommes.

Mon cœur explose dans ma poitrine. Je me débats avec violence. S'il parvient à s'insérer, je serai fini... Il remonte mes bras vers mes omoplates pour me contraindre par la douleur à ne pas résister, mais c'est mal me connaître. Je force sur mon épaule pour me dégager et le repousser. Malheureusement, l'espoir s'envole dès l'instant où je me retourne : trois membres du gang de l'Araignée sont derrière lui. Je me pétrifie. Tout mon corps se met à trembler. Le pire des scénarios est en train de se produire. Ça ne peut pas être réel, non, ça ne se peut pas... !

Mon regard se rive sur le couloir de sortie. Au premier pas, Davis m'attrape par le bras, deux autres me saisissent et ils me plaquent face contre le carrelage. Cette fois, je ne peux plus bouger.

Il s'approche de mon cou et me susurre à l'oreille sur un ton aussi mielleux qu'irrité :

— Si tu survies à ça, tu n'ouvriras plus jamais ta grande gueule. Et crois-moi, tu préfèreras ne pas y survivre.

Les larmes noient mes yeux. Du coin de l'œil, j'aperçois l'un d'entre eux s'agenouiller pour se masturber face à moi. Je sais ce qu'ils vont faire, les uns après les autres, jusqu'à se lasser. Je ne veux pas subir ça, je ne peux pas ! Je me tétanise de la tête aux pieds.

— Arrête ! Je suis désolé, je n'ouvrirai plus jamais la bouche ! Je t'en prie, ne fais pas ça !

Mes fesses se font écarter et un gland pousse contre mon entrée. Mon souffle se coupe. Je pousse un cri de douleur. La souffrance ne fait que me contracter et mon intimité refuse de s'ouvrir. Davis jure dans sa barbe.

— Pire qu'une pucelle.

Il remue quelques instants, puis finit par appuyer avec un doigt. En le sentant me toucher à nouveau, je comprends qu'il vient d'enduire son doigt d'un liquide inconnu. Malgré mes efforts, une phalange glisse en moi et mes parois se font dilater sous la contrainte. L'intrusion me cisaille. Un second doigt s'insère dans la foulée et m'arrache un nouveau cri.

— Que tu le veuilles ou non, t'y échapperas pas.

Lorsque les doigts se retirent et que son sexe s'introduit de force, je hurle à m'en briser les cordes vocales.

— Putain, on peut plus avoir la paix ? Faites vos trucs ailleurs.

Cette voix... Je tourne la tête vers celui qui allume l'eau à l'autre bout des douches. Mon regard s'écarquille. Je crie à pleins poumons.

— Rafael ! Aide-moi ! Aide-moi !

Il fait volte-face et se fige vers moi. Ses yeux s'agrandissent. Ma voix se déchire sur un sanglot en même temps que mon corps se fissure.

— Rafael !

Il sort de l'eau à ce second appel.

— Davis.

— Barre-toi, Martinez.

— Davis !

Ce dernier stoppe tout mouvement.

— Putain de merde ! Qu'est-ce que tu veux ? Prends ta douche et fous-nous la paix !

Rafael s'avance vers nous.

— Tu connais ma patience. Je ne le répèterai pas.

— Et toi, tu sais ce qui arrivera si tu dégages pas vite fait. Ash va...

— Ash attend qu'une chose, c'est de te remplacer par moi.

Les doigts de Davis se plantent de rage dans la peau de mes fesses. Il se retire dans un geste brusque et se lève pour s'en prendre à Rafael. À côté de moi, des bruits de poings échangés et d'un corps qui s'écrase contre une façade. L'angoisse me statufie. À quatre contre un, il n'a aucune chance. Ils vont le blesser par ma faute...

Deux hommes s'étalent sous mon nez, un troisième atterrit contre le mur. Je reste bouche bée.

— Lève-toi.

