Les ténèbres, le néant...
Recroquevillée sur moi même luttent contre la douleur, la seul chose que j'arrive à entrevoir est la mort.
THE VIXEN
Manhattan, 03h09:
J'ouvre la porte métallique devant moi. Elle grince atrocement, un bruit strident qui résonne dans l'obscurité.
L'endroit est plongé dans le noir, à l'exception d'une faible lueur qui filtre depuis une pièce au fond. Une petite pièce isolée.
Je m'avance sans bruit et entre, me retrouvant face au dos d'une silhouette féminine.
— Harpy Hare, where have you buried all your children? Tell me so I say...
Elle fredonne à mi-voix, inconsciente de ma présence.
Je ne vois pas encore son visage, mais la lumière vacillante révèle un tableau des plus... pittoresques. Des cheveux sombres, entortillés dans un chignon serré. Une peau mate, parsemée d'ombres. Et surtout, une blouse éclaboussée de taches brunâtres, qui a sans doute été blanche un jour.
— Ça pue le rat crevé ici, se plaint Lukas derrière moi, en couvrant son nez d'un air faussement dramatique.
La silhouette sursaute légèrement avant de pivoter vers nous. Son visage nous apparaît enfin : lunettes rondes, expression neutre, regard calculateur.
— Heureuse de te revoir aussi, Lukas... Sam.
Elle redresse ses lunettes du bout des doigts, un sourire à peine esquissé flottant sur ses lèvres.
— Kenna.
Elle incline légèrement la tête, amusée, puis je remarque enfin le cadavre éventré reposant sur la table d'opération.
— Putain... c'est pas joli, joli, tout ça, gémit Lukas, visiblement dégoûté.
Kenna hausse les épaules, indifférente. Elle balance son scalpel sur un chariot avec désinvolture avant de retirer ses gants, qu'elle jette dans une poubelle au coin de la pièce.
— Arrête de faire ta chochotte, Luks, je grogne, faussement sévère.
Il lève les yeux au ciel avant de reporter son attention sur notre hôte.
— Tu nous montres où ils sont ?
Kenna acquiesce simplement avant de retirer ses écouteurs et de poser sa blouse ensanglantée sur le comptoir.
— Tu écoutais quoi ? demande Lukas, curieux.
— De la musique.
Lukas cligne des yeux, incrédule.
— Nan, sans déconner ?! Je suis estomaqué par ta réponse, ma belle. Toujours aussi précise dans tes analyses, dis donc.
Elle arque un sourcil avant de répliquer, impassible :
— Si tu veux être estomaqué, ça peut s'arranger. Comme Franck.
— Franck ?
— Le gars sur la table.
Son sourire s'étire légèrement tandis qu'elle se lave les mains avec application, son regard pétillant d'une lueur presque sadique.
Lukas blêmit et exagère un faux frisson, reculant de quelques pas.
— T'es flippante, putain.
Je lève les yeux au ciel.
— Vous êtes de vrais gamins, j'vous jure...
Kenna se détourne et nous guide à travers un couloir étroit. Les néons clignotants projettent des ombres mouvantes sur les murs délabrés. Nous descendons les escaliers menant au sous-sol, nos pas résonnant dans le silence.
— Au fait, comment vas ton frères, Lukas? demande-t-elle soudain.
— Erza est en mission d'infiltration quelque part en Colombie, je l'informe.
— Et Cal est toujours le petit génie de la famille, ajoute Lukas avec un sourire fier. Lui et Roo, c'est pour la vie.
— Je vois... Faites-leur passer le bonjour.
Arrivés devant une lourde porte sécurisée, Kenna entre un code. Un bip sonore retentit, signalant la désactivation du dispositif.
— Toujours aussi parano, commente Lukas en sifflant.
— On n'est jamais trop prudent, rétorque-t-elle d'un ton espiègle.
Elle soulève un couvercle de caisse et jette un coup d'œil à l'intérieur. Je compte rapidement dans ma tête. Tout est là.
— Ça m'a surpris que vous m'appeliez pour récupérer ces machins, dit-elle en refermant la caisse.
Elle marque une pause, puis murmure :
— D'habitude, ce genre de choses attire plus les gangs que les mercenaires...
