Inconnu
â Pour la milliĂšme fois, il faut que tu arrĂȘtes de foncer tĂȘte baisser. Imagine s'ils t'avaient reconnu, ou pire encore.
Depuis mon retour du bal qu'avait organisé Ares, mon pÚre ne cesse de me réprimander dû à mon manque de préparation et que selon lui j'aurais pu me faire découvrir.
â Mais ce n'est pas le cas et je portais un masque ainsi qu'un modificateur de voix.
Je remercie encore mon assistant et aussi bras droit de me l'avoir fabriqué. Avec tout ce qu'il se passe en ce moment, ce n'est pas le temps pour moi de commettre une erreur de risquer de mettre la vie de ma famille en danger.
â La prochaine fois, part avec un de nos hommes pour assurer ta sĂ©curitĂ©.
Je pousse un long soupir et me pince l'arĂȘte du nez, tant je suis exaspĂšre de son comportement.
â Papa, je ne suis plus un gamin, je peux me dĂ©brouiller seul.
Des toux rĂȘches Ă©manent de sa gorge et de plie en deux en se jetant sur la chaise derriĂšre lui.
â Papa, il faut que tu Ă©coutes les conseils du mĂ©decin et te reposer.
â Je ne peux pas te laisser gĂ©rer tout ça seul, d'autant plus que tu veux dĂ©clarer la guerre aux Almeida et Ă la femme du prince.
Cette femme, elle Ă©tait supposĂ©e ĂȘtre mienne, sans que quelqu'un d'autre ne me la prenne, mais il a Ă©tĂ© plus rapide que moi sur ce coup et l'a eu avant moi. Mais je me jure de la ramener ici, en Pologne.
Un lĂ©ger coup donnĂ© Ă la porte me ramĂšne Ă la rĂ©alitĂ©. Je pivote vers la porte et remarque la petite tĂȘte de mon neveu, le nez en sang. Je me prĂ©cipite vers lui tout en prenant soin de ne pas l'effrayer.
â Wujek, ne t'inquiĂštes pas pour mon nez, je suis simplement tombĂ© en montant les escaliers, rien de grave.
à seulement 8 ans, il est plus endurant et plus fort que les autres enfants de son ùge, et ce n'est pas normal, il a été obligé, par ma faute et celle de son pÚre, de s'endurcir et de trÚs vite comprendre des choses qu'il est supposé ignorer l'existence. Ce n'est qu'un enfant, une ùme innocente qui ne devrait pas à  savoir toutes ces choses...
â Romain, te voilĂ ! s'exclame avec soulagement Anthony, mon bras droit.
Le petit ĂȘtre se met Ă courir Ă l'opposĂ© d'Anthony, en Ă©clatant de rire. Ce son, c'est l'un des rares que j'entends et qui est sincĂšre et non forcĂ©.
â DĂ©solĂ© pour son nez, je ne...
Je le coupe, ne voulant pas entendre ses excuses, non pas parce que je lui en veux, mais parce que je sais qu'il ne le blesserait jamais volontairement.
â Vas le retrouver avant qu'il ne se blesse pour de vrai.
â Toto, oĂč es-tu ? l'appelle Romain.
Il allait le rejoindre quand Romain revient vers nous, essoufflĂ© et tremblant de peur. Une seule personne dans cette baraque peut lui provoquer autant de peur, et mĂȘme si ce dernier ne lui ferait pas de mal, mon neveu ne peut s'empĂȘcher de trembler devant lui. Il se cache derriĂšre ma jambe, agrippĂ© Ă mon pantalon, me prenant pour son bouclier.
â Chuck, qu'est-ce qui t'amĂšne, tu n'Ă©tais pas supposĂ© ĂȘtre dans un avion pour Bali?
â J'allais y aller quand j'ai dĂ©couvert, grĂące Ă une taupe du palais que ce fils de pute de Ares qu'il allait partir pour Madrid avec la fille, son bras droit et quelques-uns de ses hommes.
Je sens de l'agitation Ă cĂŽtĂ© de moi, ce qui me fait tourner la tĂȘte vers mon pĂšre qui quittait la salle oĂč nous Ă©tions quelques minutes plus tĂŽt, se tenant difficilement la poitrine. Je rĂ©flĂ©chis quelques secondes, pesant si je dois partir et prendre le risque de laisser mon pĂšre ici, ou partir pour Madrid. La dĂ©cision ne prend pas longtemps Ă fuser dans mon esprit:
â Nous allons Ă Madrid. conclue-je
Je ne sais pas ce qu'ils vont foutre là -bas, mais je suis sûr et certain qu'il ne s'agit pas d'une simple visite touristique. Si Ares s'en va voir l'homme auquel je pense, j'aurai de sérieux problÚmes et trÚs vite.
***
Camilea
Je viens à peine de descendre du jet que la chaleur étouffante me fouette en pleine face. Je ne suis pas habillé adéquatement pour cette température. Avec mon pull à manche longue en laine et mon jogging, je sens que si je ne me déshabille pas vite, je vais finir par suffoquer. Voyant mon malaise, Jason s'approche de moi et me tend une bouteille d'eau.