Sa voix me sort de mon état de stupeur et je parviens à bouger après quelques secondes. Les membres tétanisés, j'arrive à rouler sur le flanc, mais dès que je tente de me relever, la douleur me transperce. Je pousse un couinement. Les larmes reviennent et coulent sur mes joues. Il va s'énerver. Il va s'énerver...

Je me mets à trembler comme une feuille.

— J-je suis désolé... bégayé-je, en pleurs, vraiment désolé... !

Un silence anxiogène s'installe. Il se rapproche, ses pieds s'arrêtent devant moi.

— Pasquier.

Je ferme fort les yeux et serre les dents.

— Regarde-moi.

Je m'oblige à obéir, la gorge nouée, et relève le menton vers lui. Son regard sombre se plante dans le mien. Pas une seule égratignure n'est visible sur son corps. Il tend une main en ma direction et je la saisis d'un geste fébrile, mais dès qu'il me tire vers lui, mes jambes flageolantes me lâchent. Il me rattrape sous l'aisselle avant que je ne tombe et me maintient debout contre lui pour m'emmener dans une cabine. Le stress ne diminue pas. Il desserre lentement son étreinte et m'assoit contre le mur, à ses pieds. Sa voix résonne dans ma tête en écho :

— Je dois me laver. Reste ici et il ne t'arrivera rien.

Les yeux figés au sol, je ne prononce plus le moindre mot. Après quelques secondes, une légère rougeur imprègne l'eau et s'insinue entre les carreaux recouverts de mousse. D'où cela peut-il provenir ? Je remonte le long du filet et vois le sang couler d'entre mes jambes, mais je ne réagis pas. Mon esprit est détaché de mon corps. Lorsque la douche se coupe, les pieds de Rafael se tournent vers moi.

— Eh, est-ce que ça va ?

Son ton est nerveux. Il n'a jamais été nerveux. Il s'accroupit devant moi et tente de capturer mon regard, figé dans le vide. Ses paroles n'atteignent plus mon cerveau. Je sens seulement ses mains qui se glissent sous mes bras et me relèvent. Contre toute attente, mon corps répond et se tient debout. Suis-je encore là ? La raison m'a quitté. J'ai l'impression de m'être décorporé. Je ne ressens plus rien. Mon menton est relevé et son regard soucieux apparaît devant le mien. C'est la première fois que je le vois dans cet état.

J'entends qu'il m'interroge, qu'il répète certains mots, mais je suis incapable de les comprendre. Il a l'air partagé, hésitant. Ma tête retombe, le sang coule toujours. Ma vision se trouble.

— Léo !

Je murmure un « oui » sorti d'outre-tombe afin de lui montrer que je suis toujours là. Du moins, que je respire encore. Une autre voix l'interpelle, une voix timide, une voix masculine et délicate. Des pas furtifs vers l'entrée, puis plus rien. Un bruit de tube et ses mains se posent sur moi. Je sursaute. Je voudrais parler mais ma voix reste bloquée. Lorsqu'il me retourne contre le mur et que ses doigts se déplacent sur mes hanches, je me raidis. Ma respiration se hache et mes membres se remettent à trembler. Je me sens défaillir.

— Tout va bien, me murmure-t-il. Je nettoie juste le sang, d'accord ?

Cette fois, ses paroles atteignent ma conscience. Je réussis à articuler dans un soupir étranglé :

— Juste... nettoyer... ?

— Rien d'autre. Je ne te ferai aucun mal.

Ses mains glissent en direction de mes cuisses, descendent et remontent lentement sur ma peau. Mon souffle a beau s'apaiser, mes dents sont si serrées que je crains de m'en briser une. Puis, ses doigts se glissent dans le pli de mes fesses. Mon cœur fait un bond. J'imprime mes mains sur la paroi tout en balbutiant :

— Rafael...

Silence. Une nausée me soulève l'estomac.

— Rafael... !

Ses doigts se retirent.