Je hoche lentement la tête. Elle n'a pas tort. Ce sont surtout les narcotrafiquants qui se battent pour ces jouets, pas des gens comme nous.
— T'as pas besoin de savoir ce qu'on va en faire, coupe Lukas, dont le sérieux est revenu en un éclair.
— Je sais.
Elle croise les bras, s'adossant à la paroi, son regard scrutant nos visages avec attention.
— Moins j'en sais sur le client, mieux je me porte... Mais bon.
Elle marque une pause, son sourire en coin refaisant surface.
— Ce n'est pas comme si vous étiez des clients ordinaires.
Je repose les yeux sur notre cargaison.
C'est vrai.
Lukas et moi ne sommes pas n'importe qui dans ce business. , En tout cas pas pour l'organisation.
L'organisation....
Flash Back:
— Tout se passera bien.
Sa main se pose sur le sommet de mon crâne, et du bout des doigts, il commence à tracer de lentes caresses sur mon cuir chevelu.
— C'est ça... repose-toi, petit renard... murmure-t-il, sa voix s'effilochant dans l'obscurité, comme un écho lointain destiné à m'emporter vers le sommeil.
La fatigue s'insinue en moi, lourde, engourdissante. Mes paupières pèsent plus que d'habitude, et je me laisse sombrer, bercé par cette présence familière.
Ma tête repose sur ses genoux, la chaleur de son corps ancrant la dernière parcelle de conscience qui me reste.
— Demain est un jour nouveau... repose-toi bien.
Sa voix n'est plus qu'un murmure, un souffle glissant sur ma peau.
— Repose-toi... tu en auras besoin, petit renard...
Et, lentement, le silence l'engloutie.
***
Un léger frisons me parcourt l'échine. Un souvenir?
Je ferme les yeux puis les rouvre en direction de mon collègue.
-Bon, on te laisse petite fleur. Dit-il ignorant cette dernière lui indiquant un geste obscène.
-Passe le bonjour à Ange, surtout!
-Je ni manquerai pas, affirme t'elle. Et toi passe le bonjour à Alhan. Dit elle d'un sourire énigmatique.
***
Greenwich, Connecticut 16h23:
Ma voiture se gare dans l'allée, et je ferme la portière en sortant de ma Chevrolet. Le vent me caresse les joues, et je profite de cet instant pour remplir mes poumons d'air frais. Mon regard se détourne furtivement lorsqu'un claquement de porte résonne de l'autre côté.
— C'était trop demandé de te garer dans le garage comme tout le monde ? me gronde-t-il de sa fausse grosse voix.
— Ça faisait longtemps, gamin ! dis-je en appuyant un peu trop sur le dernier mot.
Il fronce les sourcils et fait la moue en entendant son petit surnom.
— J'ai 23 ans ! Je ne suis plus un GAMIN ! s'offusque-t-il.
Trop facile.
-Mais oui, mais oui... le taquiné-je, et moi j'ai encore 20 ans.
Il lève les yeux au ciel avant de me prendre dans une étreinte chaleureuse, que je lui rends sans détour. Il me dépasse d'une tête maintenant, il a bien grandi.
— Allez, je vais demander à Carle d'aller te la garer, souffle-t-il en s'emparant de mes clés. Suis-moi, il t'attend déjà.
Je pénètre dans la villa et suis Rowan jusqu'à la porte du bureau. Il me lance un petit sourire, mettant en valeur ses magnifiques fossettes, puis il toque à la porte et l'ouvre en grand lorsqu'un « Vous pouvez entrer » nous parvient de l'autre côté.
— Mme Rosa Fox est arrivée, monsieur, annonce-t-il avec un sourire éclatant.
— Bien, merci Rowan. Tu peux disposer.
Sur ce, Rowan me lance un clin d'œil rapide avant de disparaître aussi vite qu'il est arrivé.
Je m'avance dans le somptueux bureau d'Enzo et referme la porte derrière moi. Assis sur son fauteuil en cuir, comme à son habitude, Enzo accapare toute l'attention, trônant avec une assurance indétrônable.
-Ça faisait longtemps, Rose. Me salua t'il, tu vas bien?
