Fox
— Côme ?
— Prêt, répondit le concerné du tac au tac.
— Avec Fox, poursuivit le Grand Sorcier.
— Bien, nous acquiesçâmes à l'unisson.
Je me dirigeais d'un pas raide vers Côme, ayant été désignée comme son binôme. Son armure était d'un noir aussi vif que sa chevelure ébouriffée. Bien sûr, il avait fallu qu'on m'envoie à la presque mort avec le débutant. Je ne savais pas pourquoi le Grand Sorcier avait résonné ainsi mais pour l'instant ce n'était pas le problème principal. L'ennui c'est que je ne pouvais pas me permettre d'avoir un coéquipier. Ce serait beaucoup trop dangereux, pour lui comme pour moi. S'il découvrait que je-
— Il ne reste que deux Pierre Sacrées, commença notre dirigeant coupant court à toutes mes pensées vagabondes. Vos équipes sont toutes assignées à la même pierre cependant.
La même ? Dix chevaliers pour une pierre ?
— Bien sûr, continua-t-il, l'équipe qui me l'apportera aura une somptueuse récompense en plus de son dû.
Cette mission sentait le sang à plein nez. Pas besoin d'observer les autres pour savoir qu'ils seraient prêts à tout après l'extraction de la Pierre Sacrée. J'étais tendu comme un arc à l'idée de devoir survivre non seulement à l'épreuve de la Pierre Sacrée mais en plus aux autres chevaliers rouges. Je tentais tout de même un regard vers Côme.
Était-il capable d'assassiner sa coéquipière pour en récupérer tout le profit ?
À partir de là, je me promis de ne jamais baisser ma garde car bien qu'on doive tout affronter ensemble, il pourrait me planter un couteau dans le dos à tout moment. Au sens figuré comme au sens propre.
Maintenant, il ne restait plus qu'à découvrir pour laquelle des deux dernières pierres restantes le Grand Sorcier cherche à nous voir s'entretuer.
— Vous irez tous retrouver la Pierre Sacrée du Feu, s'aligna-t-il au cours de mes pensées. Vous partez dès maintenant.
Je n'attendu pas plus de temps qu'il n'en faut pour m'extirper en vitesse d'ici. J'avança à pas rapides dans la forêt direction l'Est quelques minutes durant.
J'écartais les lianes qui barraient le creux de la pierre après avoir jeté un léger coup d'œil au-dessus de mon épaule, puis entrais à quatre pattes dans le passage de la montagne.
À défaut de ne pas pouvoir rentrer chez moi, je m'étais créée un nouveau refuge en dehors du palais. C'était un peu plus...sauvage, mais ça faisait largement l'affaire.
En sortant du tunnel rocailleux, je me plaquais contre la paroi, debout, juste à côté du trou. Comme prévu, un individu en sort peu de temps plus tard, je le pris au dépourvu en le plaquant au sol, ma dague se retrouva alors pointée sous son menton tandis que mon poids le maintenait parterre.
— Putain, bougonna-t-il, tu maltraites souvent les gars avec qui tu fais équipe ?
Je pressais un peu plus le bout ma lame contre sa peau. Il n'avait rien à faire ici, même en étant mon coéquipier. C'est mon refuge.
— À ce que je sache, quand on fait équipe avec quelqu'un on ne l'espionne pas. On lui fait confiance.
Et je ne ferais plus jamais confiance à personne en dehors de celle aveugle que j'avais en mon frère. Dans mon monde la confiance est un prix trop grand à payer si elle est rompu...et elle l'est systématiquement un jour ou l'autre quand on a l'éternité devant nous.
— Je plaide coupable, il mit les mains en l'air avec un sourire goguenard que je voulu aussitôt découper en petit morceaux. Je voulais juste connaître un peu plus ma coéquipière. On va passer tout notre temps ensemble apparemment. Et puis, t'as entendu l'ancien, ça commence tout de suite. Les autres doivent déjà se battre pour y arriver en prem's.
J'examinais son visage caché par son masque un instant encore après sa petite tirade dont je n'avais cure. Cependant, je ne trouvais aucun indice qui me permettrait de savoir à quelle lignée il appartenait. Ses yeux étaient d'un bleu/gris moins polaire que les Dragons des Glaces. Ses cheveux d'un noir si profond qu'il lui en venait des reflets bleutés auraient pu m'indiquer qu'il faisait partie de la lignée des Werecat, sauf qu'il n'a pas leurs yeux or, ni de fente en guise de pupille.
Peut-être est-il un hybride ?
Je retirais lentement ma lame laissant un léger filet de sang imprégné ma dague, j'approchais ensuite l'acier sous mon nez sans pour autant libérer ce qui ressemblait à un jeune homme de mon poids.
Rien.
Son odeur était camouflée par je ne sais quel sortilège. Il avait été prudent pour préserver son identité à en croire par le sort —que je reconnais comme assez puissant— qu'il avait utilisé.
— Je ne pensais pas que cette première rencontre allait aboutir sur le reniflement de mon sang. Mais si c'est ainsi que vous souhaitez la bienvenue à vos invités, pourquoi pas ?
Son regard amusé et son petit sourire en coin ne me plaisaient pas. Sa mine rieuse encore moins. Je sentais que j'allais détester ce personnage. Non, en fait, je le détestais déjà depuis la seconde où il avait mis un pied sur mon territoire.
Il se redressa sur ses coudes, la tête légèrement inclinée vers la gauche en soutenant mon regard.
— Ou peut être souhaitez-vous joindre l'utile à l'agréable ?, son regard perçant dévala sur la proximité de ma poitrine frôlant presque son torse jusqu'à la jonction de nos corps au niveau de nos bassins.
Je me relevai immédiatement de ses hanches. Après avoir raclée une goutte de son sang sur ma lame avec le bout de mon index, je m'éloignai rapidement de lui d'un pas en arrière. Il se relevait à son tour en prenant son temps pour épousseter ses vêtements noirs. Sur le bout de mon doigt, je senti la chaleur du liquide rouge. Cependant, ma peau ne réagissait pas, je ne ressenti rien.
Son sang ne contenait pas de magie.
— Vous êtes un...
Il haussa un sourcil sombre en se penchant assez vers moi pour avoir son visage juste devant le mien. Prise de nausée, je fis trois pas en arrière, ignorant la brûlure que mon dos subi en étant entré trop violemment en contact avec la roche montagneuse. Ma main se plaqua contre ma bouche, mes yeux s'ouvrant avec horreur. Je finis ma phrase en murmurant entre mes doigts le mot que je hais le plus au monde : humain.