Loading...
Report sent
1 - Ifula Atlantis
2 - Drapé d’astres
3 - Moisson céleste
4 - Doigts constellés
5 - Calamités filantes
6 - Déluge cosmique
7 - Désastre stellaire
8 - Chemin Divin
9 - Chant éthéré
Loading...
Loading...
You have no notification
Mark all as read
@
Carmina-Xu

Chemin Divin

Orion ouvrit les yeux avec difficultés, comme si elle n’arrivait pas à émerger d’un sommeil lourd. Ses pensées étaient lentes et son corps figé comme une statue. Il faisait si froid… Elle ne pouvait pas bouger, même son regard restait perdu sur un point invisible. Enfin, être réveillé ne lui paraissait pas être le terme exact.

Du peu qu’elle pouvait observer, le lieu dans lequel elle se trouvait ressemblait à une caverne aux parois imperceptibles et sombres. Pourtant, elle parvenait à apercevoir des formes au loin, comme des bâtiments, de nombreux édifices aux architectures bien différentes des unes des autres, inconnu pour elle. Cependant, tout semblait en ruine… Son cœur trembla. Atlantis… Les images revenaient tel le déluge qui s’était abattu sur eux. Sa terre natale réduite à néant…

De toutes ses forces, Orion voulait hurler sa peine, crier sa douleur, pleurer son désespoir, mais rien ne changea. Ses yeux demeuraient secs et immobiles. La seule faible chaleur qu’elle ressentait se trouvait dans le creux de ses mains. Elle tenait toujours son orichalque, mais il ne pouvait l’aider à s’animer, lui aussi s’était vidé de son énergie. Encore une fois, elle espérait que ses larmes s’échappent. Son cristal représentait la chose qui la définissait, qui lui rappelait qui elle était.

Difficilement, Orion parvint à observer le peu d’elle dans sa vision figée. Tout son corps émanait une faible brume et elle remarqua que plus aucune couleur ne l’habillait. Son manteau abîmé d’émeraude et d’or n’était plus que des teintes grises. Sa peau s’était voilée d’un aspect de cendre, même ses mains brûlées par l’Essence se confondaient presque en nuance.

La vérité la glaça avec violence : elle avait rendu son dernier souffle. Elle restait perdue en ne sachant pas vraiment émettre des suppositions. Comme tout son peuple, elle n’avait pas imaginé qu’il puisse exister quelque chose après. Ils retournaient au néant avant que celui-ci leur offre une nouvelle vie. L’équilibre. Pourtant, elle aurait pu se douter de cette possibilité, elle qui percevait les murmures d’Akhenn… Avait-elle sous les yeux la représentation même du Néant, une dimension tissée par les Dieux ? La tristesse lui serra le cœur. Allait-elle rester éternellement là, telle une statue qui ne pouvait pas pleurer les siens, ce peuple qu’elle n’avait pas réussi à sauver ?

Elle réalisa que son intuition sentait autre chose que son orichalque dans ses mains. Il y avait comme une vie ici. De plus, comme un fil abimé, nouer, étirer, elle percevait une chose… Qui ne devrait pas prendre forme. Le temps ? Encore et encore des questions où elle n’avait pas de réponse. Son esprit commençait à lui souffler que c’était à cause de son manque de compréhension qu’elle avait failli à son devoir…

Au bout d’un moment qu’Orion n’essayait pas de définir, elle crut que sa vue limitée lui jouait des tours. Fugacement, elle pensait apercevoir de grandes ombres passer sous ses yeux. Des silhouettes à l’apparence clairement humaine, envelopper dans des manteaux de fumées. Au fur et à mesure, elles devinrent plus présentes et nombreuses. La peur de l’inconnu lui comprima le cœur et son esprit paniquait sans que son corps parvienne à réagir. Cependant, plus elles s’arrêtèrent devant elle pour l’observer, plus la fascination remplaça la terreur. Ces êtres… Ils étaient comme elle d’une certaine manière. L’Essence faisait partie intégrante d’eux, mais elle n’arrivait pas à en déceler la nature exacte. Leurs yeux reptiliens, blancs et noirs ne l’intimidaient en rien… Est-ce que le peuple qui se tenait face à elle vivait dans cette dimension distordue ?

