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14 - - ÉPILOGUE -
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LeLapinaPlumes

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Bzz Bzz Bzz. Bzz Bzz Bzz.

Surpris, Eliott saisit son téléphone, qui vibrait alors qu’il était en plein cours. Le nom de sa mère s’affichait, et c’est d’une main tremblante qu’il pressa la vignette verte sur l’écran tout en remontant les marches vers la sortie de l’amphithéâtre.

— Maman ? murmura-t-il en décrochant.

Un long silence suivi d’un sanglot étouffé lui répondit alors qu’il atteignait le couloir.

— Eliott je… Ton père… Il… C’est fin…

— Non ! Nonnonnon !

Il s’affaissa dans le corridor, incapable de parler. Incapable de raccrocher. Accroupi le long du mur, il resta immobile, pleurant en sans bruit. À l’autre bout du fil, sa mère faisait pareil. L’on n’entendait que sa respiration hachée quand elle parvenait à inspirer.

C’est là que Jules le trouva, prostré, de longues minutes plus tard.

Ne le voyant pas revenir, son ami s’était inquiété et avait fini par se faufiler en douce hors de l’amphi afin de comprendre ce qu’il se passait. Le découvrant mutique, il s’empara du portable, toujours en ligne, et prit la parole. C’est ainsi qu’il apprit le décès du père de son camarade, dont il ignorait la situation jusqu’à présent. Il murmura quelques mots, raccrocha le téléphone et le glissa dans la main d’Eliott.

— Attends-moi là, je vais chercher nos affaires. Je te ramène chez toi.

Eliott était bien incapable de bouger, de toute façon. Jules le retrouva exactement au même endroit lorsqu’il revint quelques instants plus tard, chargé de leurs deux sacs.

**

Mathis s’était tenu en retrait, avec Jules et deux femmes qu’il ne connaissait pas, mais qui étaient aussi des camarades de promo d’Eliott, pendant toute la cérémonie. À présent que cette dernière était terminée, et que le cercueil avait été placé dans la tombe, il n’y avait plus grand monde. Seuls les plus proches étaient conviés au petit buffet servi chez le jeune homme. Jules était resté un moment, puis reparti. Le boulanger s’avança vers Eliott, dans l’espoir qu’il communique enfin avec lui.

Dans la semaine qui avait suivi l’annonce du décès, Mathis n’avait eu aucune nouvelle. Eliott ne répondait pas à ses messages, ni à ses appels. Il n’était pas venu travailler à l’appartement pendant ses heures de pause et n’était pas passé à la boulangerie au déjeuner. C’est par Jules que Mathis avait eu les informations concernant les obsèques. Il était rongé d’inquiétude, mais comprenait le silence de son amoureux. Il avait sûrement besoin d’être seul avec sa mère, et sa tante, et puis il fallait préparer la cérémonie, et…

Eliott se détourna lorsqu’il le vit approcher. Mathis resta un instant interdit, mais se reprit bien vite et saisit l’étudiant par la main.

— Eliott, attends.

— Non. Merci d’être venu, mais la cérémonie est finie. Tu peux partir à présent.

— Mais… Non ! Il est hors de question que je te laisse alors que tu es… tu es…

Dévasté. C’est le mot qui lui vint à l’esprit quand il put regarder de plus près le visage de son amoureux. Mais il le retint, et se mordit la lèvre un instant avant de reprendre :

— Parle-moi Eliott. Je… Je suis là pour toi. Toujours.

— Parler pour dire quoi ? Il est mort, et c’est moi qui l’ai tué ! Si je n’avais rien dit, si je ne lui avais pas parlé la veille, il… il serait encore là !

— Eliott Villebois ! Je t’interdis de dire une chose pareille !

Surgie de nulle part, la mère d’Eliott s’était plantée devant lui, les poings sur les hanches.

Elle saisit le poignet de son fils d’une main, celui du boulanger de l’autre, et les entraîna jusque dans la minuscule entrée avant de reprendre en chuchotant furieusement :

— Je ne sais pas ce que tu as dit à ton père la veille de sa mort Eliott et ça ne me regarde pas, mais s’il a embrassé la mort c’est parce qu’il était rassuré ! Tu ne l’as pas revu après, mais moi j’étais là ! Je ne l’ai jamais vu aussi apaisé et serein que le jour de sa mort ! S’il y a bien une chose pour laquelle tu te trompes, c’est ça ! Il est mort parce qu’il a enfin accepté de lâcher prise. Parce qu’il avait confiance en nous !

Le visage ravagé de chagrin d’Eliott pâlit encore plus, si cela était possible. Des larmes coulèrent de ses yeux et Mathis dut réprimer l’envie pressante qu’il avait de le prendre dans ses bras et d’essuyer l’eau qui ruisselait de son regard perdu.