Silencieusement, je le remercie et boit la bouteille d'une traite, ne sachant mĂȘme pas que j'avais soif. Il est vrai que depuis mon arrivĂ©e au palais et les semaines qui ont suivi, je n'ai pas bu une seule goutte d'eau.
â Nous allons bientĂŽt aller Ă la demeure et tu pourras te changer.
Comme pour suivre ses propos, Leonardo dont j'avais volontairement ignoré la présence, nous interpelle et nous indique d'aller l'attendre dans une Berline noire qui venait de se garer à quelques pas de nous.
â On y va, lance Leonardo Ă mon intention, voyant que je ne bouge pas. Tom, s'adresse-t-il Ă un homme dont la carrure aurait pu m'impressionner s'il n'Ă©tait pas en train de manger une compote Ă la pĂȘche et s'il ne portait pas ses lunettes de soleil en forme de fleur de couleur rose et ses vĂȘtements dĂ©contractĂ©s.
Le concernĂ© hoche simplement la tĂȘte sachant dĂ©jĂ pourquoi son chef l'appelle. Sentant peut-ĂȘtre mon regard sur lui, il se penche lĂ©gĂšrement et m'adresse un simple sourire avant de nous tourner le dos.
Je décide finalement d'aller dans la Berline et m'installe sur la banquette arriÚre attendant la venue de mon geÎlier, qui ne tarde pas à se présenter à l'intégrer de l'habitacle. TrÚs vite, nous démarrons et quittons le terrain de l'aéroport.
Les routes de la ville sont animées, des marchands ambulants discutent avec des clients, des passants crient, des enfants jouent au ballon avec sur un terrain un peu plus loin. Les rues sont propres, bien qu'elles soient bondées. Je me demande on est dans quel quartier de Madrid?
â ...trois fois... lea... Camilea.
J'entends qu'on m'appelle mais je n'arrive pas Ă distinguer la voix de celui qui m'appelle. Je sens la voiture s'arrĂȘter, mais je n'arrive pas Ă bouger ou Ă distinguer quelque chose.
â Leonardo, ça fait depuis combien de temps qu'elle n'a pas mangĂ© quelque chose de salĂ©e ?
Je n'entends pas la réponse qu'il lui donne sentant mes muscles se détendre, trop rapidement, et ma vue devenir floue petit à petit.
â... chute... q... chute de tension.
Ce sont les derniers mots qui me parviennent avant que je ne sombre dans un sommeil forcé.
***
Leonardo
J'apporte son corps frĂȘle et inerte Ă l'intĂ©rieur du manoir de mon pĂšre et la dĂ©pose doucement sur le canapĂ© pour Ă©viter de lui faire mal. Jason reste derriĂšre moi, en retrait, attendant que je fasse je ne sais quoi.
â Quoi? je lui demande, voyant qu'il ne dit rien, bien qu'il m'observe.
â Je vais lui prĂ©parer une soupe.
Il quitte le salon sans rien ajouter de plus et me laisse seul avec elle. Mes hommes qui sont venus avec moi son dans un autre axe du Manoir, ce qui fait que nous sommes entrĂ©es dans des portes diffĂ©rentes. Ă cĂŽtĂ© de moi, j'observe la poitrine de Camilea bouger au rythme de sa respiration qui s'est rĂ©gulĂ©. Je n'ai pas vraiment fait attention Ă sa santĂ© et j'aurais peut-ĂȘtre dĂ», car elle n'est plus sous les ailes de son pĂšre, mais sous la mienne et en tant que pseudo mari, je me dois de prendre soin d'elle.Je lui avais promis.
Je vois ses paupiĂšres commencer Ă bouger, signe qu'elle s'apprĂȘte Ă Ă©merger de son Ă©tat de semi-conscience.
â OĂč est-ce qu'on est? me demande-t-elle d'une voix rauque que je ne lui connais pas.
Dans la cuisine, j'entends Jason s'activer et sortir plusieurs ustensiles des placards et des tiroirs. Je reporte mon attention sur la femme à cÎté de moi, qui s'était redressée en position assise et lui donne une bouteille d'eau que j'avais calé dans une des valises.
â Merci.
Elle la boit d'une traite, ce qui me fait m'interroger, c'est la deuxiĂšme bouteille qu'elle avale en moins d'une minute. C'est vrai qu'il fait chaud Ă Puerta Del Sol mais pas au point de mourir de soif ou Ă cause de la chaleur.
â J'aurais une question, ou plutĂŽt deux.
La question fuse avant mĂȘme que je ne puisse rĂ©flĂ©chir correctement. Sa bouche se ferme puis s'ouvre Ă plusieurs reprises mais aucun son n'en ressort. Je me surprends Ă les observer, en passant par son visage, ses yeux gris, ses longs cils qui rendent sont regards plus perçants.
Voyant qu'aucune qu'elle ne me donne aucune réponse, je poursuis sur ma lancée:
â Ăa fait depuis combien de temps que tu n'as pas mangĂ© ou bu?