J'opine du menton et avance d'un pas assuré avant de m'installer sur l'un des sièges en face d'Enzo. Son regard pesant ne me quitte pas.
— Du nouveau ? demande-t-il d'une voix grave.
— Rien n'a changé depuis mon dernier rapport, tu sais ? lui dis-je avec un léger sourire, sans me départir de mon sérieux.
— Je sais... Je sais... grogne-t-il en s'enfonçant dans son fauteuil. Excuse mon impatience, mais avec tout ce qui se passe, j'espérais recevoir une bonne nouvelle.
Son ton est tendu, agacé.
— En parlant de bonnes nouvelles, tu recevras les sérums demain dans la journée, lui indiqué-je.
Son regard s'assombrit légèrement avant qu'un sourire, bref et froid, n'apparaisse sur son visage.
— Enfin.
Le silence retombe, uniquement troublé par le crépitement du feu dans l'âtre. Je reste droite, impassible. Enzo est un homme dangereux, un chef de gang qui ne tolère ni l'échec ni l'imprévu. Je le sais mieux que quiconque.
— J'ai aussi entendu parler de tes achats auprès d'Elise, reprend-il d'un ton plus neutre. C'est rare de te voir sur le marché des armes russes. Je croyais que tu préférais rester au Mexique et au Brésil pour ce genre de choses.
— C'est vrai. Mais les temps changent, Rose. Les alliances aussi.
Il me scrute un instant avant de hocher la tête.
— Les temps changent... murmure-t-il, songeur.
— Elise m'a dit que ta commande arrivera d'ici deux semaines, le temps de la cargaison et des préparatifs, ajoutai-je.
— Bien.
Il croise les doigts sous son menton, puis me fixe plus intensément, son regard perçant comme une lame.
— Alors... c'est décidé ? La guerre est déclarée ?
Je soutiens son regard sans ciller.
— Rien n'est encore sûr, mais il vaut mieux être préparé, surtout dans le contexte actuel, soupire t'il.
Un sourire carnassier étire ses lèvres.
— Enfin ça, tu es la mieux placée pour le comprendre, Vixen.
Le surnom claque dans l'air, comme une menace voilée.
Je ne bronche pas.
— Si c'est par rapport à la dernière mission, tout est sous contrôle, assuré-je d'un ton calme et maîtrisé.
Il ricane doucement.
— Sous contrôle ?
Sa voix est basse, dangereuse.
— On a failli se faire cramer. Tu crois que je ne suis pas au courant ?!
Son ton claque comme un fouet, mais je reste imperturbable.
— J'ai réglé le problème.
— Non. Tu as évité un désastre, mais ce n'est pas réglé, gronde-t-il.
Il se redresse, posant ses avant-bras sur son bureau.
— Et vu la gueule de Carter ces derniers jours, je suppose qu'il a compris une chose...
Il me scrute avec intensité, attendant ma réponse.
Je serre la mâchoire.
— Il a perdu confiance en moi.
Le silence s'étire, pesant.
— Et qu'est-ce que tu comptes faire ? demande-t-il enfin, sa voix plus posée, mais toujours acérée.
Je ne détourne pas les yeux.
— Je vais rattraper le coup.
— Comment ?
Je prends une légère inspiration.
— Je trouverai un moyen.
Son regard s'assombrit.
— Je n'aime pas les incertitudes, Rose. Pas dans mon équipe.
Ma voix est froide et tranchante quand je réponds :
— Je ne suis pas une incertitude.
Il me jauge encore un instant, puis hoche lentement la tête.
— J'espère que tu sais ce que tu fais...
Je baisse les yeux vers la flamme qui danse dans l'âtre.
Moi aussi, j'espère.
INCONNU
Organisation ...h...
— Bonjour, monsieur.
L'homme me salue d'un geste respectueux et s'efface pour me laisser entrer.
Je prends place dans le fauteuil en cuir, m'affaissant légèrement, mes coudes posés sur la surface froide et immaculée de la table. Un regard furtif vers ma montre en or. L'heure tourne.
— J'ai entendu dire que notre petit animal de compagnie était de retour parmi nous...
La voix rauque surgit derrière moi. Une silhouette massive se glisse à l'autre bout de la table, un sourire pincé sur les lèvres.
