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1 - Ifula Atlantis
2 - Drapé d’astres
3 - Moisson céleste
4 - Doigts constellés
5 - Calamités filantes
6 - Déluge cosmique
7 - Désastre stellaire
8 - Chemin Divin
9 - Chant éthéré
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Carmina-Xu

Déluge cosmique

Le temps lui paraissait indéfinissable. Son esprit flottait, mais son corps pesait tant. Orion avait ce curieux sentiment d’être devenue le cœur d’une étoile à vingt-six branches, de partager toutes ses vies passées en même temps. Les mémoires se mélangeaient au point de ne plus trop savoir qui elle était. Elle n’avait qu’une pensée qui l’irradiait, qui surplombait toutes ces réflexions qui l’entouraient : résister. Résister quoiqu’il arrive !

Parfois, de nouvelles visions passaient sous son regard. Les disputes s’étaient transformées en véritable guerre. Akhenn et Nithysse se livraient une terrible bataille au point d’en fissurer leur ciel constellé, leur dimension divine. Les enfants du Créateur faisaient bouclier pour préserver ces mondes jumeaux. Elle n’avait pas la force de souffler des prières tant le flux d’Essence qui transitait en elle se révélait plus puissant que jamais. Parfois, elle percevait une autre forme d’énergie, mais avant de pouvoir en déceler la nature, ce torrent infernal la happait aussitôt. Par moment, elle entendait des appels lointains, des mots indistincts, mais affreusement désespérés. Comment ses paroles pouvaient-elles l’atteindre alors qu’elle errait dans des limbes abyssaux ?

Un choc secoua brutalement toute son âme, frappée de plein fouet par une vague dont la sensation la réchauffait au lieu d’être emporté par l’Essence. Elle s’infiltra profondément en elle. Vie. Lentement, Orion eut le sentiment de revenir à elle. Les voix qui l’entouraient devenaient plus audibles, précises. On l’appelait, on essayait de réveiller son esprit. Miline, Sonéïs, Galane, Philos… Ses Cardinaux, reconnut-elle sans peine malgré ses pensées embrumées. D’un coup, un poids énorme s’écrasa sur elle telle une épée de Damoclès en la tirant à nouveau vers ce néant où plus rien ne pouvait la toucher. Cependant, les mots qu’elle entendit la ramenèrent brutalement :

— Orion ! Relâche surtout pas le flux !

Elle s’exécuta sans réfléchir, sans remarquer la peur flagrante de la voix de Miline. Son esprit s’ancrait à la réalité, mais sa conscience ne percevait rien de ce qui pouvait l’entourer. Ce qu’Orion accomplissait depuis peut-être quelques heures lui parut soudainement intenable. Sa vision revint avec plus de netteté, mais elle ne parvint pas à comprendre ce qui se déroulait sous yeux. Soneïs et Philos semblaient à bout de force. Derrière eux, un énorme cristal structurel était totalement déchargé, sans être attaché à une quelconque machine. Du côté de Galane, tout un amas d’orichalques vides jonchait au sol. L’un de ses Cardinaux se laissa tomber sur le dos d’épuisement en la sommant :

— Je t’en supplie Orion, reste consciente ! On ne pourra pas gérer une deuxième pierre comme ça pour te redonner de la force vitale !

— On doit rejoindre les hauteurs maintenant qu’on peut la faire bouger ! s’empressa Galane.

Orion commença doucement à avoir une vision plus large sur ce qui l’entourait et l’horreur la saisit avec violence. Tout ce qui se trouvait devant elle n’était qu’un chaos de ruine fumante ou encore rongée par le feu par endroit. Tout n’était que désolation. Elle avait échoué… Miline la secoua par les épaules tout en l’implorant :

— Non, non, non, Orion ! Arrête pas le flux maintenant où on se fera engloutir !

Engloutir ? Fébrilement, elle leva les yeux vers le ciel. Le dôme de protection qu’elle maintenait depuis un temps qu’elle ne pouvait pas définir perdait sa force. Son pilier au sommet de la montagne était de toute évidence celui qui les activait tous et sa luminosité vacillait dangereusement. Tout en suivant la courbe qu’il formait au-dessus d’Atlantis, elle découvrit avec effroi pourquoi elle ne devait pas se relâcher. La mer se déchainait contre la paroi alors que le ciel déversait un déluge sans fin. L’eau avait tant monté, peut-être plusieurs dizaines de mètres, que la libérer reviendrait à noyer une grande partie d’Atlantis. Doucement, le voile commença à se dissiper tant elle était terrifiée. Sonéïs prit son visage entre ses mains tout en essayant tant bien que mal à garder son sang-froid et la mit face au fait :

— Orion, tu tiens cette barrière depuis presque six jours ! On a tout fait pour te donner la force de continuer et évacuer autant de survivants que possible, mais admets-le ! Tu es à bout de force !