— Oui, Léo.

Je me retourne, fiévreux et lève les yeux vers lui. Je n'ose pas regarder son entre-jambe. Ce que je pourrais y voir me terrifierait.

— Si tu veux le faire seul, fais-le, me rassure-t-il. Je reste là.

Je presse une main sur ma poitrine. Mon cœur me fait mal, j'ai l'impression qu'il est sur le point de lâcher... La panique me submerge.

— Respire...

Il pose ses mains sur mes épaules et inspire pour m'inciter à suivre son rythme. Dans son regard, je m'oublie. J'oublie où je suis, j'oublie mes émotions. J'oublie le monde. De longues secondes s'écoulent, ou peut-être des minutes. Le temps a disparu. Peu à peu, la crise se dissipe pour laisser place au calme et ma conscience s'éveille à nouveau.

Un picotement file sur ma peau, le long de mes bras, de mes jambes et de mon épine dorsale. La raison revient, les sensations avec elle.

— Tu es gelé.

Il réenclenche l'eau chaude et me positionne dessous, près de lui. Je ferme les yeux.

— Léo, un gars m'a donné ce gel. Il m'a dit que tu devais en mettre maintenant sur... tes blessures.

Il prend ma main et y dépose un petit tube blanc. Un gel « waterproof, désinfectant et cicatrisant ». A mon grand malheur, je connais bien ce genre de gel, et la brûlure qui s'en suit. Je dois prendre sur moi. Pourquoi dois-je toujours prendre sur moi...

Je dépose une petite noix sur la pulpe de mon majeur tremblant, inspire un bon coup, pose une main contre la paroi afin de mieux me positionner et m'oblige à glisser le doigt entre mes fesses. Mais à peine ai-je effleuré la zone que la douleur des fissures me perfore comme un millier d'aiguilles et je le retire aussitôt dans un réflexe physiologique. La souffrance n'avait jamais été si violente. Je dois pourtant le faire, ici et maintenant, auprès de l'homme qui me sécurise. Je ne peux pas prendre le risque que la plaie s'infecte, elle doit cicatriser. En imaginant le sexe sale qui m'a touché, je frémis de dégoût.

Je m'oblige à retenter par trois fois, en vain. Mon corps refuse de s'infliger lui-même cette douleur et je ne parviens pas à lutter contre. La peur et la colère me submergent.

— Je n'y arrive pas... ! Je n'y arrive pas !

Au bord de la crise de nerfs, Rafael m'attire contre lui. J'éclate en sanglots dans son cou. La souffrance, l'angoisse, le sentiment d'humiliation, tout implose et déborde, s'exprime dans un lieu sordide et déserté de toute humanité, toute affection. Ou presque.

Son étreinte se raffermit.

— Je suis là.

Ces mots apaisent la tension dans mon corps. Sa voix n'avait jamais été aussi douce...

— Je t'accompagne à l'infirmerie.

— Non ! Je ne veux pas !

Sortir en sang, écarter les cuisses pour faire examiner et toucher mon intimité par une femme m'anéantirait. La dernière à s'être occupée de moi s'est chargée de me vacciner contre la gent féminine. Mais les risques sont là et quelle que soit la manière, je dois me soigner. J'articule à voix basse :

— Fais-le.

— Pardon ?

Un seul homme a pris le risque de se faire frapper pour me protéger et s'expose à des représailles, simplement pour avoir préservé mon intégrité. Un homme qui aurait pu me réduire en miettes mais a choisi de se montrer bienveillant envers moi. Malgré mon appréhension, c'est en lui que je veux placer ma confiance.

Je saisis sa main, dans mon dos, et la fais glisser au creux de mes reins.

— J'ai... confiance.

Il a un temps d'hésitation.

— Tu... tu es sûr de toi ?

Je déglutis.

— Je veux l'être.