— Tu aurais pu nous prévenir de son retour, gronde Declan, son regard noir planté dans le mien.
— Voyons, Declan... tu le connais, tu sais très bien comment il est. Toujours à garder le meilleur pour lui, murmure une femme en s'installant à ma droite.
Je croise les doigts devant moi, impassible.
— Je ne voyais pas l'utilité de vous prévenir de son retour, messieurs.
Quatre visages se tournent vers moi, tous prenant place autour de la grande table.
— Qu'est-ce que tu mijotes ? me sourit un homme barbu en tirant lentement sur sa cigarette.
Je souris à mon tour, nonchalamment.
— Rien de spécial. J'aime simplement prendre mon temps avec mes jouets.
— Ça fait trois ans... Trois ans que cette salo—
— Fais attention.
Ma voix claque dans l'air, froide et tranchante. Ma mâchoire se serre.
— Je n'aime pas qu'on insulte ce qui m'appartient.
Mon regard se plante dans le sien avec une dureté glaciale.
— Ne t'avise pas de te mêler de ce qui est en train de se produire. Je déteste qu'on joue avec ce qui est à moi.
Le silence s'abat sur la pièce comme une chape de plomb. Plus un mot, plus un souffle déplacé.
Alexandra se racle la gorge bruyamment, cherchant à dissiper la tension.
— Bien, dit-elle en affichant une liste de documents sur le tableau. Je crois que nous pouvons enfin commencer.
***
Nous sortons de la salle à la fin de la réunion, chacun partant de son côté.
— Toujours aussi enjoué, à ce que je vois.
— Ça va aussi, je souffle en sortant une cigarette de ma poche.
Zac me suit du regard alors que j'allume ma clope, inspirant la première taffe avec un plaisir mesuré.
— Alors, comme ça, elle est revenue. Declan a raison, tu aurais pu nous prévenir, au moins...
— Hm.
Il plisse les yeux, m'observant attentivement.
— Je connais ce regard, souffle-t-il. Tu mijotes quelque chose, gamin.
Je me contente d'un sourire énigmatique.
Il soupire et se passe une main sur la nuque, résigné.
— Tout ce que je peux te dire... c'est de faire attention à toi, Ange.
HUNTER
LosAngeles 7h16:
Je manque d'air. Ma gorge me brûle de plus en plus tandis que tu resserres tes mains autour de mon coup. Ma tentative pour me libérer de ton emprise échoue lamentablement. J'essaye de hurler, mais je ne peu pas. Mes yeux me piquent et mes larmes salée tracent leur chemin sur mes joues rougies.
Je me réveille en sursaut, aspirant l'air comme un homme qui sort d'une noyade.
Ma poitrine se soulève brutalement, mes muscles sont tendus à l'extrême.
J'ai du mal à distinguer mon environnement, les ombres dans la pièce semblent danser, menaçantes. Je cligne plusieurs fois des yeux avant que la réalité ne me rattrape enfin.
Le lit. Ma chambre. La lueur pâle du matin filtrant à travers les rideaux.
Juste un cauchemar.
Encore.
Mes mains tremblent légèrement lorsque je repousse les draps. La sueur froide qui colle à ma peau me donne la nausée.
Je me lève d'un pas mécanique, presque fébrile, et me dirige vers la cuisine. Le parquet est glacial sous mes pieds nus. J'ouvre le frigo et attrape une bouteille d'eau avant de boire à grandes gorgées, espérant noyer l'angoisse qui me ronge encore la gorge.
Mais ce n'est pas l'air qui me manque.
C'est la paix.
Je m'appuie contre le comptoir, mes doigts crispés sur le plastique froid de la bouteille.
Kiara.
Son visage me traverse l'esprit, et une vague de frustration me serre les entrailles.
Je ne peux pas lui faire confiance. Pas après ce qui s'est passé.
Mais c'est ça, le problème, non ?
Elle sait justifier, mais je n'arrive pas à la croire entièrement...
Je devrais agir. Faire ce que je fais toujours. Régler le problème.
Alors pourquoi est-ce que j'hésite ?
Pourquoi est-ce que malgré tout, une part de moi cherche encore des excuses pour elle ?