Progressivement, Orion discerna des différences flagrantes entre les individus. Grand, petit, fin… Et des enfants. Des enfants qu’elle pouvait détailler du regard sans peine car contrairement au reste de leur pair, la fumée ne les habillait pas. L’un d’entre eux, à la peau cendrée, vêtue d’une simple tunique sombre, osa s’approcher d’elle par curiosité. Cependant, il s’évapora d’un coup, en même temps que tous les individus adultes relèvent la tête dans la même direction. Si leurs émanations n’ondulaient pas avec douceur, elle aurait juré que le temps s’était arrêté l’espace de quelques secondes.

Les uns après les autres, ils disparurent en ne laissant qu’une légère trainée de fumée derrière eux. Sur l’instant, ça lui rappela ce qu’elle avait accompli. Chacun de ses Cardinaux s’était évaporé de la même manière quand elle avait souhaité les sauver. Sa gorge se serra. Ô Akhenn, elle espérait de toute son âme qu’elle ait réussi.

Alors que son esprit recommençait à divaguer, que ce sommeil qui la menaçait devenait de plus en plus pesant, un éclat lumineux raviva son attention. Une présence connue et rassurante la fit aussitôt lâcher prise. Elle n’était pas tout à fait certaine, mais la quiétude qu’elle générait s’était bel et bien installée. Voyageur ?

Orion leva les yeux au prix d’un effort considérable vers ce nouvel être qui irradiait et qui venait à sa rencontre. Une larme s’échappa enfin et roula avec lenteur sur sa joue. Ô Akhenn… Il restait toujours aussi majestueux que dans ses souvenirs, rayonnant d’une force indescriptible. Son âme vibra comme jamais…

« Orion, comment as-tu réussi à atteindre cette dimension ? »

Cette voix… Il n’y avait plus aucun doute possible. Cependant, à chacun de ses pas, elle voyait cette silhouette drapée de constellations se métamorphoser. Son visage jusqu’à maintenant indistinct se dessina. Les traits d’un homme se formèrent tandis que son regard devint d’un vert intense. Malgré sa large capuche, Orion découvrit une chevelure châtain mi-longue. Cette apparence… Elle la connaissait ! Elle était incapable de la placer dans des souvenirs, elle en était convaincue ! Encore une fois, le doute l’assaillit, c’était son Voyageur ? Alors qu’il s’agenouille devant elle en l’observant, sa voix changea aussi, tout en gardant ce surprenant timbre :

— Non. L’aspect de cet homme issu d’un monde éphémère subsiste au plus profond de toi. Chronos veillait sur lui afin qu’il ne brise pas le temps de l’Originem. Finalement, c’est la divinité que son peuple a fait naitre qui s’est jouée de lui et qui la reprit de force.

Chacun de ses mots trouvait un nouveau sens. Les images restaient floues, mais les émotions la frappaient avec force. Une promesse résonna en elle avec violence et sincérité :

« Je t’aimerais jusqu’à la fin ».

Akhenn la prit dans ses bras et la souleva sans plus de paroles. À son contact, elle perçut l’énergie revenir dans ses veines. Orion retrouva ses couleurs, sa capacité de mouvement et sa voix. Cependant, ce ne fut que des larmes silencieuses qui inondèrent son visage. Même si elle se sentait heureuse d’avoir récupéré un fragment de sa mémoire abimé, le reste surplombait tout. Elle avait tout perdu. Elle n’avait rien pu faire… Les paroles du Créateur sonnèrent clairement de fatigue et de remords alors qu’il l’emportait :

— Pardonne-moi Orion de ne plus avoir répondu à tes prières. En souhaitant protéger mes créations jumelles de la folie de Nithysse, j’ai été contraint de couper le contact pour qu’elle ne vous retrouve pas. Je suis affligée qu’en effleurant mes mondes, elle ait fait tant de dégâts… Mais ils ne sont pas éteints. Doucement, ils reprendront vie.

Orion resta silencieuse malgré ses sanglots. Pas une seule fois, elle n’avait douté. Pas une seule fois, elle n’avait osé supposer qu’Akhenn l’avait abandonné. Cependant, quelque chose commençait à piquer sa curiosité. Où l’emmenait-elle ? Son existence avait pris fin avec cette montagne qui avait éclaté et pourtant, elle percevait de nouveau l’Essence couler en elle à son contact.

