Il est une femme, parmi les Draconistes, au delà de tout. Elle est au dessus des règles, au dessus des lois. Au dessus de la montagne même, qui vit au sommet de l'Antre aux Dragons.
Il est dit que cette femme a vécu des siècles avant que son visage ne se plie. On dit qu'elle a le regard plus féroce qu'aucun dragon ne pourrait posséder. On dit même que les Dragons la craignent, qu'ils ont peur d'elle.
La légende de L'Aïeule a même atteint Tohrin Mar, dans les oreilles des érudits, et même les lointaines contrées de l'ouest.
Elle ne parlerait pas, ou plus, depuis si longtemps qu'on ignore si elle a des dents ou des crocs.
Ce que ceux d'en-bas ignorent, c'est qu'elle est loin d'être une vieille grand mère rabougrie, mais l'une des femmes mûres les plus belles de ce monde. Le secret de son âge réel est connu que du roi seul, et peut-être des dragons eux-mêmes.
Mais ce qui est certain, c'est qu'elle est la guerrière la plus féroce de tout le peuple Draconiste, et qu'elle est l'une des Premières.
De sa vue acérée, L'Aïeule observe le village depuis son perchoir discret; elle voit l'étranger arriver au village. Fluet, excité comme un enfant qui goûte le sucre pour la première fois. Il regarde de partout alors que c'est lui qui est épié par ceux qui l'attendaient.
Elle vit Boggan, le petit dragon de cuivre, assis sur sa tête, et elle ressentait l'esprit du petit dragon qui taquinait le garçon.
Ainsi donc, c'est maintenant que tout va commencer. Ou finir: c'était la même chose, en fin de compte.
Elle attrape son sceptre de jade orné de saphirs roses et bleues, et gravé de lettres d'or d'un alphabet si ancien que seule elle se souvenait de leurs significations. Elle soupire en les effleurant, puis jette un oeil aux suspensions sphériques qui cache l'un de ses secrets à elle. Puis elle les effleure légèrement avant de trouver la bonne, et la met au-dessus des autres.
La sphère est brune, et râpeuse au toucher. Une fine cordelette sombre la tient fermement aux autres dans le bâton.
L'Aïeule agite alors son sceptre avant de le planter dans la neige à ses pieds. Un bruit de sable qui s'égraine se fit alors entendre, discrètement, alors que une fine poussière brune s'envole dans l'air, mélangé aux flocons.
Elle jette un dernier coup d'oeil en bas et aperçoit Sandor Ventvif, qui l'observe. Elle se détourne alors de lui pour rentrer chez elle. Il en a assez vu, elle a assez fait.
Et Sandor, très respectueusement, la salue d'une révérence: il a compris.