— Monte te reposer dans ta chambre Eliott, ajouta la voix blanche de sa mère. Vous, là ! Ne le laissez pas seul.

Mathis opina, parce qu’il n’était pas question de se débiner face à une femme aussi catégorique, et Karine retourna d’un pas décidé vers les invités, toujours au salon. Dans la pénombre, le boulanger attira l’étudiant contre lui et cette fois ce dernier se laissa faire. Mathis planta un baiser dans les boucles brunes, puis entraîna son amoureux à l’étage. Si sa mère lui avait de « monter » se reposer, c’est que sa chambre devait s’y trouver.

La pièce était minuscule. Meublée d’un lit à une place, d’un bureau et d’une armoire, la chambre était pourtant personnalisée. Les murs étaient tapissés de photos de famille, d’affiches d’expositions jaunies par les ans et… de fiches de révisions ? Oui. Oui, songea Mathis, c’était bien Eliott d’intercaler une image de lui enfant avec une reproduction d’un Matisse et une feuille recouverte de schémas d’anatomie.

Il enlaça de nouveau l’étudiant. Eliott se cramponna à sa chemise et enfouit le visage contre son torse, le corps secoué de sanglots. Mathis glissa une main dans les boucles brunes, l’autre au creux de son dos pour le maintenir contre lui. Longtemps, le boulanger resta silencieux. Il ne servait à rien de parler maintenant, et il se contenta de tenir contre lui le jeune homme. Comme si son étreinte pouvait l’empêcher de tomber en morceaux sur le tapis coloré qui recouvrait le vieux lino.

Lorsque les sanglots ralentirent enfin, Mathis attira Eliott vers le lit, où il s’assit en le tirant sur ses genoux. L’étudiant se blottit contre lui, ramenant ses jambes osseuses contre sa poitrine. Le blond l’enserra tout entier de ses bras, à nouveau. Il le tint contre lui sans un mot.

Un temps infini sembla s’écouler avant qu’Eliott ne murmure d’une voix ténue :

— Je suis désolé…

Mathis glissa de nouveau les doigts dans les boucles brunes et répondit tout bas :

— Tu n’as pas à être désolé, Eliott. Ta réaction est tout à fait compréhensible. J’aurais probablement eu la même.

— Tu… tu crois ?

— Bien entendu. Ça a dû être terrifiant de vivre ça tout seul.

Eliott enroula ses bras maigres autour du cou du boulanger et chercha ses lèvres. Leur baiser avait un goût de sel.

**

Mathis descendit l’escalier lentement, et se racla la gorge pour s’annoncer en entrant dans la cuisine. La tante et la mère d’Eliott y étaient attablées, un mug de tisane entre les mains.

— Je… Il s’est endormi. Je… Vais vous laisser ?

— Je ne pense pas que ça soit une bonne idée.

Le boulanger leva un sourcil interrogatif. Karine reprit, un faible sourire éclairant son visage fatigué.

— Je ne sais peut-être pas exactement ce qu’il a raconté à son père, mais j’ai une vague théorie. Je ne suis pas idiote, vous savez ? J’ai bien vu que mon fils avait changé. Il est beaucoup plus heureux.

— Et il mange plus aussi ! ajouta la tante d’Eliott, souriant à son tour au boulanger.

— Aussi. Et c’est chez vous qu’il vit, ou presque, n’est-ce pas ? Je pensais qu’il était chez une fille quand il me disait être « chez un ami », mais c’est chez vous.

Mathis, vaguement inquiet du tour que prenait la conversation, opina sèchement. Ce n’était pas son rôle de parler de cela avec la mère de son amoureux. Mais cette dernière balaya ses craintes d’une phrase.

— Si vous quittez cette maison avant qu’il ne se réveille je vous en voudrais éternellement. Il n’a pas de lit assez grand, mais vous pouvez dormir dans le mien ou bien…

— Je peux me serrer contre lui. Ou rester sur son tapis, si vous souhaitez que je ne sois pas trop proche de lui.

Karine rit un peu.

— Vous êtes adultes. Faites comme bon vous semble… Mathis, n’est-ce pas ? Tant que vous êtes là pour lui à son réveil si… Zut, vous êtes boulanger ! Vous préférez peut-être dormir chez vous si vous vous levez au milieu de la nuit !

Mathis osa un sourire et secoua la tête.

— Je suis en repos demain. Je peux rester autant que vous voulez, même pour ranger tout ça… Vous aussi avez l’air fatiguée, Madame. Vous devriez faire comme votre fils.

— Il a raison, Karine. Je vais prendre le canapé et un plaid si ça ne t’ennuie pas, et on s’occupera de tout ça demain, murmura l’autre femme d’un ton qui ne souffrait aucune réplique. 

Au matin, lorsqu’Eliott ouvrit les yeux, un corps chaud était lové contre le sien, un bras passé autour de sa taille. Il avait incroyablement bien dormi.

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