— Pour ta foi inébranlable, tu mérites un nouveau souffle, affirma-t-il comme une réponse à sa pensée. J’ai senti que tu as accompli un véritable miracle en te sacrifiant pour tes Cardinaux. Ils ont traversé l’espace, mais aussi le temps. Tu as toi-même atteint cette dimension. Tu es bien plus puissante que ta perception te permettait de le voir Orion.

Orion remarqua que les pas du Créateur devenaient plus lents, que ses bras semblaient se tendre. Quand elle releva les yeux sur ce visage si familier, elle réalisa avec effroi qu’il s’était en partie effacé pour reprendre sa forme originelle. Cependant, les vestiges qui restaient trahissaient une fatigue insondable. La vérité la frappa, il avait mené pendant une éternité une guerre contre la déesse Innommable. L’arche devant laquelle il s’arrêta attira son regard. L’émerveillement la saisit aussitôt. Une structure simple lui rappelait l’architecture des atlantes, mais son cœur ressemblait à un voile d’étoiles et de constellations.

— Ta présence ici me donne une idée pour remanier les lois divines. Je dois créer un nouvel équilibre sans ma sœur et j’ai besoin de toi, de ta voix. Chronos a figé l’Outros pour le protéger et les êtres qui y vivent. Seule une véritable moisson d’Essence peut permettre de relancer cette vie arrêtée. Un souhait pour un pardon.

Doucement, il pénétra l’arche, et malgré l’appréhension qui la tiraillait et toutes ces informations qu’elle peinait à assimiler, elle fut prise de court par ce qu’elle trouva. Sublime. La dimension divine dégageait une puissante et chaleureuse énergie. Ses yeux brillèrent, c’était comme si elle venait d’atteindre les cieux qu’elle lisait avec passion depuis des décennies. Orion sentit les bras du Créateur disparaitre, mais elle resta en suspens, la gravité n’avait aucune emprise ici. Ses mains se resserrèrent sur son orichalque en découvrant Akhenn retrouver sa véritable forme. Un être insondable et majestueux, vêtu d’un large manteau d’étoile à la capuche rabattue dont le visage demeurait invisible. Si grand, qu’elle était infiniment petite devant lui. Elle murmura ses mots avec fascination :

— Ô Créateur…

Deux êtres firent leur apparition, comme s’il sortait de l’ombre d’Akhenn. Une femme à la peau légèrement verte dont ses avant-bras paraissaient ponctués de traces, comme des brûlures, se démarqua. Ce fut son visage qui transpirait la bienveillance et ses atouts encore plus majestueux que les bois d’un cerf qui la rendirent admirative. Gaïa. C’était une évidence. À ses côtés, ce fut un tout autre être qui se présenta à elle, Chronos. Cependant, son apparence la laissait sans voix. D’une certaine manière, il ressemblait à Akhenn dans sa silhouette floue, mais il se distinguait par des ailes d’une blancheur pure à sa taille et à son dos. Les plus surprenantes c’étaient celles à sa tête, deux petites excroissances naissant à l’arrière de son crâne et dont les plumes formaient une couronne en se joignant.

Orion remarqua alors ce qu’ils portaient dans leur bras. Deux mondes. Bien qu’elle ne reconnût pas celui que la déesse tenait, celui dans les mains de Chronos déclencha de nouveau ses larmes. C’était le sien… Et il était encore secoué par des désastres et elle était convaincue que c’était Atlantis qui se trouvait au cœur de la catastrophe. Alors que les deux divinités relâchèrent leur joyau en les laissant se retrouver en gravitant l’un auprès de l’autre, Orion vibra à la douceur des mots de Gaïa :

— Père Créateur, vous avez été rongé par l’Essence de Nithysse…

— Oui… Mais elle ne nuira plus. Je ne pourrais plus quitter la dimension divine.— Oui… Mais elle ne nuira plus. Je ne pourrais plus quitter la dimension divine.

— Nous assurerons la surveillance de sa prison, ajouta la voix plus mystique de Chronos.

— Non, sévit-il. Mes enfants, vous devez vous concentrer sur votre devoir. Je souhaite offrir ce rôle à Orion.