Son torse se bombe contre le mien dans une profonde inspiration. Maintenant que je connais les règles carcérales, je sais que même les hétéros en manque sont concernés par les pratiques gays, que tout homme ici peut ressentir du désir pour un autre. Alors, je m'attends à une réaction. Une simple réaction physiologique, sans action, parce que c'est lui. Parce qu'à ses côtés, je me sens en sécurité.

Il répand du gel sur ses doigts. La peur d'avoir mal naît déjà. Tout ce dont j'ai envie est de me réfugier dans un lit douillet, sous une couette. Dans un lieu familier, loin de toute agression extérieure, de toute douleur.

— Appuie-toi contre la paroi.

Je me retourne et plaque les avant-bras contre le carrelage. Il applique une main au creux de mes reins pour me cambrer puis écarte mes fesses. Cette posture me met mal à l'aise et ma mâchoire se serre à nouveau, mais je ne dis rien et me contente de patienter. Sa main s'insinue entre mes fesses et l'index m'effleure. Mes poings se crispent contre le carrelage et mes ongles se plantent dans mes paumes. Je sais que ce n'est qu'un tapotement, mais j'ai l'impression d'être brûlé au fer. Je me force à expirer lentement et prends sur moi pour le laisser étaler le gel et l'enfoncer de quelques centimètres. La sueur perle sur mes tempes, mais j'arrive à résister.

Les secondes sont longues, mais l'effet anesthésiant du gel agit plus vite que je ne le pensais et je me décontracte peu à peu sous les caresses bienfaitrices de son doigt. Un souffle soulagé s'échappe de mes lèvres. Toutefois, une sensation m'interpelle. Ou plutôt, une chose dure et chaude, contre ma peau. Mes yeux s'agrandissent. Les doigts de son autre main s'impriment dans mes fesses et je l'entends soupirer.

— R-Rafael...

Il me lâche la seconde d'après.

— C'est bon.

La tension dans sa voix est palpable. Je me retourne et le découvre, mâchoire et poings serrés, son sexe dressé sous mon nez. Je ne peux m'empêcher de le fixer avant de détourner le regard, le visage empourpré.

— Sors d'ici, m'ordonne-t-il.

Son ton autoritaire me choque. Je me décompose.

— Qu'est-ce que...

— Ça fait quinze ans que je suis en taule et que je n'ai touché personne ! Je ne veux pas faire de connerie, surtout pas avec toi. Alors magne-toi et sors de là !

Je quitte la cabine sur-le-champ. Le cerveau engourdi, j'attrape ma serviette et me dirige à pas maladroit vers les lavabos. Peu à peu, je prends conscience de ce que je viens de vivre. Il y a cinq minutes, je me faisais agresser et, là, je viens de me faire jeter pour mon propre bien. Je peine à réaliser. À me dire qu'un détenu m'a touché comme un tendre amant l'aurait fait, malgré les circonstances, et a su aller à l'encontre de ses ardeurs après quinze ans d'abstinence. Même parmi les hommes à l'extérieur, peu en auraient fait autant. À cette pensée, je me rends compte à quel point la situation aurait pu dégénérer en étant dans cet état de choc.

— Fallait le dire que tu voulais te taper Frenchie avant nous, Martinez.

La voix de Davis. Je fais volte-face et me presse contre un lavabo. La joue enflée et la lèvre en sang, Davis fait quelques pas vers moi et m'examine de la tête aux pieds. Je m'enroule aussitôt dans ma serviette et lance une œillade anxieuse vers la cabine.

— Putain, fais pas genre que t'es une victime maintenant qu'il t'est passé dessus !

La main de Rafael se referme sur son épaule.

— C'est pas le moment de me gonfler. Si tu te barres pas, je te jure que je vais passer mes nerfs sur toi.