— Il ne reste plus que toi qui n’as pas rejoint les hauteurs, ajouta Philos en se relevant. Ton peuple a besoin de ta présence pour surmonter cette catastrophe ! Galane ! Active le char !

À ses mots, les trois Cardinaux jetèrent leur pierre à la jeune femme qui s’exécuta sans attendre. Orion remarqua la machine quelques mètres plus loin, mais elle devait se rendre à l’évidence : elle n’avait aucune force pour bouger par elle-même. Surtout, se mettre en mouvement lui fera rompre le flux. Elle avait vraiment tenu six jours ainsi ? Tout ça ne lui avait paru que quelques heures quand son esprit naviguait dans les limbes. À nouveau, elle leva les yeux sur le cataclysme dont seul le dôme protecteur qu’elle maintenait faisait barrage. Comment la mer avait-elle pu monter à ce point en peu de temps ? En tout cas, elle comprenait maintenant pourquoi elle avait ce sentiment de pression sur le flux. Elle entendit vaguement un appel de Galane, mais son attention demeurait fixée avec horreur sur l’horizon. Philos et Sonéïs passèrent soudainement leur bras sous les siens pour la mettre debout et elle s’affola :

— Mais qu’est-ce que vous faites ?

— Tu ne peux pas rester là ! lança Miline en prenant les devants.

Les deux hommes la soulèvent d’un coup en jouant de leur taille pour que ses pieds ne touchent plus le sol. La base de son sceptre perdit le contact avec la terre et immédiatement, Orion sentit qu’elle avait coupé le flux. Alors qu’elle se faisait trainer de force vers le char dans la précipitation, elle s’alarma :

— Laissez-moi ! Je dois maintenir le dôme ! Je dois vous protéger ! s’époumona-t-elle désespérément en voyant le sommet de la défense se désagréger.

— Et nous, on veut que tu survives ! siffla Miline du même ton.

Alors qu’ils la déposaient sur la machine et que chaque Cardinal prit place pour activer leur résonance et s’élever, Orion resta impuissante tandis que son rempart disparaissait progressivement. Incapable de bouger, incapable de faire vibrer son orichalque, elle n’avait que ses larmes et ses lamentations devant ce cruel spectacle.

Les flots déchainés commencèrent à déborder avant que de gigantesques cascades se forment en emportant tout sur son passage. Les édifices les plus massifs résistaient, mais ils semblaient tenir qu’à un fil. Rien n’échappait à cette puissance destructrice qui noyait Atlantis, elle ne pouvait que voir l’ampleur des dégâts au fur et à mesure que le char s’élevait difficilement. Sa gorge se noua davantage, Les Cardinaux étaient aussi épuisés. Miline l’informa :

— On va jusqu’à la ziggourat, c’est le bâtiment le plus haut du continent.

— Vous êtes en train de tous les laisser mourir, pleura-t-elle en ayant de moins en moins de force pour se soutenir.

— Les rescapés ont déjà rejoint les hauteurs, tu étais la dernière à évacuer, précisa Philos avec une douleur marquée dans ses paroles.

— Comment ça, « les rescapés »…

Sa voix s’étouffa au fil de ses mots. Orion s’écrasa toujours plus sur la surface du char. L’épuisement était en train de gagner du terrain bien qu’elle faisait tout ce qu’elle pouvait pour lutter contre cette fatigue. Elle refusait de sombrer encore dans le néant, comme à chaque fois qu’elle manipulait en trop grande quantité l’Essence. Difficilement, elle articula :

— Je ne peux pas laisser l’Innommable nous détruire…

— Orion, lâche prise, tu es à bout, rappela Galane. Tu nous as déjà tous sauvés de bien pire !

— La destruction n’est pas une fin, mais le début d’une création, lui ajouta Sonéïs.

Progressivement, elle perdit pied. Seul le chaos de l’eau résonnait à ses oreilles comme une preuve de sa faiblesse. Alors que sa conscience ne parvenait plus à se battre pour ne pas se faire engloutir, un frisson la traversa quand des murmures distincts percèrent son esprit :

« Il n’y a pas de Destruction sans Création Nithysse… »

« Il n’y a pas de Création sans Destruction Akhenn ! »

« Les Créations naissent du néant ! Mes mondes deviendront éternels ! »

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