â Euhm... Je dirais depuis deux semaines.
Elle reste stoĂŻque, tandis que moi, intĂ©rieurement, Un mĂ©lange de peine pour elle et de colĂšre contre moi-mĂȘme m'envahit.. J'avais promis de la protĂ©ger et de veiller sur elle mais si mĂȘme quand on est sous le mĂȘme toit je n'arrive pas Ă remarquer qu'elle ne se nourrissait pas, comment je compte le faire face Ă nos ennemis, qui commence vraiment Ă m'inquiĂ©ter.
Avant de venir ici, Jason m'avait fait un compte rendu des derniers jours et m'a mĂȘme affirmĂ© ce que je craignais le plus, nos ennemis commencent Ă prendre de l'ampleur et ils sont remontĂ©s, prĂȘts Ă nous Ă©craser, Ă la moindre faille ou signe de faiblesse.
â Pourquoi tu ne te nourrissais pas? Tu es malade? Tu a peur que je t'empoisonne?
Je n'ai jamais, en aucun cas ni dans les millions de scénarios imaginables, envisager de l'empoisonner ou de lui faire du mal.
Tu l'as menacé souviens toi! Et je regrette.
â Non, non et non. Aucun de tout ça, je pense que mon cerveau Ă©tait en mode alerte et en oubliait que je devais me nourrir.
â En alerte? Est-ce qu'il y a quelqu'un ou quelque chose qui te mets mal Ă l'aise au palais? Si c'est le cas, dis-le-moi et je me chargerai de rĂ©gler le problĂšme.
Avant qu'elle ne puisse rĂ©pondre, Jason passe la tĂȘte par l'embrasure de la porte qui sĂ©pare le salon de la cuisine pour vĂ©rifier ce qu'on trame.
â C'est prĂȘt dans quelques minutes, la coupe Jason dans sa lancĂ©.
â Je suis en alerte parce que je suis stressĂ© pour mes frĂšres et j'ai peur de ce que mon pĂšre pourrait leur faire, connaissant sa folie.
Sa voix est moins maĂźtrisĂ©e et laisse entrevoir une peine et une profonde tristesse qui me fent le cĆur.
â Tu... Euh... Je... On peut les ramener avec nous.
Je vois ses yeux s'écarquiller face à ma réponse mais je n'ai pas fini, alors je continue :
â Je veux dire, ils peuvent vivre avec toi, et ĂȘtre en sĂ©curitĂ© au palais, mais pour ça...
â Je ne veux pas retourner Ă Londres, s'il te plaĂźt.
C'est limite si elle ne joindrait pas ses deux mains entre elles pour me supplier. Je ne la reconnais plus. OĂč est passĂ©e la femme qui tenait tĂȘte au parrain de la mafia? OĂč est passĂ©e la femme brave qui n'avait peur de rien? OĂč est passĂ©e celle que j'ai rencontrĂ© il y a trois semaines.
â Tu n'y retourneras pas si c'est ton choix, j'irai les chercher avec Jason et Tom.
Je sens son corps s'écraser contre le mien alors que ses bras viennent entourer mon cou pour m'offrir une étreinte pour me remercier. Je reste crispé sur le canapé, ne pouvant pas répondre à son étreinte.
â Merci, merci, merci !!!
Je sens un liquide dans mon cou, ce qui me fait remarquer qu'elle Ă©tait en train de pleurer. Pris de panique, je la repousse lĂ©gĂšrement pour observer son visage. Sur celui-ci, je pouvais lire du soulagement qui me fait chaud au cĆur. Je ne suis pas quelqu'un de sentimental ou qui aime les petites attentions, encore moins quand il s'agit des autres, alors c'est maladroitement que j'essuie les quelques larmes qui restaient sur sa joue. Je prends sa tĂȘte et vient le coller sur mon torse pour essayer de la calmer.
â La soupe est prĂȘte. nous avertit Jason
Je l'éloigne de moi et l'aide à se lever pour aller en direction de la cuisine.
â Il faut que tu reprennes des forces, tu en auras besoin. lui conseille Jason en tendant un bol devant elle avec une cuillĂšre.
Je la laisse manger en silence et intime Ă Jason de me suivre dans le salon, prĂšs de la baie vitrĂ©e, lĂ oĂč elle ne nous entendra pas.
â Je vais aller le voir ce soir, tu restes ici avec elle. Je prendrai quelques gars avec moi. claquĂ©-je sentant le regard interrogateur de mon ami sur moi.
â C'est compris.
â Assure-toi qu'il ne lui arrive rien durant mon absence, tu as sa vie entre tes mains.
Je n'attends pas une rĂ©ponse de sa part que je suis dĂ©jĂ partie en direction de l'espace rĂ©servĂ© Ă mes hommes pour aller en choisir quelques-uns pour m'accompagner. Plus vite je quitterai cet endroit, plus vite je cette peur qui commence a me gagner se dissipera. En plus, j'ai comme un mauvais pressentiment.Â
Wujek: Oncle, tonton { en polonais}