Cette dernière resta muette. L’attention de ses trois dieux sur elle avait quelque chose d’oppressant sans pour autant lui générer de la peur. Orion se sentait simplement insignifiante, une étoile parmi d’autre dans cette dimension. De plus, comment pouvait-elle assurer une telle responsabilité alors qu’elle avait failli ?

— La prêtresse des cieux dont le chant m’a touché est la seule âme que je souhaite comme Émissaire. Elle deviendra mes yeux, ma voix, au cœur des mondes que je ne peux plus atteindre. Cesse de t’accabler. Tu as réalisé un immense sacrifice dans le seul but de protéger les tiens et à mon sens, il n’y a rien de plus honorable. Tu vas renaitre corps et âme, béni par les dieux…

À ces derniers mots, Gaïa s’approcha d’elle pour la prendre dans ses mains. Dès l’instant où Orion la toucha, elle se sentit soudainement en feu, comme ce jour où elle avait tant puisé dans l’Essence. En revanche, il n’y avait rien de douloureux, une douce chaleur l’envahissait et réanimait ses sens ainsi que son corps. Elle reprenait vie. C’était la conviction qui frappait son cœur. Plus que ça, elle avait le sentiment qu’il se renforçait, qu’elle devenait l’Essence elle-même et non l’orichalque qu’elle avait toujours représenté. À son tour, Chronos l’effleura d’un doigt et tira un curieux fil blanc d’elle. Dans un murmure, elle perçut :

— Ta temporalité écourtée sera un fardeau pour l’avenir que tu vas tracer. Sois la première Éternelle et marche aux côtés des peuples de l’Outros dont je tisse les fils sans t’essouffler.

Au même instant, Orion sentit sa pierre lui échapper des mains et lentement dériver vers Akhenn. Celui-ci recommença à briller avec puissance. Orion resta ébahie, son joyau retrouvait sa force comme le jour où le Créateur lui avait fait l’immense honneur de se montrer à elle ! Cependant, la fascination s’effaça pour de la douleur. Comme si l’existence de son sceptre se rembobinait, elle le découvrit reprendre sa forme originelle, éclat après éclat jusqu’à ce que l’orichalque rejoigne sa place au cœur de l’étoile. Chacune des branches se reforma. Un murmure difficile traversa ses lèvres :

— Mes Cardinaux…

— Ils reviendront vers toi. Ce n’est qu’une question de temps.

Orion retrouva son sceptre qu’elle serra dans ses bras avec désespoir, le symbole de tout un peuple englouti, un poids qu’elle portera à jamais sur ses épaules. Elle avait l’impression de tenir entre ses mains une autre forme de vie. Gaïa se tourna alors vers ce monde qu’elle ne connaissait pas, ses murmures demeuraient toujours aussi doux :

— Tu dois d’abord soigner ton cœur et ton âme avant de rejoindre l’Originem. L’Outros a besoin de ta voix, mais il sera également le plus beau terrain pour te permettre d’appréhender ce que nous venons de t’offrir.

— Souhaites-tu que j’ouvre à ce Voyageur les portes de cette terre d’accueil ? demanda Chronos après un instant de silence. Je pense comprendre comment il parvient à défier mes lois grâce à ton miracle.

Elle resta songeuse à son tour, partagée par des sentiments d’apparence contradictoire. Oui, elle le désire, mais en même temps, même si elle avait une part de vérité à son sujet, elle lui en voulait. Après un long moment de réflexion, Orion souffla :

— Les probabilités que nos chemins se croisent à nouveau sont faibles, mais j’ose l’espérer. Ô Chronos, offrez-moi cette éventualité…

— Qu’il en soit ainsi. Renais, mon Émissaire.

Doucement, Gaïa ouvrit ses mains au-dessus de ce monde qu’ils nommaient Outros. Sa chute était aussi lente qu’une plume. Peu un peu, elle eut le sentiment de quitter les cieux pour une terre incroyablement dense en Essence. Une nouvelle vie, un nouveau devoir. Allait-elle pouvoir se racheter de ne pas avoir su accomplir celui qu’on lui avait accordé à Atlantis ? Elle nageait dans l’inconnu, et pourtant, Orion ne craignait rien. Le Créateur l’avait choisi, elle ne pouvait pas douter.

Comment this paragraph

Comment

No comment