Davis se dégage de sa prise et me fixe avec un air haineux. Dans ses yeux, je peux lire la menace qui pèse sur moi. Aujourd'hui, grâce à la séance de sport, Rafael était là, mais la prochaine fois, il ne le sera sans doute pas. Tôt ou tard, ce qui doit arriver arrivera. Une dernière provocation visuelle s'échange entre eux, puis le gang quitte les lieux, à mon grand soulagement. Je respire enfin...

Le regard de Rafael s'attarde sur moi alors qu'il se rhabille.

— Tu ne dois pas rester seul.

Je suis fatigué d'entendre ces mots...

— Trouve-toi un groupe à intégrer. Même si tu ne peux pas rejoindre un gang, tu peux être protégé par des gens, si tu as un intérêt pour eux.

— Quel autre intérêt un mec comme moi peut avoir pour des détenus ?

— Gagne de l'argent en travaillant. Rencontre des types qui ont de l'influence et propose des choses qui les intéresseraient, hors du cul. Rends-toi utile.

Je détourne un regard affligé. Mes comptes sont bloqués pour un temps indéterminé et d'ici à ce que je réussisse à gagner de l'argent, j'ai le temps de me faire vider de mon sang plus d'une fois dans ces douches. J'acquiesce malgré tout pour ne pas le contrarier. Sans lui, je serais encore en train de subir leurs assauts. D'une voix éteinte, je murmure :

— Merci pour tout ce que tu as fait pour moi. Pour un... gamin énervant comme moi.

— Léo, tu...

« Détenus ! »

Nous nous tournons vers le surveillant qui vient d'entrer. Miller.

— Ceux qui ont fini sortent. Martinez !

Rafael appuie ses recommandations d'un long regard, puis quitte la salle de bain. J'attrape mes sous-vêtements propres et lance une œillade à Miller dans l'espoir qu'il me laisse un minimum d'intimité après ce que je viens de vivre, mais il ne bouge pas. La clairvoyance et la prévenance ne sont pas les points forts des surveillants de Glenwood. Je me force à décrocher ma serviette de ma taille et enfile mes habits en veillant à rester dos à lui.

— Je peux peut-être t'aider, Pasquier.

Encore torse nu, je me retourne sur lui.

— Que voulez-vous dire ?

— On a eu un suicide, y'a trois mois. Un « influenceur », articule-t-il avec dédain. L'info a fuité, ça a fait scandale sur les réseaux et on s'est tous fait taper sur les doigts par les actionnaires. Si tu t'fous en l'air après une connerie, on prendrait encore un tir et ça serait pas mal ennuyant. Le lobby LGBT, le lobby des avocats... et je sais pas quelle autre connerie qui nous tomberait dessus.

Je le regarde, abasourdi. « Connerie » ? « Ennuyant » ? Cet homme est si offensant par sa désinvolture que j'aurais pu en rire, si je ne venais pas de me faire agresser. Son aide reste toutefois vitale et je l'accepterai sans conditions, pourvu que ma sécurité soit assurée.

Je prends sur moi, souffle un bon coup pour garder la tête froide et acquiesce tout en finissant de m'habiller.

— Qu'est-ce que je devrai faire ?

— Je sais pas encore, dit-il en se grattant le haut du crâne. On a besoin d'informations sur la contrebande. La drogue et l'alcool circulent depuis des mois malgré nos efforts, tu pourrais nous servir. Mais pour ça, il faut que tu te fasses des amis. En retour, je garde Davis sous contrôle. Ash m'obéit au doigt et à l'œil.

L'Araignée ? L'un des chefs de gang les plus craints de cette prison, soumis à la volonté d'un gardien aussi ignare qu'irrespectueux ? Difficile à croire...

— Vous êtes sûr que vous tiendrez ce con à distance ? Sans vous vexer, il a la tête dure et peu remplie...

— Un chien reste un chien, persifle-t-il.

Je force un rictus reconnaissant puis m'empresse de quitter cet endroit. L'odeur d'humidité mêlée aux effluves de savon suffit à me donner la nausée.  

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